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LA MODERNISATION POLITIQUE ET SOCIALE DE
L’EUROPE ET AUX ETATS-UNIS (1850-1914)
XIII. Le judaïsme européen face à la modernisation au
XIXème siècle
Caricature antisémite montre un renouvellement de l’antisémitisme qui, de religieux,
devient racial. Cela s’accompagne d’une transformation profonde du judaïsme européen.
L’égalité des droits des juifs avec les autres s’opère à partir de 1791 : affirmation de
l’individu par rapport à la communauté. L’alliance israélite est créée en 1860 en réaction à des
manifestations antisémites.
I.
La fragmentation du judaïsme européen
1. Les transformations démographiques et sociales
Très fragmenté, vers 1800 on a 3 millions de juifs, la quasi-totalité en Europe et
surtout à l’Est. Vers 1900, ils sont près de 9 millions dont 7 au centre et à l’est de l’Europe.
En Russie, il y a même un territoire où ils doivent résider, la Litwakie. Les juifs sont victimes
de ségrégation, c’est là qu’aura lieu l’extermination. Il y a un mouvement de surpopulation
avec la volonté (et la nécessité) pour les juifs de sortir de leur condition : on estime qu’il y a
200.000 conversions. Ainsi le poète Heinrich Heine se convertit au nom de l’assimilation. On
assiste également au développement de couples mixtes, et donc de sortie de la communauté
religieuse. L’émigration se développe : jusqu’en 1880, l’Europe centrale est une zone
d’immigration, puis le mouvement s’inverse vers l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis. Entre
1890 et 1914, 2,5 millions de juifs partent en majorité pour les Amériques.
Cela s’accompagne d’une dégradation des conditions de vie : le village juif (shtetl,
plusieurs shtetleh), essentiellement composé d’artisans, est un habitat spécifique isole du reste
des ruraux. Dans les villes, les juifs parlent une multitude de langues qui par la suite
donneront de nombreux artistes. Le multilinguisme est la règle dans les villes d’Europe
centrale : à 10 ans, l’écrivain Elias Canetti parle huit langues. Il y a donc des possibilités de
contact, en même temps que l’image du juif sans patrie (juif errant)
2. Une effervescence intellectuelle : la Haskalah
C’est l’équivalent des Lumières, elle va fonder les idées d’émancipation,
d’acculturation, d’assimilation. Les juifs s’ouvrent à des valeurs profanes. Quatre thèmes
clés : nécessité d’apprendre aux enfants juifs des disciplines profanes en plus de la maîtrise de
l’hébreu, et d’utiliser la langue du pays ou l’on vit, d’apprendre l’histoire du peuple juif. Cela
veut dire que l’identité juive n’est pas que religieuse, le peuple juif à une histoire des
croyances qui sont donc susceptibles d’évoluer. On peut donc transformer les rituels et les
pratiques. D’où le dernier point : adapter la religion juive au monde moderne. Le leader est
Moïse Mendelssohn qui est le premier à traduire la Torah (ancien testament) en allemand. Il
affirme également que les rabbins n’ont pas de pouvoir de police ou de droit dans la
communauté. Il y a donc sécularisation de l’autorité qui doit appartenir aux Etats :
subordination de la religion et donc transformation fondamentale de la hiérarchie des
pouvoirs.
En Europe de l’Ouest, le Haskalah prend la couleur de la recherche de l’histoire des
juifs à partir de 1830. Il s’agit d’appliquer aux textes juifs la critique historique, donc de
laïciser l’identité juive. Ainsi Heinrich Graetz publie l’histoire des juifs, toujours éditée. On
pose ainsi les bases d’une nationalité juive. La Haskalah veut aussi réformer la religion. Des
rabbins tentent de la faire entrer dans la modernité, en permettant par exemple les mariages
mixtes, ou en transformant les rituels tel que le passage du Sabbat au dimanche. Les œuvres
de la Haskalah sont traduites en yiddish et rendues accessibles à tous les juifs. En réaction,
notamment en Pologne, se développent des courants ultra-orthodoxes, tel que le mouvement
du Hassidisme qui estime que l’identité juive passe par le respect absolu de la Torah et du
Talmud.
II.
La situation des juifs face aux pouvoirs politiques
1. L’Emancipation : la reconnaissance des droits civils des juifs
La loi du 27 septembre 1791 fait de la France le premier pays à l’accorder.
L’Emacipation se répand avec les conquêtes, et cela aboutit en 1807-1808 du Grand
Sanhédrin (haute autorité juive, qui n’avait pas été réuni depuis le IIème siècle. Les rabbins et
les notables décident que le droit religieux juif est inférieur et donc soumis au Code Civil. Ce
décret va permettre une véritable assimilation, malgré le « décret infâme » (en vigueur
jusqu’en 1846) qui limite les droits des juifs en Alsace.
2. La mosaïque des situations en Europe
L’Angleterre mène une politique progressive : ce n’est qu’à partir de 1845 que les juifs
peuvent exercer tous les métiers administratifs. En 1868, Disraeli devient Premier Ministre et
met ainsi fin à la discrimination. Dans les Etats Pontificaux, le ghetto (inventé par Venise)
persiste à Rome et le seul métier autorisé est chiffonnier. L’affaire Edgar Mortara
(enlèvement d’un juif à ses parents) émeut l’opinion. Une campagne de presse se déchaîne en
Europe, symbolisant l’absence des droits pour certains juifs. Ils s’organisent alors avec
l’alliance israélite universelle qui doit améliorer la situation des juifs en Europe. Au
même moment, se développent des rumeurs antisémites : les juifs auraient sacrifié des enfants
catholiques. Cela provoque des massacres.
3. Les voies de la russification
C’est là que la situation est la pire. Dans les années 1825 – 1860, Nicolas Ier persécute
les juifs de l’Empire : obligation de la conscription (contradiction avec le « tu ne tueras
point »). Cette mesure entraîne des émigrations et des suicides. Egalement des taxes sur la
viande cachère, et l’interdiction des « papillotes » (coiffure en bouclettes). Cela s’accompagne
d’une politique de conversion. Il faut une autorisation pour publier des livres en hébreu, pour
quitter la zone de résidence… Cette politique est allégée par Alexandre II (suppression des
conversions forcées, assouplissement des droits de résidence). En 1863, la révolte des
Polonais est écrasée et le tsar favorise les juifs pour s’assurer leur appui, nombre d’entre eux
seront fonctionnaires dans les territoires occupés en Pologne. Les juifs seront perçus par les
polonais comme des oppresseurs, d’où antijudaïsme polonais. La relative tranquillité s’achève
en 1881 avec des persécutions violentes au nom de l’orthodoxie religieuse.
III. La lente constitution d’un nationalisme juif
1. Le développement de l’antisémitisme moderne
Le mot antisémitisme est inventé en Allemagne par Wilhelm Marr en 1879. Il se fonde
sur une adaptation de l’antijudaïsme à la pensée de la hiérarchie des races (darwinisme
social). Les seuls peuples qui n’ont pas de territoire sont les Tziganes et les Juifs, ils sont donc
inférieurs. Le juif n’est pas assimilable. Ce discours prend corps d’un point de vue
administratif en Russie en 1881 avec des « règlements pour résoudre la question juive » : en
chasser un tiers, tuer un autre tiers et convertir les autres. Les contraintes augmentent, la zone
de résidence diminue. Les pogroms se développent. En 1905 à Odessa, 1000 morts. Le
« protocole des sages de Son » imagine un complot des juifs pour conquérir le monde. En
France, c’est l’affaire Dreyfus qui devient en 1896 une affaire publique. De nombreux
pamphlets antisémites sont publiés.
2. Les voies de l’identité juive : le protosionisme
Des associations sont crées pour donner un Etat aux juifs. On songe à créer un Etats en
Amérique du Nord comme les Mormons, ou en Afrique (Madagsacar). Emergence également
l’idée d’un retour à Jérusalem, défendu d’abord par des linguistes (Eliézer Ben Yeoudah) qui
entreprennent de ranimer l’hébreu et de la rénover, pour avoir une langue commune. Le
premier centre culturel d’hébreu ouvre à Jérusalem, ainsi qu’une caisse chargée d’acheter des
terres dans l’Empire ottoman pour y installer les juifs russes. Ce sont les premiers courants de
migration.
3. Le sionisme de Théodore Herzl : une réaction à l’antisémitisme ?
Herzl est un journaliste bourgeois autrichien convaincu que l’assimilation est la
solution. Mais voyant l’Affaire Dreyfus, (très bien assimilé) il change d’avis et invente le
modèle sioniste : la nécessité de créer une patrie sur les territoires d’Israël autour de
Jérusalem. La conférence de Bâle est le premier congrès sioniste qui lance les bases, à partir
de 1896, de l’installation des juifs d’Europe sur les territoires palestiniens. On décide de
s’organiser en groupes de pression pour être représentatif, et de mobiliser les juifs d’Europe.
Conclusion :
Un mouvement contradictoire marqué par l’originalité : la soumission aux lois des
Etats. Développement d’un antisémitisme moderne qui entraîne le développement de la
question nationale juive.
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