À l'hôpital, après les soins d'urgence, elle attend huit heures avec la jeune fille. Finalement,
elle est vue par un interne en psychiatrie. «Il lui a demandé : as-tu encore envie de te tuer?
Elle a répondu non. Je suis repartie avec elle.» La jeune n'a même pas passé une nuit à
l'hôpital. «Elle se faisait recoudre et on me disait déjà, à l'hôpital, à quel point on était bons.
Qu'on était capables», lance Chantal Marquis, manifestement amère.
Une autre jeune fille, au sortir de l'hôpital, a menacé l'éducatrice qui l'accompagnait : «Je
n'embarque pas dans ton char. Je vais me tuer. Je vais me jeter en bas», raconte Chantal
Durocher, une autre éducatrice de Rose-Virginie-Pelletier. «L'hôpital n'a jamais voulu la
garder. On a été obligés d'avoir un transport sécuritaire. Et on l'a ramenée au centre. On
l'avait dans nos culottes. Mais on ne pouvait toujours bien pas l'attacher!»
D'ailleurs, à Rose-Virginie-Pelletier, la consigne est claire : «On n'emmène personne aux
urgences après 16 h à moins que la jeune soit en état de psychose ou d'hallucination.
Sinon, on sait qu'on va se faire revirer de bord», résume Mme Marquis.
L'infirmière du centre, Nicole Boissé, est plus diplomate. Des ponts ont été jetés entre
l'hôpital Sainte-Justine et Rose-Virginie-Pelletier, plaide-t-elle : une pédopsychiatre est
même venue sur place à quelques reprises, un geste impensable il y a quelques années.
Un protocole de collaboration a été établi, qui prévoit la consultation rapide si les cas sont
urgents.
«On ne prend jamais une menace de suicide à la légère. Mais on ne déclenche pas tout un
processus sur une simple déclaration. L'hôpital se dit que quand les jeunes sont en centre,
ils sont dans un milieu sécuritaire», dit-elle.
Si on veut que le jeune récupère, il est parfois plus indiqué de le renvoyer au centre, parmi
les gens qu'il connaît, plaident les autorités des centres jeunesse. «Souvent, on se dit, il va
être bien plus en sécurité à l'hôpital. Mais d'un point de vue clinique, il est peut-être
beaucoup plus adéquat qu'il se retrouve chez nous», croit Anne Duret, responsable du
dossier santé mentale au centre jeunesse de Montréal.
Le pire endroit
Pourtant, la pédopsychiatre Marie Plante estime que les centres jeunesse sont
probablement les pires endroits où héberger un jeune affecté d'un trouble psychiatrique.
"Ces jeunes-là ne peuvent pas tolérer le stress. Et là, on les met dans une unité avec 11 ou
12 autres jeunes parfois très agressifs, impulsifs", déplore-t-elle.
Seuls quelques-uns des centres jeunesse sont spécifiquement consacrés aux problèmes
de santé mentale. À Montréal, on y retrouve une cinquantaine de jeunes. Ailleurs, les
jeunes sont hébergés avec la clientèle générale. Délinquants, troubles de comportement,
alouette. Chantal Durocher, une intervenante de grande expérience, a souvent vu des
jeunes filles atteintes de problèmes de santé mentale être victimes d'ostracisme dans une
unité.
"Ce sont des jeunes qui ont parfois des propos un peu déphasés. Disons que dans un
groupe, elles détonnent. Quand on a deux ou trois bonnes délinquantes dans un groupe..."
dit-elle. Lors de son séjour en centre jeunesse, Mathieu, schizophrène, refusait que