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La loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social : quels changements
concrets pour les entreprises ?
Le 23 juillet 2015, la loi portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises et modifiant
le Code du travail et la loi modifiée du 19 septembre 2002 concernant le Registre de Commerce et
des Sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (ci-après la « Loi »)
a été promulguée.
La Loi vise à simplifier et à améliorer le dialogue social au sein des entreprises, en faisant
notamment de la délégation du personnel l’unique interlocuteur de l’employeur.
Certaines de ses dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2016, tandis que d’autres
n’entreront en vigueur qu’à compter des prochaines élections sociales, que ce soit celles de 2018
ou celles organisées du fait de l’atteinte du seuil pour ce faire, ainsi que cela sera expliqué ciaprès.
En fonction de leurs situations – présence ou non d’une délégation du personnel et/ou d’un comité
mixte, appartenance à un groupe d’entreprises -, les entreprises sont plus ou moins affectées par
les nouvelles dispositions de la Loi.
Il y a donc lieu d’examiner successivement l’impact de la Loi sur :

les entreprises qui n’ont pas de représentants du personnel ;

les entreprises qui disposent seulement d’une délégation du personnel ;

les entreprises qui disposent d’une délégation du personnel et d’un comité mixte ;

les groupes d’entreprises.
Les entreprises qui n’ont pas de représentants du personnel
A moins de faire partie d’un groupe d’entreprises (entité économique et sociale), les entreprises
qui ne disposent pas de représentants du personnel, c’est-à-dire qui n’ont pas occupé au moins
15 salariés pendant 12 mois continus, ne sont pas affectées par la Loi.
Toutefois, si après le 1er janvier 2016 ces entreprises venaient à atteindre le seuil de 15 salariés,
elles seraient dans l’obligation d’organiser des élections sociales et de reconnaître un certain
nombre de prérogatives à la délégation du personnel conformément aux dispositions de la Loi,
dont les points essentiels sont abordés ci-après.
Les entreprises qui disposent d’une délégation du personnel
C’est pour cette catégorie qu’interviennent depuis le 1er janvier 2016 le plus de changements. En
effet, puisque la Loi transfère les attributions du comité mixte à la délégation du personnel, les
pouvoirs de cette dernière sont (1) renforcés et (2) ses membres davantage protégés.
Toutefois, la date de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux pouvoirs de la délégation du
personnel et à la protection de ses membres varie. En principe, ces dispositions sont entrées en
vigueur le 1er janvier 2016. Néanmoins, les dispositions relatives notamment au droit des salariés
d’être informés et consultés en matière technique, économique et financière, ou encore les
dispositions relatives notamment au droit des salariés de participer à certaines décisions les
intéressant directement au sein des entreprises occupant au moins 150 salariés, entrent en
vigueur à compter de l’atteinte du prédit seuil.
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1.1
Le renforcement des pouvoirs de la délégation du personnel
Trois changements contribuent au renforcement des pouvoirs de la délégation du
personnel.

Les attributions de la délégation du personnel sont enrichies.
Depuis le 1er janvier 2016, la délégation du personnel a pour mission de collaborer
à la réalisation de la formation initiale, de participer à la prévention du harcèlement
et de la violence au travail, de rendre son avis sur les questions relatives au temps
de travail et aux plans de formation continue, de participer à la gestion des
mesures en faveur des jeunes et de collaborer à la mise en œuvre des
reclassements internes, enfin de promouvoir la conciliation de la vie familiale et de
la vie professionnelle.

L’obligation d’information de la délégation du personnel est renforcée.
Depuis le 1er janvier 2016, le chef d’entreprise doit communiquer à la délégation du
personnel ainsi qu’au délégué à la sécurité et à la santé les informations relatives à
l’évolution du taux d’absence.
Les délégués du personnel peuvent faire appel depuis le 1 er janvier 2016 à des
experts externes, dont la prise en charge financière sera en partie supportée par
l’entreprise, lorsque la matière est déterminante pour l’entreprise ou les salariés et,
dans les entreprises de plus de 50 salariés, il sera possible aux délégués de faire
appel à des conseillers ayant voix consultatives pour l’examen de questions
déterminées.

Le rôle décisionnel de la délégation du personnel est rehaussé.
A compter des prochaines élections sociales, dans les entreprises occupant au
moins 150 salariés, certaines décisions particulièrement importantes pour les
conditions de travail des salariés – telles que l’introduction ou la modification de
mesures concernant la santé et la sécurité des salariés – devront être prises d’un
commun accord entre l’employeur et la délégation du personnel.
Egalement à compter des prochaines élections sociales, dans les entreprises
occupant au moins 150 salariés, lorsque le chef d’entreprise et la délégation du
personnel s’opposeront à l’occasion d’une consultation au sujet, notamment, de
« toute décision d’ordre économique ou financier pouvant avoir une incidence
déterminante sur la structure de l’entreprise ou sur le niveau de l’emploi », cette
divergence devra obligatoirement être portée à la connaissance :

du conseil d’administration ou du ou des gérants dans les sociétés par
actions ; ou

du chef d’entreprise, s’il n’a pas participé en personne aux délibérations,
dans les autres sociétés.
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1.2
Une protection accrue des membres de la délégation
La Loi multiplie et renforce les actions, souvent d’urgence, ouvertes aux membres de la
délégation dont les droits ont été méconnus.

Tout d’abord, un recours est ouvert, depuis le 1er janvier 2016, en cas de
modification unilatérale défavorable d’une clause essentielle du contrat de travail
du délégué.
Auparavant, les membres de la délégation étaient protégés contre tout
licenciement. Cela est toujours le cas, mais il est maintenant expressément
prohibé de modifier défavorablement une clause essentielle de leurs contrats de
travail. Dans un tel cas, le délégué peut demander au président du Tribunal du
Travail la cessation de la modification unilatérale.

Ensuite, un recours en constatation de nullité du licenciement et maintien,
prolongation ou réintégration dans l’entreprise est ouvert au délégué.
Ce recours existait déjà auparavant, mais son délai d’ouverture était court : il est
dorénavant d’un mois suite au licenciement, et non plus de quinze jours afin de
garantir au délégué une meilleure protection contre le licenciement.

Enfin, s’agissant des actions ouvertes suite à une mise à pied, celles-ci offrent
désormais davantage de choix aux membres de la délégation.
Le délégué mis à pied dans des conditions irrégulières peut toujours demander
son maintien ou sa réintégration dans l’entreprise. Alternativement, il peut
demander au président de la juridiction du travail de se prononcer en urgence sur
le maintien ou la suspension de son salaire, dans le mois qui suit la mise à pied (et
non plus dans un délai de huit jours comme auparavant).
Depuis le 1er janvier 2016, les salaires, indemnités et autres avantages obtenus
dans les trois mois qui suivent la notification de la mise à pied sont désormais
définitivement acquis au délégué, si bien que sa demande de maintien de salaire
ne peut porter que sur le salaire versé postérieurement à ce délai.
Avec l’entrée en vigueur de la Loi, la demande de maintien ou de réintégration
dans l’entreprise n’est plus la seule voie ouverte au délégué mis à pied. En effet, le
délégué peut désormais saisir le Tribunal du Travail dans les 3 mois qui suivent la
notification de la mise à pied, afin que la résiliation de son contrat de travail soit
constatée et que l’employeur soit condamné au versement de dommages et
intérêts.
Il convient de noter que si postérieurement au 1er janvier 2016 l’entreprise venait à
atteindre le seuil de 150 salariés, aucune élection du comité mixte ne devrait être
organisée, étant donné que les anciennes dispositions du Code du travail relatives au
comité mixte ne s’appliquent plus.
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Les entreprises qui disposent d’une délégation du personnel et d’un comité mixte
A compter des prochaines élections sociales de 2018, la délégation du personnel sera
officiellement le seul organe de représentation du personnel au niveau de l’entreprise – et non
plus au niveau de chaque établissement de l’entreprise – et elle concentrera entre ses mains tous
les pouvoirs des représentants du personnel jusqu’ici détenus conjointement par le comité mixte et
les délégués.
1.1
La suppression du comité mixte
L’une des innovations de la Loi réside dans la suppression du comité mixte. La délégation
du personnel reprendra, à compter des prochaines élections sociales, les attributions du
comité mixte et deviendra l’unique interlocuteur du chef d’entreprise.
Par exemple, comme précédemment mentionné, dans les entreprises occupant au moins
150 salariés, c’est la délégation du personnel (et non plus le comité mixte) qui devra, à
compter des prochaines élections sociales, être informée et consultée au sujet de « toute
décision d’ordre économique ou financier pouvant avoir une incidence déterminante sur la
structure de l’entreprise ou sur le niveau de l’emploi ».
1.2
La nouvelle représentation du personnel
Comme expliqué ci-avant, la délégation du personnel est désormais l’unique interlocuteur
de l’employeur et dispose de pouvoirs renforcés.
Les délégations centrales, les délégations divisionnaires et les délégations des jeunes
travailleurs sont supprimées à compter des prochaines élections sociales. Celles
actuellement en place au 1er janvier 2016 continuent d’exister jusqu’aux prochaines
élections sociales, et se voient appliquer les anciennes dispositions du Code du travail
jusqu’à cette date.
La composition numérique de la délégation du personnel ne connait aucun changement et
reste proportionnelle à l’effectif salarial de l’entreprise.
Les groupes d’entreprises
Dorénavant, la Loi prévoit plusieurs possibilités, majoritairement discrétionnaires, pour renforcer la
représentation dans les entreprises formant une entité économique et sociale, que cette entité
dispose de plusieurs délégations du personnel en son sein (1) ou qu’elle n’en dispose pas (2), tout
en s’assurant que les salariés occupés par des entités économiques et sociales de petites tailles
soient également représentés.
1.1
Entité économique et sociale composée d’entreprises dont deux au moins ont une
délégation du personnel
Aux termes de la Loi, et à compter des prochaines élections sociales, un groupe
d’entreprises peut – il s’agit d’une prérogative et non d’une obligation - instituer une
délégation au niveau de l’entité économique et sociale, à la demande d’au moins deux
délégations de cette entité (la demande devant intervenir dans les 3 mois après les
élections des délégations). Cela présuppose donc que deux entreprises de l’entité
économique et sociale aient au moins élu une délégation du personnel.
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A titre de rappel, une entreprise constitue une entité économique et sociale lorsque :

des entités dépendantes les unes des autres, aux activités identiques et
complémentaires, la composent ;

les pouvoirs de direction sont concentrés ;

les salariés des entités sont liés par des intérêts identiques et jouissent
d’un statut social comparable.
L’unique objet de la délégation au niveau de l’entité économique et social est de favoriser
l’échange d’informations entre les délégations du personnel des différentes entités qui
composent l’entité économique et sociale. Elle ne constitue donc pas une délégation du
personnel au sens de l’article L-411-1 de la Loi et vient seulement combler un manque de
représentation au sein de l’entité économique et sociale.
Toutefois, dans l’hypothèse où une ou plusieurs entreprises de l’entité économique et
sociale remplissent chacune les conditions cumulatives suivantes:

occupation de moins de 15 salariés ;

absence de délégation du personnel ;
les salariés de cette ou ces entreprises doivent obligatoirement désigner, selon le système
de la représentation proportionnelle et à compter des prochaines élections sociales, un
représentant pour l’ensemble des salariés de cette ou de ces entreprises. Ce représentant
participe aux réunions de la délégation instaurée au niveau de l’entité économique et
sociale à la demande de deux délégations de l’entité, comme vu précédemment, mais il ne
dispose a priori pas du statut de délégué au sens de la Loi ni des prérogatives y attachées,
excepté pour les heures de formation dont bénéficient les délégués et dont il bénéficie à
concurrence de la moitié.
1.2
Entité économique et sociale composée d’entreprises n’ayant pas de délégation du
personnel
La Loi offre la possibilité aux entreprises ne remplissant pas les conditions énumérées cidessus d’instaurer une délégation au niveau économique et sociale. En effet, si au moins 3
entreprises :

occupent chacune moins de 15 salariés ; et

constituent une entité économique et sociale ; et

occupent ensemble au moins 15 salariés,
une demande pour établir une délégation au niveau de l’entité économique et sociale peut
être introduite auprès de l’Inspection du Travail et des Mines par 15 salariés au minimum.
La délégation ainsi élue au niveau de l’entité économique et sociale constitue une
délégation au sens de l’article L.411-1 de la Loi et ses membres bénéficient de la même
protection que celle applicable aux délégués. Toutefois, la délégation de l’entité
économique et sociale ne dispose pas de l’intégralité des droits et obligations applicables
à la délégation au sens de l’article L.411-1 de la Loi, tels que l’obligation d’information et
consultation en matière technique économique et financière ou encore la participation à
certaines décisions de l’entreprise.
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Ces dispositions relatives aux délégations au niveau de l’entité économique et sociale
n’entreront en vigueur qu’au jour des prochaines élections sociales.
***
La Loi apporte donc des changements substantiels en matière de représentation au sein
des entreprises et il conviendra de voir si en pratique cette réforme simplifie réellement le
dialogue social. Toutefois, la jurisprudence devra clarifier certaines notions ou encore
éclaircir certains des apports de la Loi qui restent obscurs ou ambigus à ce jour.
Yuri Auffinger, Managing Associate – Head of Employment
Linklaters LLP
35, Avenue John.F. Kennedy
P.O. Box 1107
L-1011 Luxembourg
Tel : (352) 26 08 1
Fax : (352) 26 08 88 88
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