II
Pour Sartre, l’existence est une plénitude d’être sans cause, ni raison, à
l’infini. Remplie d’elle-même, elle est opaque et Sartre la définit comme une
masse informe, uniforme, abjecte, alanguie, monstrueuse prête à tout happer sur
son passage. Elle est « de trop » et contingente. Elle se manifeste par une série
infinie d’apparitions. L’être de cet existant est ce qu’il paraît. Son apparence est
son essence.
Dans ce trop-plein d’être qui « s’épuise à être » surgit un néant d’être qui
arrive à l’être par la réalité humaine. Ce néant se saisit comme manque, absence
d’être et échec. Il cherche à atteindre l’être en se projetant sans cesse vers le
monde, mais il ne peut jamais coïncider, avec l’être : il ne peut être que
« présence à soi comme conscience de soi ». Il est condamné à être « dehors ».
Le rapport entre la conscience et le monde est un rapport nécessaire car
« sans le monde la conscience serait conscience de rien », de même que sans la
conscience, le monde n’aurait pas de « présence réelle ». Effectivement, c’est la
conscience qui sort le monde de l’oubli. C’est elle qui confère « son unité et son
sens de monde » à ce monde qui existe préalablement comme un chaos
indifférencié
Parallèlement, le monde découvert par la conscience révèle celui qui le
dévoile : nous nous choisissons lorsque nous choisissons le monde dans sa
signification en choisissant librement parmi les possibilités infinies qui hantent le
monde et « le monde nous apparaît nécessairement comme nous sommes ».
Par ailleurs, la perception, l’action et la situation nous indiquent que nous
ne sommes pas pure conscience mais que nous existons aussi comme corps au
milieu du monde.
III
« Toute technique romanesque renvoie à la métaphysique du romancier »,
affirme Sartre.
Il explore donc les diverses possibilités que lui offrent les techniques
narratives existantes, les affine, et il s’inspire également des procédés utilisés au
cinéma afin de rendre compte aussi précisément que possible de sa vision de
l’homme et du monde. Ainsi, se dégagent notamment sa conception de la liberté,
de la souveraineté de la conscience, des types de rapports qu’elle établit avec le
monde ainsi que de la contingence de l’existence. Le monde dans lequel évoluent
les personnages est toujours vu dans ses rapports avec les personnages, l’action,
le temps. Il est doté de valeurs subjectives, affectives, imaginaires, qui peuvent