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Jeudi 14 Novembre 2013, 15h-16h30
Réformes économiques : quelles priorités ?
Présentation :
Les réformes structurelles ont pour objectif final de réduire les inefficacités de nos
économies et d’en permettre une croissance plus forte. Mais de telles réformes ont également
des effets collatéraux, notamment lorsqu’elles sont mises en œuvre dans des périodes
l’économie est fragilisée et ses ressorts ne sont pas ceux qu’on peut attendre en régime de
croisière.
De même, l’on sait qu’un système économique totalement efficace n’est pas gage
d’équité ni de clairvoyance sur les risques qui pèsent à court ou à long terme. Il peut être par
exemple utile de renoncer à une croissance maximale dans le scénario le plus plausible si c’est
le prix à payer pour se couvrir contre un risque. Le décideur politique doit avancer dans un
programme de réformes qu’il hiérarchise.
Quelles règles doit-il retenir, au-delà des aspects budgétaires, pour prioriser ces
réformes ? Comment doit-il articuler le court et le long terme et intégrer une logique
forcément multicritères ?
Table ronde retransmise samedi 16 Novembre (émission « On n’arrête pas l’économie ») sur
France Inter. Cette table ronde a été organisée dans un premier temps avec quatre intervenants
(Patrick Artus, Jean-Claude Mailly, Yannick Moreau et Jean Pisani-Ferry) puis un grand
témoin des Jéco (François Bourguignon) les a rejoints.
Modérateur : Alexandra Bensaïd (France Inter)
http://www.franceinter.fr/emission-on-narrete-pas-leco-reformes-economiques-quelles-
priorites
Jean Pisani-Ferry (Commissaire général à la stratégie et à la prospective)
Une réforme est nécessaire mais pas populaire, un peu comme un rendez-vous chez le dentiste.
Cela ne signifie pas forcément un changement radical mais des solutions pour répondre à un
dysfonctionnement. Deux volets : économique, social.
Jean-Claude Mailly (Secrétaire général de FO)
La crise peut être définie comme une période entre deux modèles. Par conséquent il faut des
réformes, cependant ce mot a une connotation négative (d’ailleurs on parle aussi de
contreréforme) car souvent il s’agit d’un recul des droits sociaux. Première priorité : une
réforme fiscale, deuxième réforme : le financement de la protection sociale collective
(sentiment que ce n’est pas équitable : exemple des entreprises qui échappent à l’impôt grâce
à l’optimisation fiscale). On doit aussi poser la question européenne, un pacte budgétaire
européen parce que la croissance est bloquée et que la déflation est là.
Yannick Moreau (Présidente de la Commission pour l’avenir des retraites)
Quand on parle de réformes, il ne faut pas oublier ce qui a déjà été fait (cf. retraites). Il faut
aussi distinguer ce qui dépend de nous et ce qui dépend de l’international. Il est important
qu’il y ait un commissariat général au plan qui propose des projets.
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Patrick Artus (Directeur de la Recherche et des Études Natixis)
Le débat pour mener ces réformes c’est la croissance de long terme. Le problème est l’érosion
de la productivité depuis 30 ans. Aujourd’hui, notre capacité à générer du progrès technique
est nulle. Il en découle une incapacité à financer la dépendance, les retraites, à se désendetter.
Le potentiel de croissance est compris entre 0,5 et 1, c’est trop faible pour se désendetter.
Pourquoi ce potentiel est-il si faible ? Car la France n’est pas attractive pour les
investissements d’où un capital technique vieillissant, une faible croissance. Il faut pouvoir
financer des investissements sophistiqués, hauts de gamme.
Jean-Claude Mailly
Attrait tout de même : les IDE.
Patrick Artus
IDE en France sont souvent (32 milliards d’euros sur 50) des flux de trésorerie des FMN.
Jean Pisani-Ferry
Des risques à prendre au sérieux. Exemple de l’Italie : aujourd’hui son niveau de PIB par
habitant est égal à celui de 1997. Mais il n’y a pas toujours un consensus sur la croissance :
effets négatifs sur l’environnement, décroissance. Il faut aussi reconstruire un consensus sur la
qualité de la croissance et ensuite déterminer d’où vient le manque de compétitivité. La
priorité dans les réformes ce sont les aspects économiques : capacités à recréer de la
croissance économique dans des secteurs exposés à la concurrence internationale.
Jean-Claude Mailly
Il existe des rigidités dans la zone euro : monnaie, contraintes budgétaires. Cela joue sur le
social : travailleurs détachés, dumping social. Quelles sont les marges de manœuvre ?
Patrick Artus
Depuis 20 ans l’essentiel de nos problèmes est un problème d’offre. Ainsi la production
industrielle a diminué alors que la demande augmentait et surtout les importations ont
augmenté. Depuis quelques années, on a déprimé la demande mais déjà avant notre système
productif n’était pas capable de répondre à la demande.
Jean Pisani-Ferry
Il faut aussi penser à une réforme du logement, c’est un des éléments de manque de
compétitivité par rapport à l’Allemagne.
Jean-Claude Mailly
Cette réforme du logement n’est pas encore votée. Par contre échec de réformes passées :
sécurisation de l’emploi notamment. Presque tous les syndicats européens se sont opposés au
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pacte budgétaire mais il y avait avant des problèmes dans l’industrie française (ex : pas assez
d’entreprises moyennes, trop de filières).
Patrick Artus
Manque d’attractivité en France malgré les CIR, les fonds de la BPI car la rentabilité est trop
faible à cause d’un coût du travail trop élevé notamment dans des secteurs exposés à la
concurrence étrangère. La réforme à court terme a pour sujet la compétitivité dégradée. Par
exemple, dans l’automobile les salariés espagnols coûtent 25 % de moins que les travailleurs
français. La priorité est de relancer les gains de productivité pour être attractif. Il faudra jouer
sur le temps de travail, la fiscalité, la négociation sur les salaires (au moins dans les
entreprises en difficulté).
Jean Pisani-Ferry
Il faut aussi revoir la formation professionnelle qui aujourd’hui ne bénéficie quasiment pas
aux chômeurs. De plus, parmi les salariés bénéficiaires de la formation professionnelle, on
trouve souvent les plus qualifiés.
Patrick Artus
Les réformes peuvent être favorables aux ménages, par exemple la réforme de la concurrence.
Il existe des réformes neutres en termes de répartition des revenus, ce n’est pas forcément des
revenus qui vont des ménages vers les entreprises.
Jean Pisani-Ferry
En effet, juste après la seconde guerre mondiale, on pensait qu’il s’agissait d’un jeu à sommes
nulles, cependant on peut sortir par le haut : croissance, redressement. Des sacrifices
temporaires permettent de dégager ce qu’il fallait pour investir. Il existe des problèmes
sérieux dans le système de formation : 140 000 jeunes (parmi une génération qui en compte
800 000) sortent du système éducatif sans qualification, en France la correction des inégalités
sociales est faible (cf. travaux des enquêtes PISA).
Yannick Moreau
La manière la plus efficace pour introduire des réformes est d’organiser des négociations
tripartites. Avec une croissance comprise entre 0 et 1 %, il faudra de nouveau réformer les
régimes de retraites car ils ne sont pas prévus pour une croissance aussi faible.
Jean-Claude Mailly
Les syndicats sont-ils conservateurs ? En période de crise c’est logique : l’action syndicale est
alors de la résistance. Pour la réforme de la formation professionnelle il faut aussi s’interroger
sur le rôle de l’État, c’est à lui de former les demandeurs d’emploi. Pour les résultats des
enquêtes PISA, il faut être vigilant, tenir compte des types de tests.
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Jean Pisani-Ferry
Nous sommes tous conservateurs : patronat, grands corps administratifs, hommes politiques,
syndicats. Pour introduire des réformes il faut aussi de la transparence.
Patrick Artus
Les experts sont là pour identifier des problèmes, et le choix des solutions relève des
négociations entre les partenaires sociaux.
François Bourguignon (Directeur de l’Ecole d’économie de Paris, ancien économiste en chef
de la Banque Mondiale)
Des réformes sont nécessaires puisque la France décline depuis 30 ans notamment par rapport
aux États-Unis, à l’Allemagne, au Royaume-Uni, à la Suède, aux Pays-Bas. Seule l’Italie a
une situation stable par rapport à la France. Il y aura des blocages car l’endettement devient
non viable, la crise en France et en Europe est sérieuse. A court terme, il y aura des gagnants
et des perdants, à long terme (mais cela ne se limite pas aux deux prochaines années) tout le
monde sera gagnant. La priorité porte sur les salariés : coût du travail, formation
professionnelle. En dépit des critiques que l’on peut faire aux enquêtes PISA, on ne peut pas
rejeter la très forte corrélation entre classement PISA et taux de chômage des jeunes.
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