mondial, reste surtout un forum de débats. L’Europe seule a la bonne dimension pour
retrouver le contrôle du capitalisme de marché global à son niveau. Si elle le veut, l’Europe
est en mesure de re-fonder le capitalisme de marché selon trois axes: préserver sa capacité
d’innovation, contenir et corriger les inégalités et assurer sa stabilité à un niveau plus élevé
d’emploi. Ce projet de "re-fondation" recréerait la possibilité d’un idéal égalitaire,
indissociable de la démocratie en Europe. Mais une telle ambition est-elle à la portée de
l’UE-27?
L'union économique ne suffit pas
Précisément, l’UE-27 souffre d’une crise d’identité illustrée par l’Europe à deux vitesses qui
s’installe avec l’Eurozone, l’espace Schengen, le mandat judiciaire et bientôt la taxation des
transactions financières. Le Royaume-Uni annonce un référendum sur l’Europe qui pourrait
s’avérer une boîte de Pandore. Ce défaut d’identité au sein de l’UE a deux origines: l’une
circonstancielle, qui va se résorber dans la durée, en l’occurrence les élargissements massifs
et brutaux imposés par l’effondrement du bloc soviétique; l’autre fondamentale, l’absence
d’un projet fédérateur au-delà du marché. L’illusion de "l’Europe par l’économie" se dissipe:
sans union politique l’UE n’a pas de futur. Mais assigner une ambition politique à l’UE-27 est
aujourd’hui prématuré. Il faut d’abord que se détache un groupe pionnier pour ouvrir la voie
d’un projet politique européen axé sur un modèle social unifié et sur la puissance nécessaire
à sa projection dans le monde. Ce noyau pourrait être fourni par l’eurozone.
Une nouvelle approche
Mais, l’eurozone mal conçue et mal gérée à la fois par ses organes, BCE comprise, et par ses
Etats-membres, est en régime de soins intensifs depuis la crise grecque de 2010. Le Conseil
européen qui a pris en charge la gestion de l’eurozone sous la pression des marchés
financiers, a choisi de procéder selon l’approche allemande. Berlin assure en effet, par le
poids et la performance de son économie, l’ancrage de la zone euro et inspire sa politique
tandis que le duo franco-allemand sert de levier pour réaliser le consensus au sein de
l’eurogroupe (les 17 Etats-membres). Cette approche est doublement problématique: d’un
côté l’eurozone s’engage dans une solidarité minimum – et insuffisante – en contrepartie
d’une discipline budgétaire maximum – et trop rigide; de l’autre la résorption des déficits et
des dettes excédentaires est recherchée par un effort collectif d’austérité qui freine la
croissance, voire l’inverse, ce qui aboutit à l’opposé de l’objectif recherché. Heureusement
se met laborieusement en place une union bancaire qui devrait discipliner et responsabiliser
davantage la finance dans l’eurozone.
En revanche, le Conseil européen n’apporte aucune réponse concrète au problème de
l’emploi, clé de la précarité et de la montée des inégalités. Les pays surendettés n’ont
d’autre alternative que la déflation budgétaire et salariale qui aggrave l’écart avec les autres
Etats-membres. En réalité, il n’y aura de relance possible en Europe que par la mutualisation
et la restructuration des dettes publiques existantes, car le surendettement public et privé
agit comme un inhibiteur de la consommation et donc de l’investissement. L’eurozone a
besoin, outre la monnaie unique gérée par la BCE, d’un budget fédéral financé par un impôt
européen, d’une harmonisation fiscale des revenus des capitaux et des profits des
entreprises et d’une intégration progressive des marchés du travail.