Fonctionnement, dysfonctionnement et impact réel du
système financier.
« Le rôle économique des marchés financiers »
Au sujet des marchés financiers et de la croissance économique, il n’existe pas de
consensus chez les économistes qui permet de déterminer une quelconque corrélation ou un
lien de causalité entre eux.
Marchés financiers et croissance : controverse sur une corrélation.
Le lien entre les marchés financiers et la croissance économique est sujet à beaucoup
questions et on trouve parmi les économistes des convaincus mais aussi des sceptiques.
Les convaincus :
Dès 1776, Smith souligne le rôle important des banques qu participent à la croissance des
banques en rendant « active et productive une plus grande partie du capital ». D’autres
économistes (Bagehot 1873, Schumpeter 1911) appuient cette théorie en précisant que les
banques permettent le développement de l’innovation ainsi que de l’industrialisation. Plus
tard (1967-1973), Goldsmith, Cameron ou encore Mc Kinnon affirment qu’un lien existe
entre révolution industrielle et système bancaire moderne mais aussi ils expliquent qu’en
l’absence de système financier seul l’autofinancement permettrait l’investissement. Enfin, les
études les plus centes visant à valider cette corrélation montrent que le système financier
influe sur la croissance aux niveaux de l’accumulation du capital ou de l’innovation
technologique. Les interactions entre les secteurs financiers et réels nous amènent à distinguer
plusieurs équilibres :
- L’équilibre « haut : forte croissance et développement normal du secteur financier.
- L’équilibre « bas » : faible croissance et secteur financier peu développé.
- L’équilibre instable : effet de seuil du développement du secteur financier sur la
croissance. (Au dessus du seuil équilibre haut, en dessous équilibre bas)
De plus Berthélémy et Varoudakis ont montré que l’influence du secteur financier sur la
croissance devient pertinente seulement si le seuil « éducatif » est franchi. Le seuil éducatif
représente le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire du pays.
Les sceptiques :
Ils sont moins nombreux. On peut citer tout de même Robinson (1952), Lucas (1988)
ou Levine (1997) qui dénoncent le rôle exagéré donnée au système financier dans la
croissance et prétendent que celui-ci ne fait que suivre la croissance sans l’influencer.
Marchés financiers et croissance : interrogation sur le sens de la
causalité.
Si la corrélation entre les marchés financiers et la croissance pose problème, le sens de
la causalité n’en est pas moins discuté. En effet, pour certains (Goldsmith 1969), on ne peut
déterminer lequel des deux influe sur l’autre et dans quelle mesure, pour d’autres (Patrick
1966) on peut élaborer une théorie qui distingue deux approches. Dans le 1er cas, le secteur
financier crée une offre qui permet la croissance (développement exogène), dans l’autre c’est
la croissance qui suscite des nouvelles demandes qui agissent sur le système financiers
(développement endogène).
Influence théorique des marchés financiers sur la croissance
économique.
Les analyses théoriques n’opèrent aucune distinction entre les marchés financiers et les
banques. Le fait que le système financier dans son ensemble ait un impact sur la croissance
sous-entend implicitement que la finance directe (les marchés) et la finance indirecte (les
banques) participent conjointement à l’accroissement du PIB. Il faut tout de même
s’interroger sur l’influence spécifique des marchés financiers.
Fonctions des marchés financiers.
Les marchés financiers remplissent 5 fonctions.
- Garantir la liquidité :
Ce terme signifie que le marché doit permettre aux prêteurs de vendre leurs titres
rapidement, à faible coût et sans incertitude quant au délai et au règlement de la transaction.
En effet, le problème est que les prêteurs veulent placer leur épargne à court terme tandis que
les projets de croissance se font souvent à long terme. Seuls les marchés financiers liquides
permettent de concilier les deux parties. A l’inverse l’illiquidité des marchés peut conduire les
investisseurs à exiger des primes de risques.
- Diversifier le risque :
Pour que les investisseurs participent à des projets risqués, il faut que deux conditions
soient vérifiées. Tout d’abord il faut que le rendement soit fort, c’est-dire que plus le risque
est grand plus le retour sur investissement doit être grand aussi. De plus, il faut que ces
prêteurs puissent diversifier leur portefeuille en investissant dans des projets sécurisant. Ce
sont des marchés internationaux qui permettent cette diversification. C’est en cela que les
marchés participent à la croissance économique.
- Acquérir de l’information :
Les marchés financiers ont pour 3ème fonction de fournir de l’information aux
investisseurs sur la qualité des firmes emprunteuses. Les prêteurs vont ainsi rechercher les
informations pertinentes en vue d’allouer leur épargne vers les projets les plus rentables.
- Contrôler les sociétés :
Comme les sociétés dépendent directement de leurs investisseurs, les marchés financiers
contrôle l’activité des firmes et les décisions des dirigeants et permettent de relier la
rémunération de ces derniers en fonctions des performances. De plus le risque de rachat incite
les dirigeants à aligner leurs intérêts avec eux de leurs actionnaires.
- Mobiliser l’épargne :
Les marchés financiers ont une fonction primordiale en ce qui concerne les
investissements à grandes échelles. En effet, ils sont les seuls à pouvoir regrouper un nombre
suffisant d’individus (qui ont souvent une épargne faible) afin de former l’investissements
engagé. En d’autres termes, ils permettent de rassembler beaucoup de petits porteurs afin de
réaliser un investissement important impossible par ailleurs. Ces méthodes ont toujours été
très importantes dans les secteurs des nouvelles technologies.
Une corrélation à nuancer.
Il faut tout de même relativiser ces fonctions car utilisées abusivement elles peuvent
entraîner l’inverse de leur objectif premier. Par exemple, si le marché est liquide, les
investisseurs réduisent leur contrôle sur les entreprises (car se sentant libre de revendre à tout
moment) ce qui réduit l’attention des entreprise au marché et fait baisser la croissance.
Marchés financiers et croissance : une corrélation empirique
établie.
Comme il n’existe pas de théorie uniforme sur cette corrélation, l’étude de cas à long
terme peut apporter une solution unique. Ces études ont été menées dans le but de déterminer
si les marchés financiers peuvent aider les pays en sous-développement dans leur croissance.
A cette fin les chercheurs s’efforcent d’établir des liens entre des variables représentatives du
développement des marchés financiers et des variables représentatives de l’activité
économique des pays.
Définition des variables.
Il existe plusieurs variables qui permettent de mesurer l’influence des marchés
financiers sur la croissance économique. Tout d’abord, il y a la variable expliquée qui est un
indicateur de l’activité économique. On prend généralement le taux de croissance du PIB réel
par habitant. Ensuite, il y a la variable explicative qui est l’indicateur de développement du
marché financier. Pour l’évaluer il faut tenir compte à la fois de la liquidité, de la taille et de
l’intégration internationale du marché financier. Elle est donc difficile à appréhender du fait
de ses multiples facettes. Pour l’évaluer, on peut isoler ses composantes puis faire la moyenne
des ratios. Pour une plus grande précision il faut intégrer le maximum de facteurs. Enfin, on
ajoute une variable de contrôle qui se compose des autres facteurs qui agissent sur la
croissance (stabilité politique, fiscalité, macroéconomie,…) ainsi qu’une variable
représentative de la place des banques dans le financement de l’économie.
Les résultats empiriques : validation de la corrélation et présomption de
la causalité.
Plusieurs études ont été menées sur des échantillons de pays (allant de 38 à 80 pays) et
des variables différentes. Elles ont toutes prouvées que la liquidité du marché financier
apparaît comme un bon indicateur de la croissance à long terme. Le niveau de développement
bancaire est lui aussi un bon indicateur tandis que la taille du marché, la volatilité des cours, le
degré d’intégration internationale ne sont pas significativement corrélés avec le taux de
croissance économique. Ces résultats sont fiables car même en intégrant de nouveaux
facteurs, ils restent stables.
Peut-on cependant distinguer réellement l’influence du marché boursier
de celle des banques ?
Pour voir si les marchés boursiers influence plus ou moins la croissance par rapport
aux banques, il faut affiner la recherche. Pour cela on distingue 4 groupes :
- Groupe 1 : Liquidité et développement bancaire au dessus de la moyenne.
- Groupe 2 : Liquidité supérieur à la moyenne mais développement bancaire en dessous.
- Groupe 3 : Liquidité en dessous de la moyenne et développement bancaire au dessus.
- Groupe 4 : Liquidité et développement bancaire en dessous de la moyenne.
Après analyse, on s’aperçoit que les états du groupe 1 sont ceux qui ont la plus forte
croissance. En outre, on peut aussi noter que même si seule une des deux composantes du
système financier est efficace, cela suffit à obtenir une croissance rapide. Ces deux
composantes ne devraient donc pas être analysées de façon concurrente mais de façon
complémentaire car les marchés stimuleraient la croissance via la liquidité et la diversification
des risques tandis que les banques agiraient davantage à travers la sélection et le contrôle de
leurs emprunteurs.
Le problème de la causalité.
L’étude empirique a pu démontrer la corrélation entre marchés financiers et
croissance, on n’en sait toujours pas plus sur le lien de causalité. C’est Rajan et Zingales qui
en 1988 vont lancer une étude pour prouver ce lien. Leur variable expliquée devient le besoin
de financement externe des entreprises et leur variable explicative, le niveau de
développement financier. L’avantage de leur étude est qu’elle veut prouver le lien de
causalité, non pas en observant une corrélation, mais en mettant en évidence le mécanisme par
lequel le secteur financier influe sur la croissance. Le résultat est qu’ils vont montrer que les
marchés financiers ont une influence positive sur la croissance. Par la suite, d’autres études
montreront que le système juridique influe sur le développement du secteur financier et donc
sur la croissance économique. En conséquence, toute modification gislative ou
réglementaire favorisant le développement du secteur financier devrait induire une
accélération de la croissance.
Conclusion.
Les analyses théoriques posent la question de la corrélation entre les marchés
financiers et la croissance économique. Les travaux empiriques démontrent que ce lien existe
sans résoudre pour autant le problème de la causalité. Les travaux plus récents tentent
d’apporter des preuves à ce niveau mais ne sont pas totalement convaincants car possèdent
quelques failles (même l’étude de Rajan et Zingales). Pourtant chacun apportent une pierre à
l’édifice et fait ressortir que les pays en voie de développement devraient libéraliser leur
marché ce qui rendrait plus liquide leurs marchés et qui, au vue des conséquences
précédentes, devrait augmenter leur croissance.
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