Transcription Frédéric TURPIN- séquence1 Bonjour, Comme vous le savez en relations internationales, la notion de puissance se mesure traditionnellement à la capacité d’un État à être écouté et à pouvoir faire valoir ses options sur la scène internationale. Parmi les éléments de cette « audience », figure en particulier un moyen, qui relève autant la puissance qu’il peut en souligner les faiblesses, c’est-à-dire la capacité à intervenir militairement sur un théâtre d’opérations. De ce point de vue, nous pouvons légitimement nous interroger sur la capacité de la France à disposer d’une audience internationale et pour ce qui nous intéresse ici dans ce cours, à mener à bien des interventions militaires d’une certaine ampleur dans le monde et tout particulièrement pour le cours d’aujourd’hui sur le continent africain. La question de l’intervention française en Afrique se pose d’autant plus avec acuité que l’Afrique subsaharienne francophone en particulier, a constitué pendant plusieurs décennies la zone d’influence privilégiée de la France et pour laquelle les forces militaires françaises ont conservé un certain nombre de savoir-faire, une sorte de « capital » si vous voulez, de savoir-faire importants qui leur permettent d’intervenir en la matière. Toutefois, il faut bien comprendre, d’entrée de jeu, qu’être en capacité d’intervenir militairement, afin de suppléer une stratégie politique portée le plus souvent par une politique de la communauté internationale tout autant d’ailleurs que par la défense des intérêts nationaux, nécessite fatalement une évaluation la plus précise possible des coûts, une sorte de balance entre coûts et bénéfices. Et cette évaluation qui est forcément pétrie d’incertitudes, repose, bien sûr, sur des éléments géostratégiques mais aussi et ce sera tout l’objet de ce cours aujourd’hui, sur des considérations plus subjectives qui relèvent le plus souvent du poids de l’histoire et des représentations que l’on s’en fait. Donc je vous propose à partir de l’exemple de la récente intervention militaire française au Mali et l’opération Serval à partir de janvier 2013, d’essayer de comprendre ce jeu complexe de risques, qui comporte toujours une forte part d’incertitude, que doivent résoudre les décideurs français en décidant ou non d’intervenir sur un théâtre africain. Le 11 janvier 2013, les forces interarmées françaises lancent une opération de grande envergure au Mali pour stopper la progression des groupes islamistes radicaux et de leurs alliés Touaregs indépendantistes. L’opération Serval était certes planifiée depuis des mois mais son déclenchement éclair surprend tout le monde et interroge une nouvelle fois, je dis une nouvelle fois parce que l’on a déjà eu l’intervention française décisive en Côte d’Ivoire en avril 2011. Elle interroge une nouvelle fois sur les motivations d’un tel engagement français en Afrique subsaharienne. La surprise en ce mois de janvier 2013 est d’autant plus forte que le Gouvernement français, depuis la réorientation générale de sa politique de coopération avec l’Afrique y compris pour son volet militaire au milieu des années 1990, a mis en place une stratégie globale consistant à renforcer prioritairement les capacités militaires africaines, toute la stratégie Recamp. Renforcer prioritairement les capacités militaires africaines plutôt que de privilégier son traditionnel rôle de « gendarme de l’Afrique ».