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I Situation clinique :
Toute nouvelle interne de premier semestre en gériatrie aigue à l’hôpital de Montfermeil, dans un
service de 21 lits avec à peu près 5 sortants / entrants par jour.
J’attendais comme tous les jours mes nouveaux patients de la journée. Installée dans le poste
infirmier en train de revoir des prescriptions, arrive un brancardier accompagnant Mr V. venant des
urgences.
Mr V est sur un brancard, contentionné et semble agité, il est accompagné par son fils : une
cinquantaine d’année d’aspect franchement débraillé.
Comme à chaque entrée, j’attends que le patient soit installé dans sa chambre, que l’inventaire des
affaires soit fait, que le patient soit pesé, etc... Pour m’atteler au dossier.
Sauf que ce jour la, la chambre de Mr V n’était pas prête, le patient allait devoir attendre dans le
couloir au moins une demi heure. Cela m’arrangeait beaucoup car j avais encore une longue liste de
choses à revoir pour d’autres patients …
C’est au cours de cette demi heure que j’ai été confrontée pour la première fois à ce que j’appellerai
par la suite « agression verbale, maltraitance morale et maltraitance institutionnelle ».
Mr V était donc sur son brancard en chemise d’hôpital, sondé, perfusé, contentionné en plein milieu
du couloir (je précise ici que je ne voyais pas la scène de la ou j’étais, j’entendais seulement) :
beaucoup de facteurs réunis pour un monsieur de 88 ans pouvant expliquer une agitation et
désorientation. Son fils debout à coté de lui : ton agressif, parlant fort, ordonnant à son père de se
taire d’arrêter de s’agiter, le menaçant ‘ « je me tire si tu te calmes pas, et je reviendrai plus te
voir ».
A plusieurs reprises les infirmières et aides soignants ont essayé de parler avec le fils , lui expliquant
que dans un hôpital , on ne crie pas , on ne menace pas … Le fils se montrant opposant à appliquer
les conseils de l’équipe paramédicale et voulant parler « au toubib » , j’ai fini par m’approcher tout
d’abord du patient pour essayer de comprendre ce qui se passait .
A première vue, Mr V était dans un était d’incurie assez flagrant : cachexique, recouvert
d’hématomes, sentant très fortement l’urine. Le contact était difficile à établir : complètement
désorienté, confus. Mais absolument pas agité ! Je me retourne vers son fils, pour lui expliquer qu’l
n’a aucune raison de crier contre son père, que la situation pour lui n’est pas facile et que tous les
tubes et contentions sont déjà assez des éléments perturbants pour ne pas aggraver les choses en se
montrant agressif avec lui, réponse catégorique du fils (très opposant à toute discussion) « vous
vous faites manipuler comme tout le monde ».
Je fini par lui demander de sortir du service, le temps que j’examine son père et de revenir plus tard,
pour discuter de la situation. Le fils décide de s’en aller pour revenir le lendemain.