Jean-Baptiste de Monet, chevalier de
LAMARCK
(Bazentin, 1er août 1744 - Paris, 28 décembre 1829)
Par Dominique Petrignani
Le 1er août 1744, Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck, naît à Bazentin dans la
Somme, au sein d’une famille d’ancienne noblesse mais de modeste condition. Fils cadet,
l’enfant est destiné au sacerdoce. Aussi est-il envoyé au collège des Jésuites à Amiens suivre
des études et se préparer ainsi à entrer dans les ordres. Cependant, à la mort de son père en
1761, Lamarck s’enfuit de l’institution. Il s’engage dans l’armée du maréchal de Broglie alors
que la guerre de Sept ans oppose la France à l’Angleterre et à la Prusse. Un fait d’arme
pendant la journée de Villingshausen lui permet alors d’accéder au grade d’officier
d’infanterie.
Le conflit prend fin en 1763 et son régiment est bientôt de retour en France. Celui-ci tient
garnison à Toulon où l’officier fait la connaissance de nombreux savants qui l’initient aux
beautés de l’histoire naturelle. Suite à un accident, Lamarck se décide à quitter la vie militaire.
Il séjourne alors pendant cinq années dans le sud de la France, près de Monaco, et s’occupe à
effectuer des excursions botaniques.
Lamarck s’installe bientôt à Paris où il effectue des études de médecine et de botanique au
Jardin des plantes. Buffon, intendant du Jardin du Roi, le remarque alors et le soutient en 1778
quand l’Imprimerie royale publie sa Flore française. Cet ouvrage en trois volumes et à clé
dichotimique remporte immédiatement un franc succès auprès de la communauté scientifique.
Lamarck devient alors conservateur de l’herbier du Jardin des plantes. Cette nouvelle
notoriété lui vaut également d’être élu à l’Académie des sciences en 1779.
Quand quatre ans plus tard plus tard la Convention crée le Muséum d’histoires naturelles, le
naturaliste est âgé de quarante-neuf ans. Il prend cependant le risque de se reconvertir et
accepte ainsi une chaire d’enseignement en zoologie des insectes, vers et autres animaux
microscopiques. Lamarck se consacre désormais à ses études et s’occupe à la mise en place
d’une classification pour les cent cinquante mille espèces qu’on lui a confiées. Il ne quittera
plus le Muséum. En 1797, le savant invente le terme d’" invertébrés " et donc, par opposition,
celui de vertébrés. Ceux-ci vont immédiatement remplacer les notions d’" animaux à sang
blanc " et d’" animaux à sang rouge " initiés par Aristote.
Pendant les trois années qui suivent Lamarck va travailler minutieusement à cette
classification. Il conserve dans un premier temps le schéma classique où les êtres vivants sont
classés dans une échelle décroissante en fonction de leur complexité. C’est en observant les
plus simples d’entre eux que l’homme de sciences pense avoir découvert l’ébauche de la vie.
Lamarck émet alors sa première doctrine transformiste lors d’une leçon inaugurale. Mais
celle-ci passe totalement inaperçue. En 1800, le naturaliste invente également le mot
" biologie " afin de décrire ses travaux et il définit celle-ci comme la science des êtres vivants.
L’année suivante, Lamarck édite le Système des animaux sans vertèbres. Cet ouvrage connaît
également le succès. A cette époque, le savant étudie donc principalement les invertébrés. Il
s’intéresse également aux fossiles et donne à ce terme un sens nouveau, un usage conservé
jusqu’à nos jours dans les sciences naturelles. Lamarck s’attache ainsi à découvrir des points
communs entre les espèces actuelles et ces espèces fossiles afin de prouver que les unes
dérivent des autres.
Fort de ses travaux, le biologiste exprime la première théorie de l’évolution dans son ouvrage
intitulé Philosophie zoologique et publié en 1809. Celle-ci bouleverse la classification des
règnes animal et végétal. En effet, là où Aristote ne voit qu’une échelle, Lamarck considère
un système beaucoup plus complexe. Viennent tout d’abord les organismes microscopiques
qui se forment, selon lui, spontanément et continuellement grâce à des agents naturels. Nul
besoin dans ce cas d’un créateur. Au sommet, le savant place ensuite les végétaux et les
animaux les plus élaborés. L’évolution va donc dans le sens d’une complexification des êtres
vivants que Lamarck assimile à la perfection. Plus les organismes vivants approchent de cet
ultime état, plus ils sont adaptés à leur milieu. Le scientifique pense donc que l’évolution
répond à une " volonté interne " ou " force interne ", autrement dit aux besoins des êtres
vivants en réponse aux variations durables de leur environnement.
Sa thèse réunit ainsi deux grandes idées. La première correspond au principe d’usage et de
non-usage. Les organes utilisés se développent et se renforcent alors que les organes inutilisés
s’atrophient. La fonction crée donc l’organe. Lamarck prend ainsi pour exemple la girafe qui
allonge le cou pour attraper les feuilles situées dans les hauteurs des arbres. La seconde idée
initie le principe de transformation. Selon l’homme de sciences, les espèces ne disparaissent
pas, elles se transforment. Des modifications graduelles et presque imperceptibles de leur
corps s’additionnent au cours de leur existence et sont ensuite transmises à leur descendance.
C’est ce que Lamarck nomme " principe de l’hérédité des caractères acquis ". Dans son
ouvrage, il reprend alors l’exemple de la girafe qui doit se nourrir de feuilles à la cime des
arbres lors des périodes de sécheresse. Le cou de l’animal se serait donc progressivement
allongé, de génération en génération, quand celle-ci aurait essayé d’atteindre les feuilles les
plus hautes.
Cette notion s’oppose totalement à la doctrine créationniste et essentialiste qui prévaut
toujours à l’époque. Aussi, Georges Cuvier, alors directeur du Muséum d’histoires naturelles
et qui ne veut rien entendre de cette nouvelle théorie de l’évolution, va-t-il combattre
violemment Lamarck. L’éminent savant assure ainsi pour sa part que chaque création est
d’origine divine et que les espèces sont définitivement fixées.
Le naturaliste tient bon et poursuit ses travaux concernant les invertébrés. Il propose bientôt
une division en treize grands groupes de cet embranchement, une idée qui fait l’unanimité au
sein du monde scientifique. Le règne animal est alors scindé en quatorze classes différentes.
Faisant fi de l’énoncé de sa théorie sur l’évolution, Lamarck souligne à cette occasion que la
classification doit être pratique, utilitaire et qu’elle n’a pas à tenir compte de l’histoire des
êtres vivants.
A partir de 1815 et jusqu’en 1820, le biologiste conçoit les sept volumes de son Histoire
naturelle des animaux sans vertèbres. En 1819, Lamarck est atteint de cécité. Cornélie, une de
ses filles, se charge alors d’achever ses œuvres. En 1820, celle-ci écrit ainsi sous sa dictée le
Système analytique des connaissances positives de l’Homme. Cependant ce handicap ne
permet plus au savant de dispenser ses cours, ni d’assister aux séances de l’Académie des
sciences. Le traitement qu’il perçoit en provenance du Muséum d’histoires naturelles assure
tout de même à Lamarck une existence confortable pendant ces années. Le père de
l’évolutionnisme et du transformisme s’éteint à Paris le 28 décembre 1829.
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