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Comparaison des statuts de 34 Conseils Economiques et
Sociaux de pays de la Francophonie et d’Europe et de
leurs conséquences
sur leur représentativité, leur capacité d’expertise, leur indépendance et leur insertion
institutionnelle dans les processus législatifs et réglementaires
Michel Doucin et Martin Boekstiegel,
aidés deYousra Lakhdar et Michèle Macher
13 Mai 2014
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Introduction p.1
I. La Base juridique du CES p.2
1. La Constitution comme base juridique p.4
2. Bases juridiques autres que la Constitution p.5
3. Autres bases p.6
II. La composition, les modalités de nomination des membres et leur statut p.6
1. Des différences importantes de composition avec domination des
organisations patronales et de salariés p.6
2. Des modes de nomination en miroir du degré d'autonomie concédé p.7
3. Le statut des conseillers p.8
III. La gouvernance interne des CES articulée autour des règles de
vote et les instances de coordination et de travail p.14
1. Règles de vote p.15
2. Périodicité des réunions p.16
3. Les instances de la gouvernance interne p.17
a. Le Président p.17
b. Le Bureau Comité permanent p.18
c. Les Commissions de travail, Sections p.20
d. Les groupes de constituants p.22
IV. Les missions p.22
V. Les modalités de la saisine p.26
1. Saisines politiques p.26
2. Saisines extra-politiques p.27
Conclusions p.31
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Introduction
Les Conseils économiques et sociaux (CES) sont l’institution démocratique du dialogue
social et civil. Mais ils sont aussi une institution ayant vocation de conseiller le
Gouvernement pour améliorer la politique économique et sociale, c’est-à-dire de promouvoir
à la fois le développement économique et la cohésion sociale du pays. Ce faisant, ils
contribuent à la gouvernance démocratique, la définition de démocratie étant le
gouvernement par le peuple (en représentant les forces vives de la société) et pour le
peuple (en cherchant l’intérêt général). Les Conseils économiques et sociaux répondent en
outre potentiellement à une aspiration de la vie démocratique contemporaine, d’aller au-delà
du système classique de délégation des élus en offrant une place à la participation
citoyenne, à coté et en complément du Parlement.
L’expérience prouve que pour qu’un organe puisse remplir une tâche aussi complexe que de
promouvoir le dialogue social, travailler à la duction des clivages dans la société et de
participer au processus de prise de décision gouvernementale afin de contribuer au
développement économique et social du pays, il faut qu’il réunisse un certain nombre de
critères en matière de représentativité, d’expertise, d’indépendance et d’insertion
institutionnelle dans les processus législatifs et réglementaires.
Ces 4 dimensions représentativité, expertise, indépendance et insertion dans les
processus législatifs et réglementaires forment un ensemble complexe et parfois
contradictoire : une stricte représentativité de la structure du Conseil ne permet peut-être pas
toujours dintégrer toute l’expertise (notamment scientifique) nécessaire. Mais un Conseil qui
ne serait constitué que dexperts ne serait pas, par manque de représentativité, en mesure
de construire un consensus stable entre les forces vives de la société. De même, si une
implication forte du CES dans les mécanismes politiques pourrait améliorer la prise en
compte de ses propositions, elle nuirait à son indépendance et donc à sa qualité d’institution
de la construction du consensus et de lieu d’expertise sociétale. Cest donc une judicieuse
balance entre ces dimensions qui permet à linstitution CES de contribuer à construire une
culture politique basée sur les valeurs démocratiques et le dialogue social du pays.
La présente étude vise à présenter sur la base dun regard croisé sur certains éléments
institutionnels et fonctionnels quelques unes des lignes de force communes qui
assurent le bon fonctionnement de ces institutions, mais aussi des variantes qui se
déclinent autour d’elles, ainsi qu'à en discuter dans la mesure du possible les
conséquences. L’objectif de l’étude est de présenter la richesse du monde des CES afin
d'inspirer l’échange didées entre ces institutions et de fournir une base comparative pour
d'éventuelles réformes.
Le regard se concentrera sur les CES de l’Union européenne et la Francophonie, ces deux
groupements de pays étant liés par des relations historiques fortes et représentant une
variété considérable de traditions politiques et culturelles. L'étude est basée principalement
sur les informations accessibles par internet (sites des CES, lois et textes réglementaires),
mais également sur des travaux effectués par le CES européen et l’UNDESA. Vu le grand
nombre d’institutions concernées et la rapidité de certains changements institutionnels, il est
possible que certaines des informations intégrées dans cette étude ne soient pas à jour. Le
lecteur voudra bien nous en excuser et nous signaler d'éventuelles erreurs que nous nous
empresserons de corriger.
L'inclusion des quatre dimensions précités sera examinée à travers cinq grande questions :
les bases juridiques des CES; leur composition et les modalités de nomination de leurs
membres; leur gouvernance; leurs missions; et les modalités de leur saisine.
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I. La Base juridique du CES
Le statut juridique du Conseil économique et social représente une des sources les plus
importantes de sa légitimité et de sa force par rapport aux autres institutions. Le niveau
hiérarchique dans l'ordre juridique des textes qui organisent les CES est déterminant pour
garantir que ce qu'ils affirment - indépendance vis-à-vis du gouvernement, représentativité
des forces sociales et de la société civile ainsi que qualides travaux par l'appel à toute
l'expertise utile disponible dans le pays - est digne de foi.
La Constitution étant la source juridique la plus élevée dans la hiérarchie des normes,
l'inscription des statuts du CES national dans ce texte à valeur symbolique
particulière est celle qui assure a priori la garantie la plus forte de son indépendance et
d'un positionnement dans l’ensemble des institutions qui lui donne un réel pouvoir. On
observe que la grande majorité des CES observés ici, en particulier ceux des pays
francophones sont des institutions créées par la constitution qui leur donne souvent le statut
de 3e Assemblée démocratique, avec un monopole de principe dans l'organisation et
l'animation du dialogue social...
Force est cependant de constater que le statut de constitutionnalité n’est pas toujours une
condition suffisante pour que l’importance juridique ainsi accordée au dialogue social se
traduise en réalité politique. La constitution, définissant les relations des institutions de l’État
entre elles, est aussi instrument de limitation de ces pouvoirs. Ce n'est que lorsque la
constitution définit de manière suffisamment détaillée l'intégration du CES dans le
processus politique, en particulier législatif, et lui donne une marge d'autonomie
suffisamment grande pour travailler, que ce texte ayant primat sur tous les autres
assure vraiment son rôle protecteur pour la 3ème assemblée.
À contrario et par exception, le fait qu’un CES n’a pas de base constitutionnelle ne permet
pas forcément d’en tirer la conclusion que le système politique national n'accorde qu'une
importance minime au dialogue social et à l'institution qui en est principalement chargée.
Une tradition forte de coopération entre institutions politiques et société civile peut
s'avérer tout aussi solide et permettre que le dialogue se déroule intensément bien que
sans base juridique de haut rang, comme c’est le cas pour le CES d’Autriche, par exemple.
D'autres pays européens ne sont pas même dotés de ce type d'institution, tels l'Allemagne,
la Grande Bretagne et la Suède, et sont pourtant connus pour le dynamisme de leur dialogue
social qui emprunte d'autres canaux.
Il reste qu'une grande majorité des pays européens et de la Francophonie ont créé, par voie
constitutionnelle, des CES exprimant ainsi le haut niveau de reconnaissance politique qu'ils
entendaient accorder au dialogue social comme méthode de recherche et de construction de
l’intérêt général. L'inscription des CES dans les textes fondateurs des démocraties apparaît
en effet comme une méthode pertinente pour intégrer le dialogue social dans la culture
politique d'une nation...
Un tableau permet de vérifier l'importance des constitutions parmi les sources juridiques des
Conseils dans les pays étudiés :
Base juridique du CES selon pays
Pays
Constitutio
n
Loi
organique
L
oi
Décr
et
Pas de statut
officiel
Autriche
x
Belgique
x
Bénin
x
5
Bulgarie
x
Congo
x
Burkina Faso
x
Burundi
x
Côte d'Ivoire
x
Espagne
x
Finlande
x
France
x
Gabon
x
Grèce
x
Guinée
x
Hongrie
x
Irlande
x
Italie
x
Lithuanie
x
Luxembourg
x
Mali
x
Malte
x
Maroc
x
Maurice
x
Mauritanie
x
Monaco
x
Niger
x
Pays-Bas
x
Pologne
x
Portugal
x
République
centrafricaine
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République tchèque
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Roumanie
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Sénégal
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Tchad
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