LES THEORIES DE LA CROISSANCE
1. La croissance économique : sa définition au regard de l’histoire
économique
Entre 1700 et 1990, la productivité de l’ensemble de l’économie a été multipliée par 45 (au
plus 2 entre 1000 et 1700).
Le concept de croissance économique au regard de l’histoire de la
révolution industrielle
La révolution industrielle (1760 en Angleterre) a été préparée par la révolution agricole. Elle a
permis l’augmentation de la population, du revenu agricole, le développement du textile et la
mécanisation du coton (productivité x 400 entre 1730 et 1830) grâce à Arkwright, d’où une
hausse de la D de fer. Derby, en 1709, produit de la fonte au coke (+ soufflage à air chaud et
puddlage). Conclusion : entre 1740 et 1820, le rapport prix du fer et du blé est divisé par 6. La
D de charbon augmente, donc celle de transports, la construction de canaux ; la vapeur se
répand. L’ensemble formant un processus cumulatif de croissance de la production et de la
productivité (130 ans tout de même entre la RA et le chemin de fer).
« Croissance économique : processus cumulatif d’interactions qui se traduit par la hausse de
la productivité »
Le concept de croissance économique depuis la révolution industrielle
anglaise
Les interactions entre branches doivent être élargies à un sens qui intègre la technologie, la
science, l’enseignement et la recherche pour maintenir la validité de la définition.
De la technique, simple au départ…
Les premiers progrès techniques jusqu’à l’électricité sont empiriques, dus à des artisans
qualifiés, convenant à des ouvriers illettrés. Arrive une phase de développement qui nécessite
une augmentation rendue possible par la croissance des ressources de l’éducation technique et
générale : instruction primaire obligatoire en 1880 en Angleterre.
…le processus d’interaction s’étend à la science, à l’enseignement et à la recherche
La technique : plus complexe : les améliorations mineures des machines se multiplient,
l’équipement devient une industrie autonome avec ses propres techniciens spécialisés (moteur
à explosion), l’acier remplace le fer, l’électricité se développe.
Science et technique s’interpénètrent : les techniciens acquièrent un savoir scientifique.
L’enseignement se développe… entre 1870 et 1914, l’enseignement primaire obligatoire se
répand au Nord (disparition du travail des enfants, hausse du niveau de vie) ; l’enseignement
technique est multiplié par 30 entre 1850 et 1914, plus encore après 45.
puis la recherche scientifique : les labos apparaissent après 1870, WWII voit exploser le
budget de la recherche (x 16 aux EU). Le nombre d’ingénieurs et scientifiques chercheurs
atteint 4 millions en 90, dix fois plus qu’en 50 (plus 12 de techniciens).
Phases de la révolution industrielle, évolutions de la productivité et de la
croissance économique.
On peut considérer qu’il y a eu deux autres RI, ou adopter le point de vue de Bairoch : la RI
passe par des phases successives, avec deux ruptures : 1850 (chimie, électricité, acier) et 1960
(nouvelles technologies et déclin relatif de l’emploi industriel). La productivité augmente
avec la RI (TCAM de 2 % dans l’industrie pour la première phase de RI contre 0,03 entre
Rome et le 17° et 3,4 entre 50 et 80), comme la croissance économique (PNB).
1800 à 1913 : TCAM de 1,1 % du PNB par habitant pour les pays développés
1945 à 1995 : TCAM de 2,6 % (3,5 % pour les Trente Glorieuses)
2. J. Schumpeter et la « destruction créatrice »
Le processus de destruction créatrice
Schumpi commence par critiquer l’analyse de Marx : l’accumulation n’est pas due à la baisse
du taux de profit mais à la « concurrence effective ou potentielle ». Le capitalisme est pour lui
« un processus d’évolution » dont l’impulsion fondamentale est imprimée par les innovations
et force l’entrepreneuriat : le processus de destruction créatrice.
Destruction créatrice, croissance et cycles
Equilibre walrassien et « flux circulaires » : Walras n’a pas pris en compte la dimension
évolutionniste du capitalisme. Pour Schumpi, l’entrepreneur pousse l’économie hors de
l’équilibre du flux circulaire d’une économie qui se reproduit à l’identique par son innovation,
qui lui rapporte un profit avec lequel il rémunère les K nécessaires à l’innovation.
Les trois « approximations » : 1) les innovations ne sont possibles qu’à des moments donnés
de l’histoire, l’économie est proche de l’équilibre ; des hommes nouveaux accèdent aux
affaires ; les imitateurs suivent les entrepreneurs. Les innovations tendent à apparaître en
grappes, relançant le cycle en phase A et amenant (après imitation) le déséquilibre, qu’élimine
la récession. Mais le nouvel équilibre se caractérise par un PIB plus élevé et des prix faibles.
2) une vague secondaire peut donner lieu à une liquidation anormale et engendrer la
dépression. Nouveau cycle : prospérité, récession, dépression, reprise.
3) les cycles ne sont pas uniformes. Trois cycles sont retenus : Kondratiev (60 ans : coton, fer,
machine vapeur en 1780 ; chemin de fer en 1842 ; électricité, chimie, automobile en 1898),
Juglar (10ans), Kitchin (40 mois) =>croissance est un phénomène irrégulier né de turbulences.
Le capitalisme peut-il survivre ? « Non »
« L’innovation (…) est en voie d’être ramenée à une routine ». Pour mieux l’exploiter, le
capitalisme l’automatise et élimine du même coup l’entrepreneur. Si les faits lui ont apporté
un démenti, Schumpi reste d’actualité aujourd’hui sur bien des plans.
3. Allyn A. Young (1876 1929) : division du travail et croissance
des rendements
Young émet un doute quant à la possibilité de théoriser la croissance économique en termes
d’équilibre.
Les origines de l’article « Increasing Returns and Economic Progress »
En 27, Marshall est contesté après 40 ans de règne de la théorie de l’équilibre partiel, dans
lequel les rendements croissants sont incompatibles avec un équilibre stable sans prise en
compte d’économies internes et externes à la firme.
Allyn Young : des « variations sur un thème » d’Adam Smith
Pour Smith, la DDT est manufacturière. Young l’étend à la division sociale du travail.
Le recours à des méthodes détournées de production
L’utilisation de machines permet d’accroître la DDT (dans les limites de la taille du marché,
voir le fordisme). Il insiste sur la supériorité américaine due à son marché important. La
croissance des rendements permet de baisser les prix, donc « la capacid’acheter dépend de
la capacité de produire » : « la DDT dépend de la DDT ». Le processus de croissance naît de
tout changement devenant « progrès » et de la quête persistante de marchés (ou de produits).
La spécialisation croissante des branches
La différenciation des branches industrielles, avec l’insertion de firmes spécialisées entre
producteurs de mp et de produits finis permet de dépasser la « firme représentative » de
Marshall et la réalisation d’économies par des méthodes détournées de production. La
croissance (baisse des prix et extension du marché
1
) appelle ainsi la croissance.
Young et Schumpeter
Young insiste sur le rôle de l’entrepreneur dans la « révolution économique permanente » et
sur le concept marshallien de demande réciproque : toute augmentation de demande l’est aussi
de l’offre. L’importance du recours à des détours de production dépend de l’échelle, non des
taux d’intérêt. Sauf demande inélastique et rendements décroissants, l’expansion est infinie,
même avec une population stationnaire et sans innovations scientifiques.
Young et la théorie de l’équilibre
La conception de Young s’oppose à celle, dominante, de l’équilibre mathématisé. Le
processus de croissance est caractérisé par « les mouvements hors de l’équilibre » ; il s’agit de
théoriser un processus cumulatif, endogène, autoentretenu. Toutes les innovations qui
constituent la croissance ne sont pas des données (difficultés de formalisation).
4. Harrod et l’instabilité de la croissance
Le keynésien Harrod privilégie dans son approche de la croissance le rôle de l’accumulation
de capital et étudie les conditions de long terme de plein-emploi.
Le taux de croissance garanti
C’est le taux qui permet à l’économie d’être constamment en équilibre : les firmes désirent un
I, v (Y1-Y0) égal à l’épargne nationale sY0 (montant qui est réellement investi). D’où
gw = (Y1-Y0)/Y0 = s/v, s est la propension à épargner et v
2
l’accélérateur d’I (proportion
par quoi on multiplie la variation du produit global). Si g = gw, les plans des agents sont
parfaitement coordonnés (Keynes : défauts de coordination faussent les anticipations).
Le « fil du rasoir » ou l’équilibre « hautement instable »
Si g (taux de croissance effectif)<gw, il y a trop d’I réalisé par rapport à l’I désiré, c’est-à-dire
un surcroît donc une fuite d’épargne et une baisse du revenu national, jusqu’à ce que les
entreprises s’adaptent et baissent I ou v. D’où un cercle vicieux. Si g>gw, la pénurie de capital
(d’épargne) se traduit par une nouvelle augmentation du taux de croissance, il peut y avoir des
tensions (Keynes, inflation de croissance). Les économies sont fondamentalement instables.
Le taux de croissance naturel et le caractère fortuit du plein emploi de
long terme
gn est le taux de croissance du travail disponible (PA + productivité). Il est fortuit et très rare
d’avoir g = gw = gn. Si gn<gw, l’économie ne peut croître longtemps à gw, et on aura g<gw et
une tendance continuelle à la dépression. L’équilibre ne peut être restauré que par la baisse de
s à une valeur inférieure à sa valeur de plein-emploi et l’établissement d’un sous-emploi
chronique. Si gn>gw, g se rapproche de gn avec de l’inflation (Trente Glorieuses).
Le « modèle de référence »
Les limites : modèle purement réel, paramètres exogènes et constants. Le comportement des
entrepreneurs chez Harrod est trop mécanique. D’autres auteurs ont ensuite proposé des
modèles avec ajustement dans le temps (Hicks), de s (Kaldor), du coeff. de K (Solow).
5. Solow et la stabilité de la croissance (voir cours)
Les origines du modèle : Harrod revu par Solow
Le modèle de Solow sans progrès technique
1
C’est, si l’on veut, une formalisation de la loi de Say… qui sera contestée par Kaldor !
2
v peut également être défini comme le rapport capital/produit ; un fait stylisé (Kaldor) montre qu’il converge
vers 2 dans tous les grands pays développés
Exposé du modèle
L’interprétation du modèle
Le modèle de Solow avec progrès technique
Discussion des résultats du modèle
Le bilan global du modèle de Solow
Stabilité ou instabilité de la croissance ?
Après que les clameurs se sont tues…
6. Les modèles multisectoriels de croissance
L’économie est constituée de plusieurs secteurs. Ces théories analysent le capital physique :
pour Leontief, les CI sont un capital circulant. Dans une optique plus élaborée, la firme doit
disposer de stocks qui se détériorent à taux constant (modèle à deux biens). Ou on considère
qu’à l’issue du processus de production, le capital physique change de nature (von Neumann).
Ces modèles construisent 2 courbes : celle de la frontière de transformation optimale (lien
entre croissance et C) et de la frontière du prix des facteurs (lien entre profit et salaire réel).
Le lien entre les 2 sphères est établi par une relation entre taux de profit et de croissance. On
suppose que la population croît à taux constant, conditionnant les autres variables réelles.
Une version dynamique du modèle ouvert de Leontief
Les rendements, prix, technologie et structure de la C sont constants, l’économie à l’équilibre.
La frontière de transformation optimale
X =C+AX(=CI)+gAX (I net, g est le taux de croissance de C) : équilibre sur le marché des
biens. Il y a entre C par tête et taux de croissance la relation 1 = L [I-(1+g)A]-1-1. La C par
tête est une fonction décroissante du taux de croissance.
La frontière des prix des facteurs
C’est la relation inverse entre taux de salaire réel et marge de profit λ, qui établit la répartition
du revenu national. Marge de profit maximum = taux de croissance maximum.
L’équation de Cambridge : g = λs (s = propension à épargner des capitalistes)
La connaissance de g (donnée exogène) permet d’obtenir la description d’une économie. S’il
existe une seconde technique, pour un taux de croissance donné, critère d’efficience et de
rentabilité ne coïncident pas forcément : la technique qui maximise la C par tête ne maximise
pas forcément le taux de salaire.
Le « modèle à deux biens »
Capitaux hétérogènes et « retour des techniques »
Modèles multisectoriels et croissance
7. Kaldor : de la fonction de progrès technique à la causalité
cumulative
Kaldor cumule activités universitaires et pratiques (conseiller). Il élabore avec Robinson et
Kahn la théorie post-keynésienne de la croissance et de la répartition, puis s’oriente vers l’éco
appliquée avant de revenir à une théorie enrichie par cette expérience
Les années 1956- 66 : les « faits stylisés » et la « fonction de progrès
technique »
Les « Théories alternatives de la répartition » (mouais)
L’écart entre g et gw chez Harrod est comblé par des variations de répartition de Y entre W et
π, d’où S/Y = I/Y = (sp-sw)π/Y+sw. D’où gw, g et gn ne sont pas indépendants, « le premier
s’ajustera au second à travers une modification conséquente de π/Y », l’I étant une variable
exogène. Si s/v>gn, il y aura pénurie de wf, hausse du salaire, baisse du π, baisse de s et de gw.
« Un modèle de croissance économique », 1957
Les « faits stylisés » : témoignage de la démarche empirique, ils doivent être expliqués par les
modèles de la croissance (ancrage réel).
La « fonction de progrès technique » : un manque décelé par Kaldor chez Solow (PT neutre).
« Impossible d’isoler la croissance de la productivité » due à l’accumulation de K de celle due
au PT. Kaldor renonce donc à la fonction de production donnée. La courbe de la fonction de
PT reflète « le degré de dynamisme technique de l’économie au sens large ». Si P est le point
d’équilibre de long terme, OP est le taux de croissance d’équilibre de LT, dont le taux effectif
se rapproche par variations du taux de profit. Restent exogènes n et la fonction de PT.
Les deux stades du capitalisme : pour le Kisme précoce, la productivité n’est pas très > au
salaire de subsistance, les profits sont déterminés à la manière de Marx et conditionnent la
fonction d’I : gains de productivité coexistent avec salaires réels de subsistance. Dans le
Kisme de maturité, le stock de K désiré est atteint, les profits sont déterminés façon Keynes,
les salaires réels croissent au même taux que la productivité.
La « rupture » de 1966 et le « modèle à deux secteurs »
6e fait stylisé : les différences notables dans les taux de croissance des pays industrialisés. La
méthode d’explication en est inductive, les « facteurs temporaires » ne suffisent pas.
L’explication du sixième « fait stylisé » : Kaldor introduit un modèle à deux secteurs,
Industrie et Agriculture (=le reste), dans laquelle il y a de la main-d’œuvre excédentaire. La
croissance de l’industrie est déterminée par la demande, qui lui est exogène. L’hypothèse de
plein-emploi n’est plus nécessaire, on passe en éco ouverte. L’explication des taux de
croissance vient des facteurs de demande de biens IIaires, principalement la demande d’X.
Premières critiques de la théorie néoclassique de la croissance : la démarche de Kaldor
consiste à introduire les caractéristiques empiriques des deux secteurs. La croissance de la D
prend le pas sur les contraintes de l’O. Kaldor écarte le tx de croissance exogène néoclassique.
Pour Kaldor, le produit marginal du travail n’est pas le même dans tous les secteurs ≠ néocl.
La « causalité cumulative »
Contrairement aux thèses de Young, Kaldor pense que le changement ne se propage pas seul
et que la D doit prendre le relais (il y a alors croissance autoentretenue).
La croissance autoentretenue
La D élastique nécessaire chez Young ne l’est pas pour Kaldor ; « ce qui est nécessaire est
que le changement initial induise un I additionnel ; et qu’existe un système monétaire et
bancaire capable de financer un tel I induit » jusqu’à I=S ex post. Kaldor abandonne la loi de
Say qui permettait la réalité de la croissance chez Young. La « réaction en chaîne » nécessaire
passe par les marchands (de biens Iaires) qui constituent des stocks tampon et I face à une
augmentation de l’O et les producteurs industriels qui I face à une croissance de la D. La
création de crédit bancaire est « la condition préalable de la croissance autoentretenue ».
La croissance inégale (elle est là l’explication du 6e fait stylisé)
« Cercle vertueux » et « cercle vicieux » de la croissance : croissance et D engendrent I et
progrès technique, donc augmentation des X et des parts de marché, etc… Les pays qui ne
suivent pas connaissent un cercle vicieux, d’où une tendance à la croissance inégale. Le sous-
développement est donc dû à l’inaptitude à profiter du processus de causalité cumulative.
L’histoire économique de la Grande-Bretagne : alors que la RI a bénéficié à la GB, les biens
anglais ont détruit la production artisanale des pays du Sud. La diffusion de la RI n’a été
réussie que grâce au protectionnisme. (…) Kaldor précurseur de Bairoch fallait y penser !
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