Au lendemain des élections : chef d'Etat, gouvernement, députés, dirigeants et militants des partis politiques,
promettaient tous, à travers des discours de campagne et de séduction abusivement ambitieux, de répondre aux
aspirations de leurs électeurs. Ils prétendaient tous vouloir instaurer un nouveau modèle d'une société moderne,
égalitaire avec en prime la réussite économique et son corollaire, l'abondance matérielle.
D'autres mouvements politiques, bien qu'étrangement confiants dans le dynamisme populaire, qui sont
continuellement agités mais sous-représentés, sortent à tout bout de champ l'arme idéologique de la
mobilisation sociale pour discipliner le péril islamiste, qu'Ennahdha avait cherché subrepticement à
transformer en un facteur déterminant du devenir social, et de punir les riches et les hommes d'affaires rendus
responsables des problèmes endémiques du chômage et de la pauvreté.
Le temps aidant, tout ce beau monde s'est retrouvé rapidement à bout de souffle et à court d'idées. Le quotidien
prenant le dessus, ils s'étaient rapidement affranchis des problématiques relatives à la croissance, à la lutte
contre le chômage, à la redistribution des richesses et autres équations insolubles.
Le poids politique du quotidien
Etouffés sous le poids politique du quotidien, la couverture repliée sous le menton, ils se sont recroquevillés
tout en boudant sur les questions d'aspirations personnelles plus égocentriques qu'idéologiques. La
désintégration du parti majoritaire mise en œuvre par le patriarche de Carthage et ses familiers, les
mouvements des frondeurs, les coalitions politiques aussitôt gagnées par des ruptures, avaient dès lors réduits
l'administration des affaires politiques de la nation à de grotesques et vaines gesticulations.
Du côté du gouvernement, on s'affiche, on organise, on se réunit en conseils larges ou restreints, on arrange des
séminaires et des rencontres, on inaugure d'insignifiants chantiers, on prend des mesures sans vraiment savoir
pourquoi ni au profit de qui.
De leur côté, les partis politiques engagent à leur tour leur grand processus de liquidation de la démocratie
partagée entre le peu d'espace qui sépare querelles idéologiques et d'ego. Les débats de fond dignes d'intérêt, le
lyrisme des grands discours passés sur le développement, le bien-être, la création d'emplois, l'innovation, ne se
réduisaient plus qu'à des batailles féroces autour de faits divers insignifiants et deviennent l'expression de tous
les insatisfaits de leur sort au sein de leur propre parti ou ailleurs.
C'est alors que certains se sont lancés dans la création d'«un front démocratique», une sorte de ligue de
mécontents pour soi-disant modifier les enjeux politiques, ou simplement pour manifester leur dépit d'être
tenus à l'écart de la décision politique.
Enfin, pour compléter le tableau, il faut citer le cas de tous ceux qui, continuellement tourmentés par leur
incompétence, s'ennuient, se dérobent à leurs obligations, deviennent des râleurs, grognent des menaces
terribles, dénoncent des abus, prétendent détenir des preuves sur des «affaires», pratiquent le mensonge et la
calomnie.
Inconstance gouvernementale, règlements de comptes et grosses chamailles prennent ainsi le pas sur les
questions qui permettront d'ouvrir aux jeunes de véritables perspectives d'avenir tels les réformes de structures
qui sont les leviers nécessaires d'une transformation de l'économie et de la société dans son ensemble.
Dans son délire de grandeur, le président de la république Béji Caïd Essebsi (BCE) s'est cru vraiment en
charge de faire décoller politiquement le pays, le faisant passer d'un système de gouvernement archaïque vers
une démocratie véritable en escamotant au passage tous les systèmes développés par les mouvements de la
Renaissance, de la Réforme et des Lumières.