programa analitica - Universitatea din Craiova

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Universitatea din Craiova
Facultatea de Litere
Specializarea : Româna / Limba străina
Invăţământ la Distanţa
PROGRAMA ANALITICA
Disciplina : LFC (Lexicologie), curs opţional
Specializarea : Română / Limba străină
Anul : III I.D.
Semestrul : I
Titularul disciplinei: lect. dr. Dorina Pănculescu
I.OBIECTIVELE DISCIPLINEI :
1. Dobândirea noţiunilor teoretice ale domeniului lexicologie şi lexicografie.
2. Formarea competenţei în folosirea flexibilă a lexicului limbii franceze
contemporane.
3. Conştientizarea modelelor existente în limbă de construire a cuvintelor derivate şi
compuse.
4. Aplicarea cunoştinţelor dobândite în didactica limbii franceze ca limbă străină.
5. Dobândirea obişnuinţelor corecte de consultare a dicţionarului explicativ al limbii
franceze.
II. TEMATICA CURSULUI
1.Notions préliminaires. Objet, principes et méthodes de la lexicologie. La morphologie
lexicale et la sémantique lexicale. Les rapports de la lexicologie avec les autres
disciplines linguistiques.
2. Le lexique, système ouvert et dynamique.
3.Arbitraire et motivation (relative) du signe lexical
4.Concepts de base en lexicologie: lexème (morphème lexical), unité lexicale (mot),
morphème (grammatical—affixe), lexie complexe (phrasème), champ lexical.
5. Le mot comme unité fonctionnelle. Critères d’identification et de délimitation de
l’unité lexicale. Sens référentiel et sens grammatical.
6.Procédés internes et procédés externes de création lexicale.La dérivation, source
d’enrichissement et d’assouplissement de la langue. Les paradigmes dérivationnels—
typologie. La dérivation paradigmatique/vs/ la dérivation syntagmatique. La
suffixation— la nominalisation du verbe. La dérivation syntagmatique suffixale. La
1
préfixation—critères de classification des préfixes; valeurs sémantiques des préfixes. La
composition—française et allogène. Les procédés abréviatifs- typologie des abréviations.
7.Les emprunts- définition, langues d’emprunt, typologie. Le fonds latin du français.
8.La stratification du lexique— facteurs de la variété lexicale. Lexique et vocabulaire(s).
Le vocabulaire fondamental.
9. La lexicologie appliquée—la lexicographie.Typologie des dictionnaires. Le
TLF.L’article de dictionnaire (l’entrée lexicographique). Typologie des définitions.
Critique des définitions de dictionnaire.
III. EVALUAREA STUDENTILOR
Forma de examinare este examenul scris şi oral. Li se va cere şi un referat pe un
subiect de lexicologie teoretică.
IV. BIBLIOGRAFIE GENERALA
1.Cuniţă, A., 1980, La formation des mots. La dérivation lexicale en français
contemporain, EDP, Bucarest
2.Désirat, C.,Hordé,T.,1976, La langue française au XX-ème siècle, Bordas, Paris
Guilbert, L.,1971, Introduction au Grand Larousse de la Langue Française,vol.I, pp.ICX, Paris, Larousse
5.Guilbert, L., 1975, La créativité lexicale, Larousse, Paris
Guiraud, P,1966, Les mots savants, PUF, coll. Que sais-je?, Paris
6.Mitterand, H.,1963, Les mots français, PUF, Paris
7.Molinié,P.,1991, Le français moderne,PUF, Que sais-je?,Paris
8.Picoche, J.,1992 ( !977 1-ère éd.), Précis de lexicologie française, Paris, Nathan
9.Rey, A.,1970, La lexicologie, Klincksieck, Paris
10.Rey, A.,1977, Le lexique: images et modèles. Du dictionnaire à la lexicologie,
Armand Colin, Paris
11.Mortureux, M.F.,1997, La lexicologie entre langue et discours, SEDES, Paris
12.Măgureanu, A.,1984, La sémantique lexicale, TUB, Bucureşti
13. Simionica, I., 1970, Limba franceza contemporana. Lexicologie, EDP, Bucuresti
2
UNIVERSITATEA DIN CRAIOVA
FACULTATEA DE LITERE
SPECIALIZAREA : ROMANA / LIMBA STRAINA
INVATAMANT LA DISTANTA
SUPORT DE CURS
DISCIPLINA Limba franceza contemporana (LEXICOLOGIE), curs opţional
ANUL III ID
Semestrul I - 2004 / 2005
TITULARUL DISCIPLINEI : lect. dr. Dorina Panculescu
I.PREZENTAREA CURSULUI (teme, subteme)
1. TEMA :LA LEXICOLOGIE
a.L’objet, les principes et les méthodes de la lexicologie.
La lexicologie descriptive—morphologie lexicale et sémantique lexicale
b. Les concepts de base en lexicologie : lexème, unité lexicale (mot, lexie), mot simple
/ mot construit, morphème (affixe), champ lexical ; mot plein / mot vide
c. Le mot comme unité fonctionnelle. Critères d’identification et de délimitation de
l’unité lexicale.
d.L’arbitraire et la motivation (relative) du signe lexical
e. Le lexique, système ouvert et dynamique
2. TEMA : LA MORPHOLOGIE DERIVATIONNELLE
a.Concepts de base en lexicologie: mot / lexème / vocable; affixe / morphème
grammatical / allomorphe / « morphe porte-manteaux »; mot simple (lexie simple) /
mot construit (lexie complexe : mot dérivé / mot composé / synapsie
b. Critères d’identification et de délimitation du signe lexical
c. Arbitraire et motivation du signe lexical
3. TEMA : LA CREATION LEXICALE
a.La dérivation paradigmatique suffixale
b. La dérivation syntagmatique. La suffixation, la préfixation et la composition
c. Les procédés abréviatifs
4.TEMA : MOTS CONSTITUTIFS (HERITES) ET EMPRUNTS
a.Le fonds latin du français.
b. Les doublets et les supplétismes.
3
c.Les emprunts. Typologie des emprunts
d. Les langues qui ont prêté des mots au français. Domaines d’emprunt.
II. CURSUL
0.1. Objet de la lexicologie. Principaux problèmes
Les fondements scientifiques de la lexicologie comme discipline linguistique ont été mis
assez récemment, il y a quelques dizaines d'années. Pourquoi si tard? Parce que son domaine
d’étude – la totalité des mots ou le lexique d’une langue existant à un certain moment de son
évolution – est presque illimité et le moins structuré de tous les autres sous-systèmes d’une
langue naturelle: phonologique, morphosyntaxique, sémantique. Elle a pour objet l'étude
scientifique du lexique. Le lexique représente la totalité des mots existant à un moment donné dans
une langue historique et les règles de bonne formation des unités lexicales, propres à cette langue. Le
lexique est un composant de la grammaire, il a un caractère abstrait et il est concrétisé dans les
vocabulaires (les mots du discours, appelés aussi vocables). Le terme lexicologie vient du gr. lexis
"mot"+ logos "science, parole". En réalité, définir la lexicologie n’est pas aussi simple qu’il paraît, à
cause de la difficulté qu’on a à définir le mot.
Les principaux problèmes de la lexicologie concernent : la description des mécanismes
internes de la langue qui permettent la création de nouveaux mots, appelés néologismes, qui
peuvent présenter une nouveauté de forme et / ou de sens ; la définition de l’unité lexicale ou mot;
la description des acceptions des mots en langue (leur signification) et de leurs sens ( qui sont
contextuels, manifestés en discours) ; la description des vocabulaires spécialisés, des registres de
langue et de leurs rapports avec le lexique général; l’étude des rapports de forme ou de
signification existant entre les mots et de la valeur de chaque unité lexicale qui en résulte; l’étude
des distributions de chaque mot et des collocations qui lui sont spécifiques (allant du mot
composé jusqu’aux locutions et aux unités figées de plus grande dimension, à expression
prédicative, appelées expressions ou phraséologismes) ; l’élaboration et l’initiation à l’utilisation
des dictionnaires de langue, qui rassemblent le plus grand nombre d’informations sur le lexique
général de la langue.
Les difficultés qui font entrave à une description systématique du lexique viennent du fait que
celui-ci est un ensemble qui présente des zones structurées et des zones non structurées. Située au
carrefour des autres branches de la linguistique, la lexicologie entretient des rapports étroits avec : la
syntaxe, pour les propriétés combinatoires des mots ; la phonologie et la morphologie pour la forme
des mots ; la sémantique pour leur signification . Une autre difficulté vient du fait que le lexique n’est
4
pas un système au sens strict, formé d’un nombre fini d’éléments unis par une loi de fonctionnalité,
mais il reste un ensemble ouvert, dans lequel les mots apparaissent et disparaissent sans cesse ou se
voient attribuer des significations nouvelles. Comme le dit Joëlle Gardes- Tamine (1990 : 99), on ne
peut avoir que des descriptions partielles et complémentaires, selon le point de vue adopté : au niveau
paradigmatique, qui envisage les classes (les paradigmes) de termes identiques ou semblables, on aura
une description morphologique ( dans le cadre de la dérivation) et une description sémantique (dans le
cadre de la sémantique lexicale, qui étudie les relations sémantiques entre les mots) ; sur l’axe
syntagmatique du discours(au niveau des combinaisons) on fait une description des relations que les
morphèmes et les mots entretiennent entre eux par enchaînement contextuel, pour exprimer certains
rapports logiques complexes (la syntaxe interne du mot et la syntaxe de l’énoncé).
La distinction faite par F. de Saussure entre langue et parole justifie le fait que la lexicologie
doit s’en tenir, dans ses analyses, „entre la langue et la parole“ (M. F. Mortureux, La lexicologie entre
langue et discours, 1997), entre le système abstrait qu’est le lexique et les usages de la langue, qui
procurent les vocabulaires et les mots nouveaux.
Les fondements théoriques de la lexicologie se retrouvent dans les théories anciennes (la
rhétorique antique ou l’art oratoire, la grammaire cognitive de Port-Royal, la grammaire historique et
la linguistique comparée du XXe siècle, etc.) et modernes (la philosophie du langage, la logique
formelle, la psycholinguistique, la sociolinguistique, etc.). La lexicologie, discipline interdisciplinaire,
a aussi pour tâche la description des vocabulaires spécifiques de chaque domaine d’usage (les
domaines de l’activité humaine).
La perspective choisie pour la description du lexique peut être
synchronique ou
diachronique. En synchronie, perspective décidément descriptive, on analyse les unités lexicales
existant à une certaine époque de l'évolution d'une langue donnée, par exemple le lexique du
français classique, le lexique du français ancien ou celui du français contemporain.
En lexicologie synchronique ou descriptive, on applique avec succès les méthodes
structurales et générativistes, pour expliquer la formation et la structure interne des unités
lexicales (des mots). Cette démarche raisonnée cherche à découvrir et à expliquer les mécanismes
internes de fonctionnement de la langue, en tant que système abstrait et collectif (règles
intériorisées existant dans la conscience de tous les locuteurs natifs d’une langue) et en tant que
réalisation discursive individuelle, apte à la nouveauté lexicale. F. de Saussure a affirmé avec
justesse que le fonctionnement de la langue est indépendant de son histoire, car la langue est « un
système de pures valeurs que rien ne détermine en dehors de l’état momentané de ses termes »
(F.de Saussure, Cours de linguistique générale, p.115). Cette affirmation doit être nuancée, par
une juste compréhension des rapports que la langue entretient avec les phénomènes sociaux.(v.G.
5
Matoré, La méthode en lexicologie, 1953).
Le lexicologue se donne pour tâche de décrire aussi les ensembles lexicaux existant dans
le système abstrait de la langue et les lois internes de distribution des éléments dans l'ensemble.
La description objective de ces mécanismes permet:
a)
la mise en évidence de certains modèles de formation des mots et des ensembles
de mots;
b)
b) la constitution de l'inventaire des unités lexicales simples et complexes et des
ensembles lexico-sémantiques existants.
La perspective historique ou diachronique offre le tableau des transformations subies par
les unités lexicales et par les (micro) - systèmes lexico-sémantiques au cours du temps, autant
sous l’aspect de la forme que du sens. Elle étudie les causes des changements linguistiques et les
lois de l’évolution interne de la langue. Les mots, comme les langues, naissent, se développent et
dépérissent (v. A. Darmesteter, La vie des mots étudiés dans leurs significations, 1885). Sur cette
conception est fondée la sémantique structurale diachronique, qui étudie, par exemple, l’évolution
des acceptions des mots tels viande (le sens initial : « produit qui sert à nourrir » ; sens
actuel : « chair des animaux de boucherie ») ou fortune (sens originaire : « hasard, sort,
chance » ; sens moderne : « les biens ou les richesses d’une personne »). Les micro-ensembles
lexicaux peuvent changer aussi, lorsqu’un mot du micro-système acquiert des acceptions
nouvelles, ce qui détermine le changement des rapports entre tous les mots de l’ensemble,
situation mise en lumière par les travaux de plusieurs linguistes, dont G. Matoré (La méthode en
lexicologie, 1953), G. Gougenheim (Les mots français dans l’histoire et dans la vie, t.II, 1966) ou
Kr. Nyrop (Grammaire historique de la langue française, 1899—1930).
Dans notre cursus, la perspective sur la langue française contemporaine restera
synchronique et descriptive, avec des renvois à des faits historiques là où il sera absolument
nécessaire.
1.1. La lexicologie synchronique et descriptive : morphologie lexicale et sémantique
lexicale
La lexicologie descriptive (synchronique) étudie les mots existant en langue à un moment
donné de son évolution à la fois du point de vue de la forme (dans le cadre de la morphologie
lexicale) et du sens (dans le cadre de la sémantique lexicale). D'après les buts envisagés, ou
conçoit plusieurs types d'études lexicologiques.
1. La morphologie lexicale (morpho-lexicologie ou morphologie dérivationnelle) étudie la
composition formelle du mot (la syntaxe interne du mot).
6
Tandis que la grammaire décrit les mécanismes de la variabilité du mot dans le discours et les
classes fermées des marques grammaticales (désinences verbales et marques de l'accord), la morpholexicologie étudie la structure de la partie invariable du mot — les caractéristiques et les rapports
mutuels des éléments de cette structure: radicaux et affixes, bases de composition, qui forment des
séries ouvertes, illimitées. À partir de ces observations, la morpho-lexicologie identifie les schémas de
dérivation et de composition existant en langue (les modèles productifs de création lexicale, fondés
sur une syntaxe interne du mot, intégrant les règles de la dérivation et les règles de la composition),
qui permettent à tout moment l’enrichissement lexical par de nouvelles unités. Il existe des cas où la
frontière entre morphosyntaxe et morphologie lexicale ou dérivationnelle est difficile à tracer : certains
affixes semblent avoir un rôle purement grammatical comme le suffixe verbal–ant ou les suffixes de
féminin –esse, -eresse. Cela n’empêche de définir les deux domaines d’analyse comme des domaines
distincts.
2. La sémantique lexicale étudie avec les méthodes du structuralisme ou du structuralisme
fonctionnel (v.A. Martinet, 1960) le sens et la signification des mots. On a accepté, depuis F. de
Saussure(CLG, 1916), la vision biplane sur le signe linguistique: tout mot est formé d'un corps
physique (accoustique ou graphique) appelé signifiant (Sa) et d'une signification qui lui est
attachée constamment en langue, appelé signifié (Sé). À l'instar du signe linguistique, le système
linguistique est formé d'un rapport d'implication réciproque entre un plan de l'expression et un
plan du contenu. Les deux plans de la langue ont une structure isomorphe, qui peut être
analysée (cf. A.Măgureanu, La sémantique lexicale, 1984 :13) .
Le sens de l'unité lexicale ne se confond pas avec le concept. Le concept est la
représentation mentale d'un objet, réel ou imaginaire, appartenant à la réalité extralinguistique. Il
englobe des éléments de nature psychologique et des représentations collectives qui n’entrent pas
nécessairement dans le sens du mot. Le sens (nous ne faisons ici la distinction entre sens et
signification) est une description du référent au niveau strictement linguistique par des traits
définitoires minimaux de nature sémantique appelés sèmes, ou en logique, par des conditions
nécessaires et suffisantes qui assure sa catégorisation (son appartenance à une catégorie d’objets
ayant les mêmes propriétés). Ainsi, lors de la communication verbale, le mot sert-il à référer à
quelque chose, à un objet particulier différent du signe linguistique et en même temps à une
classe d’objets identiques ; d’autre part, il signifie quelque chose en langue par le fait d’avoir un
sens analysable (une synthèse des conceptions sur le sens offre Ch. S.Peirce, in Collected Papers,
1935-1966). C’est la relation de référence qui unit le mot à son référent et la relation de
signification qui distingue le mot d’autres mots de sens voisin.
7
Le sens lexical ne se réduit pas uniquement à la fonction référentielle du signe. Il résulte
aussi de la valeur que le signe possède dans le système linguistique grâce aux rapports
syntagmatiques et paradigmatiques qu'il entretient avec les autres unités lexicales (v. F. de
Saussure, CLG, 2-e partie, ch. IV: La valeur linguistique ) : rapports de synonymie, d’antonymie,
d’hyperonymie / hyponymie,etc.
Sémantique, syntaxe et pragmatique contribuent ensemble à l'étude du sens, dans le cadre
plus large de la sémiologie, science générale des systèmes signifiants (il existe des codes de
signes non verbaux comme l’alphabet Morse).
La sémantique lexicale établit, par une confrontation des contextes-types d'un mot, les
principales acceptions de celui-ci en langue, en partant de l’identification de ses sens contextuels
ou discursifs). Elle décrit aussi les réseaux associatifs dans lesquels les mots s'inscrivent, en
fonction de leurs valeurs en langue. Les lois spécifiques qui ordonnent soit l'organisation des
mots en micro-systèmes notionnels(les noms des couleurs, les noms des sièges,etc) soit la
combinaison des éléments formels pour la création des mots sont des lois internes, propres au
système linguistique, qui ne sauraient expliquer en même temps la structure de la réalité nonlinguistique, du monde des référents.
3. La lexicologie appliquée utilise à des fins pratiques les données théoriques offertes par
la lexicologie descriptive et les vérifie aussi expérimentalement.
Le côté applicatif de la lexicologie s'est matérialisé en plusieurs branches de la lexicologie
appliquée:
 La lexicographie, science et art de l'élaboration des dictionnaires, conçus comme inventaires
artificiels du matériel lexical offert par la langue, organisé sur des critères formels, le plus
courant étant l’ordre alphabétique.
Créés d'abord d'une façon empirique, sans support théorique, les dictionnaires (glossaires
ou lexicons) ont devancé les bases théoriques, jetées beaucoup plus tard, quand des
méthodologies lexicographiques ont été élaborées (v. A. Rey, Le lexique: images et modèles. Du
dictionnaire à la lexicologie, 1977). L'histoire de l'élaboration des dictionnaires en France est
longue, c’est pourquoi nous y reviendrons dans un autre chapitre. Aujourd'hui la lexicographie
bénéficie des méthodes informatisées : dépouillement automatique des documents authentiques,
traitement des données par l’ordinateur1.
 La lexico-stylistique facilite des études objectives sur les textes littéraires et sur les autres
types de discours où se manifeste la subjectivité du locuteur ou les caractéristiques formelles
du « français fonctionnel »(A. Vigner). L'index et la concordance permettent au
8
commentateur de comparer rapidement les uns aux autres les contextes immédiats de chacun
des mots-clefs ( mots essentiels pour l’univers artistique d’une œuvre littéraire) .
Il devient ainsi possible d'établir l'idiosémie du texte considéré, puis de construire un
véritable dictionnaire de l'œuvre, qui permette au critique littéraire de contrôler ses impressions
de lecture concernant les thèmes entrelacés et les images utilisées, de suivre d'œuvre en œuvre les
variations thématiques et stylistiques d'un écrivain, sans plus tomber dans la pure critique
impressionniste.
 La terminologie s'est imposée ces derniers temps comme une application très utile des
méthodes et des principes lexicologiques à la constitution des vocabulaires de spécialité.
Cette orientation a été initiée par L. Guilbert («La formation du vocabulaire de l'aviation»,
1965) ; et P.-J. Wexler («La formation du vocabulaire des chemins de fer en France», 1945).
De nos jours, il existe quelques milliers de domaines pour lesquels on a mis au point les
terminologies dans les langues de grande circulation. Les glossaires terminologiques sont en
général bilingues ou plurilingues et leur réalisation pose des problèmes de transcodage. Sur
un lexique panlatin de l'environnement 1 en 7
l'Internet, on peut trouver, par exemple,
langues, dont aussi le roumain.
1.2. Les méthodes en lexicologie
Science encore neuve, la lexicologie ne dispose pas de méthodes propres. Elle emploie les
méthodes générales de la linguistique moderne.
1. La statistique lexicale est une méthode de base employée en lexicologie à des buts
divers. Elle a permis de dresser la liste des termes les plus fréquents, d'étudier les traits formels
des unités de signification ou les réseaux contextuels d'un terme (la totalité de ses distributions).
L'étude sur un corpus de textes ou sur une base de données ne peut plus se passer aujourd'hui de
la statistique lexicale, inaugurée au Canada par Francis Mackey. En France, des études
statistiques ont été réalisées par Ch. Muller (Initiation à la statistique linguistique, 1968).
Bernard Quémada a introduit eu France la mécanisation des inventaires. L'emploi des
calculatrices électroniques pour le dépouillement des textes a permis la comparaison rapide de
milliers de fiches et la réalisation de documentations complètes monographiques concernant
l'oeuvre d'un auteur ou un courant littéraire.
La "machine à traduire" est un ordinateur électronique dont la mémoire a été équipée de
programmes qui permettent la comparaison de deux systèmes linguistiques différents (deux
1
Lexico Panlatino de Terminologia do Ambiente (en portugais, catalan, espagnol, français, italien, roumain, anglais) coordonné par
Maria Teresa Lino et Maria Rute Costa, Eds. Lidel, Lisboa, 1999
9
langues); on a réussi partiellement à faire la transposition automatique d'un texte donné dans une
autre langue, surtout dans le cas des textes très typés, comme le bulletin d’informations et météo,
par exemple.
2. L'enquête lexicale, à base de questionnaires - tests, a été empruntée à la méthodologie
de la linguistique géographique (des atlas linguistiques) pour étudier, par exemple, les mots
disponibles du français élémentaire.
3.Les méthodes structurales employées aussi en morphosyntaxe, comme la substitution et la
distribution, permettent d'étudier des aspects lexicaux divers, comme: la puissance d'inclusion
d'un terme lexical (son aptitude à se substituer à d'autres termes ; les définissants logiques sont les
inclusifs par excellence, comme SIÈGE pour chaise, fauteuil, tabouret, etc) et les répertoires
analogiques; l’étude de la distribution d'un terme lexical permet d'établir son aptitude à entrer
dans des ensembles stables, allant des composés réunis par le trait d'union aux groupes de mots
plus élargis (locutions et expressions verbales).
4. l'analyse sémique (componentielle) employée surtout en sémantique, est inspirée de la
méthode structurale fonctionnelle appliquée premièrement en phonologie descriptive par
Troubetzkoï et l'école de Prague. Cette méthode, utilisée, parmi les premiers, par B. Pottier pour
l'analyse du sens permet de dégager les plus petits traits de signification à valeur distinctive au
niveau de l'unité lexicale ou d'un ensemble lexical. Bernard Pottier (Linguistique générale.
Théorie et description, 1974) a appliqué cette méthode à l’analyse de l’ensemble lexical des
sièges, sur la base d’un sème commun, « pour s’asseoir », et de sèmes différenciateurs , comme le
montre le schéma suivant :
Lexèmes S1
“pours’asseoir”
S2
S3
S4
S5
S6
“sur pieds”
« pour une
“avec
“avec bras”
“en matière
personne”
dossier”
rigide «
Chaise
+
+
+
+
_
+
Fauteuil
+
+
+
+
+
+
Tabouret +
+
+
_
_
+
Canapé
+
+
_
+
+
+
Pouf
+
_
+
_
_
_
Pottier appelle lexèmes les mots dont le sens est formé de « paquets de sèmes » qu’il nomme
sémèmes. J. Greimas (Sémantique structurale, 1966) introduit le conditionnement syntagmatique
du sens, faisant la distinction entre figure sémique ou nucléaire, formée de traits sémiques
10
nommés classèmes , qui sont des traits combinatoires de grande généralité sémanticofonctionnelle tels : animé / inanimé, concret / abstrait, nombrable / non nombrable et de traits
descriptifs spécifiques et sémèmes : le sémème est un ensemble de sèmes évoqués par un mot
dans le cas d’une occurrence particulière de celui-ci. Un même mot peut actualiser plusieurs
sémèmes ou signifiés dans des contextes différents.
Ce type d’ analyse s’avère aussi utile:

pour
l'élaboration
des
définitions
lexicographiques
des
mots
dits
„à
sens
plein“(substantifs, adjectifs, verbes) qui forment l'objet d'un dictionnaire.
La définition donnée par les dictionnaires énumère les propriétés de la chose (du référent),
qui constituent la signification du terme. Par exemple, le terme ARMOIRE est défini dans le PR
(Petit Robert) ainsi :
ARMOIRE (...), no. 1 (vieux). Placard pratiqué dans un mur. (Moderne) Meuble haut et
fermé par des battants, servant à ranger le linge, les vêtements, les provisions, etc (les bahuts, les
buffets, les vaisseliers étant réservés à d'autres usages)…
Un telle définition contient des traits encyclopédiques, c’est-à-dire un ensemble de
connaissances relatives à une certaine réalité extralinguistique, décrite en sémantique lexicale à
l'aide d‘un métalangage: chaque trait définitoire s'appelle sème (comme «objet fabriqué»,
«meuble», «fermé par des battants», «servant à ranger le linge, les vêtements», dans le cas du
terme armoire) et la totalité des sèmes forme un sémème (le sens du terme armoire). Apprendre
des mots étrangers ou maternels c'est assimiler la fonction dénominative de chaque terme et sa
valeur dans le cadre d’un microsystème. Le mot armoire fait donc deux choses au moins lorqu'il
est prononcé: il désigne tel meuble précis et particulier en la circonstance et il le fait en évoquant
les propriétés de toute armoire.
D'autres termes lexicaux, comme les articles, les conjonctions, les prépositions, les
auxiliaires ne réfèrent pas; cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas de sens; remplacer des par une
change le sens de la phrase. Mais le sens de ces mots est d'un autre type, qui n'évoque aucune
réalité distincte dans l'esprit des locuteurs — c'est le sens relationnel ou grammatical, comme
dans le cas des désinences et des flexions, avec lesquelles les mots-outils grammaticaux énumérés
plus haut ont une forte affinité.

Pour l'élaboration des ouvrages terminologiques bilingues, où la correcte définition du
mot permet de trouver le meilleur équivalent dans une autre langue.

dans l'étude des relations sémantiques que chaque terme entretient avec d'autres mots
dans le cadre du lexique (relation de synonymie, d'antonymie, d’homonymie,
11
d'hypéronymie / hyponymie), avec lui - même (la polysémie) ou avec un ensemble
associatif (champ lexico - sémantique)

dans l'étude de la combinatoire syntagmatique - le sens des unités complexes (mots
composés, lexies ou locutions) - n'étant pas réductible à la somme des sens des
composants.

dans l'explication des changements de sens et des « figures de style » ou tropes
artistiques, qui sont conçus comme des procès d’actualisation sémique (v. A. Măgureanu,
La sémantique lexicale, 1984).
5. L’index et la concordance sont des instruments employés surtout en lexicologie
stylistique.
L’index est une liste de termes-clefs, spécifiques pour un auteur, avec l’indication des
pages où ils apparaissent.
La Concordance indique chaque occurrence (présence) d’un terme dans une ou plusieurs
lignes de contexte et la page. Ce sont d'excellents instruments de travail pour ceux qui mènent des
études sur les oeuvres littéraires, sur les genres littéraires ou sur la langue d'une époque donnée.
Leur avenir dépend du développement de l'informatique et de la micro-fiche.
6. La lexicologie diachronique fait appel aux méthodes du comparatisme historique pour
mettre en lumière les changements de forme ou de sens subis par les mots à des époque
différentes. On peut comparer des unités lexicales isolées ou des ensembles de termes qui
constituent des champs notionnels (associatifs). L’étymologie lui met à la disposition les
étymons, les mots anciens dont proviennent les termes français modernes.
G. Matoré (« La méthode en lexicologie »,1953) propose une lexicologie sociale,
influencée par la phénoménologie et la sociologie moderne. Partant de l’observation du concret
linguistique, elle se propose l’explication des états de la société. Dans le champ notionnel « d’Art
et de Technique vers 1765 », il relève la présence des mots-témoins ou néologismes
correspondant à des notions nouvelles qui apparaissent au sein de la collectivité à un moment
particulier de son histoire, comme ésotérique en 1755, qui marque le début d’une réaction contre
le rationalisme des Lumières. Quant aux mots-clés, ce sont des mots qui, tel honnête homme au
XVII- ème siècle, philosophe au XVIII-ème siècle, désignent „ un être, un sentiment, une idée,
vivants dans la mesure même où la société reconnaît en eux son idéal “. Le risque de cette
lexicologie socio- phénoménologique est d’ignorer les lois spécifiques de l’organisation des
mots dans le système de la langue et d’essayer de déduire de l’examen des mots les structures de
la réalité non linguistique.
12
1.3. Les principes de la lexicologie
Les principes que le lexicologue doit suivre dans ses démarches concernent :
 la réalité psychique de l'unité lexicale. Le concept qu'elle exprime (le signifié) n'existe que
dans la pensée et dans la mémoire des locuteurs. Les valeurs expressives, stylistiques du
terme n'apparaissent qu’à la suite de certains procès d'actualisation sémémique (v. A.
Măgureanu, op. cit.), de nature intellectuelle. C’est le principe psychologique.
La connaissance des principes qui gouvernent l'acte de la parole (les lois du discours) est
aussi indispensable au locuteur (la langue est une institution sociale, dont la principale fonction
est de permettre l'échange d'informations entre individus appartenant à la même communauté
socio-culturelle : cette échange est facilitée par certains rites de la prise de parole et de
l’interruption de parole).
 le principe de l'utilité et de la fréquence d'emploi des mots. Il y a des mots indispensables à
tout échange verbal (surtout les mots-outils grammaticaux) et d'autres mots qui se situent à la
périphérie du lexique: archaïsmes, mots
techniques, néologismes, mots populaires,
mots
argotiques, régionalismes. L'intérêt pratique du pédagogue doit viser premièrement
l'enseignement des mots fondamentaux et les méthodes appropriées d'approche pour les autres
catégories (problèmes de synonymie lexicale de niveau, étude de l'expressivité marquée du
français populaire, etc.).
 le principe stylistico-fonctionnel étaie l'étude stylistique des unités lexicales, appartenant au
niveau de la langue commune ou aux
différents registres, sur l'observation de
leurs
caractéristiques lexicales et de leurs structures spécifiques (style juridico-administratif, style
épistolaire etc.).
 le principe étymologique se fonde sur l'histoire des mots. Chaque terme a une origine, que
le lexicologue doit trouver à l'aide des méthodes historiques (attestations, datations,
comparaisons) et des lois de l'évolution phonétique. L'étude des racines latines et grecques
productives en français contemporain et des emprunts à diverses langues modernes permet de
rendre compte de l'existence de nombreux termes savants qui complètent les termes hérités
directement du latin populaire (les doublets, les dérivés sur des bases savantes et de
nombreux néologismes). L'étude de l'histoire des mots, de l'évolution de leur forme et /ou de
leur sens incombe à la lexicologie diachronique.
 le principe sémantique accorde au mot une fonction référentielle, ce qui limite le champ
d'étude du lexicologue uniquement aux unités à «sens plein» qui ont un référent dans la
réalité : substantifs, adjectifs, verbes, adverbes.
13
1.4. La lexicologie entre langue et discours
Le mot est une unité fonctionnelle de la langue, ce qui situe la lexicologie, comme étude des
mots, entre la langue (système abstrait, formés des lexèmes) et la parole (réalisation concrète du
système), d'où la difficulté qu'éprouve le lexicologue à se situer entre la lexicologie descriptive et la
lexicologie appliquée (v. M. F. Mortureux, La lexicologie entre langue et discours, 1997).
Le lexème et le vocable sont des unités lexicales à valeur dénominative, ayant une fonction
référentielle. Mais la différence qui les distingue consiste dans le fait que le lexème appartient au lexique
de la langue, réalité abstraite et virtuelle, tandis que le vocable est l’actualisation d’un lexème dans un
discours. Quand cette distinction est ignorée, on emploie indifféremment le terme neutre mot, qui
désigne toute unité lexicale à valeur dénominative. Les lexèmes sont perçus à travers les vocables, de
même que le lexique est formé de la totalité des vocabulaires. Un vocabulaire est un discours prononcé
par un locuteur donné dans des conditions discursives données. Les dictionnaires ont comme tâche de
convertir les vocables en lexèmes, suite au dépouillement d’un ensemble de textes effectivement
réalisés, appelé corpus. L’analyse des textes relève du fait que des vocables de forme identique mais
ayant des sens contextuels plus ou moins différents constituent, au niveau du lexique, un lexème
polysémique. La polysémie est la propriété d’un lexème (mot de dictionnaire) d’ avoir plusieurs
acceptions en langue, c’est–à-dire plusieurs valeurs proches les unes des autres, ce qui justifie le fait qu’à
un lexème polysémique on réserve une seule entrée ou article de dictionnaire, avec la description de
chaque acception en sous-divisions. A la différence des lexèmes, les vocables sont monosémiques, car le
contexte linguistique et situationnel détermine l’acception exacte. Une catégorie différente de lexèmes
est représentée par les homonymes, qui sont des mots de formes identiques, mais ayant des significations
différentes, entre lesquelles il n’existe aucun lien logique ou référentiel et qui proviennent d’étymons
(mots d’origine historique) différents. C’est le cas de vol1 et vol2, auxquels on accorde deux entrées
lexicographiques différentes dans Le Petit Robert (1990) :
Vol1, n.m. : action de voler ; ensemble desmouvements cordonnés faits par les animaux capables de se
maintenir en l’air pour s’y mouvoir. Vol des oiseaux, des insectes.
Vol2 , n.m. :le fait de s’emparer des biens d’autrui (du verbe voler2) par la force ou à son insu ; action qui
consiste à soustraire frauduleusement le bien d’autrui.
Le traitement des unités lexicales en polysèmes ou en homonymes reste un aspect délicat du travail des
lexicographes, les solutions adoptées pouvant être différentes d’un dictionnaire à l’autre.
Le lexème peut se confondre soit avec les mots simples (table, rouge, dix) soit avec des bases de
dérivation, autonomes ou non autonomes (v. Première partie. Morphologie dérivationnelle). Dans une
perspective dictionnairique, il y a des lexèmes simples et des lexèmes dérivés, car tout mot de
dictionnaire, dépourvu d’actualisation discursive, ayant une référence, constitue un lexème. La plupart
14
des lexèmes les plus courants sont polysémiques, ayant plusieurs acceptions, mais il peut y avoir, plus
rarement, des lexèmes momosémiques, ayant une seule signification.
La lexicologie étudie les lexèmes et les vocables d’une langue naturelle. Les lexèmes sont
étudiés par la lexicographie (art de l’élaboration des dictionnaires comme inventaires de mots abstraits),
tandis que les vocables sont analysés par toutes les formes de l’analyse du discours (stylistique
classique, linguistique textuelle, lexico-stylistiqueetc.). La grammaire générative considère le lexique
comme la partie de la grammaire d’une langue consacrée à l’étude des unités lexicales, le lexique étant
un sous-composant de la description linguistique au même titre que la phonologie ou la morphosyntaxe.
1.5. Les rapports de la lexicologie avec les autres disciplines linguistiques
La morphosyntaxe étudie les formes du mot - les variations formelles du même terme, en
fonction de ses emplois discursifs (de ses relations syntaxiques possibles dans les phrases
grammaticales d’une langue donnée). Les flexions, les désinences de genre et de nombre ont une
valeur signifiante (leurs réalisations formelles sont des morphèmes grammaticaux ayant un sens
relationnel, grammatical). Les séries grammaticales sont closes, comportant un nombre limité
d'éléments (par exemple, les marques du genre, du nombre, de la personne), organisées selon les
grandes catégories mentales du temps, de la personne, du nombre, etc.
Elles sont peu susceptibles de changements et ne permettent aucune création individuelle,
si ce n'est à long terme et à la suite de profonds remaniements inconscients et collectifs du
système mental des usagers (par exemple, l’apparition du futur synthétique et de l'article dans les
langues romanes). Les désinences et les flexions rendent possible la combinaison entre les unités
lexicales dans un énoncé (phrase réellement réalisée dans le discours). On considère que les mots
variables, qui ont une flexion, possèdent plusieurs formes, appelées mots-formes, qui
représentent une seule unité lexicale (un seul mot).
Les unités lexicales, objet de la lexicologie, s'organisent en micro-systèmes ouverts,
d’après des critères formels et / ou sémantiques, comportant un nombre illimité d'éléments, car
soumis à la création continue, individuelle et /ou collective de nouveaux mots. Les microsystèmes lexicaux tolèrent, à côté de la stabilité relative, le renouvellement assez rapide de ses
éléments, ce qui peut produire dans le temps des modifications profondes de la structure même du
micro-système lexical.
La morphologie lexicale étudie les mots construits (dérivés ou composés) et leurs
éléments identifiables, qui sont des signes linguistiques
minimaux – affixes et radicaux
sémantiques–, porteurs d'un sens référentiel et, pour certains affixes, d’un sens relationnel
(grammatical) et sémantique à la fois. La morphologie lexicale étudie donc la partie invariable
des mots, qui reste inchangée dans n’importe quel emploi discursif.
15
Tandis que le sens des actualisateurs discursifs (désinences et marques) étudiés par la
morphologie est purement grammatical, le sens des affixes est sémantique (référentiel) et
grammatical à la fois.
Tout mot construit dévoile, dans sa structure, des formes et des rapports syntaxiques
existant à l'origine entre les éléments générateurs. L’analyse des mots construits prouve l'étroite
liaison existant entre la création des unités lexicales et la syntaxe. Les termes composés, tels
pomme de terre, arc-en-ciel, abat-jour reflètent les rapports de subordination syntaxique entre les
composants dans une phrase profonde génératrice („Cette pomme qui est de la terre“, „Cet arc qui
est en ciel“ , „Cet objet qui abat le jour“, etc.)
Un terme construit constitue une nouvelle unité lexicale, qui exerce une fonction
syntaxique unique dans un nouveau contexte.
La sémantique est la discipline linguistique qui étudie le sens des mots, branche de la
sémiologie, science générale des codes (des systèmes de signes). Ayant sa source dans l'étude
déjà ancienne des changements de sens, elle s'identifie, à l'époque classique, à l'analyse des
figures de rhétorique . C'est Michel Bréal qui imposa le terme de sémantique (M. Bréal, Les lois
intellectuelles du langage, fragments de sémantique, 1883) pour désigner „la science des
significations“. Elle a des rapports étroits avec la logique et la psychologie, dans leur intérét
commun pour le sens.
La sémantique lexicale emprunte à la sémantique pure les méthodes d'analyse - l'analyse
sémique (ou componentielle) du sens, qui lui permet de saisir les éléments constitutifs du sens des
unités lexicales.
La phonologie. Son objet d'étude sont les phonèmes, qui composent la partie matérielle,
sonore des mots (le signifiant). Les phonèmes sont des unités distinctives, mais non - signifiantes,
étant mono-planes (sans signifié) ; ils constituent la deuxième articulation du langage (v. A.
Martinet, Eléments de linguistique générale,1960).
L’opposition minimale des phonèmes o/a permet par exemple de distinguer les signes
baraque et baroque, celle de p/b permet de différencier poire de boire, etc. Les phonèmes n'ont
aucune valeur sémantique. Chaque langue possède ses habitudes articulatoires, son système
phonologique propre (en français, il existe les voyelles nasales, les demi-consonnes, les voyelles
fermées et ouvertes, qui font difficulté à l'étudiant roumain). D'autre part, l'écriture phonétique du
roumain est bien différente de l'écriture étymologique du français, adoptée à l'époque de la
Renaissance, pour laquelle il n’y a pas toujours de correspondance entre la lettre et le son. Par le
fait qu’elle étudie aussi le signifiant—la forme des mots, la lexicologie a des rapports avec la
phonologie.
16
L'étymologie (gr. Etymos – «sens vrai») est la science du sens authentique. Elle étudie les
causes et les formes des changements linguistiques relatifs à la forme et au sens, en remontant au
mot originaire appelé étymon.
La lexicologie historique étudie l'histoire des mots (les changements de forme et de sens) et
l'évolution des ensembles associatifs. Elle prend appui sur l'étymologie pour expliquer la
motivation des signes et leur démotivation par l'oubli progressif du sens étymologique (par
exemple, aucun locuteur d’aujourd’hui
n’analyse barricade comme un dérivé du verbe
barriquer „fermer un passage avec des barriques “ ou plafond comme un composé de plat et de
fond).
Pour la plupart des mots français les spécialistes ont trouvé les étymologies correctes. Il
existe plusieurs dictionnaires étymologiques de la langue française, parmi lesquels nous
énumérons les plus usuels:

O. Bloch et von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, PUF,
Paris, 1932, avec de nombreuses rééditions ;

Wartburg, W. von, (1922-1970), Französisches etymologisches Wörterbuch, Tübingen,
Bâle. Cet ouvrage monumental retrace l`histoire des mots pour les langues romanes ;

A. Dauzat, J. Dubois et H. Mitterand, Nouveau dictionnaire étymologique et historique,
Larousse, Paris, 1964, avec datations précises des premières attestations documentaires ;

J. Picoche, Nouveau dictionnaire étymologique du français, éd. Le Robert, Paris ( 1-re
éd. 1971); il regroupe les mots par grandes familles historiques en remontant à l'indoeuropéen et oppose formes populaires et formes savantes.
L'histoire détaillée des signifiés, plus complexe que celle des signifiants, a fait l'objet de
nombreuses recherches.
A. Lerond a effectué le travail de datation des diverses acceptions des mots pour le Grand
Larousse de la Langue Française (GLLF), paru entre 1971-1978.
De même, le Trésor de la Langue Française (16 vol., édité entre 1971-1994 sous l’égide
du CNRS) est le plus grand et complet dictionnaire actuel; il offre, outre d'autres données utiles,
des informations sur l'étymologie des mots et leurs datations, à l'intention d’une explication
génétique des termes.
La Stylistique étudie les moyens expressifs offerts par la langue aux locuteurs natifs. Ch.
Bally (Traité de stylistique française, 1951) a fait le premier la distinction entre l'expressivité
spontanée (parole affective), objet de la stylistique linguistique, et l'expressivité volontaire, qui
inclut l'idée d'art de la parole, étudiée par la stylistique esthétique, qui s'applique à des
productions littéraires, oratoires, à des genres littéraires divers.
17
À l'époque classique, sous le nom de rhétorique, elle étudiait les "figures de style" et les
règles des grands genres littéraires. Par son côté appliqué, la lexicologie offre des moyens
nouveaux de recherche dans l'analyse des thèmes dominants —les mots-clefs de tel ou tel
écrivain, l’étude des idiostyles.
La lexicologie s'intéresse elle aussi aux variétés de langue qui sont des variétés socioculturelles ou professionnelles (niveaux et registres de langue, idiostyles poétiques), mais aussi
des variations dans le temps (les diverses époques de l’histoire du français) et des variétés dans
l’espace (le français régional et le français hors la France).
1.6. Le lexique, système ouvert et dynamique
Le lexique est la partie la moins stable, car la plus soumise aux changements, la plus
influencée par les conditions de l’évolution socio-économique d’une société. Ces changements du
système lexical ont des causes internes , dues aux tendances d’évolution des rapports entre les
signes, et des causes externes, déterminées par le progrès technique et scientifique, par les
nouvelles relations sociales, par l’apparition de nouveaux référents qui doivent recevoir un nom.
Le statut linguistique du mot est forcément abstrait, car le concept qu’il véhicule est de nature
abstraite (il est formé d’un ensemble de traits spécifiques ou propriétés qui caractérisent une
classe d’objets). J. Picoche (1992) affirme :
Parler de mots concrets n’est légitime qu’à condition de prendre conscience qu’on
considère alors non pas le statut linguistique du mot (nécessairement abstrait), mais l’objet
auquel il réfère qui, lui, peut être objet de sensation, ou l’analyse de son signifié, qui peut
comporter les traits sémantiques « sensible », « mesurable », toutes choses quel’on peut exprimer
par le terme concret.
Le langage permet l’abstraction et la catégorisation, opérations essentielles par lesquelles
l’homme cherche à comprendre l’univers, y vivre et communiquer avec les autres hommes
pendant ses activités. Les linguistes ont observé que chaque langue naturelle a sa manière propre
de structurer les concepts qui expriment l’expérience extralinguistique d’une communauté.
L’existence des zones mieux structurées à l’intérieur du lexique, organisées autour de certaines
notions ou concepts, appelées « champs notionnels » ou « réseaux associatifs » a été observée
pour la première fois par l’allemand Jost Trier, en 1931. Il a comparé la totalité du lexique d’une
langue naturelle avec une mosaïque ou un filet dont chaque pièce correspondrait à un concept, de
sorte que toutes les pièces de la mosaïque recouvrait en totalité le champ du réel, sans laisser de
18
vide ni se chevaucher, comme les pièces d’un puzzle. Tout changement dans la compréhension
d’un concept entraîne une modification des concepts voisins et par contre-coup des mots qui les
expriment. Mais cette description mécaniciste de la langue ne correspond pas à la réalité de son
fonctionnement. Toute langue naturelle a des lacunes lexicales (cases vides), pour certains
concepts ou sous-concepts qu’une autre langue a dénommés ; dans toutes les langues il y a des
cas de chevauchements, redondances et pléonasmes ; même le phénomène de la synonymie en
témoigne. Il semble que les locuteurs créent des termes pour les réalités qui suscitent leur plus vif
intérêt à un moment donné. Si la subjectivité individuelle et collective intervient, plusieus termes,
dont la plupart sont imagés, peuvent dénommer le même référent. La redondance lexicale, sous
l’aspect de la synonymie, s’oppose au phénomène de la polysémie, manifestation du principe
d’économie. D’autre part, le lexique est hiérarchisé, d’après le degré d’abstraction des mots. Les
lexèmes moins abstraits, ayant une compréhension plus réduite, sont soumis aux mots de sens
plus général, dont ils possèdent en intension tous les sèmes définitoires : une tulipe est une fleur,
mais une fleur n’est pas nécessairement une tulipe. Les champs lexico-sémantiques comme les
noms des couleurs, les noms de l’habitation ou les noms des animaux ont donné l’occasion à des
analyses structurales du sens, fondées sur les rapports d’opposition binaire. La valeur, concept
linguistique introduit par F. de Saussure, permet d’identifier un mot dans le cadre du système de
la langue : un mot est ce que les autres mots de sens voisin, appartenant au même champ
notionnel,
ne sont pas. Ces autres mots délimitent ses emplois spécifiques. En comparant
diverses langues, on observe que tous les co-hyponymes ne possèdent pas un archilexème, c’està-dire il n’existe pas de réalisation lexicale pour le terme de sens le plus général. C’est le cas pour
les noms des « objets pour s’asseoir », qui en français possèdent l’archilexème siège, qui n’a pas
de correspondant en roumain. L’extension d’un concept peut être différente d’une langue à
l’autre. Le terme français parents désigne soit les géniteurs directs, soit des personnes ayant des
rapports de famille plus ou moins étroits. Pour désigner la même réalité, le roumain dispose de
deux termes différents, qui tire chacun sa valeur par opposition avec l’autre : părinţi et rude. Ce
phénomène, mis en évidence aux cours des traductions, a reçu le nom de fourche lexicale. G.
Mounin (Les problèmes théoriques de la traduction, 1963) a présenté une multitude d’autres faits
de structuration lexématique différente d’une langue à l’autre, en référence à une même réalité.
Le lexique est ouvert et illimité. Chaque moment, des mots nouveaux apparaissent et des
mots vieillis, dont les référents sont disparus, sortent de l’usage. Les mots qui dénomment des
référents nouveaux s’appellent néologismes. La nouveauté lexicale, la possibilité de création de
nouveaux mots, soit-elle de forme et / ou de sens, est inscrite dans les lois internes qui régissent
le lexique d’une langue.
19
.BIBLIOGRAFIA CAPITOLULUI
1.Coşeriu, Eugeniu, 1975, Vers une typologie des champs lexicaux, in Cahiers de lexicologie,
XXVII, II, P. 30-51; trad roumaine Către o tipologie a câmpurilor lexicale, in vol. Lingvistica
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2.Gardes-Tamine, Joëlle, La grammaire 1(Phonologie, morphologie, lexicologie), Armand
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3. Juilland, Alphonse et Juilland, Ileana, Frequency Dictionary of Rumanian Words, LondonThe Hague-Paris:Mouton, 1966
Martinet, André, 1960, Eléments de linguistique générale, Armand Colin, Paris
Măgureanu, Anca, 1984, La sémantique lexicale, TUB, Bucuresti
4. Mortureux, Marie-Françoise,1997, La lexicologie entre langue et discours, SEDES, Paris
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7. Muller, Ch., 1979, Langue française et linguistique quantitative, éds. Slatkine, Genève.
8.Neveu, Franck, 2000, Lexique des notions linguistiques, éds. Nathan / HER, Paris
9.Picoche, Jacqueline,1992 (1977, 1-ère éd.), Précis de lexicologie française, éds. Nathan, Paris
10. Saussure, Ferdinand de, 1916, Cours de linguistique générale, Payot, Paris
11.Simionică, Ioan, 1970, Limba franceză contemporană. Lexicologie, Ed. Didactică şi
pedagogică, Bucureşti
12.Lehmann, A., Martin-Berthet, Fr., 2000, Introduction à la lexicologie, Eds. Nathan / HER
INTREBARI:
1. Pourquoi la lexicologie est-elle apparue plus tard comme discipline linguistique ?
2. Quels sont les objectifs de la lexicologie descriptive ?
3. Expliquez l’utilité de la lexicologie appliquée.
4. Avec quelles autres disciplines linguistiques la lexicologie entretient–elle des relations
privilégiées ?
5. Quelles sont les méthodes employées en lexicologie ?
6. Quels sont les objectifs de la lexicologie diachronique ?
20
7. Sur quels principes est fondée l’analyse lexicologique ?
8. Connaissez–vous quelques dictionnaires étymologiques de la langue française ?
9. Définissez le lexique comme sous-composant de la langue.
10. Justifiez l’affirmation que le lexique est un système ouvert et dynamique.
II. CURSUL
2. LA MORPHOLOGIE DERIVATIONNELLE
Concepts de base en lexicologie: mot / lexème / vocable; affixe / morphème
grammatical / allomorphe / « morphe porte-manteaux »; mot simple (lexie simple) /
mot construit (lexie complexe : mot dérivé / mot composé / synapsie /expression) ;
champ lexical
Dans ses analyses, la lexicologie opère avec quelques concepts fondamentaux. Le plus
difficile à définir est le mot. Plusieurs théories en témoignent.
Depuis l’Antiquité, on a essayé de définir le signe linguistique (le mot). Dans le dialogue
platonicien Cratyle, on émet l’hypothèse que le langage dépend du monde, que la justesse du nom
procède de la nature de la chose désignée. Il est vrai que certaines catégories de mots–les
onomatopées, les interjections, les jeux de correspondance et de mimétisme entre la forme sonore ou
graphique du mot et ce qu’il suggère ou signifie, cultivés surtout par les poètes, semblent justifier la
conception cratylienne. Mais le plus souvent, l’association constante entre une certaine forme sonore
ou graphique et une certaine signification résulte d’une convention sociale entre les usagers de la
langue. Pour Aristote, la parole est une représentation de la pensée ; les mots sont les symboles des
concepts. L’universalité des signifiés conceptuels pour une langue donnée et même pour plusieurs
langues permet l’analyse logique du contenu des mots. Ces conceptions immanentistes se retrouvent
plus tard chez les philosophes (les stoïciens, Descartes, Leibniz.), plus récemment chez Husserl (il
pose l’existence d’une grammaire a priori), chez le positivisme logique de Carnap et l’Ecole de
Vienne, même chez Chomsky (il affirme l’innéisme du système linguistique).
Les théories des usages posent qu’il n’existe de stabilité possible du langage que dans l’usage,
qui procure les régularités nécessaires à la communication. Peirce et Wittgenstein affirment la
primauté de la nature publique et sociale du sens : la signification d’un mot réside dans l’usage que
l’on va en faire. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien de psychologique dans le signe, mais ils refusent
de fonder le signe linguistique uniquement sur cette dimension, de réduire la communication à un
21
échange exclusif entre deux intériorités. Pour Saussure, „le signe linguistique unit non un nom et une
chose, mais un concept et une image accoustique“.(CLG,
p.9). Il écarte la question de la
représentation du monde. Il affirme que „la langue est un système qui ne connaît que son ordre
propre“, ses lois internes d’organisation. Ch. S.Peirce (Ecrits sur le signe, Collected Papers) a
développé une conception triadique sur le signe, conçu comme une relation dynamique entre un
representamen, qui tient lieu d’un second, son objet, pour un troisième, qui est son interprétant ; le
signe, le signe verbal aussi, est un tout, pour lequel representamen, objet et interprétant ne sont pas
des étapes ou des termes, mais des fonctions de la semiosis.
Le mot ou l'unité lexicale est donc une notion encore sujette aux interprétations, d’où la
difficulté à le définir. Combien de mots y a-t-il dans un exemple comme:
"Aujourd’hui, Jean va se remettre à son casse-tête habituel “ ?
Le typographe, pour lequel le critère d’identification reste l’unité graphique d’un ensemble
de lettres, séparé par deux blancs d’un autre ensemble, distingue 11 unités, tandis que le
lexicographe en voit seulement sept.
La notion de mot manque souvent de précision, observe A. Dauzat (La vie du langage,
1910); elle est le fruit de longues réflexions, qui n'ont pas encore fini de hanter les spécialistes
Définition :l'unité lexicale ou le mot est le signe linguistique, vu comme une unité biplane
formée d’une forme matérielle (sonore ou graphique) et d’une signification (selon Saussure, d’un
Sa —ssignifiant et d’un Sé—signifié) doué d'une référence et capable d'un emploi discursif
autonome .Il est une unité morpho-fonctionnelle de la langue.
Le mot est la plus petite partie sémantique de l’énoncé, capable d’être employée
indépendamment, à laquelle on parvient à l’aide de l’analyse
morphosémantique. L’unité
dialectique entre sens et forme s’exprime dans la liaison inséparable entre les deux facettes du
signe verbal, telles les deux faces d’une feuille de papier, la forme n’étant que le support du sens.
A. Meillet ( Linguistique historique et linguistique générale, 1921, p.30) a défini le mot par trois
aspects : une forme, un sens et une catégorie grammaticale : „Un mot résulte de l’association
d’un sens donné à un ensemble de sons donnés susceptibles d’un emploi grammatical donné “ .
Dans l'exemple donné précédemment, va se remettre compte pour une seule unité lexicale
(le verbe se remettre est actualisé à la III-ème pers. sing. du futur périphrastique), casse-tête est
un mot composé, qui a un seul référent: „problème difficile à résoudre “.
Le signifié ou le sens du mot est l'image mentale que la prononciation du signifiant éveille
dans notre esprit: „Dans toute langue parlée, le mot est un son ou groupe de sons articulés auquel
ceux qui parlent attachent une valeur intellectuelle. C'est un signe sonore, qui rappelle, par suite
22
d'une association, une notion abstraite. L'esprit garde le souvenir constant de ce rapport, et quand
paraît le mot, entendu ou lu, il éveille l'idée dont il est le signe. Apprendre le lexique d'une langue
consiste justement à graver dans sa mémoire les sons articulés de cette langue dans leurs rapports
avec les images et les idée dont ils sont les signes“. (A. Darmesteter, La vie des mots étudiée
dans leurs significations, 1895). L'auteur remarque que la langue aurait dû posséder autant de
mots que d'idées simples (notions) et créer un terme pour chacune d'elles. Mais les ressources du
langage sont insuffisantes pour rendre ainsi les nouvelles idées, et d'ailleurs la mémoire serait
écrasée sous le poids du nombre énorme de mots. Le principe de l'économie, qui agit dans la
langue, trouve une meilleure solution «L'esprit donne au même mot plusieurs significations »,
chaque acceptions étant évoquée spontanément dans le contexte discursif spécifique. Il est
intéressant que l'actualisation discursive de chaque acception spéciale du terme polysémique se
fait indépendamment des autres acceptions, qui ne sont pas actualisées simultanément dans notre
mémoire, preuve du fait que "c'est de l'idée, non du mot, que part l'esprit quand il exprime sa
pensée», affirme le même auteur. Ces termes polysémiques sont très nombreux dans le lexique
actuel.
La prononciation d'un mot reste identique, en principe, chez l'adulte pendant toute sa vie.
Un des aspects les plus délicats est de cerner la partie purement lexicale, celle qui
représente les choses dont on parle, et la partie grammaticale du mot. En latin, langue
flexionnelle, un accusatif comme oratorem est un mot, de même que le nominatif sing. lupus. En
français marche!, forme de l'impératif II-ème pers., apparaît comme un mot, tandis que tu
marches est censé en contenir deux. C'est par pure convention que les substantifs ont la forme du
nominatif sing. et les verbes la forme de l'infinitif dans les dictionnaires, car la désinence de ces
formes (pour le français, c’est seulement le cas des verbes) est un signe grammatical qui enlève
aux mots représentés dans le dictionnaire leur qualité de signe lexical pur.
Ainsi ce qu’on appelle mot désigne tantôt un signe purement lexical, sans aucun ingrédient
grammatical (loup), tantôt un complexe indécomposable de signes, susceptible de fonctionner
dans le discours parce qu'íl est muni d'actualisateurs et de ligaments grammaticaux (Ch. Bally,
Linguistique générale et linguistique française, II-e partie, 1932).
En fait, le terme français loup est tout aussi peu indépendant que le radical latin lup -, car il
ne peut jamais fonctionner à lui seul dans une phrase où il doit remplir une fonction syntaxique;
impossible de dire: *Loup est vorace, * je voir loup, * La fable de loup et d'agneau.
En français, le syntagme nominal le loup ou le syntagme verbal tu aimes compte pour deux
mots. Le formalisme d'une telle interprétation est mis en lumière par la comparaison avec d'autres
langues douées de flexions : le latin lupus ou lupo, lupi, le roumain citeşti, iubeşti, etc.
23
M. Bally (idem) propose d'appeler sémantème le signe exprimant une idée purement
lexicale, quelle que soit sa forme (radical: aim-, march-, mot simple: loup, rouge, mot suffixal :
louveteau, rougeâtre, mot composé: loup-cervier, rouge foncé, etc.). Ce terme s’est imposé en
sémantique structurale comme la partie commune (le radical) à plusieurs mots appartenant à des
parties de discours différentes, porteuse du même sens référentiel, par exemple: blanc dans
blancheur, blanchir, blanchâtre.
La linguistique d'aujourd'hui appelle cette partie purement lexicale lexème. Le lexème
peut s’identifier avec le mot simple (loup, rouge, table, grand) ou avoir la forme d’une base non
autonome, surtout dans le cas des termes latins ou grecs ( -logue, auto-, cyber-, télé-, etc). Dans
une perspective dictionnairique, les termes enregistrés par les dictionnaires sont des lexèmes,
unités appartenant au lexique, qu’ils soient simples ou construits. Ils ne peuvent fonctionner tels
quels dans le discours, car ils sont dépourvus d’actualisateurs discursifs absolument nécessaires
(déterminants, prépositions, flexions etc).
Le lexème n'a pas une valeur fonctionnelle, discursive, à la différence du mot, qui apparaît
comme un conglomérat d'éléments: un lexème (partie porteuse du sens référentiel), un ou
plusieurs morphèmes et les marques de la flexion.
Le roumain lup est un lexème; lupul, lupului, lupilor, lupi(i) sont des mots. En français, où
la flexion casuelle du substantif a disparu, loup est un lexème; le (un) loup, ce loup, un gros loup
sont des syntagmes nominaux, où le nom est actualisé dans le discours; cette situation peu
satisfaisante s'explique par la confusion entre le critère grammatical et orthographique d'une part
et le critère lexical (sémantique) d'autre part. Il est donc plus correct de dire que le français loup,
roum. lup sont des lexèmes (des sémantèmes), signes qui figurent dans le dictionnaire et jamais
seuls dans le discours.
André Martinet (Éléments de linguistique générale, 1960; trad. roum. 1970) a introduit le
concept de monème pour désigner toute unité signifiante élémentaire; signe minimal doué d'un
contenu signifiant et d'une expression phonique, qu'on ne peut plus analyser en d'autres signes .
Les monèmes sont concrétisés en morphèmes lexicaux (lexèmes), signes qui figurent dans
le dictionnaire, et en morphèmes grammaticaux (signes qui ont un sens relationnel et une
fonction grammaticale), comme les affixes et les désinences. Ils existe des monèmes qui figurent
aussi bien dans le dictionnaire que dans la grammaire, mais ils font partie plutôt de la catégorie
des morphèmes : les prépositions, les conjonctions, les articles, ayant le rôle fonctionnel
d'introduire dans l'énoncé un autre monème lexical qui ne comporte pas dans son contenu
sémantique l'indication du support syntaxique avec les autre membres de l'énoncé.
24
Définition : le morphème est l'unité linguistique minimale douée d'une forme (elle est
d'ordre morphologique) et d'une signification (grammaticale), résultée de la décomposition du flux
sonore des mots, par analyse; elle est formée d'un ou de plusieurs phonèmes associés à une
signification (d'ordre grammatical) qui lui prête son caractère de signe linguistique. Le morphème
s'oppose au mot, qui est en général analysable en morphèmes, et au phonème (à la syllabe aussi) qui
est dépourvue de sens et composant du morphème. Les morphèmes forment l'objet d'étude de la
morphologie. Dans la conception d'A. Martinet, le morphème est un monème ayant un sens
purement grammatical, dont la place est dans la grammaire et non pas dans le dictionnaire. Il existe
des morphèmes segmentaux (les préfixes, les suffixes, les désinences, les articles, les auxiliaires,
les adverbes de la structure comparative, les prépositions et les conjonctions), et des morphèmes
suprasegmentaux (qui ne sont pas représentés par un segment phonique, mais qui accompagnent
un segment et lui donne un certain sens): l'intonation imprime à la séquence qui lui est associée
l'idée d'assertion ou d'interrogation ; l'accent d'intensité, fixe en français, marque la dernière
voyelle sonore du mot français, qui est oxyton ; par contre, l'accent dit expressif peut frapper
n'importe quelle syllabe : C’est extráordinaire ! L'accent, qui peut résoudre des cas d'homonymie en
roumain(exemple: cântă,présent/cântă, passé simple) n’a pas une valeur distinctive en français.
L ‘analyse segmentale insiste sur l’absence d’autonomie des morphèmes liés (les
affixes :suffixes et préfixes) en privilégiant le caractère unitaire du mot construit(v.infra, 2.1).
Le morphème lexical est le synonyme du lexème. Il aide à la formation de mots nouveaux,
en qualité de morphème lexical de base(dans la terminologie de la grammaire générative et
transformationnelle), tel rouge dans rougeâtre, enfant dans enfantin, enfanter, ou en qualité de
morphème dépendant, dérivatif, comme les suffixes lexicaux: - âtre, -in, -ier.
Les morphèmes grammaticaux réalisent les catégories de genre, de nombre, de personne,
de mode de temps, de comparaison. Ils se présentent soit sous la forme d'une désinence (-s, -e) ,
soit d'un suffixe (-esse, dans tigresse, -eresse, dans vengeresse, etc.), d’une préposition, d’une
conjonction ou de certains adverbes.
Le suffixe zéro est un morphème sans corps phonique qui existe seulement par le contraste
de forme et la différence sémantique entre deux termes lexicaux construits sur la même base:
(coupe–coupure), et appartenant à la même classe morpho-sémantique (éclair–éclairage, (le)
lever (du soleil) - la levée (de la séance) - (le) levage (du pain), dont seulement un possède un
suffixe reconnaissable.
L’allomorphe et le morphe porte-manteaux. Il y a des cas où le même concept est porté
par des formes diverses, conditionnées par l’environnement syntaxique, sans qu'il s'agisse en fait
de mots différents, synonymiques, mais des formes d'un même mot imposées par certains
25
emplois. Par ex, le verbe aller peut recevoir les formes lexématiques all-, v-, i-, qui s'appellent
morphes. Les morphes sont plusieurs segments phoniques aux distributions complémentaires et
porteurs du même sens. Les morphes du monème «première personne» du pluriel verbal sont ons, -ions-îmes, ceux du monème « article défini » sont le ou la.
Ils existe aussi la situation où deux monèmes sont amalgamés, étant exprimés par une
forme unique. Elle s'appelle morphe porte-manteau, comme le segment est, qui exprime en
même temps le monème « verbe être » et le monème « présent de l’indicatif » ; -eau, (-eau
indique la présence d’un nominal masculin au singulier ; étymologiquement, -eau est un suffixe à
valeur de diminutif) ; le morphème –ais peut indiquer la première ou la deuxième personne de
l’indicatif imparfait singulier).
F. de Saussure (CLG, 1916) a affirmé que „le mot, malgré la difficulté qu'on a à le définir,
est une unité qui s'impose à l'esprit, quelque chose de central dans le mécanisme de la langue".
Le mot est une entité psychologique bien ancrée dans la conscience des locuteurs, malgré la
critique des structuralistes qui ont manifesté la tendance à l'obnubiler, reconnaissant comme
unités de la langue uniquement les morphèmes et les combinaisons de morphèmes. Mais il ne
faut pas oublier que chaque langue possède des règles strictes de combinaison des morphèmes
à l'intérieur du mot, règles qui sont tout aussi invariables qui les règles purement grammaticales.
J. Dubois (Grammaire structurale du français, 1969) précisait ainsi l'opposition entre morphème
et mot: „Le mot est une unité de discours, c'est un terme défini par ses réalisations. Il entre dans
le modèle de performance et en conséquence il ne relève pas du seul modèle linguistique. Il est
intéressé à la fois par une théorie du sujet et une théorie de la situation, qui entrent aussi dans la
constitution du modèle de performance".
Le vocable est l'actualisation de l'unité lexicale dans le discours. Dans la terminologie de la
statistique lexicale, le terme désigne une unité lexicale-type. Ainsi, les notions de mot et vocable
désignent-elles des unités de la parole, tandis que le lexème est une unité du lexique abstrait.
L'opposition lexème/vs/vocable (mot) se formule à travers l'opposition entre virtuel (le lexique
abstrait de la langue est un code), et actuel (l'emploi discursif du mot).
La lexicologie peut être alors définie comme la discipline linguistique qui étudie les vocables
et les lexèmes d’une langue. De ce fait, elle se trouve entre la langue comme système abstrait et la
parole (l'actualisation discursive de la langue). Les effets de sens contextuels font qu'il y ait des
différences notables entre le sens en langue (tel qu'il est enregistré par le dictionnaire) et la
signification précise reçue dans le discours (cf. M.F. Mortureux, La lexicologie entre langue et
discours, 1997).
26
La lexie. Pour certains linguistes (B. Pottier), la lexie représente un groupement stable de
morphèmes constituant une unité fonctionnelle, mais de nombreux morphèmes ont le statut de
mots et certains mots répondent à la définition de la lexie. D’autres spécialistes appellent lexies
les groupements stables de mots qui doivent être pris et reconnus en bloc et dont le sens
particulier ne s’obtient pas en combinant le sens des composants. Il s’agit d’expressions toutes
faites, comme l’expression figée faire chou blanc , „échouer“, rompre des lances (se quereller),
de locutions comme une femme de ménage ou de proverbes (“Pierre qui roule n’amasse pas
mousse“), de formules stéréotypées de politesse ( Comment ça va ?). B. Pottier appellent toutes
ces structures lexies complexes.
Le Champ. Le champ est le plus complexe mode de structuration sémantique
paradigmatique du lexique. Le concept a reçu une définition structurale de la part d’E. Coşeriu et
il a été intensément exploité ces derniers temps par plusieurs linguistes (Asprejan, Mounin, BiduVrănceanu, etc.).
Définition : le champ est une structure paradigmatique primaire du lexique, constituée par
des unités lexicales (lexèmes) qui se partagent une zone de signification continue commune et qui
se trouvent en opposition immédiate les unes aux autres (v. E. Coşeriu, Les structures
lexématiques,1968).
Ce concept s’applique uniquement aux unités lexicales de la langue, celles douées d’un
sens référentiel. Tout le lexique d’une langue naturelle peut être envisagé comme un vaste champ
ou bien on peut y déceler plusieurs champs. Dans la littérature de spécialité on parle de champs
lexicaux, de champs sémantiques, de champs associatifs, de champs génériques et de champs de
métaphores.(v. J. Picoche, 1986) . Une difficulté à délimiter le champ consiste dans le fait qu’un
même terme peut figurer dans plusieurs champs génériques (notionnels) à la fois, par exemple
disque :en sports (lancer du disque), en musique (disque compact), en informatique (disque dur),
en mécanique (disque d’embrayage). L’étendue des champs est difficile à établir, un grand
nombre sont inclus les uns dans les autres, ce qui s’explique par le phénomène d’hyperonymie /
hyponymie (v. Baylon et Mignot, 2000 :117).
À l'intérieur du lexique il existe des zones mieux structurées, ensembles organisés entre
les éléments desquels il existe des relations durables et constantes d'interdépendance et de
détermination logique qui assurent le bon fonctionnement et la cohésion interne de l'ensemble.
La langue est une entité autonome de dépendances internes qui se soumet à des "lois"
(tendances) spécifiques d'évolution. L'existence des structures formelles et conceptuelles au sein
du lexique a été évidenciée grâce à l'observation des "réseaux associatifs" ou des "champs
notionnels", comme: le système des noms de couleurs, des noms des animaux, des relations de
27
parenté, des noms de l'habitation, etc. Chaque langue a sa manière propre de structurer les
champs notionnels. L'allemand Jost Trier, en 1931, a comparé le lexique en sa totalité à un filet
ou à une mosaïque dont chaque pièce (en espèce, chaque concept) correspond à une certaine
réalité, de sorte que toutes les pièces du lexique recouvrent tout le champ du réel sans laisser de
vide ni se chevaucher, comme les pièces d'un puzzle. Tout changement dans les limites d'un
concept entraînerait une modification des concepts voisins et par contre-coup des mots qui les
expriment.
Cette conception mécaniste n'est pas correcte, car le lexique est classificateur, structuré, les
divers termes d'un champ sont hiérarchisés entre eux, ce qui n'existe pas dans le cas des mailles
d'un filet. Mais il a le mérite d’avoir introduit, dans l’analyse du lexique, le principe pratique de la
segmentation du vocabulaire selon des critères sémantiques. Il met en lumière le fait que chaque
langue ou chaque étape historique de l’évolution d’une langue articule à sa manière un certain
champ notionnel. Cette idée est reprise par l’hypothèse „Sapir-Whorf“, élaborée à la même
époque , qui affirme que chaque langue ou chaque groupe génétique de langues offre une
représentation du monde spécifique.
Les linguistes ont proposé plusieurs types de champs. Celui qui intéresse la morphosyntaxe
interne des mots est le champ morpho-sémantique En général, par champ morpho-sémantique
on comprend le réseau d’associations formelles et sémantiques dans lequel s’insère chaque mot.
Quand il a une forme simple, il peut constituer la base de dérivation pour plusieurs mots dérivés,
qui forme sa „famille de mots” ou „nid lexical”(formes suffixées du féminin, diminutifs, etc) En
grammaire générative, on parle de „paradigme dérivationnel”ou champ dérivationnel.
Quand on envisage l’histoire d’un mot, il convient de tenir compte des modifications du
système (du champ) dans son ensemble (v. Baylon, Christian et Mignot, Xavier, 2000: 221).
Pour décrire la structuration du lexique on peut aussi adopter deux points de vue opposés ,
mais complémentaires: la perspective onomasiologique– on part d’un domaine de signification et
l’on examine les mots qui lui correspondent– et la perspective sémasiologique–on part des formes
lexicales pour aboutir aux significations et on met en lumière l’organisation de celles-ci (c’est le
cas des familles de mots et des termes polysémiques). D’après ces critères, Bidu –Vrănceanu et
Narcisa Forăscu (1977) distinguent les catégories suivantes:
1.
champ sémantique ou sémio-lexical - mode d'organisation ou de structuration sémique des
unités lexicales se partageant une zone de contenu sémique commune et se trouvant en
opposition immédiate les unes avec les autres par une différence de sens minimale (un trait
28
sémique différenciateur, sur un axe sémique commun). Ainsi, le système sémique des noms
de couleurs, celui des animaux domestiques, des degrés de parenté etc. forment–ils autant de
champs lexico-sémantiques à l'intérieur desquels les unités constitutives contractent des
relations réciproques basées sur le concept saussurien de valeur. La valeur d'un mot est d'être
ce que les autres mots de sens voisin (appartenant au même champ notionnel), ne sont pas;
ces autres mots délimitent ses emplois. Les mots nous permettent de conceptualiser et de
catégoriser la réalité pour être capables de l'appréhender, et chaque langue opère des
découpages conceptuels spécifiques sur le continuum indéterminé de l'univers référentiel.
Une langue réalise des systèmes incomplets et dissymétriques coïncidant avec les besoins
majeurs de ses locuteurs dans un type de culture donnée. La langue courante nous présente des
séries adaptées à une connaissance pratique du même univers... (J. Picoche, 1992: 38).
La lexicologie devient ainsi l'étude des unités de signification encyclopédiques (qui ont un
référent dans le monde) et de leurs combinaisons en unités fonctionnelles (lexies, mots
composés) étudiées dans leurs rapports avec la société dont elles sont l'expression.
J. Picoche (op.cit.) donne de nombreux exemples de spécificité de structuration concernant
les mêmes champs lexico-sémantiques en diverses langues. Par exemple, la valeur du terme
anglais moutton, dont la signification est la même que celle du fr. mouton, est différente de celle
du terme français, car dans le cadre du système anglais, ses emplois sont limités, à cause du terme
sheep, qui désigne la bête vivante, aux contexte où le terme signifie „la viande de l’animal“, alors
que les Français se servent d'un terme unique pour désigner à la fois la viande de l'animal et
l'animal sur pied.
Les langues font preuve d'une extraordinaire richesse de dénominations dans les domaines
caractéristiques de la culture du pays respectif; par exemple, les dénominations des différents
aspects de la neige en Eskimo, sans que la notion de « neige » soit nommée, ou des nombreuses
espèces d'abres dans la langue d’un pays à climat chaud, à laquelle le terme générique ‘arbre’, en
échange, manque. Chaque langue apporte avec elle une "vision du monde" particulière, concept
qui trouve son application dans la théorie de la traduction. G. Mounin (Les problèmes théoriques
de la traduction, 1963) présente une multitude d'autres faits de structuration lexicale différente de
la même réalité1.
Le terme générique qui ouvre une série lexicale entretient, là où il existe, des rapports
hiérarchiques avec les autres termes, qui incluent son sémème.
C'est pourquoi il s'appelle
hyperonyme et les termes qui l'implique au niveaux lexical s’appellent hyponymes ; tilleul
implique arbre, chaise implique siège.
29
2.
champ dérivationnel - est un ensemble de termes lexicaux formés à partir du même lexème
/ radical, appelé aussi paradigme dérivationnel dans la grammaire générative ou „famille de
mots“ dans la grammaire traditionnelle.
1.
________________________________________
Les Latins distinguaient les couleurs d’après l’aspect brillant ou terne ; „blanc“ se disait candidus, pour
l’aspect brillant, et albus, pour l’aspect sans brillance ; „noir“ se disait niger pour l’aspect brillant et ater pour
l’aspect terne. Cette distinction marquée par des oppositions lexicales semble s’expliquer par le climat
méditerranéen ensoleillé. Les langues romanes ont renoncé à ces distinctions. Le français a gardé le terme
candidus avec une nouvelle signification, d’origine métaphorique, „candide“, et pour le nom de couleur a
choisi un terme francique, blanc.Le roumain a retenu le terme albus–alb. Le terme niger a donné le terme fr.
noir et le roum. negru, tandis que le terme ater n’a pas été hérité.
En synchronie, l’expression „ famille de mots “ ne réfère pas à une filiation mais à une relation
réciproque. Quelques conditions sont nécessaires : le sens de l’élément commun doit être constant
(la cohésion sémantique du groupement); les relations entre les termes sont derivationnelles:
fragile>fragiliser>fragilité–(cf.A.Lehmann, Fr.Martin-Berthet, 2000)
3. champ sémasiologique - est un mode de structuration lexico-sémantique qui dégage plusieurs
unités lexicales à partir d'un même signifiant. Il s’agit des phénomènes d’homonymie et de
polysémie.
Par exemple, le nom marron dégage plusieurs significations dans des contextes différents:
marron 1 (n.m.) - fruit commestible du marronier;
marron 2 (n.m.) - adj - nom de couleur (rouge brun);
marron 3 (n.m.)- jeton servant à contrôler la présence d'une personne à son poste;
marron 4 (pop) (n.m.) - coup de poing;
marron 5, adj. - qui se livre à l'exercice illégal d'une profession ou à des pratique illicite;
médecins marrons
Siège :
siège 1 (n.m.) - lieu où se trouve la résidence principale d'une autorité;
siège 2 (n.m.) - opération militaire pour prendre une place forte;
siège 3 (n.m.) - objet fabriqué, meuble pour s'asseoir.
ou Grue :
grue 1(n.f.)- oiseau migrateur échassier de grande taille ;
grue 2 (n.f) Pop. Femme de mœurs légères.
grue 3 (n.f.)–appareil de levage pour soulever
Lexis,1992).
30
et déplacer de lourdes charges (apud
Nous ne discutons pas ici le problème de l’interprétation de ces termes en polysèmes ou en
homonymes ; la décision des lexicographes sur cet aspect détermine l’organisation de l’article de
dictionnaire en une seule entrée, dans le cas des polysèmes, ou en plusieurs entrées, dans le cas
des homonymes.
Le mécanisme de la sémasiologie, basé sur la polysémie, envisage le langage sous l'angle
du décodeur (l'auditeur) qui doit déterminer le sens d'un mot qu'il entend prononcer parmi toutes
les significations possibles de ce terme.
Par contre, le parcours onomasiologique, qui est celui des champs notionnels, part d’une
certaine notion pour identifier les moyens linguistiques capables de l’exprimer. Nous présentons
ci-dessous la classification des champs proposée par E. Coşeriu (1975) L’opposition immédiate
se fonde sur un trait sémique différent et permet l’organisation du champ en paradigmes, par
exemple les sèmes ‘espèce’, ‘âge’ et ‘sexe’ différencient les noms des animaux dans le champ des
animaux domestiques. Les oppositions internes d’un champ correspondent aux oppositions
existantes à l’intérieur d’une catégorie grammaticale (telles singulier / pluriel pour la catégorie du
nombre ou masculin / féminin pour la catégorie du genre). Coşeriu distingue des champs
sémantiques unidimensionnels, fondés sur un seul archilexème (par exemple ‘oiseau’,
‘poisson ‘) et des champs pluridimensionnels, qui comportent deux ou plusieurs archilexèmes
(par exemple, le champ des noms d’animaux est fondé sur plusieurs archilexèmes, qui sont les
noms des espèces : mouton, chèvre, cheval, etc). Ils présentent des distinctions successives dans
un ordre hiérarchique. Ils sont bidimensionnels (fréquents dans les vocabulaires spécialisés,
comme : facile / difficile, léger / lourd) ou multidimensionnels. Dans ces matrices, les champs
sont :
Corrélatifs : porter–mener, chaque terme étant à son tour sousdivisé en apporter–emporter,
amener–emmener.
Non corrélatifs : roum . scaun–jeţ–fotoliu, à organisation
archilexèmatique et roum.
bancă–divan–canapea qui n’a pas d’archilexème; ou bien le champ des noms de couleurs, les
adjectifs achromatiques blanc–gris–noir ayant des pôles antinomiques, tandis que les adjectifs
chromatiques n’en possèdent pas: rouge–vert–jaune.
Les champs unidimensionnels sont de trois types : antonymiques, sériels et graduels. Les
champs antonymiques comprennent les antonymes réalisés par des moyens systématiques, tels
les préfixes. Les champs graduels
organisent les termes selon une dimension scalaire
(graduelle), par exemple l’axe de la température est exprimé par les termes froid–frais–tiède–
chaud. Les champs sériels peuvent être ordinaux (les jours de la semaine) et non ordinaux (la
nomenclature botanique et zoologique : les noms d’oiseaux, de poissons, d’arbres, de fleurs).
31
Le lexique est fini à un certain moment donné, mais il est illimité, car ouvert à la néologie
lexicale. Parmi les causes externes de l’apparition de nouveaux mots (de forme et / ou de sens),
sont les faits de culture et de civilisation (progrès technique, organisation sociale d’une
communauté, etc.) Chaque référent nouveau impose un nom nouveau. Le néologisme apparaît
soit par spécialisation ou extension de sens d’un mot déjà existant, soit par emprunt à une autre
langue, soit par création lexicale par un procédé dérivationnelinterne.À chaque moment, des mots
vieillis, comme des termes régionaux, des noms d’outils ou de métiers disparus sortent de l’usage,
tandis que des termes nouveaux apparaissent pour nommer une nouvelle réalité (un nouveau
référent).
Le lexique est la totalité des lexèmes d'une langue. Il ne se confond pas avec un superdictionnaire; c'est un composant général et abstrait de la langue, qui contient les lexèmes actuels
et virtuels, les affixes de dérivation, de même que les règles de leur combinaison.
2.1. Critères d’identification et de délimitation du signe lexical
La notion de mot existe dans toutes les langues indo-européennes et les critères qui
permettent d'identifier et de délimiter les unités lexicales dans la chaîne parlée ou sonore sont les
suivants :
I. Le critère phonique
Plusieurs éléments permettent une identification plus on moins sûre des limites du mot
dans la chaîne sonore.
 Les contraintes phonologiques sont différentes d'une langue à l’autre. Il existe des
phonèmes ou des groupes de sons dont l'apparition est impossible à telle ou telle place du
mot, ce qui donne des indications précieuses sur les limites du mot. La présence de [œ] est
impossible à la finale absolue. Les groupes de phonèmes - tl -, - dl -, sont rares à l'intérieur
du mot (atteler, dodeliner) et impossibles à l'initiale. Leur présence indique avec un forte
probabilité la jointure de deux mots: va t(e) laver, prends de l'eau. Ces cas sont plutôt rares.
 Le français connaît la liaison et l'élision, phénomènes qui contribuent à l'effacement des
frontières entre les mots . La liaison est un mode de prononciation qui consiste à unir la
dernière consonne d’un mot habituellement muette à la voyelle initiale du mot suivant,
comme dans les enfants[lezãfã], ils ont fait [ilzõfε].
Le son [z] marque la liaison, donc la jointure entre deux unités lexicales. L’élision consiste
dans la suppression de la voyelle finale d’un mot dans la prononciation ou l’écriture ou dans les
deux à la fois, devant la voyelle initiale ou le h muet du mot suivant : il m’aperçoit, l’élève, je
32
l’ai vue.
L'hiatus (la rencontre de deux voyelles) marque le refus de liaison entre deux mots,
comme dans le onze, le un, le uhlan, surtout dans le cas d'un h dit aspiré: le harnais, le haricot,
le héros. De nos jours, on remarque une tendance à l'élimination de nombreuses liaisons
facultatives et même obligatoires, en faveur d'un grand nombre d'hiatus à caractère démarcatif.
Mais la langue des générations adultes permet encore toutes sortes de liaisons et d'élisions qui
effacent la frontière des mots composant un syntagme, d'où la possibilité de nombreux
calembours et des fausses coupes, comme le démontrent les premières dictées des enfants et des
apprenants du français. Une séquence sonore comme : [tốm
différentes :
1.
Ton manteau est ouvert.
2.
Ton manteau est tout vert.
Des exercices de substitutions terme à terme et des jeux de double interprétation des
énoncés ambigus sont recommandés pour pallier aux découpages fautifs des débutants :
1.
Ton manteau est tout boutonné.
2.
Ton manteau est tout noir (neuf).
L'accent d'intensité (tonique) est un morphème suprasegmental qui frappe la dernière
syllabe prononcée (la dernière voyelle sonore accentuée, à l'exception du e caduc), mais sa valeur
démarcative est annulée au cadre du groupe rythmique (groupe de mots étroitement liés du point
de vue syntaxique, ou syntagme); c'est seulement le dernier mot du groupe qui porte l'accent, de
sorte que l'unité d'accentuation du français est beaucoup moins le mot que le syntagme. Il peut
exister aussi un autre type d'accent, expressif, qui marque une intention subjective émotionelle, et
qui peut frapper n'importe quelle voyelle. On peut affirmer donc que le rôle démarcatif de l'accent
est l'un des plus faibles en français, à la différence d'autres langues, comme le hongrois, le
tchèque, où il frappe toujours la syllable initiale.
D'autres critères s'avèrent plus sûrs dans la possibilité de délimitation des mots dans la
chaîne sonore.
II. Le critère syntactico - sémantique
A. Les unités morphologiquement complexes et graphiquement simples
Un mot n'est pas toujours simple. Des termes comme maisonnette, beauté, dizaine
(dixième), repasser ont le même droit à l'inventaire dressé par un dictionnaire que maison, beau,
dix, passer. Ces mots dérivés, issus d'un processus dérivationnel, sont formés d'au moins deux
composants:
33
1.
une partie qui sert de support de la signification (du sens référentiel), appelé
sémantème ou lexème, dont la présence indique qu'il s'agit d'un mot à sens plein.
2.
un ou plusieurs morphèmes (affixes).
Les affixes comprennent d'une part les flexions (classes fermées et homogènes, se
présentant dans les langues indoeuropéennes sous la forme de désinences verbales ou de
marques nominales du genre et du nombre), et d'autre part les préfixes et des suffixes, qui
aident à la formation de nouveaux mots. Les préfixes et les suffixes ne peuvent pas actualiser le
mot dans le discours, mais ils déterminent le choix des actualisateurs discursifs qui permettent au
mot de recevoir une certaine fonction syntaxique.
Par exemple, le suffixe de verbalisation - er attaché à concert donne à celui-ci la
possibilité de fonctionner en tant que verbe–concerter et de recevoir les désinences verbales de
temps, de mode et de personne ou la marque nominale du pluriel (nous nous concerterons).
Le suffixe-tion accorde à un verbe comme inspecter le statut de substantif du genre
feminin, inspection, qui peut recevoir la marque du pluriel et l’article.
Le lexème n'a d'existence réelle qu'à l'intérieur d'une famille de dérivés (famille de mots)
qui ont en commun une certaine valeur sémantique (enfant, enfantin, enfantillage, enfanter) ou
à l'intériéur de la déclinaison ou de la conjugaison d'un verbe (chante, chantons, chantais). Il se
peut que le lexème ait perdu sa motivation sémantique, il n'a plus de sens pour le locuteur par luimême, mais seulement dans un dérivé (mot morphologiquement complexe et sémantiquement
simple) ; par exemple animer (formé du lat. anima „souffle“ , qui a perdu son sens pour le
locuteur français actuel) est lié à animateur, animation ; animal est lié à l'adjectif animalier et
au verbe animaliser. Entre animer et animal le locuteur de nos jours ne perçoit plus aucune
liaison sémantique, ce qui le détermine à interpréter ces mots comme des termes simples et qui
n’appartiennent pas à la même famille.
Dans un terme forgé comme l'adverbe anticonstitutionnellement, on distingue:

un lexème primaire constitu(tion), "ensemble des lois fondamentales d'un Etat";

3 morphèmes : anti-, qui exprime l'idée de négation ou d'opposition; -el, "conforme à "
et-ment-"de façon".
Le terme tout entier est paraphrasable par le syntagme „de façon non conforme aux lois
fondamentales de l'Etat“, possibilité qui met en évidence la liaison étroite qui existe entre la syntaxe
et la formation des mots.
La répartition des mots en mots simples (couteau, dix, beau), mots construits ou
complexes (dizaine, beauté, pomme de terre) et mots fléchis (donnerons) met ou évidence la
34
fait qui la lexicologie est l'étude des mots simples et des mots construits et non pas des formes
morphologiques.
Mais un mot flexionnel, comme le verbe français, constitue-t-il un seul mot ou autant de
mots qu'il comporte de formes diverses? À cette question, J. Picoche (1992 : 15) répond: „Nous
croyons sans inconvénient de considérer le verbe, global et abstrait, comme un mot et de parler,
quand on veut mettre en valeur sa diversité morphologique, de formes de ce mot". Les formes
donne, donnerons représentent le même verbe donner.
La tradition impose d'employer le concept de radical ou base à la place de lexème, quand
on se place dans une perspective morphologique dans l'analyse des mots fléchis. Le terme racine
est reservé à la perspective diachronique, aux reconstitutions de formes présupposées avoir eu une
existence historique, pour expliquer les rapports formels qui existent entre de nombreux mots
indo-européens. Par exemple, les noms de parenté ont une origine latine commune en français
comme en roumain: lat.filius> fr. fils, roum. fiu ; lat. mater>fr. mère, roum. mamă.
B. Les unités graphiquement complexes à signifié unique
Il y a des cas où les lexèmes s'associent dans une unité de fonctionnement stable,
enregistrée par la langue: pomme de terre, assistante sociale, fer à repasser. On les appelle
traditionnellement mots composés, quand ils ont le statut grammatical de substantif ou d'adjectif,
et locution, lorsqu'il s'agit d'une association stable de deux ou plusieurs adverbes, prépositions ou
conjonctions ; plusieurs éléments nominaux groupés autour d'un verbe – pivot forment une
expression ou locution verbale, dont le sens n’est pas prédictible à partir du sens des
composants: faire noir, baisser pavillon, avoir peur .
Le mot composé est une association stable en langue, destinée à exprimer un concept
unique, quoique complexe.
Il est interprété comme le signifiant d'un seul concept et non comme l'association d'un
déterminé et d'un déterminant, interprétation propre au syntagme libre, de discours (du type le
cahier marron, un ciel de glace) et dont la construction formelle peut
être absolument
identique.
Dès 1960, A.J. Greimas remarque que la „praxis historique de la langue déborde largement
les cadres majeurs syntaxiques du mot en créant des unités lexicales de type différent" (in
Cahiers de lexicologie, 1960, p.50). Il les appelle du nom lexie, déjà employé par B. Pottier dans
une acception différente(v. supra, 2.0).
35
Les plus importants tests qui permettent d'indentifier les lexies sont la commutation (la
substitution) en bloc avec une unité simple, la fréquence (les nombreux emplois discursifs de ce
groupement de mots) et l'inséparabilité des composants.
Le critère de la commutation ou de la substitution permet à une unité complexe lexicalisée d'être
sentie comme un mot unique et d'entrer dans un réseau d'oppositions avec des unités simple, d'où elle tire
sa valeur: Prenez la porte! peut être remplacé par le synonyme Sortez/ et s'oppose à Restez! ; la pomme
de terre s’oppose à poireau, radis ou à tout autre nom de légume. La commutation terme à terme n'est
pas possible dans le cas des syntagmes lexicalisés. Là où on peut l’appliquer tout de même, c'est que le
degré de cohésion entre les termes n'est pas trop grand, comme dans: chemise de nuit, (mais aussi
chemise de jour, robe de nuit). En échange, ici joue le critère de l'inséparabilité: on ne peut pas dire:
*chemise blanche de nuit mais chemise de nuit blanche. Par son statut lexical, pomme de terre (mot
composé), est différent de pomme de terre glaise, où on distingue trois mots– pomme, de, terre
glaise–, qui se trouvent dans-une association libre et pour lesquels la commutation terme à terme reste
possible: L'enfant a modelé une pomme de terre glaise/une poire en plâtre.
Au critère de l'inséparabilité et de la commutation globale s'ajoutent des critères
secondaires, comme : l'impossibilité de coordoner ou de reprendre un seul des éléments du
composé–le composé ne peut avoir une forme elliptique : *un chemin de fer et de terre, *je
préfère le chemin de fer à la route, le chemin étant moins fatigant sont des énoncés fautifs,
agrammaticaux .
Le fait qu'un groupe de mots soit ou non lexicalisé n'est pas toujours incontestable, l'unité
lexicale complexe n'a rien de son aspect formel qui la distingue d'un syntagme libre, les critères
ne sont pas toujours convergents et peuvent laisser place à diverses interprétations, affirme J.
Picoche( 1977, p.16). Elle exemplifie avec la locution faire peur, commutable en bloc avec
effrayer , mais dont les composants sont séparables: faire une peur bleue, cela me fait très peur,
faire une peur affreuse et pour lesquels la coordination reste possible: faire peur et plaisir à la
fois. Ainsi
va-t-on décider du statut adéquat de l'unité complexe en fonction du contexte
syntaxique et sémantique. Le plus souvent, dans les unités complexes parfaitement lexicalisées,
les termes composants ont perdu leur valeur sémantique indépendante au profit d'un sens
nouveau, unitaire: eau de Cologne n'est pas de l'eau et n'a plus de rapport avec la ville de
Cologne.
Le meilleur critère d'identification de l'unité complexe reste donc de nature sémantique et
dépend beaucoup de l'expérience et des connaissances professionnelles du locuteur. Pour le
spécialiste, les groupes aiguille aimantée, bacille de Koch sont indécomposables, dénotant une
classe d'instruments ou de bacilles, tandis que pour le locuteur habituel et même pour le
36
lexicologue, ces associations peuvent apparaître comme des syntagmes libres, de discours.
Il y a une différence formelle entre les mots composés proprement dits, comme gratte-ciel,
coupe-papier, chien-loup, écrits avec trait d'union dans les dictionnaires, et des associations plus
nouvelles comme assistante sociale, chemise de nuit, fer à repasser, etc. E. Benveniste (Forme
nouvelle de la composition nominale, in PLG, II,1966) appelle ces dernières synapsies et les
considère spécifiques pour les vocabulaires techniques. Nous allons y revenir à l'occasion de la
composition comme procédé d'enrichissement néologique, non sans rappeler les caractéristiques de ce
type d'unités syntagmatiques, selon Benveniste: la nature syntaxique (et non morphologique) de la
liaison entre les deux composants ; l'emploi des joncteurs à et de pour manifester cette liaison; l'ordre
déterminé + déterminant des membres et la possibilité du choix libre de tout substantif et adjectif
comme constituant de ces unités ; les possibilités de nouvelles déterminations supplémentaires des
deux termes mis en relation, comme : oiseau métallique (un des noms primitifs de l’avion)→ oiseau
métallique à ailes battantes ; moteur à réaction→ moteur à réaction en quatre temps, etc.
III. Le critère graphique
Pour un typographe, un mot est une suite de signes typographiques délimitée par deux
blancs typographiques. Dans la graphie des mots français, c'est l'élément de convention qui
prédomine : gendarme constitue un seul mot, quoiqu'il fût à l'origine un composé ; arc-en-ciel,
mot composé, a une forme semi-conjointe, tandis que le composé pomme de terre a une forme
disjointe. Les préfixés connaissent une graphie aussi variable que les composés. Il semble que le
degré de soudure graphique est en liaison directe avec l'usage du terme et son ancienneté en
langue. Les synapsies, qui sont des formations nouvelles, s'écrivent sans trait d'union: rat de
bibliothèque, eau de Cologne, moteur à réaction.
2.2. Arbitraire et motivation du signe lexical
Entre le signifiant d'un terme (la suite de phonèmes) et le concept qu'il évoque (le Sé), il
n'existe aucune relation naturelle et motivée, quoique leur présence soit indispensable et
nécessaire pour que le signe existe, telles les deux faces d'une feuille de papier, le recto et le
verso (cf. F. de Saussure, CLG). Le signifié (Sé) et le signifiant (Sa) sont les éléments constitutifs
inséparables du signe linguistique. Saussure a mis en évidence le fait que n’importe quel
signifiant pourrait correspondre à n’importe quel signifié. Donc, il faut comprendre que le
qualificatif d’"arbitraire" ne s'applique guère à la liaison, nécessaire et constitutive, qui unit le Sé
au Sa, mais au fait que telle forme sonore spécifiée du Sa n'a aucun rapport naturel
(extralinguistique) avec le concept qu'elle exprime.
37
Chaque langue dispose de son propre signifiant pour désigner le même référent, exemple :
fr. PAIN, angl. BREAD, all. BROT, russe XЛEБ.
Cette thèse fondamentale de l'arbitraire du signe doit être nuancée par l'observation du
phénomène appelé motivation, qui revêt plusieurs aspects.
1. Du point de vue diachronique, tout signe apparaît comme motivé par rapport à un mot
d’origine, dont il provient. Il s'agit de l'étymologie, qui permet d'établir l'histoire des signifiants
et des signifiés, considérés isolément ou en système. L'histoire des signifiants, mieux connue que
celle des signifiés grâce au travail érudit mené par les linguistes depuis deux siècles, permet de
retrouver l'ancêtre de presque tout mot français actuel.
Celui-ci est motivé du point de vue génétique par rapport à son étymon. Le terme fr. père
s'explique par le terme latin pater, maison par le latin mansio, mansionem, de manere,
« rester » (qui a remplacé en bas latin casa, devenue la préposition chez).
Bien souvent, le mot a subi en dehors d’une modification phonétique, une alteration de son
contenu sémantique: viande - lat. pop. "vivenda, de vivere, „ vivre", signifiait, avant le XVI-ème
siècle, „aliment dont se nourrit l'homme“ ; le sens moderne est celui de „ chair des mammifères et
des oiseaux que l'homme emploie pour sa nourriture “, plus particulièrement, „chair des animaux
de boucherie“; avec une nuance péjorative, il peut signifier „chair de l'homme, corps“.
2. La motivation phonétique s’applique aux seules formations dont le signifiant a une
relation extralinguistique avec le signifié–les onomatopées, les interjections et les cas
d’expressivité phonétique, qui se trouvent aussi bien dans le langage des enfants (ludique) que
dans les tours poétiques des grands poètes. Les interjections et les onomatopées sont les signes
linguistiques les moins abstraits, étant des représentations directes de la réalité et, semble-t-il, les
plus anciens en langue .Exemples : chuchoter, clapotis, bouf ! (chute d’un corps) aïe !(douleur
physique), frou-frou (bruit d’un tissu), etc.
Ch. Bally parle d'une «motivation par le signifiant » et F. de Saussure de «motivation
absolue ». Il s’agit des interjections et des onomatopées, du symbolisme phonétique, de
l'intonation, de l'accentuation expressive. C'est la question de l'expresivité des sons du langage.
C'est un fait reconnu que des onomatopées sont propres à chaque langue et
incompréhensibles pour les étrangers, tant elles sont intégrées au système phonologique
spécifique à chaque langue. Le coq français chante cocorico, celui anglais cook-a-doodle-doo,
celui allemand kikiriki.
Chez les poètes, le symbolisme phonétique résulte de certains sons, dont l'emploi répété
suggère certains sentiments et sensations. Voilà un exemple de symbolisme phonétique chez
38
Racine : Songe, songe, Céphise /À cette nuit cruelle / Qui fut pour tout un peuple / Une nuit
éternelle.(Andromaque).
3. La motivation dérivationnelle. Elle représente le type de motivation relative le plus
important et le plus courant. Un mot construit est lié, par la forme et par le sens, au mot dont il est
issu, de même qu’aux autres mots formés à partir du même terme. La motivation peut être
réalisée par la dérivation et par les figures sémantiques à la fois. Un verbe comme enraciner est
motivé par dérivation (racine, déraciner) et par figure sémantique en même temps (au figuré). En
classe de langue, l’apprentissage du lexique doit s’appuyer sur ce type de motivation. La
motivation dérivationnelle a un caractère pratique et fonctionnel, elle est la prise de conscience
des montages, des modèles, que possède le locuteur pour varier et assouplir son expression. Elle
est explicite: chaque segment du signifiant apporte de nouvelles déterminations catégorielles aux
traits sémiques du signifié: - eur, -ateur, attaché à une base, lui donne le sens de «instrument de
l'action». Elle doit avoir la priorité dans l'enseignement, à la différence des recherches
étymologiques qui ont un caractère culturel, érudit, dont on peut se passer dans l'apprentisage
d'une langue étrangère.
On considère comme motivé tout mot qui se rapporte à d'autres termes dans la langue.
Ainsi, les mots écrire, écriture, écrivain sont motivés par rapport les uns aux autres et par
rapport au lexème écriv-.
4. La motivation sémantique. Les sens originels de beaucoup de mots se sont restreints ou
se sont élargis par des procédés sémantiques connus.
Un mot employé au sens figuré est motivé par rapport à un autre mot, par exemple colombe est
motivé par rapport à femme aimée, nommé terme propre. Les mots qui peuvent acquérir
contextuellement des sens figurés sont appelés métasémèmes et appartiennent aux catégories
grammaticales suivantes: substantif, verbe, adjectif, adverbe. On emploie métaphoriquement, dans le
langage quotidien, pour réaliser des effets expressifs, des noms de métaux (or, argent—une voix
d’or), de fleurs (les roses de ses joues, sa blancheur de lys), d'oiseaux (un regard d’aigle, gai
comme un pinçon) d'animaux (c’est un ours mal léché, un vrai renard), des verbes comme fleurir,
glacer, des adjectifs comme doux (regard doux), aigre (voix aigre), etc.
Ces déterminations associatives expressives se réalisent dans le langage quotidien
ou dans les textes poétiques. Dans les vocabulaires de spécialité, elles possèdent une
fonction purement dénominative, pour désigner certains objets (nom d'outils: queue-derenard, pied-de-biche, noms de plantes: gueule-de-lion, belle-de-nuit, noms d'animaux:
39
cheval marin, demoiselle) là où les termes propres manquent. Elles s’appellent
catachrèses.
La motivation permet de faire l'économie de définitions. Le contexte, joint à l'étymologie,
suffit pour l'intelligibilité du terme dérivé.
Les seuls signes qui sont purement arbitraires sur le plan synchronique sont les mots les
plus fréquents de forme simple (les mots-outils grammaticaux, comme les pronoms, les
prépositions, les conjonctions) qui n’ont pas de fonction référentielle, et les emprunts à d’autres
langues, qui sont isolés en français. Ainsi, l'introduction de mots étrangers trop nombreux risquet-elle d'augmenter considérablement le nombre des vocables plus ou moins isolés, considère A.
Sauvageot (Français écrit, français parlé, 1962.), car ils ne se rapportent à aucun autre mot
français et ils sont immotivés pour le locuteur français.
BIBLIOGRAFIA CAPITOLULUI
1. Coseriu, E., 1975, Vers une typologie des champs lexicaux, in « Cahiers de
lexicologie », XXVII, II, p. 30-51
2. A. Rey, 1970, La lexicologie, Klincksieck, Paris
3. R. Eluerd, 2000, La lexicologie, PUF, Paris
4..Lehmann, Alise, Martin-Berthet, Françoise, Introduction à la lexicologie,
Nathan / HER, 2000
5.A. Martinet, 1960, Eléments de linguistique générale, Armand Colin, Paris :
trad. roum. Elemente de lingvistica generala, 1977
6.G. Matoré, 1953, La méthode en lexicologie, Librairie Marcel Didier, Paris
7.M.F. Mortureux, 1997, La lexicologie entre langue et discours, SEDES, Paris
8.A. Sauvageot, 1964, Portrait du vocabulaire français, Larousse, Paris
9.F. de Saussure, 1916, Cours de linguistique générale, Payot, Paris
10.7. H. Mitterand, Les mots français, 1963, PUF, Paris
INTREBARI :
1. Avec quels concepts opérationnels opère le lexicologue ? Définissez-les !
2. Analysez en morphèmes les termes : superconductibilité, réactionnaire, cohabitation,
infiniment, événimentiel, circumpolaire, animaliser.
40
3. Appliquez aux syntagmes :
eau lourde, moteur à réaction,
chaise longue, fer à
repasser, chemise de nuit, billet doux des tests syntaxiques pour prouver leur figement
comme termes complexes à signifié unique.
4. Quels sont les critères d’identification et de délimitation de l’unité lexicale ? Parlez–en !
5. En quoi consiste l’arbitraire et la motivation relative du signe lexical ?
6. Donnez des exemples de champs lexico-sémantiques. Indiquez le terme le plus général
(l’archilexème) là où il existe.
7. Donnez des exemples de champs dérivationnels.
8. Décrivez le champ sémasiologique des termes polysémiques pièce et aile.
9. Quelle est la différence entre lexème / mot / vocable ?
3. LA CREATION LEXICALE
a. Procédés internes d’enrichissement lexical. La dérivation—
présentation générale.
b. La dérivation paradigmatique avec les suffixes. La nominalisation du
verbe. La dérivation à base nominale. La dérivation à base adjectivale.
c. La dérivation syntagmatique—suffixale, avec préfixes, par composition.
La composition française et allogène.
d. Les procédés abréviatifs. Typologie et exemples.
CURSUL
3.0. Moyens internes d’enrichissement lexical. Présentation générale
La langue est un fait social, elle reflète la structure de la société, les mentalités et les
connaissances sur le monde qu’une communauté linguistique possède à un moment donné
de son évolution. Tous les sous-ensembles du système linguistique changent en permanence
(phonologie, syntaxe, lexique), mais à des rythmes différents. Si les premiers sont plus lents
à admettre des transformations (la syntaxe du français s’est stabilisée à l’époque classique),
le vocabulaire reste la partie la plus mobile. De nouveaux référents (nouveaux objets,
actions ou phénomènes), de nou–velles réalités sociales, de même que le désir d’exprimer ses
propres impressions exigent des dénominations nouvelles. Les changements sont
perceptibles uniquement dans une perspective diachronique.
La néologie lexicale est la possibilité de création de nouvelles unités lexicales, en vertu
des règles de production incluses dans le système lexical de la langue (v. L. Guilbert, 1975 :
31). En dehors de cette „ grammaire lexicale “, la néologie lexicale se doit d’identifier et de
dater les mots nouveaux apparus dans une période précise de la vie d’une communauté
linguistique. Les recherches ont montré que le jugement de néologie est plus sûr dans le
cas des néologismes formés par des procédés morpho-syntaxiques (dérivatifs) que dans le
cas des termes néologiques dits sémantiques ou d’énonciation.
41
Pour expliquer l’apparition des termes nouveaux, on met en jeu les concepts
corrélatifs de langue / parole (Saussure), de compétence / performance (Chomsky), usage /
norme.
Le terme nouveau de forme et / ou de sens apparaît pour la première fois dans
l’énoncé d’un locuteur, d’où il est repris, s’il répond aux conditions d’acceptabilité (utilité,
expressivité, grammaticalité, euphonie, etc), dans l’usage général de la langue.
Nous nous occupons ici de la créativité au niveau des signes linguistiques ou néologie
lexicale.1
Les termes lexicaux nouveaux sont créés suivant certains procédés, qui imposent la
typologie suivante :
1. La néologie phonologique. En principe, toute combinaison inédite de syllabes ou
phonèmes conformes à la structure phonématique d’une langue peut générer un mot
nouveau, si elle est associée à une valeur signifiante inédite. Mais la création ex nihilo, qui
illustre le concept de l’arbitraire du signe, est plutôt rare. Les locuteurs préfèrent faire
appel aux morphèmes de la langue-mère (le latin) pour créér un mot nouveau. Les
onomatopées (imitation des bruits de la nature et des cris des animaux) et les interjections
(expression des sentiments et des sensations) donnent le mieux l’impression qu’elles imitent
la nature des choses exprimées. F. de Saussure a critiqué cette théorie cratyliste,
démontrant que chaque langue possède des onomatopées propres pour décrire les mêmes
bruits de la nature, selon ses propres habitudes articulatoires. L’onomatopée et
l’interjection s’analysent, comme tout signe linguistique, par la relation entre un signifiant
sonore et un signifié, en référence à une chose, par leur insertion syntaxique dans l’énoncé
(ce sont souvent des mots-phrases). Les bulles des bandes dessinées font preuve d’une riche
invention d’onomatopées correspondant à une nouvelle situation (bip-bip,bruit du premier
spoutnik, boum, bruit d’une forte explosion), etc. De telles formations lexicales peuvent
constituer des bases de dérivation pour des mots dérivés , surtout des verbes : faire zappzapp> zapper (passer rapidement d’un programme de télévision à un autre, à l’aide de la
télécommande); faire frou-frou>froufrouter ( en parlant du bruit produit par un tissu); faire
zig-zag>zigzaguer,etc.). Les diverses manipulations du signifiant (jeux phonologiques,
paronymies, allitérations) mettent en jeu l’expressivité des sons pour produire des effets de
sens inattendus.
2. La néologie sémantique. Il y a néologie de sens lorsqu’une signification nouvelle,
inédite est associée à un signifiant déjà existant en langue. A la différence des autres formes
de néologie, la substance signifiante utilisée (le Sa) ne subit aucune modification morphophonologique. D’après la perspective envisagée –synchronique ou diachronique–, les
significations nouvelles apparaissent soit comme des effets de sens inédits dans le discours
d’un locuteur particulier (expressivité, métaphores poétiques chez les grands poètes), soit
comme des sens seconds, dérivés par rapport à un sens dénotatif, premier, entrés en usage
et enregistrés par les dictionnaires de langue. La plupart des termes usuels ont acquis
plusieurs acceptions, devenant ainsi des termes polysémiques. Les termes monosémiques
(ayant un sens unique) n’existent pratiquement pas dans l’usage commun de la langue;en
échange, ils sont spécifiques pour les vocabulaires liés à un domaine d’activité. L’analyse
structurale a permis la description en synchronie du mécanisme de la mutation sémantique,
qui se fait en termes d’adjonction / suppression de sèmes pour générer un autre sémème
(sens nouveau).Les « figures de style » ou tropes, étudiées par l’ancienne rhétorique, sont le
cas le plus fréquent de renouveau sémantique. La métaphore est l’application d’un nom
1.Guilbert, L., consacre son livre La créativité lexicale,1975, à la description de tous les aspects liés au phénomène de la néologie
(facteurs de la mutabilité linguistique, acceptabilité des néologismes, typologie des néologismes,etc) ; la deuxième partie de l’ouvrage
est consacrée aux problèmes de la dérivation.
42
spécifique d’une chose à une autre chose qui a son nom en propre, en vertu d’une
ressemblance quelconque entre les deux référents. Une partie des métaphores, qui sont
fondées sur une ressemblance objective, reconnue comme telle par la communauté parlante,
sont des métaphores dénominatives, servant à nommer des réalités qui n’ont pas d’autre
nom propre en langue: bras d‘un fleuve, pied de la table, feuille de papier,etc. Elles
s’appellent catachrèses, étant d’un usage généralisé et dépourvues d’expressivité (leur
« figure » ou « image » n’est plus perçue comme telle par les locuteurs). D’autres
métaphores sont expressives, senties encore comme des inventions sémantiques, créées par
les poètes ou par certains locuteurs dans des situations de communication données. La
métonymie est un transfert de nom en vertu d’une relation de contiguïté entre deux choses
(référents), qui se trouvent dans un même espace référentiel. Elle peut exprimer des
rapports du type : la cause pour l’effet (un Grigorescu pour un tableau de Grigorescu ; un
Cicéron, pour un livre de Cicéron, un Rodin pour une sculpture de Rodin ); le nom du
contenant pour le nom du contenu (le bureau, pour les employés qui s’y trouvent ;il a mangé
toute la boîte pour il a mangé tous les bonbons de la boîte) ; le nom de lieu pour le produit ou
l’institution (le champagne, pour le vin de Champagne, le cantal, pour le fromage de Cantal,
Wall Street pour la bourse de New York) ; l’attribut vestimentaire pour la désignation de la
personne (les casques bleus pour les soldats de l’ONU, les cols blancs pour les employés de
bureau)etc.On appelle antonomase la figure de style par laquelle on emploie un nom propre
pour un nom commun ou inversement,dans le cadre des mêmes rapports (poubelle, savarin,
pantalon sont à l’origine des noms propres).
La synecdoque est un trope fondé sur une relation de connexion. Elle exprime
d’habitude le rapport entre le tout et la partie (une synecdoque est de nommer un navire
une voile), la matière pour l’objet (cuivres, pour les instruments de musique ou de cuisine en
cuivre, le fer pour une épée); le nom de l’espèce pour le genre (l’animal pour le chien, les
mortels pour les hommes).
On considère qu’il y a changement de sens lorsque l’effet de sens occasionnel
(contextuel, généré par un emploi nouveau) est généralisé et mentionné par le dictionnaire.
En diachronie, des sens seconds, dérivés, des termes polysémiques peuvent remplacer
totalement le sens de base, dont l’usage n’est plus courant. C’est le cas du terme tête, qui
vient du bas latin testa, „pot de terre “. Il a acquis le sens second, métaphorique et plaisant
de „tête“ par ressemblance de forme- objet arrondi. La même notion était exprimée en
latin classique par le terme propre caput. En latin vulgaire, ce nouveau sens de testa s’est
généralisé, le terme, métaphorique à l’origine, devenant le nom propre de cette partie du
corps humain en français. Le terme chef , issu de caput, est réservé aujourd’hui à des
emplois particuliers , surtout dans des composés: chef de file, chef d’orchestre ,couvre-chef,
chef-lieu. Le processus métaphorique concernant le terme tête continue de nos jours, à
l’aide de nouveaux termes désignant soit des récipients arrondis de petites dimensions
(carafe, fiole, cafétière, etc.), soit des légumes et des fruits dont la forme ressemble à celle de
la tête : ciboule, poire,patate.
Autres moyens internes qui permettent la création des néologismes lexicaux sont :
3.La fausse étymologie ou étymologie populaire, qui crée des mots par une confusion
formelle et sémantique entre des mots plus connus et des mots moins connus, le plus souvent des
termes étrangers ( :choucroûte résulte de la confusion avec le terme allemand Sauer Kraut,
„ herbe aigre “, contredanse vient de la confusion avec le terme anglais country dance, „danse
campagnarde “) ; jour ouvrable, qui est lié étymologiquement au verbe œuvrer, „travailler“, est
associé spontanément au verbe ouvrir, d’où le sens fautif „jour où les magasins sont ouverts“.
4.L’ellipse et la troncation, qui affectent uniquement la forme des mots, sans que le sens
change. L’ellipse consiste dans la réduction du corps phonique d’un syntagme (le syntagme étant
réduit à un seul terme ) :la capitale, pour la ville capitale, des frites pour des pommes de terre
frites. Ce phénomène est accompagné de la conversion du déterminant adjectival, qui devient
43
substantif. La troncation affecte un seul mot soit par la disparition de la partie finale (apocope) :
pub, pour publicité, mocs pour mocassins, frigo pour frigorifère, soit par la chute de la syllabe
initiale (aphérèse) :pitaine, pour capitaine, terme d’argot.
5.La conversion ou la dérivation impropre consiste dans le changement de classe
morpho-syntaxique d’un terme, sans aucune modification formelle, accompagné d’un renouveau
sémantique. Elle est associée fréquemment à l’ellipse et à la troncation: (train ) métropolitain→
métro(politain), substantif masculin; ( pommes de terre) frites→ des frites, substantif pluriel,
(voiture omnibus, « pour tous »), → (omni)bus.
6.La dérivation , qui reste le plus important et le plus productif moyen interne
d’enrichissement lexical. Nous présentons ce procédé dans les pages à suivre.
Un néologisme est une unité lexicale, créée par les ressources internes de la langue ou
d’origine étrangère, dont l’usage est ressenti comme nouveau, inédit par les locuteurs français.
Des marques diverses soulignent ce caractère de nouveauté (guillemets, caractères italiques,
paraphrases explicatives). L. Guilbert (op. cit.) propose une typologie des néologismes lexicaux
comme suit : la néologie phonologique, la néologie sémantique, la néologie par emprunt et la
néologie syntagmatique (réalisée par l’agglutination de plusieurs morphèmes et lexèmes du
système lexical de la langue et réclamant des aspects paradigmatiques ou syntagmatiques ), que
nous avons appelé tout simplement dérivation.
Un mot vieilli ou historisme n’est plus employé par les nouvelles générations, mais il
continue d’être utilisé par les vieilles personnes. Un mot sorti de l’usage peut connaître une
résurgence d’emploi dans un vocabulaire particulier ou dans le discours d’un groupe d’individus.
Tel est le cas du vieux mot français nuisance, disparu de l’usage actuel de la langue, mais
introduit récemment dans le vocabulaire de l’environnement, par l’intermédiaire de l’anglais.
3.1. La dérivation, source d'enrichissement, d'assouplissement et de régularisation de la
langue
« La dérivation fait partie de la grammaire de la langue, de sa description syntaxique » (J.
Dubois, Grammaire structurale du français, 1969)
La dérivation est un procédé interne de création lexicale qui produit un mot nouveau à
partir d’un mot déjà existant, auquel il est apparenté quant à la forme et quant au sens.Sous ses
trois aspects (suffixation, préfixation, composition), elle représente le plus important moyen
interne de création lexicale. Un mot nouvellement créé par un procédé dérivatif suit un modèle
virtuel existant déjà en langue. L'existence de ces modèles productifs a été étudiée par F. de
Saussure, L. Guilbert, P. Guiraud, etc. Les deux aspects caracteristiques de la néologie lexicale
(création d'un signifiant et / ou création de signifié) présentent certaines régularités dues à
l'analogie, fût-elle formelle ou sémantique.
En étudiant l'analogie formelle ( phonétique), Saussure («Cours de linguistique générale»,
1916), a inventé les termes interventionnaire et répressionnaire, selon le modèle analogique
déjà existant:
pension — pensionnaire ; intervention — x
44
réaction — réactionaire ; répression — x
L'analogie relève du système abstrait de la langue. C'est toujours Saussure qui improvisa le
mot indécorable, car la langue possède les modèles:
1) décor - er — décorer; sel — saler
2) pardonner — pardonn-able; manier — mani-able
3) in - connu; in - sensé
L'apparition d'un mot comme indécorable n'est possibile que par le souvenir d'un nombre
suffisant de mots semblables, déjà existants, comme: impardonnable, intolérable, infatigable,
qui supposent une paraphrase définitionnelle du type: "qui ne peut être ..."
C'est précisément le rôle de la "masse parlante" qui décide quel type de création lexicale est
plus productif, au détriment d'un autre, par sa plus large diffusion.C'est ainsi que le terme
interventionnaire, créé selon les lois de la syntaxe, a été éliminé par interventionniste, le
suffixe -iste étant plus fréquent pour exprimer les noms des adeptes d'une doctrine ou d'une
profession.
Les locuteurs sont ceux qui décident si, pour répondre aux besoins de la communication,
tel dérivé existant à l’état virtuel dans le schéma dérivationnel jouira d'une existence réelle et
complètera effectivement le paradigme lacunaire. On sait que tout nom d'action en - isation
suppose un verbe correspondant comme base de sa formation. Mais le verbe mémoriser est
apparu effectivement plus tard que le substantif mémorisation, son existence virtuelle n'étant
actualisée que lorsque le besoin d'expression l'eût requis "dès qu'il y a une
motivation
psychologique, sociologique, historique, les dérivés virtuels passent dans le domaine des
performances lexicales réalisées" (v. A. Cuniţă, 1980, p.26).
Le procédé sémantico-lexical le plus ancien et le plus commun de nomination, celui de
donner à un objet nouveau un nom caractérisant, qui surprend une ou plusieurs caractéristiques
essentielles de l'objet nommé, agit nom seulement dans les mots "savants", d'origine greco-latine,
comme:
 télévision, "vue à distance"
 téléphone "voix, son à distance"
 atome "qui ne peut pas être divisé"
 microbe "petite vie"
mais aussi dans la langue populaire, qui a créé : rouge - gorge, belle-de-nuit, sanglier
(<lat (porcus) singularis, "(porc) qui vit seul").
Ainsi le principe de l'analogie, qui est le fondement de tous les modèles productifs, apparaît-il
comme un processus de régularisation du changement linguistique, car il intègre dans la langue les
45
créations isolées et dispersées apparues dans la parole, en les structurant selon des modèles
morphophonolo-giques productifs ou selon une communauté de traits sémantiques.
Les modèles dérivatifs, formels ou sémantiques, assurent "le passage de l'individuel au
collectif, de l'unique au répétable, de l'aléatoire au régulier" (M.F. Mortureux, 1974).
La dérivation est un procédé interne d'enrichissement lexical qui fait appel aux ressources
morpho-syntaxiques de la langue. Elle consiste en un changement partiel de forme et de sens d'un
mot préexistant en langue. Dans le processus dérivationnel, les interconditionnements entre
lexique et syntaxe se manifestent pleinement.
Dans l'analyse des mots construits, il y a deux positions théoriques:
 le structuralisme traditionnel. Il se passe de toute explication analytique et décrit seulement
le produit: in (préfixe) + décor (radical) + able (suffixe) ;organ(radical)+is(suffixe
intermédiaire)+ation(suffixe)
 la conception moderne de la grammaire générative transformation-nelle. La GGTdécrit le
mécanisme productif, de nature syntaxique, et les éléments composants offerts par la langue
(bases de dérivation, affixes, bases de composition).
Nous considérons que les deux théories sont complémentaires et qu’ une fois le modèle
créé selon la destription générativiste, il engendre de nouvelles unités lexicales seulement par
analogie formelle.
"La langue crée sans cesse, mais pas ex nihilo (ou tout à fait exceptionnellement); elle
utilise, par divers procédés, les formes déjà existantes; et de ses créations souvent éphémères,
seul un petit pourcentage réussit à durer" (J. Picoche et Marchello-Nizia, 1989).
Une famille de mots (que la GGT appelle paradigme dérivationnel) est un micro-système
lexical formé de termes apparentés par la forme et par le sens, générés par un même terme simple, et
qui appartiennent à des classes grammaticales diférentes. Une famille de mots naît autour d'un seul
mot-matrice (appelé morphème lexical de base en GGT), le plus ancien en langue et de forme
simple.
Dans la conception traditionnelle, un dérivé est formé par l'agglutination de morphèmes en
une forme unique continue: un radical qui porte la signification (le sens référentiel) et un ou
plusieurs éléments adjoints, appelés affixes. Le suffixe est l'affixe placé immédiatement après le
radical: il est toujours conjoint au radical.
Les suffixes s'opposent aux préfixes par la position (les préfixes se placent avant le radical,
les suffixes sont placés après le radical), par l’absence d'autonomie énonciative (certains préfixes
peuvent fonctionner aussi comme prépositions ou comme adverbes: sur, sous, avant, après,
arrière, mal, etc.) et par leurs fonctions : un suffixe joue un rôle de premier ordre comme
46
catégoriseur grammatical (il impose la classe grammaticale au dérivé - subst., adjectif, verbe),
tandis que le préfixe ne possède qu'une valeur sémantique.
-(t)eur (suffixe attaché à une
base verbale)
valeur
sémantique:
"nom
d'agent" Ex. vendeur, joueur
-
valeur
gramaticale:
subst.
Masculin
anti- (préfixe attaché à une base
nominale)
-valeur sémantique : l'idée
d'opposition. Ex. anticorps
À l’heure actuelle, il existe des affixes productifs et des affixes non productifs. Ces
derniers ont perdu leur valeur sémantique, ils ne sont plus motivés. Tel est le cas du suffixe
diminutif –eau de chapeau, ciseau, moineau, qui n’est plus perçu comme affixe par les locuteurs,
ou le suffixe –on, présent dans les noms d’anciens outils, aujourd’hui désuets, comme poinçon,
lumignon ; il est devenu disponible pour de nouveaux emplois (en physique nucléaire, par
exemple, pour nommer les particules élémentaires).D’autres affixes sont très productifs, car ils
donnent un grand nombre de dérivés : -able, -ien, -iste ; hyper-, extra-, sur-, etc.
Le fonds ancien de suffixes hérités vient du latin, par voie populaire :-eau, -er, -esse, -âtre,
-aison, -aie ou par voie savante . Du latin viennent : -tion (forme savante de –aison), -ment, ateur, -tude, etc.Du grec viennent –ose, -ite, -on, -isme, -iste. Il existe en français des suffixes
empruntés à d’autres langues: à l’italien (-ade, -asque ou -esque, -oche, -issime), à l’anglais (-ing,
-er), aux langues germaniques (-aud, -ard).
A. Cuniţă (op. cit., pag. 3) considère utile de « placer la création lexicale dans la même
perspective syntaxique que la création phrastique », illustrant par la méthode et la perspective
générative adoptée une thèse déjà ancienne, suivant laquelle, derrière chaque «mot» il y a une
phrase entière.
Ces deux réalisations sont interchangeables.
(Le fait) que Pierre retarde étonne Jean.
Le retard de Pierre étonne Jean.
En grammaire générative et transformationnelle (GGT), le modèle générateur des termes
construits propose une structure phrastique profonde (Ph) qui subit des transformations de
nature syntaxique, à même de produire en structure de surface le nouveau terme lexical à l’aide
des opérateurs (les suffixes et les préfixes).
La différenciation entre les produits de la dérivation est due aux facteurs suivants :
47
-les différents types de transformations subies par la structure phrastique profonde:
 la passivisation oriente l'unité lexicale vers la classe des substantifs, la relativisation
vers la classe des adjectifs et la factivisation vers celle des verbes)
 et aussi à la nature des opérateurs engagés dans la dérivation (suffixes et préfixes)
spécifiques de la nominalisation, de l’adjectivisation et de la verbalisation.
-la nature morpho-syntaxique de la :structure profonde qui contient le terme-base :
structure
prédicative
(Ph=SN+SV)
ou
constituant
de
phrase
(syntagme),
de
type
Déterminé+Déterminant.
-la nature des opérateurs choisis. Il y a des affixes spécialisés pour la nominalisation(-tion,
-eur, -erie,etc), pour l’adjectivisation (-able, -if, -eux,etc), de même que pour la verbalisation(er, -ir, -iser, - ifier,etc.)
3.1.1. La dérivation paradigmatique suffixale
Un premier grand type de dérivation est la dérivation paradigmatique suffixale.
Ce type de dérivation produit toujours des termes dérivés grâce à un suffixe spécifique, qui
détermine aussi le changement de statut syntaxique du morphème lexical de base (le dérivé
appartient à une autre classe grammaticale que la base). La phrase-matrice impliquée dans les
transformations a une structure prédicative (SN+SV), étant une phrase complète. La
transformation à laquelle est soumise la structure profonde est en premier lieu celle de
passivisation.
Par ce type de dérivation, on obtient:
1.
des substantifs, sur des bases verbales ou adjectivales.
La nominalisation du verbe se réalise par la transformation de passivisation d'une
structure prédicative profonde :
La femme de ménage époussette les meubles — Les meubles sont époussetés par la femme
de ménage —L'époussetage des meubles (par la femme de ménage).
Le terme nouveau peut être enchassé dans une autre phrase: L'époussetage des meubles est
une opération délicate.
La nominalisation de l'adjectif se réalise à partir d’une structure profonde avoir +SN (N
abstrait + adj.) où N abstrait = "qualité".
Exemple: le teint a la "qualité" blanche — la blancheur du teint.
2.
des adjectifs, à partir des bases verbales ou nominales.
L'adjectivisation du verbe se réalise par la procedure de relativisation à l'aide du pronom
relatif qui, au sein d'une transformation généralisée. Il y a enchâssement d'une phrase dans une
autre:
48
1.
J'ai vu la voiture ; 2. Un camion a accidenté la voiture.
Un camion fait que la voiture a été accidentée — J'ai vu la voiture qui a été accidentée
(par le camion) —J'ai vu la voiture accidentée.
L'adjectivisation du nom implique la relativisation de la structure prédicative de départ
(du type SN + SV, où SV = avoir + SN), le pronom relatif étant effacé par la suite. Le nom qui
sert de morphème lexical de base est généralement affecté du trait [+concret].
L'adjectif dérivé indique l'état:
Cette région a du bois.
Cette région qui a du bois—Une région boisée.
Mais argileux: s’explique par la structure profonde : « (qui est) de la nature de l'argile »
(terre argileuse).
On observe que dans ce cas, le type de paraphrase est différent, la structure sous-jacente
étant du type: N1+ de +N2, non prédicative. C'est le cas de beaucoup d'adjectifs propres au
langage scientifique (sacchareux, conceptuel, etc.)
3.
des verbes, à partir des bases nominales ou adjectivales
La factivisation ou la verbalisation est la production d'un verbe à partir d'une base
nominale, par une transformation qui fait intervenir l'opérateur faire représentant le procès; la
phrase matrice comporte la structure être + N(adj.); elle est enchâssée dans une autre phrase à
l'aide du relateur que :
Faire (ceci) que la sauce est poivrée — Poivrer la sauce.
D’autres verbes ayant la trait [+causatif] dans leur structure profonde (la paraphrase FAIRE
DEVENIR) ont une base adjectivale :agrandir, jaunir, noircir, rougir. Quelques formations sont
des parasynthétiques(v. infra, 3.3) :
beau (belle) — embellir
noir—noircir
petit — rapetisser
rouge—rougir
grand — agrandir
court — écourter
Jean Dubois (1969) présente toutes les transformations auxquelles sont sujettes les phrases
. Il a formulé aussi les règles d’interprétation phonologique, qui décrivent les rapports
phoniques existant entre le signifiant du mot base et le signifiant du dérivé. Par exemple, les
substantifs dérivés en –tion sont formés à partir des participes passés des verbes-bases, plus
précisément de la forme féminine des participes : -ée (PPée) ; l’affixe –ée est remplacé par –a +
le suffixe de nominalisation –tion. Pour les participes en –u(e), on remplace –u par –i :
Perd–ue–tion→ perdition
49
Ainsi donc, un même morphème lexical de base , inséré dans des phrases –matrices
variées , qui subissent des transformations de types divers, peut générer plusieurs dérivés
appartenant à des parties de discours différentes : noms, adjectifs, verbes. On considère que les
termes dérivés formés à partir d’un unique mot-base forment deux types possibles de paradigmes
dérivationnels :
– un paradigme dérivationnel en éventail, comme dans l’exemple suivant :
abattage
abattis
Abattre
abatteur
abattable
abattement
– il y a aussi des paradigmes dérivationnels qui progressent par cumuls successifs, lorsque
chaque dérivé devient à son tour morphème lexical générateur d’un autre dérivé :
constitution→constitutionnel→constitutionnel- lement→anticonstitutionnellement
drame→ dramatiser→dramatisation
Un paradigme dérivationnel est une structure de virtualités ; il comprend des formations
existantes effectivement dans la langue, ainsi que des formations virtuelles, possibles. „ En
comparant les ensembles de dérivés réels au modèle offert par les paradigmes dérivationnels, on
peut découvrir les lacunes de la production lexicale (envisagée en synchronie), on peut mettre en
évidence les «accidents» qui interrompent parfois la chaîne dérivationnelle, on peut
éventuellement prévoir l’apparition de tel ou tel terme construit, suggéré, pour le moment, par
une case vide“, affirme A. Cuniţă ( op.cit., p.10).
La dérivation à base verbale
A. La nominalisation du verbe
Pivot de la phrase, ayant le plus grand pouvoir dérivationnel d’après certains linguistes(Al.
Bolintineanu,La productivité des bases en français moderne et contemporain,thèse de doctorat,
1976) le verbe peut générer des noms ayant les valeurs sémantiques suivantes
1. Noms d'action, de résultat ou d'état. Pour les verbes transitifs impliqués dans la
structure profonde, la transformation est celle de passivisation, selon le modèle:
L'incendie a détruit la mairie ; cela a attristé les habitants.
50
La mairie a été détruite par l’incendie; cela a attristé les habitants — La destruction de la
mairie (par l'incendie) a attristé les habitants.
Le verbe du SV peut être aussi:
- un verbe intransitif:
Le sang circule —Le sang est circulant —La circulation du sang.
- un pronominal de valeur passive:
La roche se fissure— La roche est fissurée — La fissuration de la roche.
Un verbe actif construit passivement, avec le sujet on: On démolit l'immeuble —
L'immeuble est démoli —La démolition de l'immeuble
La transformation s'opère par l'effacement du suffixe du participe présent (quand la base
verbale est un verbe intransitif) ou du participe passé quand la base verbale est un pronominal de
valeur passive ou un verbe passif) et par la substitution de l'affixe de nominalisation TION, AGE
ou MENT. Ceux-ci sont les plus productifs à présent et ils ont les valeurs sémantiques suivantes:
- TION et variantes: (-ation, isation, ification, -faction, ition) sert à former des noms
d'action ou de résultat. Il est d'origine savante (lat-tionem).
dériver-dérivation
fonder-fondation
arabiser-arabisation
déifier-déification
liquéfier-liquéfaction
Il existe des dérivés en TION formés sur un radical savant qui se substitue au verbe
français correspondant:
absorber-absorption
imprimer-impression
absoudre-absolution
paraître-parution
détruire– destruction
admettre-admission
Le suffixe –ation est un suffixe savant, calqué sur le latin –atio,-ationis, dont le
représentant populaire est –aison.
Le suffixe AGE (et var-ISSAGE) sert à former des noms d'action, surtout des noms
d'opérations techniques. Il est d'origine populaire.
assembler-assemblage
labourer-labourage
gonfler-gonflage
alunir-alunissage
Le suffixe MENT (lat-mentum) sert à former des noms d'action, de résultat ou d'état:
bercer-bercement
changer-changement
accomplir-accomplissement
mûrir-mûrissement
51
Les sufixes AGE et MENT peuvent se faire concurrence, car ils peuvent choisir la même base
verbale, les dérivés présentant une spécialisation sémantique : le gonflage (du pneu)-le gonflement
(du genou), le pavage (des rues)-le pavement (est neuf).
L'orientation du dérivé vers un nom d'action ou de résultat (d'état aussi) dépend de
plusieurs facteurs .Les plus importants sont:
1.
- La nature transitive ou intransitive du verbe:
bourdonner-bourdonnement(résultat)
modeler (une pomme)-modelage (nom d’action))
2.
- L'aspect accompli ou non-accompli de l'action exprimée par le verbe. Les temps verbaux du
passé, expression du perfectif, orientent le dérivé nominal vers un résultatif, tandis que les
temps du non accompli (présent, futur) orientent le dérivé vers le suffixe - age (noms
d'action, qui expriment l'imperfectif) .
On pave la rue — le pavage de la rue (nom d'action)
On abat l'arbre —L'abattement de l'arbre
On a égratigné la carrosserie — L'égratignure de la carrosserie (nom de résultat).
3.
La présence d'un compl. d'objet direct [+humain] dans la phrase de départ oriente le dérivé
nominal vers l'accompli (nom de résultat ou d'état): l'agacement de Jean, l'abattement de
l'adversaire.
Le français possède autres suffixes de la nominalisation de l'action ou du résultat,mais qui sont
moins productifs aujourd'hui: -ure (blessure, découpure, signature-noms de résultat), -is (frottis, hachisnoms de résultat) -ade (baignade, roulade-résultatifs), -aison(noms d’action ou de résultat)-ance
(esperance, mouvance, surveillance indique le résultat de l’action et l’état) ; les noms en-ence (existence,
connivence) viennent directement du latin et sont liés à des adjectifs terminés en –ent :indulgentindulgence) ; -ing, d'origine anglaise (caravanning, camping), -aison (inclinaison, flottaison). -erie
(broderie, tracasserie), -ée (assemblée, traversée), etc.(v.A.Cuniţă, op.cit.,pp.24–44)
Nous donnons ci-dessous la liste des verbes qui ne possèdent pas un nom d’action ou de
résultat en français contemporain :
absolutiser, anathémiser, caricaturiser, familiariser, hypnotiser, immortaliser, scandaliser,
plastifier, calcifier.
D’autre part, il n’existe que les formes nominales pour :municipalisation, paupérisation,
vedettisation, alphabétisation, coopérativisation.
On peut obtenir des dérivés noms d'action ou de résultat par la dérivation dite régressive,
en retranchant des affixes à des mots déjà existant, en absence de tout operateur suffixal
reconnaissable (suffixe zéro). Le dérivé résulté porte le nom de déverbal :
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choisir-choix
charger-charge
accueillir-accueil
oublier– oubli
aider-aide
commander – commande
offrir-offre
éclairer – éclair
Les dérivés à suffixe zéro s’opposent à ceux formés avec un suffixe reconnaissable sur
une base identique. Ils présentent une spécialisation sémantique nette :éclair-éclairage; coupecoupure.
Il existe non seulement des substantifs verbaux, mais aussi des adjectifs verbaux :comblercomble ;troubler-trouble ; des noms d’agent, formés sur le nom d’une science :médecinemédecin ;des adjectifs de couleur formés sur des noms communs :violette-violet.
Un même radical verbal peut générer plusieurs noms différenciés sémantiquement, selon
le suffixe qu’on lui ajoute :
Abattement(de Pierre)–abattage(du minerai)–abattis(du poulet)
Blanchissage(du linge)–blanchissement (des cheveux)– blanchiment(de l’argent)
Déchirure(du tissu)–déchirement(du cœur)
Inclination(pour les mathématiques)–inclinaison(du toit)
Prolongement (dans l’espace)–prolongation (dans le temps)
Raffinage (du sucre)–raffinement (de la manière de penser)–raffinerie (usine,lieu ou se déroule
l’action de raffiner)
2. Transformation du verbe en nom d'agent [+humain]
Dans ce cas, la phrase prédicative de départ donne lieu à une transformation
d'adjectivisation intermédaire, réalisée à l'aide du pronom relatif qui, ensuite effacé:
L'homme décore l'appartement — L'homme qui décore l'appartement — Le décorateur
Le nominal abstrait présent dans la structure profonde (Le N qui…) se maintient dans le
dérivé , pour lui assurer le statut de substantif.
Ces noms connaissent la flexion en genre (masc. et féminin), selon le genre naturel du sujet
humain.
Les opérateurs utilisés pour la formation des noms d'agent sont:
-EUR,-ATEUR/-EUSE,- ATRICE
vendre-vendeur
dompter-dompteur
filer-fileuse
cultiver-cultivateur
53
-ANT/E)
débuter-débutant
arriver-arrivant
combattre-combattant
- AIRE
signer-signataire
destiner-destinataire
protester-protestataire
3. Transformation du verbe en nom d'instrument (agent non-humain).
Les noms d ‘instruments constituent une classe lexicale distincte, caractérisée par certains traits
syntactico-sémantiques. La notion d’opérateurs appropriés est fondamentale pour définir toute classe
d’objets. La classe sémantiquement homogène des instruments (noms de machines et noms d ‘appareils)
est définie par certains prédicats qui les acceptent comme arguments (sujets ou objets) .Un nom de
machine peut constituer le sujet de prédicats verbaux tels : fonctionner, démarrer, marcher, s’arrêter,
tourner. Il peut constituer l’objet des prédicats verbaux suivants, en présence d’un sujet humain:
employer, actionner, manœuvrer, mettre en marche, régler, réparer, etc. Il peut être associé à l’un des
prédicats adjectivaux suivants : automatique, en panne, à commande numérique, pointé, etc (cf. PierreAndré Buvet, Les noms de machine en –euse, in LF /1997).
Plus récemment, il semble que le même suffixe –eur peut indiquer l'agent machine d'une
opération technique: un discriminateur, un démarreur, un culbuteur. Les noms d'agent [-animé] ont
un genre grammatical fixe, qui peut être soit le masculin, soit le féminin:
Genre masc. - percuteur, interrupteur, récupérateur, vaporiseur
Genre féminin - perforeuse, agrafeuse, pocheuse, couveuse.
Une certaine préférence pour le féminin semble se manifester pour –tant pour les noms
d'instrument - machines de grandes dimensions, qui ont remplacé actuellement l’homme dans
l’exécution des opérations techniques dans la grande industrie : moissonneuse, décapeuse,
aléseuse, dégauchisseuse, riveteuse, calculatrice (de poche), pointeuse.
Le contexte indique souvent s'il s'agit de l'agent humain féminin ou du nom de la machine.
Dans les cas suivants, le terme peut désigner soit l'agent humain, soit l'agent machine:
collecteur, cultivateur, tricoteur, couseur
Le cultivateur est satisfait de son travail.
Le cultivateur est tombé en panne.
54
Á la différence de noms d'agent, les noms d'instrument ne peuvent figurer sans article en
tant qui'attribut, dans une phrase équatante avec le verbe être : *Cet appareil est vibreur . Mais :
Cet homme est soudeur(correct)
Une corrélation entre les formations en –euse et celles en –age, appartenant toutes au
domaine trchnique et issues d’une même base verbale, peut s’ observer :
Riveter–riveteuse–rivetage
Raboter–raboteuse–rabotage
Des corrélations semblables existent entre les dérivés en –euse et en –eur. Pour ces termes
suffixés, plusieurs situations sont possibles :
a. le substantif en –eur désigne un humain, en général un nom de profession, qu’on peut
considérer le nom d’agent par rapport au verbe : bobineur, encolleur. Le nom en –euse
représente le féminin du nom d’agent. Il y a des cas où le nom du métier ou de la fonction
qui correspond à l’opération technique est uniquement du genre féminin, n’ayant pas de
correspondant en –eur : remmailleuse.
Le bobineur (la bobineuse) bobine un moteur.
b.
le substantif est le nom d’un outil, d’un appareil ou d’une machine, par exemple,
décolleur ou égreneur. Leur genre grammatical est fixe
c. le nom peut avoir deux ou même plusieurs emplois : l’un désigne un humain et l’autre
un objet. C’est le cas de niveleur, qui correspond soit à une profession, soit à un outil, de
tricoteuse et de repasseuse aussi.
Certains substantifs en –euse, en général antérieurs au XX-ème s. sont polysémiques et ne
désignent pas des machines. Ainsi, baladeuse peut nommer soit deux types de moyens de
transports différents, soit un type de lampe. Autres exemples de la même catégorie sont liseuse et
mitrailleuse.
Le suffixe -OIR, OIRE:
raser - rasoir (un)
passer-passoire (une)
Ces opérateurs ne servent qu'a la formation des noms d'outils ou d'ustensiles de petites
dimensions.
Ils impliquent une phrase factitive de départ et une transformation intermédiare de
relativisation:
L'outil fait que le papier est gratté — L'outil qui fait que le papier est gratté — Le grattoir
Les dérivés en -oire sont féminins : glaçoire, écumoire, baignoire, passoire.
Pour les formations en-oire, l'idée d'instrument s'allie à celle de lieu, car ils désignent "un
contenant où est faite l'action" (J. Dubois)
55
4. La transformation du verbe en nom de lieu
Les formations en-OIR sont l'aboutissement d'un processus dérivationnel semblable:
parloir, abreuvoir, accoudoir, dortoir.
Les formations en-OIRE sont du genre féminin: patinoire, glissoire, mangeoire.
Le suffixe -ERIE n'est plus productif aujourd'hui sur des bases verbales (chaufferie, « la
chambre de chauffe d'une usine, d'un navire »), fumerie, « lieu clandestin où les gens se droguent
en fumant de l'opium »).
Les formations avec des bases nominales sont nombreuses: margarinerie, vinnoiserie,
cokeric, cimenterie.
B. L'adjectivation du verbe
La transformation d'un verbe transitif en adjectif est réalisée à la suite d’une opération de
passivisation, suivie d'une relativisation :
On paye la note — La note est payée — La note (qui est) payée — La note payée.
Quand un adjectif correspond à un verbe intransitif, la transformation se réalise par le
syntagme être +Adjectif:
Un enfant est né en janvier — Un enfant qui est né en janvier — L'enfant né en janvier.
Les opérateurs sont identiques aux terminaisons des participes passés: E, I, IS, IT, U, -US
(OS), AINT (EINT), -OUS.
L'opérateur ANT sert à former des adjectifs verbaux apparentés au participe présent. La
transformation impliquée est celle de relativisation :
Une
réponse
compromet
— Une
réponse
qui
compromet
— Une
réponse
compromettante.
Le plus souvent, la relative peut engendrer un adjectif et un substantif: une (femme)
militante de même que le suffixe de nominalisation de l'agent EUR: un (courtisan) flatteur.
Cet adjectif d’origine verbale se distingue souvent du participe présent non seulement par
la fonction syntaxique différente, mais aussi par l’orthographe :convaincant (adj.) /convainquant
(part.prés.), exigent(adj) /exigeant (part. prés.), fatigant (adj.) /fatiguant (part.prés.)
Le suffixe -ABLE (-IBLE,-UBLE)
Ce type d'adjectif résulte de la transformation d'une phrase passive comportant l'auxiliaire
«POUVOIR» :
Ou peut manger cette pomme — Cette pomme peut être mangée —Cette pomme est
mangeable.
56
Ces denrées peuvent périr —Ces denrées sont périssables.
Voila quelques adjectifs dérivés:
percevoir-perceptible
réflechir-réflexible
disposer-disponible
s'irriter-irrascible
traduire-traduisible
L’adjectif résulté a une valeur passive(mangeable, »qui peut être mangé ») ou une valeur
active(serviable, »qui peut servir, nuisible, « qui peut nuire »).
Autres suffixes d'adjectivisation du verbe sont -ATIF (-ITIF / -ITIVE):
penser — pensif ; interroger —interrogatif ; décorer — décoratif
Il existe toujours une spécialisation sémantique des dérivés adjectivaux eu -ant et en-if:
assemblée délibérante/avoir voix dlibérative, un avocat consultant/comité consultatif.
Le suffixe -ATOIRE (-ITOIRE) ne donne que des adjectifs à valeur aspective de nonaccompli : vexatoire, définitoire, blasphématoire
Les termes dérivés à l’aide des suffixes représentent une partie considérable du vocabulaire
français (un tiers des lexèmes de dictionnaire, affirment les spécialistes). Cependant, l’usage réel
dans le discours quotidien est plus réduit. D’autre part, les dérivés empruntés au latin ou formés
en français avec des bases savantes sont encore plus nombreux. Cette situation s’explique par le
fait que les mots français populaires ,qui finissent souvent en voyelle et dont le signifiant est
court, mono- ou bisyllabique,se prêtent mal à la dérivation.Alors, pour former des noms et des
adjectifs abstraits, le français a recours aux bases latines ou grecques : eau-aquatique, foiehépatique ;
chaud-chaleur , calorie, thermocautère, thermomètre.
Ce phénomène porte le nom de supplétisme ou supplétion (v.J. Picoche, 1977)
La dérivation à base nominale
Ici, nous traitons de la dérivation paradigmatique suffixale à base nominale, car l’autre type
de dérivation, syntagmatique, et les dérivés qu’on obtient à partir d’un nominal, seront présentés
plus bas (v. 3.3).
A. La transformation du nom en adjectif
57
Le suffixe –u ou –é facilite la transformation N→Adj., „ qui possède du N„ : cornu, griffu,
branchu, boisé.
Le suffixe –esque, donne à l’adjectif la valeur „ qui possède des traits de N“ : grotesque,
clownesque, soldatesque, carnavalesque. Il vient de l’italien –esco.
Le suffixe –aire, forme un adjectif ayant la valeur „qui est relatif à N“ : lacunaire,
fragmentaire
Le suffixe –al, -el donne un adjectif „qui est relatif à N“ : estival, patronal, fraternel,
national, ministériel.
Le suffixe –eux donne un adjectif ayant la valeur „qui est relatif à N“ : amoureux,
sacchareux, incestueux.
Le suffixe –escent transforme le nom en un adjectif ayant le sens „qui possède des traits de N“ :
fluorescent, opalescent, condescendent.
Dans ce type de formations, la structure de départ prédicative est relativisée, le pronom
relatif et le verbe être sont ensuite effacés. Le nom qui sert de base a le trait [+concret] :
Une région a du bois→ une région qui a du bois→une région boisée
B. La transformation du nom en verbe
D’après A. Cuniţă(1980 : 75), la verbalisation du nom se réalise en tant qu’étape ultérieure
à l’adjectivisation préalable :
Chocolat→chocolaté→ *chocolater (non attesté)
Clou→ cloué→clouer
Poivre→ poivré→ poivrer
Comme nous l’avons déjà montré, l’opération par laquelle s’effectue le passage de la
construction être + adjectif (participe passé) à la forme active du verbe s’appelle l’opération de
factivisation. La phrase :
Maman sucre le gâteau.
peut être rattachée à la construction :
Maman fait (ceci) que le gâteau est sucré.
Les verbes en –er ainsi obtenus sont des verbes causatifs
Un autre suffixe de verbalisation est –iser, qui sert à exprimer l’aspect accompli. La même
opération de factivisation obligatoire accorde à ces verbes une forte valeur causative.
schématiser : „transformer en schéma“ ; „atomiser :„convertir en atomes“.
Le suffixe –ifier donne des verbes toujours causatifs : gazéifier, „faire passer à l’état de
gaz“, statut→statufier, exemple→exemplifier.
58
Des formations en –ifier→ ification se rencontrent surtout dans les vocabulaires
techniques et scientifiques. La tendance actuelle est de remplacer les formations en –ifier par des
formations en –iser : aériser au lieu de aérifier. Des cycles dérivationnels successifs restent
toujours possibles , qu’ils soient effectivement réalisés en langue ou non, seulement virtuels: le
paradigme lexical du terme impulsion est : impulsion→impulsionné→impulsionner
Le paradigme dérivationnel du nom action est :
action→actionner(mettre en mouvement)→ actionnement
→actionneur(moteur)
La dérivation à base adjectivale
De toutes les parties du discours, l’adjectif est le moins productif comme base d’un
paradigme dérivationnel, situation explicable par son statut d’unité à incidence externe (il
détermine un nom, auquel il est associé). Il existe trois catégories d’adjectifs susceptibles d’être le
premier terme dans une dérivation par cumuls successifs :
a) des adjectifs simples, ayant un sémantisme fondamental– ils expriment les dimensions,
les couleurs, l’âge, comme : grand, petit, vieux, jeune, rouge, blanc,etc.
b) des adjectifs dérivés, formés à l’aide des suffixes, comme -iste ou –aire : socialiste–
socialiser–socialisation ; solidaire–solidariser–solidarisation. Si l’adjectif est dérivé d’un
nom, il faut que le lien sémantique avec celui-ci soit rompu pour que l’adjectif devienne le
terme- base d’un paradigme dérivationnel :
(mois) mensuel–mensualiser–mensualisation
c) des adjectifs composés: biparti– bipartisme, isochrone–isochronisme.
A. La verbalisation de l’adjectif
L’opérateur suffixal le plus employé est –ir, qui a une valeur de catégoriseur verbal et une
valeur d’aspectivation. Il forme des verbes causatifs, la transformation de factivisation
impliquant le verbe „faire devenir“ : noircir, „faire devenir noir“. Les adjectifs avec
lesquels il se combine sont le plus souvent les adjectifs de couleurs : blanchir, rougir,
noircir, verdir, etc. ou des dimensionnels :grossir, épaissir, d’âge aussi : vieillir, rajeunir.
Souvent, le suffixe est associé à un préfixe aspectivant, le dérivé obtenu étant un
parasynthétique(v. infra, 3.5) : em+bel(beau)+lir, a+plat+ir,etc.
Les mêmes verbes peuvent fonctionner aussi comme des verbes inchoatifs („devenir“), si
on les met dans un autre cadre casuel :
A comparer :
Cette robe vieillit Jeanne.
Jeanne a vieilli visiblement cette année.
59
Un autre opérateur suffixal est –iser. Il peut se combiner avec toutes sortes de catégories
d’adjectifs :
Conceptuel–conceptualiser, dynamique– dynamiser, arabe–arabiser, officiel–officialiser,
conceptuel–conceptualiser
On observe que le phénomène de verbalisation est accompagné quelquefois d’une
alternance phonétique .
Les verbes ainsi obtenus peuvent engendrer de nouveaux dérivés, qui sont des noms ou des
adjectifs : conceptualiser–conceptualisation ou conceptualisable.
B. La nominalisation de l’adjectif
La transformation de nominalisation de l’adjectif implique une paraphrase du type : avoir
SN(N abstrait+ Adj). Par exemple, le terme blancheur a la paraphrase „avoir la qualité
blanche“.
Les opérateurs suffixaux les plus productifs qui permettent la nominalisation de l’adjectif
sont :
-(e)té, -ité. Très productif , il peut choisir des bases adjectivales simples ou des bases déjà
dérivées :
pur–pureté
applicable–applicabilité
conforme–conformité
Il connaît la forme –(bil)ité lorsqu’il sélecte un adjectif en –able(ible) à valeur modale :
applicable–applicabilité, maniable–maniabilité, imperméable–imperméabilité.
Ces formations appartiennent au vocabulaire général, mais aussi au vocabulaire du droit
(légitimité), de l’économie politique , de la philosophie(aperceptibilité), au vocabulaire
technique aussi, dans lequel ce suffixe indique la qualité d’un produit utilisé dans la
fabrication d’un objet industriel : étanche–étanchéité, solide–solidité.
-isme est très productif. Associé a une base adjectivale, il désigne une attitude permanente,
relative à un système philosophique , moral ou politique :
apolitique–apolitisme
augustinien–augustinisme
antitabagique–antitabagisme
Il est souvent associé à un dérivé en –iste, pour dénommer le partisan de cette doctrine. Le
suffixe –isme fonctionne avec plus de rendement dans la dérivation de type syntagmatique
60
sur une base nominale, qui peut être un nom commun ou un nom propre(capitalisme,
giscardisme, gaullisme).
-eur, employé dans la nominalisation des adjectifs simples, qui sont des „morphèmes-souches“ :
grand–grandeur, maigre–maigreur, blanc-blancheur. Il n’est plus productif aujourd’hui.
La blancheur de sa peau est étonnante.
-esse. De nos jours, il n’est plus productif, mais il a donné un grand nombre de formations :
robuste–robustesse, triste–tristesse, noble–noblesse.
-ise. Il n’est plus productif. Parmi les formations qu’il a donné, on peut énumérer bête–
bêtise, franc–franchise, sot–sottise, gourmand–gourmandise.
-ie. Non-productif aujourd ‘hui, il a donné courtois–courtoisie, jaloux–jalousie, fou–folie.
-erie. Il n’est plus productif, une des causes pour lesquelles il a été désaffecté étant la
valeur péjorative des formations qu’il a données : fourbe–fourberie, narquois–narquoiserie,
poltron–poltronnerie.
-ance /ence. Il a donné des formations nominales appartenant aux vocabulaires spécialisés :
coalescence, calorescence.
C.L’adverbialisation de l’adjectif
Les adverbes de manière sont construits par l’adjonction du suffixe –ment à la forme
féminine de l’adjectif : grande–grandement
Les adjectifs terminés par –ante forment l’adverbe en –amment : brillante–brillamment
Les adjectifs terminés en –ente forment l’adverbe en –emment :récent–récemment.
Un assez grand nombre d’adverbes du registre familier ou populaire sont formés sur des
noms à valeur interjective ou
dépréciative : diablement, vachement, foutrement, bigrement.
La polysémie des suffixes.
La plupart des affixes français cumulent des valeurs multiples. Ils peuvent s'appliquer à des
bases apartenant à des classes grammaticales différentes et donnent des dérivés dont la
catégorisation morpho-syntaxique dépend de la nature catégorielle du terme - base et des
transformations subies par la structure phrastique profonde.
En voilà des exemples :
 le suffixe ANT<lat - antem peut former:

un nom d'agent, sur une base verbale: combattant, gérant

un nom d'instrument, sur une base verbale : (le) battant (d'une cloche), (une)
imprimante ;
61

un adjectif de qualité: coupant, calmant, charmant, sur une base verbale ;
 le suffixe - EUR (EUSE)<lat - torem (sorem) donne :

des noms de qualité, sur une base adjectivale: laideur, chaleur, longueur,
profondeur ;

des nons d'instruments, sur une base verbale : déclancheur, moissonneuse ;

des adj. de qualité, sur une base verbale: rieur, -euse ;

des noms d'agent: vendeur, livreur
 le suffixe IER, IERE (<lat –arium) donne:

des noms de contenant, sur une base nominale: encrier, beurrier, salière ;

des adj. de qualité, sur une base nominale : fruitier, meurtrier ;

des noms de métier, sur une base nominale : horloger, pompier ;

des noms d'arbres fruitiers, à partir du nom du fruit: pommier, poirier
 le suffixe (E)MENT (<lat.mentum) peut former:

des noms d'action ou de résultat, sur une base verbale: agrandissement,
groupement, armement ;

des adverbes de manière, sur une base adjectivale : calmement .
On considère qu’en général, les suffixes spécialisés (-ose,-ite) et les suffixes aspectifsappréciatifs (servant à former des diminutifs et des augmentatifs) sont monosémiques, situation
plutôt rare pour les affixes employés dans la langue commune.
La dérivation syntagmatique. La suffixation, la préfixation et la
composition
3.3.
Les dérivés obtenus par la dérivation de type syntagmatique appartiennent en général à la
même classe syntaxique que celle du terme qui est la base de la dérivation. La structure
syntaxique de départ est du type déterminé- déterminant(Dé+Dt), représentant une séquence de
phrase et non plus une phrase prédicative(Ph=SN + SV) comme dans le cas de la dérivation
paradigmatique.. Elle se réalise à l’aide des préfixes et des radicaux de composition, mais aussi
par certaines catégories de suffixes. La transformation intermédiaire impliquée est celle de
relativisation, par le pronom relatif qui, ensuite effacé en structure de surface.
3.1.2. La dérivation syntagmatique suffixale
62
Ce deuxième grand type de dérivation se caractérise par le fait que le dérivé appartient à la
même classe syntaxique que le terme base, car l’affixe spécialisé pour ce type de dérivation n’a
pas la propriété de changer la classe grammaticale ( certaines classes de suffixes, les préfixes et
les bases de composition). La structure profonde qui produit le nouveau terme lexical n’est plus
une structure prédicative , mais un
seul constituant de phrase, de forme déterminé +
déterminant, exprimé par un syntagme. Le type de transformation représentatif est la
relativisation.
Plusieurs catégories de suffixes opèrent ce type de transformation, bien qu’elle soit le
propre des préfixes.
a) Les suffixes qui entraînent le changement de la classe grammaticale du morphème
lexical de base. C’est le cas des suffixes d’adjectivisation qui donnent des adjectifs de relation à
partir d’une base nominale.:
le langage des gestes- le langage gestuel
l’arrêt du ministre – l’arrêt ministériel
Il existe un grand nombre de tels suffixes :-al, -el, -if, -ique, -aire, -ier, -eux, -in, -esque.
Une sous-catégorie sémantique de ces dérivés est constituée par les adjectifs de nationalité et les
noms des habitants des grandes villes: africain, hongrois, roumain, français, norvégien,
newyorkais, suisse, bucharestois, belge.
Ces adjectifs ne peuvent être séparés du substantif déterminé, auquel ils sont intimement
liés . Une éventuelle caractérisation doit avoir une incidence globale, au niveau du syntagme
entier:

*une hémorragie très abondante nasale

une hémorragie nasale très abondante (construction correcte)
b) Les suffixes qui réalisent la dérivation à l’intérieur de la même classe syntaxique
peuvent donner des dérivés dans la classe nominale, dans la classe verbale et dans la classe
adjectivale.
Suffixes employés dans la classe nominale :
D ‘après leur nature sémantique, les dérivés obtenus sont répartis en quatre catégories :
a)
Noms de métiers, noms de lieux où se déroule une activité spécifique de
fabrication ou de commerce ; noms de fonctions, noms de doctrines et de leurs
adeptes :
Commissaire – commissariat
Secrétaire
- secrétariat
Charcutier----charcuterie
63
Dent – dentiste
Chapeau - chapelier
Archives – archivaire
Marx – marxisme, marxiste
Les suffixes utilisés sont : -at, - erie, -isme, -iste, -ier, -ien, -aire,etc.
b)
Termes
scientifiques servant
aux nomenclatures (classification
des corps
chimiques, des maladies, etc.)
Domaine médical : le suffixe –ite signifie « maladie aigue » et se combine avec un nom ,
le plus souvent
d’origine savante, désignant une partie du corps : bronchite, conjonctivite,
laryngite ; le suffixe –ose sert à nommer les maladies ayant un caractère chronique : arthrose,
névrose, cirrhose ; le suffixe –ome
signifie « tumeur » : hématome, fibrome, carcinome,
papillome.
En minéralogie .Le suffixe –um se réfère à un nom base « métal rare » :californium,
sélénium.
Le suffixe le plus répandu est –ite, homonyme de –ite du vocabulaire médical, qui sert à
former les noms de minerais : bauxite, pyrrhite, apatite.
En physique nucléaire .Les suffixes –ode et –on ont, le premier, le contenu sémantique
« électrode », comme dans diode, triode ; le deuxième
a le sens de « corpuscule
nucléonique », comme dans : méson, photon, positron, cyclotron,etc.
Noms exprimant l’idée de contenant (récipient), de contenu, l’idée de
c)
collectivité : goutte – gouttière (Il faudra réparer la gouttière) ; assiette – assiettée, gorge –
gorgée (Il a pris une gorgée de thé brûlant) ; sel – salière, encre – encrier.
Les suffixes –aille, -aie, -age servent à former des noms[+COLLECTIF] : marmaille,
pierraille, ferraille ; plumage, feuillage ; le suffixe –aie se combine exclusivement avec
les noms d’arbres pour former les termes ayant le sens générique « plantation » :chênaie,
oliveraie.
Les suffixes –ain, -aine se combinent avec des noms de nombre :dizain, huitain désignent
des groupements de vers ; les dérivés en -aine nomment des groupes d’objets ou de
personnes dont le nombre est approximatif : une dizaine de billets.
d)
Dérivés à valeur aspective.
Ces dérivés existent dans la classe du substantif, de l’adjectif et dans la classe du verbe.
Noms à valeur aspective
Les diminutifs sont formés à l’aide des suffixes –et/ette, -elet/-elette, -illon, -ot/otte, -eau,
-aillon, -on,-iche, -in/ine, -ole, -cule,etc.Exemples :rue – ruelle, animal – animalcule,
64
oiseau – oiselet, oisillon, poule – poulet, livre – livret, gant – gantelet. Les noms des
petits des animaux sont en français des termes dérivés : éléphanteau, pourceau,
serpenteau.
Adjectifs à valeur aspective
Les dérivés ainsi obtenus ont tous une valeur quantitative nette, accompagnée souvent de
la connotation péjorative ou de la marque stylistique « familier », « populaire »..Ces quantitatifs
peuvent être des diminutifs, des augmentatifs ou des atténuatifs. Pour la formation des diminutifs
on se sert des mêmes suffixes que ceux utilisés dans la classe nominale : pauvre – pauvret, aigre –
aigrelet, maigre – maigrelet, maigriot, maigrichon ;vieux – vieillot, fort – fortiche, fou – folichon,
blond – blondin, etc.
Les quantitatifs augmentatifs sont formés à l’aide des suffixes –aud, -ard , -asse et ont une
connotation dépréciative : rouge – rougeaud, lourd-–lourdaud, mou –mollasse, riche –richard,
patriote –patriotard.
Les atténuatifs se réalisent à l’aide du suffixe -âtre: blanchâtre, douceâtre, qui transmet
l’idée d’ insuffisance.
Verbes à valeur aspective
Certains suffixes de verbalisation comme – oter, -eter, -onner, - oyer, - iner, -ocher, -ailler,
-asser, -iller, -ouiller donnent au dérivé verbal l’aspect “discontinu”, “répétitif”. Accompagné
d’un certain type d’évaluation. Ces opérateurs suffixaux sont en même temps des quantitatifs,
exprimant la petite quantité.
De tels verbes aspectifs sont fréquents en français populaire et familier :tirer–tirailler,
mordre – mordiller, sauter – sautiller, tourner– tournoyer (tourner en rond plusieurs fois), écrire –
écrivailler (“produire souvent des écrits de mauvaise qualité”), tousser – toussailler (“tousser un
peu et souvent”), vivre –vivoter (“vivre d’une manière insatisfaisante”).
La catégorie des suffixes d’aspectivisation réalisent des nuances sémantiques
comparables à celles des préfixes aspectifs (v. A. Cuniţă, op. cit. :131).
65
3.1.3. La préfixation et la composition, type de dérivation syntagma-
tique
Le propre de la dérivation syntagmatique est de ne pas changer la classe
grammaticale du morphème lexical de base; le dérivé résulté de la contraction d'une
séquence phrastique du type : Dé+Dt (déterminé + déterminant) appartient à la même
classe grammaticale que le terme générateur. Les termes préfixés et les composés
obéissent à ces règles.
 pression (qui est) plus grande que la pression — surpression ; mur (qui est), contre
autre mur (pour servir d'appui) — contre-mur
 voler au-dessus des montagnes — survoler les montagnes
 chou (qui est une fleur) — chou-fleur
 chien (qui est un loup) — chien –loup
La préfixation
Un préfixe est un morphème lexical, d'origine française ou étrangère, dépourvu
d'autonomie lexicale, qui se place avant le lexème - base et qui apporte certains enrichissements
sémantiques.
Un terme préfixé reste motivé tant que la relation syntaxique qui reunit les éléments
composants est encore perçue par le locuteur.
La structure profonde qui explique l’apparition des termes préfixés est différente, d’après le
résultat obtenu :
a)
si le terme nouveau est un substantif, la transformation implique dans la phrase
profonde le sunstantif à créer, symbolisé par un N1 et précédé de l’article. Le
second terme de la phrase profonde est le terme base représenté par N2 :
La pièce est (il y a une pièce) ; cette pièce est avant la chambre→la pièce(N1) qui est
avant la chambre(N2)→l’antichambre, subst. fém
b)
Si le terme créé est un adjectif, N n’est pas inclus dans le résultat de la
transformation. Il est virtuel et figure dans le syntagme nominal de la phrase de
discours qui comprend l’adjectif nouvellement créé :
(N1) qui est contre la constitution (N2)→(un décret) anticonstitutionnel.
66
On peut observer que l’adjectivisation implique souvent, comme dans l’exemple donné, un
suffixe d’adjectivisation concomitant avec le préfixe, ce qui détermine le changement de la classe
grammaticale du terme base.
c)
Si le terme nouveau est un verbe, la structure profonde qui explique sa formation
implique le verbe causatif faire et une subordonnée complétive:
Le paysan fait que la récolte est dans la grange→ Le paysan engrange la récolte.
Classification des préfixes
Une classification des préfixes peut se faire en fonction de plusieurs critères.
a. D'après le critère de la productivité, les préfixes sont :

productifs. Leur vitalité est mesurée par le nombre de termes créés et d’après leur
dispersion (le nombre de domaines d'application). Aujourd'hui sont très productifs:
anti-, hyper-, super-, re-, de-, sur-, pro-, co-, etc.

des préfixes non productifs. Les termes qu' ils ont formés ne sont plus analysables
pour le locuteur moderne. C'est le cas de ab-dans les verbes abdiquer, abstraire,
abhorrer, de in - dans inepte, innocent, de a(d) dans affronter.
Il se peut qu'un préfixe non-productif connaisse une résurgence de motivation qui lui
apporte une vitalité nouvelle; d'après le modèle ancien : préfixe a(d) + base nominale+suffixe de
verbalisation, on a formé récemment une série analogique dans le vocabulaire de l'aéronautique:
atterrir, amerrir, alunir ; la conséquence du critère de productivité est que des éléments
préfixaux d’origine diverse se sont intégrés comme éléments productifs dans le système préfixal
français actuel. Dans la série hypertension, hypotension, surtension, les éléments hyper- et
hypo- sont savants (grecs), et sur- est français.
b. D'après le critère étymologique, il y a:

des préfixes français: sur-, entre-, re-, de-;

des préfixes «savants», grecs ou latins:

grecs: hyper, hypo, syn, a(négatif), hémi, syn;

latins: in, ex-, extra, -co, cis, inter, circum.
c. D'après l'origine morpho-syntaxique, il y a:
- des préfixes d'origine prépositionnelle ou adverbiale, qui peuvent fonctionner aussi
comme des prépositions, adverbes ou même des pronoms, sans modification morphologique.
C'est le cas de: contre, avant, après, sur, entre, arrière, mal, bien, tout (mal-aimée, bien portant,
tout-puissant, avant-poste).
En tant que prépositions-adverbes, ces morphèmes ne sont pas obligatoirement suivis d’un
67
SN, qui peut être effacé ou simplement implicite dans la structure profonde:
Il est contre (Jean). Il parle après (moi).
- des préfixes qui «traduisent» en structure de surfface des rapports syntaxiques existant en
structure profonde, exprimés par des prépositions, locutions prépositives ou adverbes. Il existe
des différences morphologiques entre les préfixes et les prépositons ou adverbes correspondants.
C'est le cas de: co-(«avec»), syn-(«avec», sur- («au dessus de» ou «plus, davantage»), a-(«sans»),
circum- («autour de»), extra-(«en dehors de»), inter- («entre»), indo- («dedans»), etc.
Les préfixes «savants» (grecs ou latins) proviennent toujours de prépositions ou d'adverbes
du grec ou du latin et le schéma transformationnel qui explique la formation du dérivé est
toujours le même.
d. D'après le critère orthographique, les préfixes sont:

conjoints au lexème base: antidate, survoler, enterrer, synchronie ;

semi-conjoints: sous-marin, contre-mine, hyper-réalisme ;

disjoints: non influençable.
L'usage est encore hésitant pour les préfixes anti- (anti-théâtre, mais antitranspirant), super(super-élite, mais superfétation, superfonctionnaire), contre- (contre-courant, (à) contre-pied, mais
contredire, contrepartie).
e. D'après la nature morpho-syntaxique du lexème-base auquel ils s'attachent, il existe:
- des préfixes ayant des bases nominales (substantifs ou adjectifs): super-marché,
archiconnu, inattendu;
- des préfixes ayant des bases verbales: défaire, contredire, enterrer, rappeler,
renouveller.
f. Un autre critère de classification, le plus important en synchronie, est la valeur
sémantique des préfixes. Dans ce qui suit, nous présentons les classes de dérivés
d’après la
valeur sémantique des préfixes qu’ils ont reçus et d’après la nature morphosyntaxique de la base.
1. Des préfixes exprimant des valeurs spatio-temporelles. Les bases auxquelles ils peuvent se
rattacher sont des noms ou des verbes. Le rapport exprimé peut être celui d’antériorité ou de postériorité
dans le temps ou dans l’espace et de supériorité / infériorité spatiale. Les préfixes peuvent être groupés en
séries antonymiques, d’après l’idée qu’ils expriment :
AVANT- ANTÉ- PRÉ- expriment l’antériorité dans le temps et dans l’espace.
ARRIÈRE- APRÈS- POST- expriment la postériorité spatiale ou temporelle.
avant-poste, avant-veille; antéposer, antédiluvien, antichambre postdater, préhistoire, préavis;
arrière-fleur, arrière-plan, après-demain, après-ski (après n’a qu’une valeur temporelle),
68
postopératoire , posthypophyse. ; préétabli, postsynchroniser.
SUPER-, ÉPI-, SUR- expriment la supériorité spatiale. Ces préfixes ont comme
correspondant dans la structure profonde la locution prépositive “au-dessus de“: superstructure,
superstrat, superposer ; épicarpe, épigastre, épiglotte, épicranien (des termes scientifiques) ;
surdent, surdos, surrénal, surcostal.
La forme SUS- donne seulement des adjectifs, dont quelques –uns ont comme référent implicite un
texte ou un discours précédent– susdit, susnommé, susvisé, d’autres marquent la localisation par
rapport à une autre partie : sus-hépatique.
SOUS-, SUB-, HYPO- expriment l’infériorité spatiale..
Sous-barbe, sous-bas, sous-marin, sous-pied, sous-vêtement(seulement de noms d’objets) ; subalpin,
sublingual, subtropical ; hypocentre, hypoderme.
Les bases verbales peuvent recevoir les préfixes sous- et sur- : surclasser, survoler, souslouer
RÉTRO- implique le mouvement en arrière : rétrofusée, rétropédalage.
CIRCUM-, AMPHI-, CISLe premier et le troisième sont d’origine latine, le deuxième est emprunté au grec. Circumet amphi- correspondent à la locution prépositive „ autour de“ : circumpolaire, circumterrestre,
amphithéâtre.
CIS- correspond à la locution „en deça de“ dans les adjectifs appartenant au vocabulaire
géographique: cisalpin, cispadan, „qui est en deçà des Alpes, du Pô“.
CO-, SYN- expriment l’idée d’association. Ils correspondent à la préposition „avec“:
coaccusé, coexistant, coauteur, coopérer, cohériter; synérgie, synthèse , sympathie (dans les
termes d’origine grecque).
TRANS-, EXTRA-, OUTRE-. Le premier a comme correspondant la locution „à travers“,
les autres signifient „en dehors de“. Le nombre des formations est réduit: extravaser, transposer,
transsaharien, transparaître, outrepasser.
Les bases verbales peuvent se combiner avec les préfixes A- ou EN- pour exprimer
certaines valeurs spatiales: l’idée de limite initiale pour les verbes d’éloignement (s’en aller,
emporter, emmener), l’idée de limite finale pour les verbes de rapprochement (amener). Dans
certaines formations verbales, le préfixe en- exprime l’idée d’intériorité spatiale–„dans, à
l’intérieur de“: enterrer, enserrer, engranger, enfermer, ensabler.
INTER- et ENTRE- expriment l’idée d’intériorité d’une limite double:entremets, entrefilet,
interclasse, intervenir ou l’idée de réciprocité: s’entraider, s’entrelacer, s’entrechoquer.
69
CONTRE- ANTI- PARA- servent à exprimer en général l’idée d’opposition ou d’hostilité:
contrepoison, contraception, antigel, antitoxine, anticommuniste. Mais les valeurs de contre- sont
multiples:
-l’idée d’opposition sur le plan abstrait: contre-réforme, contrordre, contre-révolution;
-avec des noms concrets non animés ils désignent un mouvement qui se déroule en sens
contraire: contre-alizé, contre-courant
-ils peuvent désigner des objets faits pour doubler quelque chose, placés contre les objets
qu’ils doublent et
ayant le rôle d’élément protecteur de ceux-ci: contre-mur, contre-porte,
contre-rail, etc.
-
avec des bases nominales qui désignent un animé, contre- exprime une hiérarchie des
fonctions: contremaître, contre-amiral.
Les mêmes préfixes, sauf para-, peuvent choisir des bases verbales: contre-attaquer,
contredire, antiphoner.
Le préfixe para-, d’origine grecque, retrouve sa signification originale „en marge de“,
„presque“ dans: parafiscalité, parapsychologie, paramilitaire.
2. Une autre classe de préfixes est constituée par ceux qui expriment une évaluation
qualitative ou quantitative. L. Guilbert (1971) les appelle préfixes nominaux intensifs:
Ces préfixes correspondent à un adverbe présent dans la structure phrastique sous-jacente,
du type : très, fort, plus, moins. Ceertains de ces opérateurs constituent ce que L. Guilbert appelle
„un système préfixal du degré“, opposable au système suffixal latin en –issimus et –ior. La
plupart de ces préfixes sont empruntés au latin et au grec. Employés d’abord dans les langues de
spécialité, les dérivés sont entrés par la suite dans la langue commune.
ARCHI_, EXTRA-, SUPER-, ULTRA- expriment le degré superlatif, la qualité en excès :
superfluide, supercarburant, extra-fin, extra-lucide, ultra-chic,ultra-sensible. Ils servent à former
des substantifs et des adjectifs. Des valeurs supplémentaires peuvent s’ajouter.
Archi- exprime le rang supérieur dans une hiérarchie sociale ou ecclésiastique ancienne :
archiduc, archevêque, archimandrite. Récemment, il est entré dans le vocabulaire de la
linguistique : archiphonème, archisémème. En français moderne et contemporain, il peut servir à
exprimer le superlatif absolu : archicomble, archibondé, archiconnu, archifaux. Le type de phrase
dont sont issues ces formations est :
(N) qui est connu à un degré extrême→un (auteur) archiconnu
Ultra- sert à former surtout des adjectifs : ultra-moderne, ultra-royaliste. Les substantifs
appartiennent
surtout
au
vocabulaire
de
la
70
physique :ultramicroscope,
ultrapression,
ultracentrifugation. Dans la langue commune, il est possible que le préfixe apparaisse tout seul,
par troncation : C’est un ultra, ayant une valeur substantivale.
HYPER-, PER-, SUR- marquent le degré excessif et correspondent à un syntagme adverbial „au
plus haut degré“, s’il s’agit de formations substantivales, ou à „trop + adjectif“ s’il s’agit de
formations adjectivales.
Hyper- a donné des substantifs qui expriment des notions du domaine de la psychologie, de la
médecine (des états pathologiques) : hyperacidité, hyperémotivité, hyperesthésie, hypertension,
hypertrophie. Il a donné aussi des adjectifs : hypercorrect, hypernerveux, hypersensible,
hypertendu.
Per- est employé exclusivement dans le vocabulaire de la chimie, traduisant l’idée d’excès d’un
élément dans un composé chimique : peroxyde, persulfate.
Sur- est un préfixe qui correspond à la locution adverbiale „au-dessus de la normale“ ou à
l’adverbe „trop“. Il esr très productif en français contemporain. Il a donné des substantifs :
suralimentation, surcharge, surchoix, surcompression, surexcitation, surintensité, surpression,
surproduction, surtaux. On remarque que la plupart de ces dérivés ont des bases nominales qui
sont des déverbaux., ayant des correspondants dans la série verbale : surestimation–surestimer.
Les adjectifs appartiennent à la langue commune ou sont des termes spécialisés : suraigu,
surclassé, surfin, suroxygéné, surpeuplé.
HYPO-, SOUS-, SUB- marquent le degré insuffisant par rapport à la normale et correspondent à
la locution adverbiale „trop peu“. Ils sont les antonymes de la série précédentes.
Hypo- a donné des substantifs appartenant aux domaines spécialisés: hypotonie, hypotrophie,
hypoglycémie, hyposécrétion et des adjectifs: hypotendu.
Sous-. Comme dans le cas de sur-, on enregistre une correspondance entre les formations verbales
et les formations nominales : sous-estimation–sous-estimer.Les adjectifs sont des dérivés
verbaux: sous-calibré, sous-équipé, sous-développé.
Sub- a donné peu de formations : subaigu (antonyme de suraigu), subconscient.
DEMI-, MI-, SEMI-, HÉMI- . Ces préfixes relèvent d’une construction syntaxique comportant la
locution adverbiale „à moitié“+ substantif ou adjectif ou le syntagme nominal à valeur
quantitative „la moitié de“+ substantif.
Demi- a produit des dérivés substantivaux et adjectivaux. S’il s’agit d’un nom d’animé, le dérivé
indique une relation spéciale de parenté :„la personne qui est à moitié frère“→un demi-frère.
Autres termes : demi-dieu, demi-sœur. S’il s’agit d’un substantif qui désigne un non animé, le
préfixe porte sur la quantité :demi-bas, demi-botte, demi-cercle, demi-douzaine, demi-heure,
demi-jour, demi-litre, demi-pension, demi-produit (produit à moitié fini), demi-quart, demi-
71
reliure, demi-solde. Le terme base peut avoir une valeur qualitative : dans demi-sommeil, il s’agit
de la qualité du sommeil (état entre le sommeil et la veille). Des adjectifs : demi-queue, demi-sel,
formés seulement par changement de classe grammaticale. Dans demi-pur et demi-circulaire, le
terme base est un adjectif.
Mi- n’est qu’une variante morphologique de demi-.La préposition à de la structure profonde „à
moitié“ se retrouve dans les dérivés : à mi-chemin, à mi-corps, à mi-jambe, à mi-temps, à mivoix. Ces formations indiquent la qualité et ont un statut d’adjectifs :une pièce mi-salon, mi-salle
à manger. Des formations adjectivales usuelles sont mi-clos, mi-fin. Comme substantifs, on a :
mi-temps, mi-bas, mi-carême.
Semi- a donné des adjectifs : semi-aride,semi-circulaire, (pierre) semi-précieuse, semi-public,
semi-rigide.Ultérieurement, quelques-uns ont produit des substantifs, par nominalisation :semiauxiliaire, semi-nomade. L’adjectif semi-lunaire comporte une suffixation concomitante en –aire.
Les dérivés substantifs sont des noms de non animés : semi-consonne, semi-conducteur, semiremorque.
Hémi- est un préfixe emprunté au grec et donne des termes spécialisés : hémicylindrique,
hémitropie.
QUASI-, PRESQUE-, PÉNÉ- expriment tous l’approximation.
Quasi- traduit l’idée de „à peu près“, „quasiment“ : des raisins quasi-mûrs. Certaines formations
nominales sont des termes juridiques : quasi-délit, quasi-contrat. Ce type de formation est courant
dans la langue parlée : quasi-perfection, quasi-mariage, quasi-souveraineté, quasi-totalité.
Presque- n’apparaît que dans presqu’île.
Péné- ,forme savante d’après l’adverbe latin paene, „presque“, apparaît dans pénéplaine (terme
géographique), péninsule, pénombre.
À tous ces préfixes, L. Guilbert (op. cit.) ajoute des éléments préfixaux qui fonctionnent aussi
comme adverbes : bien, mal, eu-. caco-, béné-, malé-, bi(s)-, tout-.
BIEN et MAL, termes antonymiques, peuvent fonctionner comme préfixes dans des formations
adjectivales comme
bien-aimé, mal-aimé, bienheureux et malheureux. Bien a une valeur
intensive, tandis que mal exprime l’insuffisance dans :malheureux, malpropre, maladroit.
Bis- donne des formations à caractère intensif, marquant la répétition :bibasique, bimensuel,
biquotidien, bisaïeul, bisannuel, biscuit.
Tout- fonctionne comme préfixe dans des formations adjectivales comme tout-puissant, tout fou,
tout fait, tout petit, toute-bonne (variétéde sauge ou variété de poire), ultérieurement
substantivisées. Devant un adjectif ou un substantif base du genre féminin qui commence par une
consonne, tout s’accorde : toute-puissante, toute-épice.
72
3. les préfixes négatifs ou privatifs.
La transformation négative lexicale d'un constituant de la phrase est différente de la
négation grammaticale portant sur l'ensemble de la phrase prédicative.
Elle se réalise à l'aide d'une proposition relative négativisée:
N1 qui n'est pas N2 (où N2=lexème-base).
Le N qui n'est pas paiement
le non-paiement. La transformation négative lexicale peut
s'appliquer aussi à l'adjectif: N1 (automobiliste) qui n'est pas prudent (N2
l'automobiliste
imprudent. Il y a une équivalence seulement du point de vue sémantique entre L'automobiliste n'est
pas prudent (transformation négative de la phrase prédicative globale) et L'automobiliste est
imprudent (transformation négative lexicale d'un seul élément lexical).
Les préfixes privatifs productifs sont:
IN-, le plus fréquent dans la transformation négative de l'adjectif; il a plusieurs variantes
morphophonologique: [
devant voyelle: inlassable, inracontable, inlavable, inattendu, inaudible. Les substantifs
préfixés par in résultent d'une nominalisation de l'adjectif déjà négativisé, surtout les noms à
suffixe-bil(ité): impersonnalité, immobilité, impartialité, inaccessibilité.
Il arrive que des termes adjectivaux préfixés ne possèdent pas de forme non préfixée
correspondante («contraires sans contraires»). Ce sont des termes qui nomment des défauts
(imbattable), des faiblesses (inlassable), des erreurs (infaillible).
Le préfixe négatif peut traduire l'idée de:
- négation proprement dite: incessant, incassable
- valeur privative (absence ou insuffisance de la notion désignée par le lexème-base):
illogique, immodeste, inactif. Ces préfixés sont les antonymes des termes positifs.
- Il se peut que l'idée de négation soit doublée d'une valeur de superlatif: inouï,
innombrable, inattendu, inégalable.
Le roumain exprime les mêmes valeurs par le préfixe ne-, d'origine slave: nesupus,
nesfârşit, nemaiauzit, nemaipomenit. Le préfixe in- n'existe que dans les termes néologiques:
imaterial, impenetrabil.
Une spécialisation sémantique intervient parfois entre les dérivés construits avec des
préfixes
négatifs
différents
sur
une
intemporel/atemporel; immoral/amoral.
73
base
identique:
impropre/malpropre,
En roumain, on peut observer que les dérivés en in- s'emploient dans une acception morale
(inflexibil, inabordabil), les dérivés en ne- comme des déterminants de substantifs [+concret]:
marfă nealterabilă, produs nevandabil, etc.
Bon nombre de dérivés en ne- sont apparus en roumain par la nécessité d'exprimer le sens
négatif
qui
manquait
aux
dérivés
en
in-:
impasibil/nepasibil
(de
pedeapsă),
inapreciabil/neapreciabil (négatif de apreciabil).
Autres préfixes négatifs sont:
DIS-, DÉ(S)-. Il indique la privation et aussi la séparation (l'éloignement). Ils sélectent
surtout des bases verbales ou des adjectifs dérivées des bases verbales: déplumé, défroqué,
débraillé, dégourdi; défaire, dénouer, déplaire; discontinuité, disconvenir, disgracieux,
disparaître.
MAL, MÉ(S), est aujourd'hui vieilli: malséant, malgracieux, maldisant ; malcommode a
été remplacé par incommode. Les termes qui s'oppsent à malséant, malveillant sont bienséant,
bienveillant; lexicalisé, malappris s'oppose à bien élevé et malvenu à bienvenu. Les dérivés en
mé- sont peu nombreux: mécontent, mécréant, méconnaissable, méconnu, méfiant.
L'adjectif méconnu est différencié sémantiquement du préfixé inconnu.
Les dérivés français en mal ou mé-peuvent être transposés en roumain de plusieurs façons:

par
le
préfixe
ne-:
malhonnête/necinstit;
malheureux/
nenorocit
-
méfiant/neîncrezator ;

par l'adv. rău: malveillant/răuvoitor malintentionné/ răuintenţionat ;

par une paraphrase: malchanceux / ghinionist ;
Les préfixes NON, A- sont employés pour former des termes préfixés appartenant aux
vocabulaires spécialisés (techniques ou scientifiques). Ils existent en roumain avec les mêmes
valeurs et emplois, étant d'origine savante: non-ferreux/neferos, non-alignement / nealiniere
(non est transposé ici par ne) :
non – intervention / non-intervenţie
non-préférentiel / non preferenţial
La valeur que le prefixe non transmet au dérivé est celle de négation ou plutôt d'opposition.
La forme disjointe est aussi attestée : non mécanique, non cylindrique.
Les préfixés en non s'opposent au terme-base, tandis que les dérivés en in- se sont
lexicalisés : non-pertinent/impertinent; non-fini/infini.
A- est spécialisé pour les domaines scientifiques : asexué, acyclique, apétale, apolitique,
amoral, acéphale.
4. les prefixes à valeur aspective et modale.
74
Ils sélectent uniquement des bases verbales, présentant l'action d'une manière aspectivisée
ou modalisée.
RE-, très productif, montre l'itérativité (la répétition) de l'action. L'étape intermédiaire de la
transformation implique la négativisation lexicale: classer
gonfler
dégonfler
déclasser
reclasser ;
regonfler.
La distribution des variantes : r-et ré-dépend de l'initiale de la base verbale: devant une
initiale consonantique, la forme est re: revaloriser repaver; si l'initiale est un s, il y a
redoublement de la consonne: resserer, ressentir ; on trouve ré- devant une voyelle:
réapparaître, réorganiser mais aussi bien la forme r-: rouvrir, rajuster ramasser, rappeler,
rassembler (quand l’initiale est a). Ces formes se sont lexicalisées, perdant leur motivation en
français populaire (elles ne sont plus senties comme des formes préfixales mais comme des
termes simples).
EN-,A-indiquent la phase initiale, le début de l'action: s'endormir, s'envoler, s'en aller,
s'accouder, (s)'agenouiller.
PAR -indique le parachèvement de l'action : parcourir, parvenir, parfaire.
É-,A-, EN-ont une valeur aspectuelle de factitifs, ayant la paraphrase sémantique "FAIRE
DEVENIR".
Ils permettent la transformation d'une base adjectivale ou nominale en verbe [+causatif], en
présence d'un suffixe obligatoire de verbalisation: adoucir, affronter, allonger; embellir,
endurcir, émincer, élargir. Quelques-unes de ces formations peuvent fonctionner aussi comme
des verbes [+inchoatif], étant paraphrasables par le verbe « DEVENIR » (cause interne).A
comparer :
(i)
Marie a embelli sa chambre.
(ii)
Marie a embelli ces derniers temps.
Ces unités verbales sont le résultat d’une double transformation :de préfixation et de
suffixation,qui se réalisent simultanément.Elles ont été
nommées
parasynthétiques et
appartiennent toujours à une autre classe morphosyntaxique que celle du lexème de base.
La composition
En grammaire générative et transformationnelle, la composition est considérée un type de
dérivation syntagmatique qui consiste dans la création d'une unité lexicale nouvelle ayant un
signifié unique et constant, à partir de deux lexèmes - bases, autonomes en langue et
indentifiables par le locuteur.
La linguistique traditionnelle oppose la dérivation à la composition, sur le critère de
75
l’autonomie des morphèmes impliqués : les affixes sont non autonomes, tandis que les lexèmes
des composés peuvent fonctionner aussi comme des mots indépendants dans d’autres contextes.
Le problème de l’identification des unités lexicales composées reste difficile. Certains
critères syntaxiques permettent de faire le départ entre syntagme lexicalisé, figé en langue, et
syntagme libre, de discours ; aussi
les morphèmes propres à la combinatoire figée perdent-ils leur autonomie grammaticale et
sémantique et forment une lexie– mot composé, locution, expression, proverbe, idiomatie– qui
fonctionne comme un tout de signification et de grammaire. C’est pourquoi ces unités refusent :
la permutation des constituants, la possibilité d’intercaler d’autres morphèmes dans leur structure
(test de l’inséparabilité), la pronominalisation, la transformation en phrase injonctive,
exclamative, négative, la substitution partielle (seulement la substitution en bloc est possible), la
prédication avec le second élément.
En parlant des termes composés, les linguistes emploient des termes différents : unités
phraséologiques (Ch. Bally), lexies complexes (B. Pottier), synapsies (E. Benveniste).
Les composés peuvent avoir une forme:

conjointe: portefeuille, radiologie, gendarme ;

semi-conjointe: porte-documents, radio-guidage, arc en ciel, porte-avions ;

disjointe: chaise longue, liaison radio, assistante sociale.
La frontière entre préfixés et composés reste parfois assez fragile, en raison de la difficulté
qu'on a à définir nettement les unités autonomes, surtout d'origine étrangère (mots «savants», grecs et
latins) intégrées en langue et qui ne jouissent pas d'autonomie lexicale en français, étant disponibles
pour de nouvelles formations, comme les préfixes. C’est le cas de ciné-, télé-, audio-, auto- et
d’autres élémens de composition, qui fonctionnent comme des affixes, étant capables de former des
paradigmes de termes : auto- (gr. autos, „de soi-même“) a donné plus de cent termes : autarcie,
autobiographie, autocritique, autodéfense, autogamie, etc. (106 termes dans le Petit Robert, éd.1990),
liste qui est soumise aux plus grandes variations d’usage d’une époque à l’ autre.
Dans la procédure de composition, la modification de la classe grammaticale du terme
dérivé n'est qu'une exception, alors qu'elle est le principe même de la dérivation paradigmatique.
Par composition, on obtient uniquement des substantifs et des adjectifs: (un) porte-manteau (la
base est un verbe), francophile (la base est rattachée à un verbe grec philein= "aimer").
Suivant la critère étymologique (l'origine des constituants) on est tenu de faire une
première grande distinction entre:
76
A. La composition française, les éléments de composition étant deux lexèmes français ;
l'ordre syntaxique des composants est Dé + Dt (déterminé + déterminant), spécifique à la syntaxe
française.
B. La composition allogène, les constituants des composés étant soit des termes savants
(substantifs, verbes ou adjectifs grecs et latins) soit des termes anglo-saxons.
Dans le cas de la composition allogène, l'ordre syntaxique des constituants est Dt + Dé
(déterminant - déterminé): télégraphe, palmipède, cinémathèque, centimètre; night club,
radiodiffusion, blue-jeans.
D'après la nature morpho-syntaxique du lexème base (celui qui joue le rôle de
déterminé), on distingue:

des composés à base verbale ;

des composés à base nominale.
A. Les composés à base verbale sont le résultat d'une suite de transformations qui
affectent une structure prédicative profonde: SN + SV. La transformation est celle de
relativisation,
suivie de l'effacement des éléments qui actualisent le discours (prépositions,
articles, déictiques, pronoms relatifs). C'est le SV (prédicat) qui produit le composé :
Cette glace pare à la brise — La glace qui pare à la brise — (N) (qui) pare (à) (la) brise —
(un) pare-brise.
Dans le composé nominal, la base verbale perd les marques de temps, de mode, de
personne, de nombre, de même que sa relation au sujet: le verbe devient ainsi un véritable
déverbal, sa prédication est mise en suspens, sa forme, figée, étant celle de la III-ème personne
singulier.
Le référent de tels composés peut être:

un animé: (un) casse - pieds, (un) brise-fer, (un) traîne-patin ;

un inanimé: (un) porte-plume, (un) abat-jour, (un) garde-robe, (un) porte-avions,
(un) casse-noix.
B. Les composés à base nominale
Dans ce cas, le composé est issu de la transformation d'une phrase de base SN + SV, où SV
= être+Attribut.
Le SN sujet contient l'élément nominal qui deviendra le premier composant dans le dérivé.
Ce coffre est fort — Le coffre (qui est) fort — (un) coffre-fort
Les composés nominaux peuvent être classifiés selon la nature morpho-syntaxique de
l'Attribut.

Quant l'attribut est un substantif, le composé a la structure:
77
a. Nom + Nom, entre les deux nominaux existant un rapport de subordination, le deuxième
apportant une spécification ou une attribution du premier: avion-cargo, papier-monnaie, wagonrestaurant, ingénieur-chimiste, chou-fleur, roman-fleuve, etc.
La classe grammaticale et le genre du composé sont ceux du premier composant.
b. Nom + Nom, impliquant l'effacement du joncteur entre les deux composants. Cette
structure suppose l'équivalence entre une séquence prép.+Nom et un adjectif:
La grève est par surprise
la grève (qui est) par surprise
(une) grève surprise.
Autres exemples: bloc-moteur, les bas-nylon, mandat-lettre, police-secours, assurancevie, électron-volt.
c) les composés « exocentriques », pour lequels la structure profonde est du type: 1) La
peau est rouge (prédication de qualité) + 2) La peau rouge est à lui (prédicat d'attribution) —Sa
peau est rouge — Il a la peau rouge — C'est un peau rouge.
Ces composés ont une fonction globale, ils sont différents des éléments constituants tant
par la classe grammaticale que par le conteni sémantique; un casque bleu (soldat de l'ONU), un
peau-rouge [+ humain].
Le « centre » logique, présent dans la structure profonde, est l'attributaire (lui, il), qui se
trouve en dehors du composé. C'est lui qui détermine le genre du composé.
d) Une autre classe de composés est constituée par des formation issues de deux phrases
coordonnées par le joncteur et; ce type fonctionnel peut donner naissance à des composés
substantifs (porte-fenêtre, bracelet-montre) ou à des adjectifs composés: aigre-doux, spatiotemporel.
e) Nom-prép-Nom
Dans la phrase de base, qui comporte le verbe être+Attribut, celui-ci prend la forme
Prép+Nom.
Le lexème-base du composé est issu du SN sujet :
Ce chien est de race — Le chien (qui est) de race — un chien de race.
Les composés de ce type s'appelent aussi synapsies (E. Benverniste), mais ils sont
rarement enregistrés comme unités lexicales à part dans les dictionnaires, sauf pomme de terre et
chemin de fer.
Le relateur peut être de ou à, traduisant différentes valeurs, et remplaçant une autre
préposition de la structure profonde: fusil de chasse (pour la chasse) main-d’œuvre (main pour
œuvrer), etc.
Le joncteur à peut indiquer:
- la destination: salle à manger, brosse à dents, moulin à café.
78
- la caractéristique distinctive: serpent à sonnettes, bête à cornes
Quand l'attribut est un adjectif:
1. l'adjectif est en possition seconde
Cette table est ronde — La table (qui est) ronde — une table ronde
Il existe maintes unités phraséologiques de ce type qui figurent comme entrées séparées de
dictionnaire: bête noire, billet doux, residence secondaire, tronc commun, table ronde, etc;
quelques unes ont acquis un sens nouveau, figuré, qui ne résulte plus du sens des composants
(table ronde, dfiscussion libre entre partenaires égaux ; billet doux, lettre d’amour,etc)
2. l'adjectif est le premier élément
Les plus représentatives de ces formations représentent des formations archaïques, étant le
produit d'une syntaxe ancienne: prud'homme, franc-bourgeois, blanc-seing, nue-propriété.
Certaines autres sont motivées selon la phrase prédicative de base génératrice : basse-cour, basrelief, gros mot, mauvaises herbes, morte-saison, petits pois, etc.
Les composés plus récents sont des calques ou des
emprunts à l'anglais, l'ordre
syntagmatique Déterminant + Déterminé étant spécifique à cette langue: libre-penseur, libreéchange, franc-maçon; new look, cold-cream.
Les noms de parenté français du type : belle-sœur, beau-frère, petit-fils, petite-fille, grandmère, dévoile une signification particulière des adjectifs grand et petit, employés comme des
termes d ‘adresse honorifiques, respectueux (cf L. Guilbert, 1971, LXX.), expression de la
hiérarchie des générations. Les dénominations en saint+ nom propre sont des métonymies, créées
par le passage du nom propre de personne à un nom commun : un saint-honoré (un gâteau), un
saint-bernard (chien sauveteur) et même des formations parodiques :une sainte- nitouche (une
femme hypocrite), à la saint-glinglin (jamais), saint-frusquin (pop. bagage).
Les verbes composés..E.Benveniste (l’art. „Convergences typologiques“, in PLG. t II)
reconnaît un seul type de verbes composés en français, formés d’un complément instrumental et
d’une base verbale. De telles formations sont : saupoudrer, maintenir, culbuter, colporter.
Des langues plus aptes à la composition, comme l’anglais et l’allemand, n’ont pas
développé ce modèle typologique, qui existe en échange en paieute, langue amérindienne.
Les locutions. Il existe plusieurs types de locutions, d’après leur fonction syntaxique :
verbales, prépositionnelles, conjonctionnelles.
L. Guilbert (1975) décrit l’aspect néologique de la
composition „syntagmatique“ ou
„synaptique“, dans laquelle il inclut les unités syntagmatiques verbales, construites autour d’un
verbe- support , appelées aussi locutions verbales. Le modèle formel d’une telle locution est une
séquence syntaxique verbe + nom. Le verbe, premier élément
79
de telles unités,
assure la
verbalisation du second élément nominal, qui constitue la base de la locution. Les verbes les plus
usuels sont avoir( avoir faim, avoir sommeil, avoir envie), donner (donner la chasse à, donner
jour, donner la mort ), faire (faire peur, faire face, faire fortune, faire boum, faire route), mettre
(mettre en colère, mettre en vente, mettre en état), prendre (prendre congé, prendre feu, prendre
la parole, prendre la route), tenir( tenir tête, tenir parole, tenir compte). Un second modèle de
syntagme verbal comporte un verbe (qualifié généralement d’auxiliaire) suivi d’un infinitif : faire
partir, laisser aller, passer pour, faillir tomber. etc. Ces structures sont plus proches des syntagmes
libres, de discours (v. L. Guilbert, 1971 :LXVIII).
Outre les locutions verbales, il existe un grand nombre de locutions prépositionnelles : à
côté de, au-dessus de, par l’intermédiaire de, etc. et de locutions conjonctionnelles : pour que, vu
que, à condition que, avant que, etc. Elles se différencient des formes composées des mêmes
parties du discours par le caractère hétérogène de leurs composants ( pronoms, adverbes,
substantifs + préposition ou conjonction).
La composition allogène et les recomposés
La dérivation par composition ne se réalise pas exclusivement à l’aide des radicaux
appartenant au vocabulaire commun du français. Depuis la fin du XVIII-ème s. pour former la
terminologie précise et savante des sciences, on s’est tourné vers les radicaux de composition
grecs et latins. Ces radicaux sont à l’origine des mots à sens plein (substantifs, adjectifs, verbes,
adverbes). En français, ils ont perdu toute autonomie de fonctionnement, n’existant que dans les
composés : chronomère, ignifuge, télévision. L’ordre syntaxique dans ces constructions est
l’ordre régressif (déterminant+ déterminé). Leur structure est binaire, capable de recevoir des
expansions ultérieures :haute fidélité (trad. angl :.reproduction sonore très fidèle)–disque
microsillon de haute fidélité.
Les recomposés sont des termes composés caractérisés par le fait qu’un de leurs radicaux
composants n’existe pas dans la langue à l’état isolé, ayant subi
une modification
morphophonologique pour les besoins de la composition. Au commencement, les recomposés ont
été construits d’éléments homogènes, soit uniquement latins, soit uniquement grecs. Plus tard, il
arrive que des éléments d’origine différente soient réunis dans des formations hybrides :
a)
le premier élément est grec et le second est latin : automobile, télévision,
thermonucléaire
b)
le premier radical est latin et le second est grec : agronomie, sociologie,
centimètre ;
80
c)
des éléments savants et des mots français néologiques ou des mots empruntés :
pseudo-fécondation, hypervitaminose, microfilm, photo-robot, autostop, aérogare,
télécommande, kilovolt, francophile.
Certains radicaux grecs ou latins peuvent entrer dans la formation des mots nouveaux
tantôt comme des préfixoïdes, tantôt comme des suffixoïdes :
–
des éléments grecs :
baromètre–isobare
biologie–aérobie
graphologie–orthographe
lithographie–monolithe
hydrogène–anhydre
pathologie–nevropathe
technoctratie–électrotechnie
–
des éléments latins :
carbonifère– oxycarboné
pédicure – quadrupède
colorimètre–multicolore
motoculture –quadrimoteur
dextrocardie–ambidextre
Cependant, la plupart des radicaux savants sont employés exclusivement en position
initiale ou en position finale. Les radicaux latins suivants sont toujours employés en position
finale :
-cide, -cole, -culteur, -fique, -forme, -fuge
En position initiale sont employés :
Carni-, déci-, igni-, lacti-, multi-, omniLes radicaux grecs suivants se trouvent toujours en position finale :
-ide, -mancie, -onyme, -thèque
En position toujours initiale se trouvent les radicaux grecs :
Démo-, hippo-, mono-, néo-, nécroLes recomposés modernes, calqués sur les précédents, sont formés de radicaux d’origine
diverse, dont la voyelle finale a été altérée en –o, à la manière des recomposés grecs, ou en –i, à la
manière des composés latins :
franco-soviétique, afro-asiatique, socio-professionnel, morti- natalité.
Ces recomposés sont caractérisés par leur fragilité et leur existence éphémère ; il s’agit de
termes qui nomment une réalité nouvelle, momentanée, issue de la mise en relation de deux
objets normalement distincts. Nés des circonstances, ils peuvent disparaître tout aussi vite qu’ils
sont apparus.
L’orthographe des recomposés. Le trait d’union sert à séparer deux radicaux en hiatus :
électro-aimant
81
La forme conjointe se retrouve dans les autres cas : électromagnétique, bisulfite, aérogare.
Il y a des cas où les recomposés sont le résultat de l’adjonction d’un troisième ou d’un
quatrième radical aux recomposés déjà existants : microradiographie, inframicrobiologie,
autobiographie. Les mots les plus longs existent dans le vocabulaire de la chimie, pour nommer
les substances chimiques. Un grand nombre de recomposés passent des vocabulaires de spécialité
dans la langue commune. La vitalité du procédé de recomposition est confirmée par la possibilité
de ces termes de donner des dérivés :
Téléphone→téléphoner
sidérurgie→sidérurgique
Télégraphe→ télégraphiste radiodiffusion →radiodiffuser
La composition et l’abréviation. La possibilité de combinaison de pareils éléments
formatifs assez longs peut demander la troncation des composants pour former un segment
phonique unique facile à prononcer. La troncation peut opérer au niveau :
-du premier composant :
télébenne< téléphérique+ benne
-du second composant :
radiogramme<radio+ télégramme
-des deux composants en même temps . Les composés ainsi formés s’appellent „motsvalises“ : informatique<information+ automatique
cybernation<cybernétique+ information
Benelux< Belgique+ Nederland + Luxembourg
La troncation vise à maintenir la perception de la relation de composition dans ces
formations, qui sont des substantifs et des adjectifs : chimiothérapie, cardiographe,
macromolécule, monoacide, polyculture, multiplace. Un quadrimoteur est un „composé
biplanaire“(E. Benveniste), car il présente deux prédicats : un prédicat de qualité („les moteurs
sont quatre“) et un prédicat d’attribution („ les moteurs sont à l’avion“).
Les éléments mini-, méga-, mono-, micro- et macro- doivent être considérés des bases de
composition et non pas des préfixes. Méga- („un million de “) entre dans la composition des
unités physiques : mégahertz. Dans la langue familière, il signifie „grand“ : méga-automobile,
méga-jupe. Le composé mini- jupe est un calque d’après l’anglais mini-skirt. Mono- et macroont une forme toujours conjointe.
Un cas curieux présente le terme bus, à l’origine désinence du génitif pluriel du pronom
latin omnis (omnibus–„pour tous“), utilisé comme qualificatif du terme voiture. Par ellipse, ce
82
qualificatif s’est substantivé (un omnibus) et sa désinence a été sentie comme un élément de
composition, qui a pu s ‘accoler à des radicaux nouveaux : autobus, aérobus, abribus, bibliobus.
Par oubli étymologique, bus, qui n’avait à l’origine aucun sens, devient ainsi l’élément formel
commun à toute une série de mots qui impliquent l’idée de moyen de transport urbain en
commun .
La productivité des composés et des recomposés varie selon les niveaux de langue. Les
vocabulaires des sciences en abondent. En français courant, les composés par accolement direct
des radicaux sont concurrencés par les syntagmes de discours construits avec un adjectif épithète
ou une détermination prépositionnelle : maladie cardiaque– maladie du cœur. Seuls les lexiques
spécialisés, qui ont besoin de dénominations précises, univoques, plutôt que de liberté syntaxique
dans la construction de l’énoncé, usent largement du procédé de la composition et de la
recomposition.
3.4. Les procédés abréviatifs
L'exploitation systématique des possibilités d'abrégement des mots et des syntagmes
commence à la fin du XIX-ème siècle. A partir des années ‘20, la pratique abréviative s'étend à
tous les domaines de la vie économique, politique et sociale à cause de la nécessité de ramener à
des types lexicologiques normaux les dénominations créées par les vocabulaires techniques et
scientifiques. La valeur commerciale et financière attachée à la brièveté du mot ou de la phrase a
été pour beaucoup dans la prolifération des abréviations.
Il existe plusieurs types d’unités abrégées.
A. Les abréviations simples, qui affectent un seul mot.
Ce sont des formations unisyllabiques ou bisyllabiques terminées en syllabe fermée et
fréquentes en français familier, formées par apocope (la chute des syllabes finales): perm pour
permission, mocs pour mocassins, pub pour publicité, math pour mathématiques, etc.ou par
aphérèse(la chute de la syllabe initiale) : pitaine pour capitaine.
Les abréviation par troncation sont produites dans des milieux bien définis du point de vue
sociolinguistique, considère L. Guilbert(op.cit.)–jargons professionnels, langage des élèves et des
étudiants,etc.
Les noms composés admettent eux aussi la réduction, de manière différente, selon leur
origine.
Le type en -o dans un premier ensemble, constitué de termes savants, d’origine grecque ou
latine. La voyelle finale -o équivaut au signe de la composition, comme le trait d'union dans
83
garde-côte. Les termes "savants" appartenant au début aux vocabulaires spécialisés (vélocipède,
métropolitain, radiodiffusion, radioscopie) sont entrés dans le langage quotidien sous une
forme abrégée: vélo, métro, radio. L’élément retenu est le premier composant, qui est le
déterminant, d’après la syntaxe greco-latine. Une forme comme stéréo est la forme abrégée de
stéréophonie, radio de radiophonie, télé de téléphonie, stylo de stylographe, micro de
microphone, etc. Le statut grammatical et le genre de la forme abrégée sont fournis par le
déterminé absent : une radio(scopie), un radio(gramme).
Dans un second ensemble, constitué par les mots français, il s'opère un croisement avec le
vieux suffixe français -ot, que l'on trouve, par exemple, dans cheminot. On rélève dans la langue
commune une expo (exposition), un hebdo (hebdomadaire) un proprio (propriétaire), un
prolo (prolétaire).
Toutes les abréviations en-o prennent la marque du pluriel: des dactiylos.
Les unités lexicales complexes ayant la structure N +Adj. et caractérisées par la forme
disjointe se prêtent bien à la réduction elliptique :
La répétition générale→ la générale
La police crrectionnelle→ la correctionnelle
Le terme conservé est le déterminant (l’adjectif). La base qui disparaît transmet son statut
de substantif et son genre à la forme nouvelle.
B. Les abréviation composées.
Elles affectent les syntagmes nominaux lexicalisés
1. Abréviations composées partielles.
- Seulement l'un des éléments de l'expression complète est abrégé: Système D, Bombe A,
Heure H.
Quelques formations ont une diffusion intenationale, étant construites comme des motsvalises: Eurasie, Eurafrique, Mosfilm.
- chaque terme du syntagme peut être réduit par apocope ou aphérèse, ce qui conduit à des
abréviations composées de type syllabique, surtout pour désigner des organismes politiques ou
militaires: Gestapo (GEheime STAats Polizei en allemand), Kominform (KOMmunistitcheskii
INFORMatsiya en russe) ; aujourd'hui, ce type s'est développé en France pour désigner des
groupements économiques: CETELEM, COGEFIMO.
2. Les abréviation de type lettrique ou sigles
Chaque composant du syntagme nominal est réduit à une initiale. D'après leur
prononciation, lettrique ou syllabique (intégrée), on distingue:
- des abréviations lettriques à valeur alphabétique: SNCF (Société Nationale des Chemins
84
de Fer), CEE (Communauté Economique Européenne), FAO (Food Agricultural Organisation),
etc.
- des abréviations lettriques à valeur syllabique: l'abréviation est écrite est prononcée
comme un mot ordinaire.
L'intention de lexicalisation est très mette. Dans de rares cas, surtout pour les noms des
produits de marque, seule la première lettre est écrite avec majuscule: Simca, Fiat. On remarque
l'importance relative du jeu de mots, qui permet de lier l'abréviation lettrique à un mot du
vocabulaire commun, phoniquement on graphiquement : CERES (Centres d'Etudes de
Recherches et d'Education Socialistes), JOC (Jeunesse ouvrière catholique), UNI (Union
Nationale Interuniversitaire), etc.
3. - des abréviations de type mixte. Un type mixte combine les lettres et les syllabes des
termes appantenant à l'expression complète. Il permet esentiellement d'abréger le nom
d'organismes à valeur économique: CECOMAF (Comité Européen des COnstructeurs de
MAtériel Frigorifique, CECODIS (Centré d'Etudes de Consommation et de DIStribution).
Quelques sigles admettent concurremment la valeur lettrique et la valeur syllabique: ONU
peut se lire/Ony/ou /Oeny/, FEN se lit [fen] ou [efœen].
Les abréviations de type chiffré sont surtout fréquentes pour désigner des produits
militaires: MIG 21, ou des produits industriels: (une) 4 CV, (une) 2 CV.
Le fait que les abréviations de type lettrique se sont lexicalisées est prouvé par leur capacité
de générer des dérivés:
ONU: un onusien
Rada
r: un radariste
SGT: un ségétiste (membre de la Société Générale du Travail, le plus grand syndicat de
France).
BIBLIOGRAFIA CAPITOLULUI
1.E. Benveniste, 1974, Problèmes de linguistique générale, tome ii, Gallimard, Paris
2.A. Cuniţă, 1980, La formation des mots, TUB, Bucureşti
3.Lehmann, Alise, Martin-Berthet, Fr., 2000, Introduction à la lexicologie. Sémantique et
morphologie, Nathan / HER, Paris
4.Fr. Gaudin, L. Guespin, 2000, Initiation à la lexicologie française,Duculot, Paris
5.J. Dubois, Grammaire structurale: la phrase et ses transformations,
6.J. Dubois, Dubois-Charlier, Fr., 1999, La dérivation suffixale en français, Nathan, Paris
85
7.J. Gardes-Tamine, 1990, La grammaire. 1 / Phonologie, morphologie, lexicologie,
Armand Colin, Paris
8.I. Simionică, 1970, Limba franceza contemporană. Lexicologie, EDP, Bucureşti
INTREBARI :
1.Quels sont les procédés internes d’enrichissement lexical ?
2.Décrivez les valeurs des suffixes TION, AGE et MENT (et variantes).
3.Donnez des exemples d’affixes polysémiques.
4.Quelles sont les classes sémantiques de substantifs formés par dérivation suffixale
syntagmatique.
5.Présentez les préfixes aspectifs du français actuel.
6. Comparez les préfixes néfixes négatifs français avec ceux du roumain.
7. Décrivez quelques procédés syntaxiques de la composition française.
8.Donnez cinq exemples de composés et trois exemples de recomposés savants.
Expliquez leur formation.
9. Faites une comparaison entre la préfixation et la composition dans la perspective
de la grammaire générative et transformationnelle.
10. Quelle est l’utilité des abréviations ? Quels sont les procédés abréviatifs les plus
utilisés ?
4. MOTS CONSTITUTIFS (HERITES) ET EMPRUNTS
a. Le fonds latin du français.
b. Les doublets et les supplétismes.
c.Les emprunts. Typologie des emprunts
d. Les langues qui ont prêté des mots au français
CURSUL
Le fonds latin du français. La Gaule, territoire habité par une population celtique appelée
Galii par les Romains (Jules César, De bello gallico), a été conquise par l’Empire Romain vers le
milieu du I-er s. av. n. è. Les soldats des légions romaines, les marchands et les colonisateurs qui
les ont suivis ont apporté avec eux le latin populaire ou vulgaire, langue parlée à l’époque dans
86
toutes les couches sociales. Le latin classique ne se retrouvait que dans les œuvres littéraires,
étant une langue morte dès l’époque impériale. C’est le latin populaire, langue vivante ,
expressive et argotique, qui se trouve à la base de toutes les langues néo-latines ou romanes : le
français, l’espagnol, l’italien, le portugais, le roumain, le catalan, le provençal, le sarde et le
rhéto-roman. Dans l’explication de l’apparition des nouvelles langues, deux théories se
confrontent : „la théorie polydialectale“, qui affirme que les langues néo-latines sont des
„dialectes“ du latin populaire, qui s’est croisé avec les langues locales, et la théorie de la
différenciation. Celle-ci se fonde sur l’observation que le mélange des populations n’est pas suivi
du mélange de leurs langues ; c’est toujours l’un des deux idiomes mis en contact qui s’impose.
Cet idiome n’est pas forcément la langue du peuple vainqueur, mais celui du peuple le plus
civilisé. Cette langue évolue, non sans recevoir certaines traces assez superficielles de la langue
des vaincus, surtout dans le vocabulaire. La conquête romaine de la Gaule fut suivie par une
longue période de bilinguisme pour la population locale, durant plusiurs siècles. La romanisation
fut plus forte et plus rapide dans les centres urbains et plus lente et moins forte dans les villages.
Les paysans gaulois continuèrent à parler leur langue maternelle, mais ils furent obligés
d’apprendre aussi le latin, langue du commerce et de l’administration. Cela explique pourquoi les
noms des travaux et des outils agricoles sont restés gaulois(ruche, sillon, tonneau, etc.), tandis que
les noms des produits commerciaux sont devenus latins : miel, œuf, lait.
Le latin populaire ou „vulgaire“ représente le strat du français, la plupart des termes du
français actuel des noms, des adjectifs, des verbes usuels, des pronoms, des mots invariables
ayant un étymon latin populaire. Selon les calculs de D. Messner, les mots français seraient
d’origine latine à 86, 53%.
Les mots du latin classique sont différents des mots du latin vulgaire :
Lat. class.
Lat. pop.
Franç.
ignis
focus
feu
magnus
grandis
grand
pastor
berbecarius
berger
Plusieurs différences opposent le latin classique au latin populaire. On observe une
prédilection du latin vulgaire pour les diminutifs, qui sont plus longs que leurs synonymes
classiques et qui ont donné des mots français : apicula→abeille, auricula→oreille,
ranuncula→grenouille. La fome populaire est plus forte, plus expressive que la forme classique.
L’accent tonique peut avoir une autre place, le mot français étant oxyton , car il suit la forme
populaire (lat. class. integrum, lat. pop. integrum ,fr. entier).
Peu à peu, le latin vulgaire de la Gaule a évolué, devenant une nouvelle langue, appelée le
87
gallo-roman (le roman), bas-latin ou lingua romana rustica, sensiblement différente du latin
populaire. La syntaxe latine, si compliquée et riche, a été remplacée par des formes
grammaticales simples, analytiques : le futur simple, l’apparition de l’article, issu des formes des
pronoms démonstratifs latins, la réduction des formes casuelles au cas sujet et au cas régime. Ces
transformations profondes ont imposé une topique des mots plus stricte. La décadence de
l’Empire Romain a produit un fort recul culturel dans les anciennes provinces romaines. Les
textes en bas-latin du V-ème- VII-ème s. abondent en fautes grammaticales de toutes sortes, dues
à l’ignorance du latin de ceux qui les avaient écrits ,surtout des clercs. Le vocabulaire contient un
grand nombre de mots celtiques ou germaniques, formellement latinisés. L’apparition officielle
du français a été marquée par plusieurs événements, qui ont eu lieu pendant le IX-ème s. :
– le Concile de Tours (813) prescrit aux prêtres de prêcher en langue vulgaire ;
– le texte des Serments de Strasbourg (842), serments d’alliance prêtés par Louis le
Germanique en français et Charles le Chauve en allemand, contre leur frère Lothaire. Notés par
le chroniqueur Nithard, ils présentent un grand intérêt linguistique, car on peut lire une forme
romane: Pro Deo amur et pro christian
poblo et nostro commun salvament… là où l’on
s’attendrait à lire, en bon latin : per Dei amorem et per Christiani populi et nostram communem
salutem…
-les glossaires , qui à la même époque sont composés pour faciliter la compréhension des
textes latins : le Glossaire de Reichenau (pour le texte de la Vulgate) et le Glossaire de Cassel
(mots romans traduits en bavarois).
- les premiers textes littéraires en langue romane. La petite Cantilène de sainte Eulalie inaugure la
littérature en langue française. Le Sermon sur Jonas, prononcé entre 937 et 952 à l’occasion d’un
jeûne ordonné pour éviter le retour des Normands. Rédigé en latin, la langue de culture du
prédicateur, il contient aussi des passages en langue vulgaire, à l’intention de son auditoire.
Le roman s’est différencié géographiquement, en langue d’oc (occitan), et en langue d’oïl,
appelées ainsi d’après la manière de prononcer l’adverbe d’affirmation „oui“(venu du latin hoc,
ille). Des différences assez significatives sur le plan phonologique, morphologique et lexical se
sont manifestées ainsi entre le Nord et le Midi de la France, jusqu’à une époque assez tardive
(l’ordonnance du roi François I-er de Villers-Cotterêts, prononcée en 1539. imposait le français
comme langue officielle dans tout le pays).
Le superstrat du français est germanique. Les premiers éléments germaniques, représentés
par des mercenaires militaires et des travailleurs ruraux, pénétrèrent en Gaule au III-ème s. Mais
la vraie invasion date du V-ème s., lorsque les tribus germaniques des Wisigoths, des Vandales,
des Burgondes ,des Ostrogoths et des Francs s’emparèrent du pouvoir. A la différence des
88
Romains, cette fois-ci les conquérants étaient moins civilisés que la population assujétie galloromaine, ce qui explique pourquoi leur langue ne s’imposa pas.Ils apportèrent cependant les
éléments d’un régime social nouveau, le féodalisme. Les FrancsLes Francs, la plus importante
tribu germanique, ont donné aux divers parlers romans de l’ancienne Gaule des termes relatifs à
la guerre, à leurs institutions sociales, Les Emprunts
Les causes des emprunts sont de nature diverse : économique, commerciale, culturelle et
politique.
Typologie des emprunts. Une civilisation supérieure impose aux autres peuples les termes
qui désignent ses réalités spécifiques. Les emprunts dénotatifs sont les désignations nécessaires
de produits, de concepts nouveaux créés dans un pays étranger.L’introduction du terme en
français se fait alors avec la chose ou le nouveau référent selon la formule du poète latin Horace :
Res verba sequuntur (« les mots suivent les choses »). La même idée est exprimée par la théorie
allemande Wörter und Sachen (« le mot et la chose »).
Il peut exister
d’autres termes
étrangers, dont l’utilité n’est pas évidente et qui
s’expliquent par des faits de snobisme, par le désir d’épater. Louis Deroy (1956) les appelle
emprunts connotatifs.
C’est le cas de l’expression anglaise « Have a happy new year ! » ou « new look ».De tels
termes abondent dans la langue de la presse ,des sports, de la mode. Une typologie plus récente
des emprunts distingue :

des xénismes - mots étrangers entrés en français sans aucune adaptation phonétique ou
morphologique, en référence à un signifié propre à la langue étrangère. Beaucoup
d'entre eux ne s'imposent pas à la langue emprunteuse et disparaissent.

des calques. Ce sont "des traductions" en français de constructions syntaxiques
lexicalisées propres à une autre langue: surhomme (d'après l'allemand Uebermensch),
espace vital (Lebensraum), col blanc (d'apr. l'angl. white collar), lavage du cerveau
(d'apr. l'angl brain-washing), terre-cuite (it terra cota), pot pourri (esp. olla podrida).
Ces
calques
syntaxiques
permettent
d'éviter
les
emprunts
non-motivés
étymologiquement, qui restent à l'écart des familles lexico-sémantiques.
Il existe aussi des calques sémantiques, lorsqu’ un mot français reçoit un sens nouveau,
sous l’influence de son hétéronyme(terme étranger correspondant).Un exemple est le verbe
réaliser, qui a reçu aussi le sens « se rendre compte »,sous l’influence du verbe anglais to
realize ;le mot croissant a reçu aussi le sens de « produit de boulangerie » sous l’influence
de l’italien.
89

des emprunts intégrés, qui sont adaptés du point de vue phonétique ou morphosyntaxique aux règles de la grammaire française, comme gazole (de l'angl gas-oil),
varlope (de l'angl overloap, sorte de rabot), paquebot (l'angl. packed-boat) ;
l'ingénierie a remplacé engeneering, ordinateur a remplacé computer par une
politique consciente de défense contre les emprunts massifs de l'anglo-américain. On
parle aussi d’intégration sémantique, lorsque le terme étranger entre en français avec
une seule acception.Le terme anglais girl est entré en français avec le sens « danseuse
de music-hall ».Der Hase signifie en allemand « lièvre » ;il est entré en français sous la
forme
la hase, qui signifie « femelle du lièvre ».Certains mots entrent avec une
dépréciation de sens.Le mot espagnol hablar , »parler », est devenu en français hâbler,
avec le sens « bavarder ».
La majorité des emprunts se réalisent par le contact direct de deux langues, mais il existe
aussi des emprunts indirects, réalisés par l’intermédiaire d’une troisième langue. Ainsi, le latin
a servi d’intermédiaire aux mots grecs ecclesiastiques, par l’espagnol sont entrés des mots arabes
et des mots exotiques de l’Amérique du Sud; l’anglais a servi d’intermédiaire à des mots arabes
(antilope), neerlandais (iceberg), australiens (kangourou), exotiques.
.Le français a emprunté, à toutes les époques, un nombre considérable de termes
appartenant à d'autres langues.
1.Les emprunts « savants », au latin et au grec.
L'histoire des emprunts savants connaît trois étapes:
a) Le haut Moyen Age, caractérisé par l'entrée des mots ecclesiastiques provenant du grec par
l'intermédiaire du latin, comme: prêtre, évangile, église, aumône et du latin: cardinal, pape, prière,
charité.
b) La Renaissance. Les érudits de l'époque introduisent une multitude de termes latins à
peine francisés, ayant un caractère abstrait: générosité, efficacité.
c) L'âge scientifique (XVIII-e siècle). Les mots grecs ou latins sont entrés en français pour
désigner les nouvelles découvertes scientifiques. Du latin viennent: tension, scarlatine, intestin,
-al; du grec viennent: encéphalite, neurasthénie, etc. et tout le vocabulaire des poids et mesures:
mètre, litre, gramme. Au XIX-e siècle apparaissent télé, auto, photo.
Dès les premiers textes écrits en français les mots hérites, populaires, coexistent avec les
emprunts "savants". Dans la « Séquence de Sainte Eulalie » (XI-e siècle) on rencontre le terme
élément. Les deux sources d’enrichissement lexical, la voie populaire, concernant les mots
hérités soumis aux lois de l’évolution, et la voie savante, celle des emprunts, ont agi sur le lexique
français durant des siècles.
90
Les mots populaires refusant souvent la dérivation, l'habitude est enracinée d'y suppléer par
des bases savantes, qui donnent des dérivés ou des composés savants : eau-aquatique, foiehépatique,bouche-buccal ;hydrophile,feu-ignifuge,pyromane. Le phénomène qui consiste
dans la création de nouveaux dérivés à partir de bases savantes à l’aide de suffixes s’appelle
supplétisme (v. Picoche,1992.).Une conséquence de la transmission des termes latins par voie
populaire et par voie savante est l’existence des « doublets étymologiques ». Il s’agit de deux
termes ayant un même étymon latin, l’un
étant un terme hérité, qui a subi d’importantes
transformations phonétiques, l’autre est un emprunt ultérieur, savant : hôpital et hôtel<lat.
hospitalem, union et oignon<lat. unio,-onis, cause et chose<lat causa, frêle et fragile<lat.
fragilem, oreille et auricule< lat auriculus,etc.
2.Les emprunts arabes.
Il existe à peu près 270 mots arabes en français, dont un seul verbe, masser, et un adjectif,
mesquin.
P. Guiraud (Les mots étrangers, 1965) énumère les trois voies par lesquelles l’arabe s’est
manifesté comme une grande source de la culture française :
-la science gréco-arabe. Les Arabes étaient des médecins, pharmaciens,alchimistes,
mathématiciens, astronomes, qui avaient hérité la culture grecque de l’époque alexandrine.
-le commerce oriental. Grands voyageurs et commerçants, ils apportaient en Occident des
produits spécifiques du Moyen Orient. Les Italiens leur faisaient concirrence, par le
commerce vénitien et génois.
-la civilisation mozarabe. Les Maures ont conquis l’Espagne entre le VIIIe et le XVe siècle,
pays où ils ont créé une civilisation originale.
À l'époque du français archaïque (IX-XIV-e siècle), l'arabe était la langue d'une civilisation
supérieure à celle de l'Europe occidentale. Il fournit des noms de plantes, de fruits, de divers objets
importés du Moyen Orient, des noms liés aux sciences: coton, sucre, sirop, tasse, azur, hasard, alcool,
zéro, chiffre, algèbre. Le terme chiffre remonte, par l’italien et le latin médiéval, à l’arabe sifr qui
signifie „vide“;zéro, ayant le même étymon, est un doublet de chiffre Intéressés par la médecine , la
chimie, la pharmacie, les Arabes nous ont donné les termes : alchimie, alambic, élixir, le camphre, le
goudron, l’aniline, l’ambre, la nacre ; aussi des noms de cosmétiques (le musc, le henné, la civette),
d’épices (le safran, le sucre, le limon, le cubèbe), de fruits exotiques(l’orange, la pêche, la pastèque).
Le matelas, massicot, massepin sont aussi d ‘origine arabe. D’Espagne mozarabe viennent le gilet, la
guitare, l’alcôve, le fanfaron, l’ alcade, l’alguazil. Dans ce groupe, l’histoire du mot laquais est
particulièrement curieuse : venu de l’arabe al–kaïd, il signifie premièrement chef militaire, ensuite, à
91
partir du XIVe siècle, le sens se dégrade en „valet“, attestant la position subalterne que les chefs
maures occupent désormais après la Reconquista espagnole. Par l’intermédiaire de l’italien sont venus
le jasmin, le lilas, le coton ; par l’Espagne ou le Portugal sont entrés l’abricot, la pastèque. Un assez
grand nombre de mots arabes sont venus en français par l’intermédiaire d ‘autres langues : l ‘espagnol,
l’italien, le latin.
À l'époque moderne, la politique coloniale de la France au Nord de l'Afrique, la présence
des Marocains dans les troupes françaises lors de la deuxième guerre mondiale ont apporté fellah
(« coupeur de route »), caïd, toubib ("médecin"), baráka, smalá ("famille"), l'expression C'est
kif-kif ("cela revient au même"), maboul ("toqué"), entrés d'abord en français populaire.
3.Les emprunts des Pays-Bas
Tandis que les échanges culturels se font par le latin de l’église pendant tout le haut Moyen
Age, Les Pays-Bas et l’Italie restent les deux principaux foyers d’échanges économiques jusqu’au
XVe siècle. La France du Nord parle le flamand, dialecte d’origine francique, comme le
néerlandais. Cette parenté linguistique a favorisé l’emprunt et l’assimilation rapide de mots
néerlandais. Les domaines d’emprunt sont surtout la navigation :havre, brique, haler,houblon,
beaupré,gui, hublot,matelot, l’armement et le fret (paquet, en vrac), la pêche (caque, caquer,
crabe, aiglefin, colin). ; les digues, la construction navale (digue, polder, boulevard, hie), noms
d’outils(varlope, vilbrequin), des noms des produits du pays(la bière, le houblon, les gaufres, le
colza. Quelques termes exotiques, apportés des colonies hollandaises : le pamplemousse, le
cacatoès Les emprunts récents sont presque inexistants, sauf braderie, venu par le dialecte de
Lille.
1.
Les mots venus de l’ allemand
Il y a peu de mots allemands empruntés , environ 170, apparus après le XVe s. Les termes
allemands appartiennent à la vie militaire ou sont relatifs à la minéralogie. Il est difficile de dire si
les termes attestés dès le XIIe s. appartiennent au fonds héréditaire ou sont des emprunts : sarrau,
brèche, brouet, brelan, bride, bretelle, sale. Du XIVe s. datent blafard, bourgmestre, hutte ; du
XVe arquebuse, cric, rosse, auroch ; du XVIe s. fifre, pistole, trinquer, hase, halte, matois,
bismuth, sabre ; du XVIIe bivouac, nouille, calèche, zinc, havresac, rocambole, cible,
potasse.thalweg ;du XVIIIe datent uhlan, cobalt, quartz, nickel, feldspath, kirsch, choucroute,
cravache, vasistas, vermouth ;du XIX–XXe datent les termes valse, képi, mastoc,lied, edelweiss,
aspirine, alpenstock, croissant, ersatz, putsch, führer.
Les noms des animaux :l’auroch, l’élan, le renne, le vison sont venus par l’allemand.
D ‘Autriche, par l’intermédiaire de l’armée, sont venus des mots tchèques, hongrois, serbes. :
–du tchèque : pistole, calèche, obus ;
92
–du hongrois : coche, sabre, heiduque, hussard, dolman, cravache.
–du serbe :le vampire.
6. Mots espagnols et portugais
Quelques mots de civilisation espagnols datent du XVI-XVIIe siècle.:duègne, majorat,
quadrille, parade, toreador, embarrasser, hâbler, casque, romance, embarcation, camarade,
fanfaron, mantille, parer, bourrique, compliment, cédille, majorat, estrade, caramel, carapace,
estampille,etc. Après 1700, on emprunte surtout des termes folkloriques (la corrida, le flamenco).
L’espagnol reste le véhicule d’un grand nombre de mots arabes. D’autre part, il nous a transmis
un nombre importants de termes exotiques, venus des conquêtes territoriales en Amérique .: maïs,
chocolat, ouragan, vanille,tomate,pirogue, pampa,etc.
La liste des mots d’origine portugaise se réduit à une dizaine de termes : caravelle,
baroque, marmelade, vigie, autodafé. Quelques termes, qui sont des termes romans.,réfèrent à des
choses exotiques :cobra, pintade, véranda, fétiche, sargasse, zèbre, créole( du portugais criar,
„élever à la maison“, qui désigne le domestique élevé à la maison ; de même, nègre,métis,
mulâtre).
7.Les emprunts à l’italien
En français sont entrés, à des époques différentes, à peu près 2000 mots
italiens,représentant l’apport étranger le plus riche.
L'influence de l'italien reste insignifiante jusqu'aux guerres de Français I-er en Italie et la
découverte par les Français de l'art de la Renaissance italienne, vers le milieu du XV e siècle.
Avant cette époque, l’influence de l’italien se réduit aux noms de produits spécifiques (coton,
sucre, introduits par les Arabes ; le buffle, le riz, la citrouille, le tournesol, les perles et la
porcelaine, venus par voie commerciale). Les marchands lombards ont introduit en France la
banque, c’est-à-dire le banc des changeurs, qui est rompu en cas de faillite (banqueroute, XVe
siècle).Gênes et Venise font un commerce florissant dans les plus grands ports d ‘Europe et du
Moyen Orient, où leurs navires font escale. Elles ont obtenu le droit d’avoir là leur propre arsenal
(entrepôt de marchandises), leur darse, leur gabelle, leur douane. Des termes commerciaux italoarabes sont trafic, tarif, avarie, tare. Quelques termes maritimes italiens s’imposent–archipel,
brigantin, course, quoique la terminologie maritime en Méditérannée est surtout d’origine
provençale.
Pendant la Renaissance italienne, on emprunte des termes relatifs à l’art militaire et à la
guerre: soldat, sentinelle, cartouche; canon, infanterie, escrime, mousquet ; à la finance: banque,
bilan, crédit ; à la politesse et à la vie de cour: courtisan, bouffon,caresses, caprice, escapade,
discourtois, altesse, charlatan ; dans le domaine des beaux-arts et de la musique, l'influence fut
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importante et durable: artisan, fresque mosaïque, faïence, médaille, clair obscur, madone, svelte.
Du XVII-ème et du XVIII-ème siècle datent bague, costume, opéra, ariette, cantate, solfège,
soprano, ténor, violoncelle, crescendo, piano, dolce, aquarelle, pittoresque, pastiche et quelques
termes commerciaux : discrédit, ristourne, solder. Toute la terminologie musicale est italienne.
Cette mode italienne s’étend à l’architecture, aux beaux-arts, aux vêtements, à la cuisine.
Termes d’architecture : rotonde, esplanade, tribune, appartement, terre-plein, corniche,
balcon, façade, fronton, socle, piédouche, salon. Termes relatifs à la sculpture et à la peinture :
médaille, buste, bronze, mosaïque, relief, grotesque. Du XVIIe s. datent coloris, profil, attitude,
calquer, svelte, madone, fresque, dessiner, pastiche, filigrane.
Noms de vêtements : panache, masque, feston, escarpin, parasol, veste, ombrelle,
camisole.
L'influence de l'italien fut si importante, que certains suffixes d'origine italienne sont entrés
en français:- esque, calqué sur l'italien -esco sert à former des adj. : romanesque, soldatesque,
grottesque; -ade, adapte les mots italiens en -ata: cavalcade, estocade; -issime sert à former les
superlatifs absolus des adjectifs: rarissime, richissime. On emprunte des adjectifs comme poltron,
brave, preste, ingambe, leste, dispos(qualités de l’escrimeur et du cavalier). ;des adverbes comme
alarme, à l’improviste.
La Cour des Valois parlait un français italianisé, dont le snobisme a été dénoncé par les
contemporains.
A l’Italie moderne, nous devons : analphabétisme, autostrade, ferroviaire, agrume Au XXème siècle on introduit de nouveaux termes, comme : ciao, dolce vita, maccaroni, pizza,
spaghetti.
L’adaptation des mots italiens . La plupart des termes, surtout ceux appartenant au domaine
musical ou qui dénotent des choses spécifiques à l’Italie, ont conservé leur forme originale, moins
l’accent.. La francisation phonétique consiste dans le déplacement de l’accent tonique et la
réduction de la finale. Les termes devenus féminins ont changé leur finale -a en e sourd, posttonique : gabela, disgrazia donnent gabelle, disgrâce ;les termes devenus masculins perdent leur
voyelle finale : capitone, sacco aboutissent à capiton, sac. Un e final peut apparaître comme
soutien d’un groupe de consonnes : presto>preste, pilastro>pilastre, bravo>brave.
L’initiale s+ consonne reçoit un e épenthétique : strato>estrade . A l’intérieur du mot le
groupe consonne+ l, qui a été palatalisé en italien, retrouve son articulation : fiasca>flasque ;
fiorino>florin, etc. Les noms des pâtes alimentaires ont gardé le i final, marque du
pluriel :spaghetti, macaroni, ravioli, caneloni.
8.Les emprunts à l'anglais
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Vers la fin du XVIIe siècle les premiers anglicismes pénètrent en français, favorisés par le
commerce, le régime constitutionnel et parlementaire anglais et par les réformes religieuses. Au
XIXe siècle, la révolution industrielle et technologique apporte une nouvelle vague d’emprunts
massifs. Après l’italien, l’anglais représente l’apport étranger le plus important à l’enrichissement
du lexique français. Une dizaine de mots anglais qui appartiennent tous à la terminologie
maritime existaient dès le XIIe siècle : bateau, est, ouest, nord, sud, varech. Parmi les mots venus
d’Angleterre on distingue quatre grandes couches :
–
les mots anglo-saxons, du type : standard, spleen, cake, etc ;
–
les mots anglo-normands, du type : sport, tennis, flirt, budget, etc.
–
les mots exotiques, du type: pyjama, véranda, mocassin, etc.
–
les mots savants (latins ou grecs), appartenant aux vocabulaires scientifiques et
techniques internationaux : inoculer, sinécure, photographie, importer,etc.
Au XVIIe et XVIIIe siècle, les emprunts à l’anglais vont dans les directions suivantes :
– le commerce maritime : paquebot, yacht (néerlandais), prime (d’assurance), stock,
flibustier (néerlandais :pirate), interlope( à propos de navires trafiquant en fraude)
–les voyages exotiques : pingouin, opossum, bannian, albatros, jungle
–les mœurs britanniques : contredanse, mastiff, boulingrin (pelouse), groom, pudding
–la terminologie parlementaire et judiciaire: speaker, au sens de Président des Communes),
comité, verdict, pamphlet, vote, club, motion, politicien, officiel.
– les sports : la boxe, football, jockey, golf.
Au XVIIIe– XIXe siècle les domaines d’emprunt sont très variés :
- cuisine et boissons : pouding, brandy, punch ;
- production industrielle : wagon, yard, flanelle ;
- marine : paquebot, yacht, dock ;
- domaine politique et social : comité, club, lady, corporation, despotisme, pamphlet,
sinécure, vote, verdict ;
- termes religieux : panthéisme, puritain, quaker, trinitaire.
–termes de mode : tilbury, break, macfarlane
–transports : tramway, viaduc, express
Au XVIII-ème siécle, à l’admiration pour le régime politique et pour la philosophie
matérialiste des philosophes anglais s’ajoute le goût pour la littérature préromantique : libre
penseur (calque), humour, spleen, romantique et quelques exotismes véhiculés par l’anglais :
alligator, tomahawk, albatros, tabou. .L’histoire de l’adjectif romantique est très intéressante :
existant en français comme dérivé de roman, au cours du XVIIIe s. il subit l’influence de l’anglais
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romantic, comme état d’âme et atmosphère à la Rousseau ; Mme de Staël l’oppose à l’adjectif
classique, sous l’influence de l’allemand Romantische.
Les termes scientifiques n’apparaissent qu’à partir du XVIIIe siècle :réfrangible, inoculer,
ventilateur, dispensaire. L’Angleterre du XIXe siècle prête des termes propres aux domaines des
sciences et de l’industrie, en particulier les chemins de fer et l’électricité. Les Anglais apportent
des produits industriels tels : l’ébonite, le linoléum, le gutta-percha, le catgut. Nous devons aux
Américains les termes de l’art du spectacle : le music-hall, le récital, le festival, le manager. Les
Anglais sont les premiers touristes, le mot touriste apparaît en 1816 et le mot tourisme en 1872.
La mode des sports hippiques se généralise à partir de 1830 : tandem, pedigree, turf, derby,
outsider, starter.
Au XX-ème siècle, les anglicismes prolifèrent dans les domaines les plus variés : sports
(golf, tennis, foot-ball, sportsman, handicap, record), technique de pointe (le vocabulaire de
l’informatique), termes de la mode vestimentaire : blue-jeans, look, short. A partir de 1920,
l’anglo-américain nous envoie les noms d’innombrables produits artistiques et publicitaires : film,
avion, jazz.
L’assimilation des termes anglais. En général, les mots assimilés désignent des choses
assimilées : contredanse, paquebot, moire, tunelle, boulingrin, rosbif, bouledogue. Au contraire,
les mots non assimilés désignent des choses spécifiquement anglaises : lady, gentleman, building,
pudding, sterling. Ces termes traduisent des dénotations sémantiques étrangères, ceux qui les
emploient faisant preuve d’un certain snobisme : surprise-party, lunch, look. De tels termes se
retrouvent dans les domaines les plus divers : l’industrie, le commerce, l’hôtellerie, le monde du
spectacle et de la mode.
Les mots « voyageurs » sont des mots d’origine française, entrés jadis en anglais et repris
avec des sens et des formes changés. Ce sont des mots normands, apportés de France au XIIe
siècle, lors de la conquête normande : ticket, toast, partenaire, tour, parlement, flirt, budget,
verdict, jury, sport, tennis, hockey, croquet. Le mot bougette de l’ancien français signifiant
« petite bourse » est emprunté par l’anglais sous la forme budget (liste des dépenses et des
revenus d’une entreprise), ensuite il est repris par le français avec cette signification.
Le mot desport signifiait en ancien français « amusement » ; il a été pris par l’anglais sous
la forme sport, au sens de « amusement, exercice physique », d’où il est revenu en France ;
l’ancien terme tonnelle signifiait « voûte de verdure ». Il entre en anglais sous la forme tunnel
avec le sens « passage souterrain », d’où il revient en France plus tard, avec une forme
nouvelle.Le terme flirt vient de l’ancien fleureter, „conter fleurette“.
9. Les mots exotiques.
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Ce sont des termes venus, avec leurs référents spécifiques, des colonies espagnoles,
portugaises, britanniques ou hollandaises. Ils sont entrés dans plusieurs langues européennes,
comme les termes venus des Caraïbes par l’intermédiaire de l’espagnol et désignant des produits
tropicaux comme: le maïs, le tabac, la patate (la pomme de terre) ou des choses du domaine
maritime :le canot, la pirogue, l’ouragan et le hamac.
Toujours par l’espagnol sont venus des termes du Mexique et du Pérou, appartenant à la
langue des Aztèques et des Incas , désignant des plantes: le cacao, le coca, le chocolat, le
caoutchouc, la cacahuète, la tomate ou des animaux spécifiques : le condor, le lama, l’ocelot, le
caïman, le coyote, l’alpaga. De l ‘Amérique du Sud, des tribus Tupi et Guarani, viennent des
termes comme cobaye, gaucho,toucan, topinambour, ananas, tapioca. De l’Amérique du Nord
viennent des mots indiens (principalement algonquins), par l’intermédiaire de l’anglais : manitou,
tomahawk, mocassin, totem. Le contact avec l’Extrême –Orient s’est établi grâce aux grandes
puissances coloniales de l’Asie, le Portugal (au XVIe–XVIIe siècle) et l ‘Angleterre (au XVIIIe–
XIXe s.). Des Indes Orientales viennent des noms de tissus : cachemire, madras, indienne, châle,
casimir ou des noms d’objets qui nous sont devenus aujourd’hui familiers : la véranda, le
bungalow, le patchouli, le champooing, le pyjama ou moins familiers : palanquin, pagode, bétel.
P. Guiraud (Les mots étrangers,1965) décrit le cas intéressant de véranda, qui est un mot
d’origine portugaise : dérivé de vara, „perche“, il désigne une galerie couverte, emplacée autour
de l’habitation, formée d’un avant-toit soutenu par des perches, et spécifique à l’Inde.„ Toute
l’histoire de la colonisation des Indes est dans ce mot désignant une chose hindoue, adoptée et
nommée par les premiers colons portugais, reprise par les Anglais et ramenée par eux en Europe
où nous leur avons empruntée“, affirme Guiraud. De Malaisie viennent le thé, la jonque, la
pagaie, le rotin ,le gutta percha et l’orang-outang (qui en malais signifie „ homme des bois“) De
la Chine, du Japon, de la Polynésie et d’Australie viennent peu de mots, désignant des réalités
spécifiques : bonze, moxa, kaolin, ginseng, nankin, kimono, tabou, tatouer, yak, boomerang,
kangourou. Des pays africains viennent peu de mots, comme négus, kola, chimpanzé, vaudou.
Les mots créoles, qui sont des mots européens nés aux colonies, sont pour la plupart espagnols et
portugais, très peu d’entre eux sont français. Tel est le cas du mot créole, venu du portugais criar,
„élever“, et qui désigne le domestique élevé à la maison ou les termes :nègre, métis, mulâtre.
Les emprunts restent un moyen important d’enrichissement lexical, facilitant le commerce
intellectuel et la circulation des idées.
La réaction contre l’invation des termes étrangers, surtout anglo-saxons, s’est manifestée
sous la forme d’un certain nationalisme langagier, comme celui d’Etiemble, exprimé sous la
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forme d’un pamphlet célèbre, Parlez-vous franglais ? D’autre part, des arrêtés officiels
obligeaient les fonctionnaires et les spécialistes à user des équivalents français, proposés par les
commissions de spécialité. Des institutions et des organismes spécialement créés, comme le
Centre de Terminologie et Néologie, surveillent les nomenclatures et les terminologies techniques
et scientifiques et publient les listes des termes étrangers admis.
BIBLIOGRAFIA CAPITOLULUI
1.Bárdosi, Vilmos, Pálfy, M.,1988 – Précis de lexicologie française, I-ère partie,
Lexicologie sémantique, Tankönyvkíado, Budapest
2.. Chaurand, J.,1977 – Introduction à l’histoire du vocabulaire
français. Bordas, Paris
3. Deroy, Louis, 1956– L’emprunt linguistique, Société d’éds. Les Belles Lettres, Paris
4. Désirat, Cl. et Hordé, Tristan,1976– La langue française au XX-ème siècle, Bordas
5. Guilbert,L.,1971 Introduction au Grand Larousse de la LangueFrançaise, ed. Larousse.
6. Guiraud, Pierre (1965, I–ère éd.),1971– Les mots étrangers, PUF, Paris
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G.
Molinié
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Le
français
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Que
sais
je ?
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8. Mitterand, H. – Les mots français, PUF, 1963 (rééd. 1976)
9. Picoche, J.1992 – Précis de lexicologie française, Nathan, Paris chap.
II
«Lexique et
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10. Sauvageot A., 1964 – Portrait du vocabulaire français, Larousse, Paris.
11. Picoche, J.et Marchello-Nizia, Ch..(1989,1-ère éd.),1998- Histoire de la langue française,
Eds. Nathan, Paris., pp. 11–80.
INTREBARI :
1. Définissez les doublets étymologiques et donnez des exemples.
2. Donnez des exemples de supplétismes et décrivez le procédé.
3. Définissez les emprunts et donnez leur typologie.
4. Quelles sont les langues qui ont donné au français un nombre significatif de termes ?
5. Présentez les domaines d’emprunt pour chacune.
6. Présentez les anglicismes entrés en français à l’état actuel.
7. Qu’est –ce que le franglais?
8. Parlez des anglicismes entrés en roumain.
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9.Donnez une typologie des emprunts : a) d’après le mode de formation ; b)d’après la langue
d’origine.
10.Qu’est–ce qu’on comprend par „mots voyageurs“ ? et par „mots exotiques“ ?
Exemplifiez.
III. TESTE SI EXERCITII DE AUTOEVALUARE FINALA
1. Présentez les principes et les méthodes de la lexicologie.
2. Présentez les procédés internes d’enrichissement lexical.
3. Pourquoi peut-on affirmer que le lexique est un système ouvert et dynamique?
4. En quoi consiste l’arbitraire du signe lexical?Exemplifiez.
5. Définissez et exemplifiez les concepts opérationnels suivants: racine, base (de
dérivation), lexème /vocable.
6. Présentez le mot comme unité morphofonctionnelle de la langue.
7. Présentez les classes sémantiques de noms obtenus par la nominalisation du verbe.
8. Présentez la dérivation syntagmatique suffixale.
9. Faites une classification des préfixes sur des critères variés.
10. Présentez les procédés morphosyntaxiques de la composition.
11. Présentez la typologie des procédés abréviatifs.
12. Présentez les catégories de mots appartenant au fonds latin du français.
13. Quelles sont les langues qui ont donné des mots au français? Exemplifiez par domaines
d’usage.
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