Le mystère de la Résurrection (5) Nestor Turcotte La Genèse enseigne que l’être humain est une âme vivifiante. L’apôtre Paul affirme que l’homme, à la fin, devient un esprit vivifiant. Il ne faut pas oublier cette formule qui change tout. Le corps spirituel, l’esprit vivifiant, dit Paul n’est pas ce qui vient en premier. La première création, celle que chacun vit présentement, c’est l’être humain doté d’une âme vivifiante, d’une âme qui insuffle vie à une matière qu’elle organise. C’est le corps vivant actuel qui n’aura qu’une durée limitée sur terre. C’est ce qui est premier dans le plan créateur. C’est l’ordre psycho-biologique que la Bible appelle (en hébreu) nephesch que nous traduisons par «âme» , ou par le mot bazar (en hébreu) que nous traduisons habituellement par chair. Il y a un ordre naturel – celui de la vie terrestre – qui vient en premier. Il y aura par la suite, dans l’instant de la mort, un autre ordre qui est un ordre spirituel. L’enseignement biblique au sujet de l’être humain est donc tout à faire contraire à l’enseignement des traditions orientales (bouddhiste et hindouiste) qui affirme que le spirituel vient en premier, qu’il tombe dans une matière en parcelles détachées pour se purifier et retourne à l’Un, la Grande chose, dont chacun est sorti. Le spirituel précède donc le monde matériel. Tout au contraire, dans la pensée biblique, le monde terrestre vient en premier et le monde spirituel vient en second. Paul, dans son Épître aux Corinthiens (I Corinthiens, 15, 30) précise : Voici ce que je dis : la chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu. Ce qui est corruptible ne peut pas hériter l’incorruptibilité. Pour hériter du Royaume de Dieu, il faut donc une mutation, une transformation pour que l’homme puisse prendre part à la vie divine. La vie biologique mène à la mort. Sans transformation, cette vie terrestre ne peut accéder à la vie céleste. En d’autres mots, Paul affirme qu’on ne ressuscite pas dans l’instant de la mort comme on est quand on quitte cette vie terrestre. Comme on est mis au tombeau. On ressuscite avec un corps transformé. Il y a mutation. Passage d’un corps terrestre à un corps céleste. Les premières communautés chrétiennes utilisaient souvent l’expression résurrection de la chair (en grec : anastasis tès sarkos). Mais ici, il faut bien faire attention pour prendre cette expression dans le bon sens. Lorsque l’Évangile de Jean parle du Christ qui s’est fait chair (en grec : ho logos sarx egeneto) il faut bien traduire : le LOGOS ou le Christ est devenu homme. C’est-à-dire que le Christ a assumé la totalité psycho-biologique de tout être humain (une âme qui informe telle matière) et non pas que le Christ a pris un corps en tant que distinct de l’âme comme le pensaient les philosophes grecs, surtout Platon. A chaque fois que les catholiques disent : «Je crois à la résurrection de la chair» en récitant le Credo, ils doivent comprendre qu’il ne s’agit pas du corps comme une entité opposée à l’âme, comme le pensaient, encore une fois, les philosophes platoniciens, mais bien comme signifiant résurrection de l’homme dans toute sa totalité. La résurrection ne peut pas être la réanimation des cendres qui sont dans le cimetière. La résurrection est la re-création de tout l’être que chacun est, dans une dimension spirituelle que Dieu seul, pourra nous donner. Résumons. La doctrine de Jésus sur la Résurrection est la suivante, selon le philosophe et théologien Claude Tresmontant : aujourd’hui, celui qui écoute l’enseignement de Dieu le Verbe incarné, et qui le reçoit, celui-là prend part à la vie éternelle, dès maintenant. La mort n’existe plus pour lui. La mort psychologique est simplement un changement d’état, qui n’a en soi rien de tragique. Tout chrétien, s’il est conscient de la doctrine à laquelle il adhère, désire être résolu et être avec le Christ. Le christianisme, ajoute-t-il, enseigne que l’être humain est appelé, est invité à prendre part à la vie divine, qui est une vie spirituelle. Et que pour prendre part éventuellement à cette vie divine, il doit subir une transformation, consentir à une transformation qui fait mourir en lui le vieil homme, et laisse naître un homme nouveau. Par le baptême, l’enfant entre déjà dans cette vie nouvelle. Aujourd’hui et chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, la vie divine se rend sacramentellement présent dans la vie terrestre. Nos yeux ne peuvent voir ce mystère. Il est pourtant bien réel. Un jour, le voile tombera et chacun verra dans son corps transformé les merveilles de Dieu. Les morts ou les vivants dans l’Éternité ne peuvent pas nous dire comment est cette transformation reçue par don. Il y a une coupure ontologiquement entre ce qu’ils sont et ce que chacun est. En attendant, chacun peut prier les saints du ciel, les hommes et les femmes ressuscités, transformés, habitant dans le cœur de Dieu et espérer à l’instant de la mort, être transformé comme eux pour un bonheur infini.