Séminaire M22 – Linguistique textuelle: L’expression des attitudes dans le texte Prof. Corinne Rossari Compte-rendu de Didier Cotting sur la séance du 29 avril 2008 La valeur épistémique de « devoir » La plupart des grammaires n’ont accordé au verbe devoir qu’une valeur de potentialité ; c’està-dire le définir en termes modaux marquant soit un jugement sur la fiabilité de l’information, soit l’attitude du locuteur face à ce qu’il dit. Le but de cette étude est de chercher la valeur de base de devoirE et de montrer le lien causal reliant les valeurs modale et évidentielle. La valeur évidentielle décrit les opérations de création d’information, autrement dit de savoir comment le locuteur a obtenu l’information (par exemple par : la supposition, la présomption, l’inférence et le raisonnement logique). Valeur évidentielle La valeur évidentielle de devoirE découle d’une opération mentale complexe en trois temps : 1. générer une série de prémisses implicatives 2. leur inférer les conclusions virtuelles correspondantes (inférence) 3. évaluer et trier les conclusions possibles ; ne retenir que la conclusion retenue dans l’énoncé en devoirE Les inférences logiques s’effectuent en fonction du contexte. C’est ce dernier qui permet d’éliminer les prémisses et donc les conclusions non valables dans un cas donné. Les inférences non-logiques ne sont pas de type déductif. Les conclusions de ces inférences peuvent être l’induction (généraliser une propriété à tous les cas de même nature en se fondant sur l’observation de cas particuliers), le calcul mathématique (réactualisation de la conclusion en fonction d’informations préétablies) ou l’estimation (raisonnement par défaut). 1 Futur épistémique Les assertions en devoirE laissent deviner une concurrence au niveau des prémisses, contrairement aux assertions contenant un futur épistémique. Celui-ci pose des hypothèses pour lesquelles le futur antérieur annonce une cause, tandis que le futur simple propose une conséquence. Valeur de base Nous avons observé que les grammairiens accordaient à devoirE la seule valeur de probabilité. Or, il s’agit en fait d’une gradation où la valeur modale va de la nécessité d’une vérité analytique à la quasi-certitude, en passant par la probabilité. Ces variations possibles de la valeur modale sont dues au type d’inférence, découlant d’une opération mentale complexe, la valeur évidentielle. (Mme Rossari a spécifié à ce sujet qu’il y avait deux écoles de pensée au niveau de la mise en rapport entre modalité et évidentialité : celle de Nuyts ne les sépare pas, tandis que pour De Haan ces valeurs sont dissociables.) La valeur évidentielle de devoirE est stable, alors que sa valeur modale est plurielle et variable. Celle-ci dépend en effet des caractéristiques des opérations de création d’information que sont la perception directe, l’emprunt à autrui ou la recherche dans le stock de croyances ou de connaissances. Dès lors, nous pouvons avancer que la valeur modale est le but du marquage évidentiel, car si le locuteur indique l’opération utilisée pour obtenir l’information transmise, c’est pour laisser l’interlocuteur juger lui-même de la fiabilité de l’énoncé. PouvoirE Nous n’avons pas eu le temps de bien étudier le cas de pouvoirE. Cependant, nous avons tout de même pu constater que son fonctionnement est similaire à celui de devoirE. La différence principale est que pouvoirE sert non seulement à sélectionner des hypothèses, mais que, contrairement à devoirE, il permet d’envisager plusieurs hypothèses concurrentes. 2