Damien Theillier – fiches de lecture - philosophie
quelles ambitions sont admissibles. Le planisme centralisé signifie que c'est la communauté qui
doit résoudre le problème économique à la place de l'individu. Ceci implique l'obligation pour la
communauté ou pour ses représentants de déterminer l'importance relative des différents
besoins.
Les créateurs de plans nous promettent une soi-disant liberté économique pour nous débarrasser
précisément de la nécessité de résoudre nos problèmes économiques, en disant que les
alternatives souvent pénibles qu'ils comportent seraient tranchées par d'autres à notre place.
Comme dans la vie moderne nous sommes dépendants à chaque instant, à chaque pas, de la
production des autres hommes, le planisme économique implique la réglementation presque
totale de toute notre vie. Il en existe à peine un aspect, qu'il s'agisse de nos besoins élémentaires
ou de nos relations de famille, de l'amitié ou du caractère de notre travail, de l'emploi de nos
loisirs, qui ne soit soumis au « contrôle conscient » des artisans du plan.
La mainmise des dirigeants du plan sur notre vie privée serait tout aussi complète si elle ne
s'exerçait pas par un contrôle direct sur la consommation. La société planifiée recourra
probablement, à des degrés variés, au rationnement ou aux procédés analogues. L'influence du
planisme sur notre vie privée demeurerait pourtant la même, ou serait à peine atténuée, si le
consommateur conservait une liberté formelle de dépenser ses revenus à sa guise. L'autorité dans
une société planifiée conserverait le contrôle de la consommation par le contrôle de la
production.
Sous un régime de concurrence libre nous jouissons d'une liberté de choix nous permettant, si
une personne se montre incapable de satisfaire nos désirs, de nous adresser à une autre. Mais si
nous devons nous adresser au détenteur d'un monopole, nous sommes à sa merci. Et, bien
entendu, l'autorité qui dirige tout le système économique constitue le monopole le plus puissant
qu'on puisse imaginer. Cette autorité n'exploitera pas, probablement, son pouvoir de la même
façon que ferait un trust privé. Elle ne cherchera pas à obtenir le maximum de gain financier,
mais disposera du pouvoir souverain de décider ce que nous recevrons et à quelles conditions
nous le recevrons. L'autorité centrale déterminera non seulement le genre et la quantité des biens
à distribuer, mais réglementera leur répartition selon des régions et des groupements de
populations, se réservant, au besoin, la possibilité d'une discrimination entre différentes catégories
de gens. Elle pourrait réglementer de la même façon la jouissance des services publics, du droit de
déplacement, etc. Il suffit de penser aux arguments des partisans du planisme pour ne conserver
aucun doute sur la façon dont s'exercera ce pouvoir : uniquement pour les fins approuvées par
l'autorité et pour empêcher la réalisation de celles qu'elle désapprouve.
Le contrôle de la production et des prix confère un pouvoir presque illimité. Dans un régime de
concurrence, les prix dépendent des quantités de biens dont nous privons les autres membres de
la société en nous rendant acquéreur de quelque chose. Ce prix n'est pas fixé par la décision
délibérée de qui que ce soit. Si la réalisation de nos projets par une voie nous paraît entraîner trop
de frais, nous sommes libres de la remplacer par une autre. Les obstacles que nous rencontrons
sur notre chemin, ne sont pas dressés par la mauvaise volonté de quelqu'un qui désapprouve nos
fins. Il se trouve simplement que les moyens dont nous voulons nous servir sont recherchés par
d'autres également. Tandis que dans l'économie dirigée, où l'autorité surveille les fins poursuivies,
elle use infailliblement de son pouvoir pour favoriser les unes et empêcher la réalisation des
autres. Ce n'est pas notre goût, mais celui de quelqu'un d'autre qui y décidera de nos préférences
et déterminera ce que nous pouvons acquérir ou non. Comme l'autorité aura un pouvoir suffisant
pour imposer ses vues et contrecarrer efficacement tout effort contraire, elle parviendra à
contrôler la consommation aussi complètement que si elle prescrivait la façon de dépenser nos
revenus.