
point de vue à l’intérieur de la classe d’équivalence (contraintes qui sont, elles, d’essence
géométrique)
.
Une des conséquences les plus remarquables à propos de la relativité restreinte c’est
l’élimination du maintenant de la construction conceptuelle du monde objectif. « Pour nous,
physiciens croyants, dit Einstein (en 1955), la séparation entre passé, présent et avenir, ne
garde que la valeur d’une illusion, si tenace soit-elle. »
Cette affirmation d’Einstein doit être comprise comme l’affirmation la plus nette qu’il
existe une réalité physique, objective, et une possibilité de connaissance, de décryptage, de
cette réalité sans que le sujet pensant ne laisse la moindre empreinte de sa subjectivité… de sa
présence. Les physiciens contemporains (très, très, majoritaires) qui partagent cette
conception philosophique affirment ce principe de l’exclusion du sujet dans les connaissances
produites, par des expressions sans nuances, voire intransigeantes, du type : « le fait que le
passage du temps (le maintenant) ne corresponde à rien dans la réalité physique… ».
Or annuler toute spécificité au « maintenant », c’est annuler le « présent » c'est-à-dire la
« présence » explicite du sujet doué de la faculté de penser qui investit avec ses moyens
propres le monde qui l’implique et/ou dans lequel il se trouve impliqué.
Il vaudrait la peine de creuser cette question de cette impérative éviction du sujet qui
constitue un véritable leitmotiv pour Einstein, le savant : « Je crois, avec Schopenhauer, écrit-
il, que l’un des motifs les plus impérieux qui conduit les hommes aux arts et à la science est la
fuite de la vie quotidienne avec sa douloureuse cruauté et sa sécheresse sans espoir. » Mais
aussi, si je peux me permettre, leitmotiv pour la personne intime, quand Einstein écrit à son
ami H. Broch : « Ce livre me montre clairement ce que j’ai fui en me vendant corps et âme à
la Science : j’ai fui le JE et le NOUS pour le IL du il y a. » Le livre en question était la ‘La
Mort de Virgile’, cadeau offert par cet ami, H. Broch, et Einstein exprimait à la fois, dans une
lettre de remerciement, la fascination et la résistance acharnée suscitées par la lecture de
l’œuvre. On pourrait rappeler avec une dose raisonnable d’ironie qu’un individu, un sujet, qui
fuit, résiste, est toujours extrêmement là, présent,… à son insu, à son corps défendant…
Marie-Antoinette Tonnelat : scientifique et femme de lettres, avait qualifié avec indulgence et
poésie, « ce troc de l’irisation du ‘je’ et du ‘nous’ par le dépouillement du ‘il y a’ », mais
selon elle, il fallait aussi en payer le prix. D’après son expérience, en guise de conclusion, elle
n’hésite pas à affirmer : « Cette propulsion négative est, néanmoins, certainement beaucoup
plus fréquente qu’on ne le dit. »
‘Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences’ ; puf. Article : Observable, de F. Balibar.