C O M M E N T C O M P R E N D R E L E S N OU V E AU X D I S P OS I T I F S D E F O R M A T I ON ? Bernadette Charlier, inAlava (ed). Cybersepace et autoformation, Bruxelles, De Boeck, 2000 I. INTRODUCTION : A LA RECHERCHE D’AXES DIRECTEURS Quels points communs peut-il y avoir entre un dispositif d’autoformation assistée à distance pour travailleurs adultes et un dispositif de support à l’apprentissage collaboratif pour futurs enseignants ? Une réponse simple mais qui cache bien des complexités serait de suggérer quatre termes communs : dispositif, apprentissage, technologies et changement. Nous y reviendrons. Mais tout d’abord, pourquoi se poser la question ? Chaque dispositif n’a-t-il pas ses caractéristiques propres liées au contexte organisationnel dans lequel il est construit, mais aussi aux acteurs qui le vivent et aux projets qu’il mobilise. Vouloir rechercher les dimensions communes à des dispositifs aussi différents ne serait ce pas commettre une lourde erreur : privilégier le pédagogisme (Carré 1997) en faisant abstraction du contexte, tout comme du sujet, et en recherchant le dispositif médiatique infaillible. On l’aura compris, nous voudrions tenter d’éviter ce piège. Notre approche du concept de dispositif nous y aidera. Nous voudrions plutôt contribuer à une meilleure compréhension des dispositifs qu’en tant que conceptrice ou évaluatrice nous contribuons à créer, animer ou évaluer. L’approche adoptée est constructiviste. Elle se fonde sur l’expériences des dispositifs par leurs acteurs. Elle inscrit ces expériences dans leurs contextes technicopédagogique et organisationnel. Ainsi, en analysant les deux dispositifs décrits dans cette communication, nous avons identifié des axes communs qui peuvent contribuer à mieux comprendre les dispositifs de formation du cyberespace. S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 1 II. DISPOSITIF, APPRENTISSAGE, TECHNOLOGIES ET CHANGEMENT : PREMIERS AXES COMMUNS II.1. DISPOSITIF Si le colloque interdisciplinaire : « Dispositifs et Médiation des Savoirs » (UCL 1998) a mis en évidence la diversité des significations accordées au mot dispositif, il a cependant permis d’identifier quelques traits communs partagés par plusieurs auteurs. Ainsi (Berten, 1998) considère le dispositif comme un espace intermédiaire de médiation entre un sujet porteur d’une intention et un environnement dynamique, l’objet de cette interaction sujetenvironnement étant la construction de connaissances. Jacquinot (1998), quant à elle, propose plusieurs significations possibles du mot, tout en reprenant notamment l’acception proposée par Berten - le dispositif comme lieu d’interaction - elle insiste sur l’intégration de la notion d’usager et de ses divers états possibles dont celui de co-constructeur de savoirs. Quant à Linard (1998), elle exprime une approche du dispositif qui nous paraît intégrer les précédentes Fondé sur la mise en système des agents et des conditions d’une action, un dispositif est une construction cognitive fonctionnelle, pratique et incarnée. Il présuppose quelqu’un derrière la représentation préalable de l’effet visé et une logique de type dramatique qui combine la mise en scène des protagonistes, des rôles et des circonstances avec les règles de déroulement de l’action. Il se situe à l’opposé de l’opération informationnelle, définie comme traitement logico-symbolique de données abstraites hors-sujet et hors-interaction » (Linard 1998) Ces visions du dispositif rejoignent celle que nous avons adoptée avec Evelyne Charlier (Charlier 1998). Ainsi, nous définissons le dispositif de formation dans une perspective constructiviste c’est-à-dire une perspective intégrant le sujet lui-même et sa propre expérience de la formation. Dans cette perspective, l’expression formation renvoie à la partie émergée d’un iceberg : un lieu, un espace, des objectifs, des formateurs, des apprenants. En fonction S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 2 de variables immergées et de leurs articulations, à un moment donné, ces réalités prennent un sens particulier pour les différents acteurs qui les vivent : formateur, apprenant, gestionnaire. Plus particulièrement, trois ensembles de variables entrent en jeu : * Des variables individuelles concernant des caractéristiques du sujet avant ou en dehors de la situation d’apprentissage : le parcours professionnel, l’étape de carrière, ses compétences méta-cognitives ; * Des variables relationnelles construites dans l’interaction du sujet avec l’environnement : son projet d’apprentissage, le but qu’il poursuit en venant en formation, sa représentation de l’efficacité de la formation et de sa propre pratique ; * Des variables de l’environnement intégrant les lieux d’apprentissage et de travail, l’ouverture de l’environnement sur des ressources externes, les formateurs comme gestionnaires de la formation, le projet pédagogique de l’institution de formation mais aussi les usages du cyberespace (les niches comme dirait Peraya). C’est la nature des articulations entre ces variables et leur intégration dans un contexte organisationnel qui déterminent, à un moment donné, la signification accordée par chaque acteur à la formation et - in fine - son expérience d’un dispositif de formation significatif. Ainsi, c’est en décrivant l’expérience singulière d’une formation par ses différents acteurs que nous tentons d’appréhender le dispositif de formation dans toute sa complexité. Cette approche suppose également qu’un dispositif change, évolue au cours du temps. Avec (Vizcarro 1998) nous retiendrons, pour analyser l’histoire d’un dispositif, les cinq étapes suivantes : conditions préalables, conception du dispositif, mise en oeuvre et régulation, évaluation des apprentissages et évaluation du dispositif. S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 3 II.2. APPRENTISSAGE Au cœur des dispositifs de formation, tels que nous les définissons se trouve un autre terme commun : l’apprentissage. En continuité avec l’approche du dispositif de formation que nous venons de suggérer et avec (Linard 1994) nous interprétons l’acte d’apprendre comme : la quête1 individuelle d’objets particuliers, les objets de connaissances, de la part d’acteurs-sujets en situation évolutive d’interaction polémico-contractuelle (Linard 1994) Ainsi nous analysons l’apprentissage en adoptant le point de vue du sujet, quel sens et quelle signification un sujet accorde-t-il dans un contexte social et technologique donné à son apprentissage (ce que nous avons appelé les conceptions de l’apprentissage (Charlier 1998)). Cette prise en compte du point de vue du sujet permet de tenir compte des différences individuelles : différence dans l’histoire (variables individuelles) et différences dans les projets et les représentations des situations particulières de formation et de pratique (variables relationnelles). II.3. TECHNOLOGIES Dans ce cadre, les ressources offertes par le cyberespace sont utilisées comme supports à l’apprentissage individuel et collectif. Leurs usages nécessitent la gestion d’outils et de méthodes pouvant apparaître paradoxales (Bonamy 1995). En effet, ils combinent notamment : individus et groupes ; médiatisation et médiation ; flexibilité et planification. Ainsi, ces usages peuvent tenir compte des apprenants individuels et de leurs caractéristiques propres (conceptions de l’apprentissage, motivation, expertise,...) mais aussi des groupes d’apprenants (cohésion, objectifs, culture professionnelle,..). 1 Cette quête peut être décrite et analysée en utilisant le modèle actanciel de Greimas (Linard 1994) et (Charlier 1998). S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 4 Comme le rappelle D. Peraya dans cet ouvrage, ces usages supposent non seulement un processus de médiatisation mais aussi un processus de médiation qui implique les interactions humaines de façon par exemple à aider les apprenants à s’exprimer, à négocier ou à résoudre des conflits socio-cognitifs (Linard 1994). Enfin, si un planning rigoureux est rendu nécessaire par la maîtrise indispensable de technologies de plus en plus complexes, parallèlement une flexibilité est requise pour réaliser - juste à temps - les ajustements nécessaires des usages aux besoins des usagers et des groupes d’usagers. Il s’agit de maîtriser le processus de production et de formation dans sa globalité et donc de mettre en place un dispositif de régulation susceptible d'ajuster les moyens, de faciliter la modification des pratiques ou encore de modifier les objectifs. II.4. CHANGEMENT Dans ces dispositifs de formation, le changement se situe au moins à deux niveaux. A un premier niveau, c’est l’organisation elle-même qui pourrait se trouver transformée. Il est possible bien sûr que rien ne change. C’est souvent ce que l’on observe dans les établissements d’enseignement (de l’école à l’université) dans lesquels les usages éducatifs des TIC sont (lorsqu’ils existent) juxtaposés aux usages traditionnels (Imbert 1995) et (Duchâteau 1996). Mais, il est également possible que tout change. Ainsi, apprenants et formateurs peuvent être appelés à participer à la conception et à la régulation des usages. De nouvelles fonctions (tuteurs, modérateurs, concepteurs pédagogiques,...) peuvent voir le jour et se trouver valorisées. A un second niveau, comme le montre S. Pouts Lajus (cet ouvrage) c’est l’organisation elle-même qui sera dynamique et apprendra collectivement. C’est en utilisant ces quatre axes que nous décrirons les deux cas choisis pour ensuite en rechercher des points communs. Nous décrirons chaque dispositif tel qu’il est perçu par les S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 5 concepteurs et les formateurs d’une part et par les apprenants d’autre part en portant une attention particulière à leur vision de leur apprentissage. Nous chercherons également à identifier le rôle particulier joué par les usages des technologies et nous situerons les deux dispositifs analysés dans une dynamique de changement. III. PREMIER CAS : D’UNE AUTOFORMATION ASSISTEE EN CENTRE DE RESSOURCES A UNE AUTOFORMATION ASSISTEE A DISTANCE III.1. CONTEXTE Ce premier cas concerne l’adaptation de l’offre de formation d’un centre d’autoformation assistée pour travailleurs FORESPACE2 en réponse à un double besoin des travailleuses et des travailleurs lié au développement des TIC : maîtriser de nouvelles compétences et acquérir ces nouvelles compétences sur le lieu de travail ou à domicile. Un projet pilote expérimente cette double transformation du contenu des formations et du dispositif par la conception et la mise en œuvre d’un cours à distance dans le domaine des télécommunications. Dans notre recherche d’axes communs à des dispositifs de formation, ce cas permet de souligner particulièrement des variables qui concernent les deux premières étapes de la vie d’un dispositif : conditions préalables et conception du dispositif. III.2. LE POINT DE VUE DES ACTEURS * Les apprenants * L’offre de formation à distance modifie-t-elle la question de la motivation ? FORESPACE, Centre d’auto-formation assistée, Institut Bruxellois Francophone pour la Formation Professionnelle (I.B.F.F.P.) 2 S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 6 Les apprenants expriment unanimement un besoin de maîtrise de Technologies de l’Information et de la Communication en réponse à une évolution de leur situation professionnelle. Ils veulent par exemple, être capable de créer leur page WEB ou de réaliser une recherche méthodique sur Internet. A ce niveau, c’est la nécessité d’une articulation entre le but poursuivi par l’apprenant en formation (qu’il s’agisse d’un projet professionnel ou personnel) et l’offre de formation qui paraît essentielle. * L’offre de formation à distance modifie-t-elle les compétences méta- cognitives nécessaires ? Dans la littérature relative à l’autoformation, l’apprenant est perçu comme une personne associant de nombreuses qualités. Ces qualités s’organisent en deux grandes catégories (Carré 1997) : des dispositions motivationnelles : goût, désir, volonté, choix, initiative, autodétermination, persistance ; des compétences métacognitives (auto-organisation, raisonnement, créativité, capacités d’apprentissage, de planification). Ces compétences sont caractérisées par leurs aspects réflexifs (auto-organisation, auto-orientation, auto-évaluation, connaissance de soi, ...). Ainsi, certaines personnes seraient davantage préparées à entrer dans une démarche d’autoformation. Elles auraient notamment développé une image positive d’elles-mêmes et se sentiraient capables d’affronter des situations nouvelles dans lesquelles, elles seront éventuellement mises en question. La distance n’enlève rien à ces exigences, au contraire. Là aussi les compétences métacognitives sont nécessaires. A nouveau, elles doivent sans doute être adaptées en fonction du nouvel environnement dans lequel sera plongé l’apprenant à distance, par exemple, gérer sa navigation sur le site et plus largement sur Internet. A ces compétences s’ajoutent des compétences liées à l’aphabétisation informatique. C’est-à-dire à une maîtrise S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 7 des outils informatiques exploités par le dispositif. Ces exigences de l’autoformation à distance sont fortement ressenties par les apprenants, lorsqu’ils disent : il faut une certaine débrouillardise. Une certaine autonomie. Si on a besoin d'être encadré partout et tout le temps il ne faut pas venir. C'est de l'autoformation. Il y a un concept qui n'est pas évident pour tout le monde. Pour moi, cela m'a réussi. Pour d'autres, c'est plus difficile. Par ailleurs la nécessité d’une alphabétisation informatique peut paraître paradoxale. Puisque pour avoir accès une autoformation à distance à propos du cyberespace, il faut déjà le connaître ! A cet égard, un stagiaire propose un scénario qui répond bien à la proposition de (Poisson 1997) : « l’autonomie est un objectif, pas un prérequis ». Si je pars du principe que je souhaite apprendre (évoluer) et que je souhaite faire cette autoformation de mon domicile, la première démarche serait d'abord de venir ici et avec un moniteur, apprendre à conduire. * Les formateurs * Quelles sont les modifications apportées par la distance ? En ce qui concerne les ressources pédagogiques, les changements apportés par la distance et son support technologique seraient l’intégration des ressources (papier, EAO, accès à une personne ressource) en un seul environnement multimédia intégrant : textes, images, sons et communications. A cette transformation s’ajoute une capacité nouvelle du dispositif à établir des communications, des échanges, des coopérations entre apprenants. Selon les formateurs, ces deux transformations nécessitent une analyse et une réelle adaptation des ressources existantes afin d’éviter que l’éventuelle avancée technologique ne se traduise en un déficit pédagogique. En ce qui concerne leurs propres rôles, si les formateurs s’imaginent difficilement quel pourrait être leur rôle de médiateur à distance, ils S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 8 soulignent bien la nécessité de se former. Enfin, ils envisagent un nouvel apport du passage à la distance, il s’agit de leur plus grande participation à la conception et à la régulation du dispositif . * L’institution * Quelle nouvelle gestion du dispositif ? Dans une logique d’offre de service, apprenants et formateurs peuvent participer à la conception et la régulation du service. Cette approche pour une ingénierie participative de la formation est proposée par (Bonamy 1998). Ainsi, les formateurs peuvent être appelés à participer à la conception et à la réalisation des ressources par : leur participation aux communications avec les apprenants (forum, mail,..) ; leur participation à l’écriture des usages informationnels du (présentation des cours, auto-présentation, présentation des ressources) ; leur collaboration au développement de produits multimédias interactifs. * Quelle transformation des missions ? Pour le centre d’autoformation, le choix de la distance peut constituer un risque : privilégier les privilégiés, c’est-à-dire les « s’autoformants, performants et autonomes » (Poisson 1997). C’est pour éviter ce risque que les gestionnaires du dispositif envisagent de maintenir deux offres en parallèle : le centre de ressource et l’offre d’autoformation assistée à distance. III.4. PREMIERE ANALYSE, PREMIERS AXES Ce premier cas permet d’examiner plus particulièrement les variables qui concernent les deux premières étapes de la mise en place d’un dispositif : conditions préalables et conception du dispositif de formation. * Conditions préalables S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 9 - Adaptabilité du dispositif : réponse aux attentes produites Le choix d’offrir un dispositif de formation intégrant des usages du cyberespace est souvent lié à la pression de l’environnement : évolution des ressources offertes par les technologies et transformations concomitantes des besoins de formation. Si une condition préalable à la mise en œuvre de cette offre semble être une politique institutionnelle forte qui soutienne le changement et crée à la fois l’infrastructure technologique nécessaire et les conditions d’une participation des acteurs à l’innovation (Vizcarro 1998), l’anticipation des exigences suscitées par la nouvelle offre de formation nous paraît tout aussi nécessaire. Dans le cas de l’offre d’autoformation à distance, le principal besoin suscité est sans doute celui de flexibilité. Il s’agit d’obtenir une réponse à son besoin de formation quand et où le stagiaire le souhaite. On rejoint le concept de « Just In Time Open learning » testé dans un projet Européen du même nom (Lewis, 1995). La réponse à un tel besoin suppose : une activité de recherche-développement permanente qui analyse les besoins des apprenants, conçoive et réalise les modules de cours et les adapte ainsi que la formation et l’animation d’une équipe de tuteurs. - Analyse des conditions d’accès aux ordinateurs Cette condition d’accessibilité aux ressources est largement mentionnée dans la littérature. Cependant, le risque est grand de la laisser à la seule responsabilité de l’apprenant. Dans le cas décrit, l’apprenant devrait pouvoir accéder aisément à un ordinateur muni d’un modem pour la connexion Internet. Il devrait pouvoir télécharger certaines parties du cours pour limiter l’investissement financier et bénéficier d’une préparation technique et méthodologique préalable. Selon sa manière d’apprendre, l’apprenant devrait, en outre, accéder à la formation, à sa meilleure convenance, à son domicile, sur son lieu de travail ou au centre de ressource. S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 10 - Anticipation des changements organisationnels L’institution reconnaît-elle la nécessité du changement ? Si oui, cette représentation est-elle partagée ? Dans quelle mesure les uns et les autres acceptent-ils de revoir par exemple le rôle joué par les formateurs et par les apprenants ? Face à la diversité des représentations du changement fréquemment rencontrée, nous rejoignons (Vizcarro 1998), lorsqu’elle suggère la mise en œuvre concomitante de deux stratégies : supporter activement les initiatives et prendre des mesures pour rendre le changement moins menaçant. Nous ajoutons que, selon nous, les efforts produits pour rendre le changement moins menaçant passent par une description et une analyse de ceux-ci avec les acteurs concernés. - Adéquation des nouveaux usages aux objectifs de l’organisation Enfin l’examen de l’adéquation des usages du cyberespace aux objectifs de l’organisation nous paraît une dernière condition préalable. Ces usages transforment la manière dont l’organisme de formation exerce ses missions. Si des valeurs ajoutées sont attendues de ces nouveaux usages, des risques existent, notamment celui de privilégier un public de privilégiés. * Conception du dispositif - Prise en compte des différences individuelles : diversification de l’offre et préparation des apprenants La prise en compte des différences individuelles est sans doute une possibilité offerte par les TIC. Selon nous, il s’agit d’une nécessité. En effet tout en offrant la flexibilité et la réponse à des besoins immédiats de plus en plus souvent réclamées par les entreprises et les individus, l’usage des TIC introduit des barrières : exclusion des apprenants non suffisamment autonomes ou ayant une orientation d’apprentissage externe et exclusion des apprenants non alphabétisés en informatique ou n’ayant pas les moyens financiers suffisants pour s’offrir un ordinateur. Pour prendre en compte ces différences, plusieurs possibilités S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 11 sont offertes : proposer un dispositif de formation hybride associant l’accès à des centres de ressources et le travail à distance (Perriault 1996) ; réaliser une préparation des apprenants tant au plan pédagogique que technologique ; prévoir l’accompagnement par des tuteurs qui réalisent un suivi individuel. Enfin, chaque apprenant expérimentera le dispositif à sa manière. Son apprentissage deviendra significatif, lorsque les activités d’apprentissage qui lui sont offertes permettent de rencontrer le but qu’il poursuit. C’est pourquoi la conception du dispositif devra anticiper la manière dont celui-ci pourra répondre aux besoins des apprenants et s’ajuster à leur évolution. - Anticipation des procédures de médiatisation Il s’agit d’analyser comment les ressources pédagogiques existantes (ouvrages, accompagnement des formateurs) pourront être médiatisées. A nouveau le risque existe de mettre en œuvre une simple transposition d’un média à l’autre : transformer un syllabus en pages HTML, remplacer une communication en présentiel en communication on-line. Or, ces transpositions transforment le contenu des communications. De plus, elles exploitent plus ou moins bien les ressources spécifiques offertes par le multimédia. Une démarche d’ingéniérie pédagogique doit explicitement être mise en œuvre à ce niveau. Enfin, cette démarche devrait, selon nous, se fonder sur une (ou des) approche(s) de l’apprentissage explicitement formulées. - Préparation des formateurs Si la préparation des formateurs peut être technique, curieusement, comme l’a montré l’analyse de cas qui précède, un des changements fondamentaux ne se situe peut-être pas là : il consiste plutôt dans leur participation à la mise en œuvre de l’ensemble du dispositif : conception, réalisation et évaluation. A cet égard, nous pensons qu’une préparation efficace pourrait être l’implication des formateurs et des futurs formateurs dans une expérience d’apprentissage avec les TIC et une analyse de cette expérience. C’est ce que nous avons tenté de faire dans le second cas que nous proposons à S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 12 présent. Ce cas nous permettra d’approcher davantage les variables qui touchent à la mise en œuvre d’un dispositif et à sa régulation. IV. DEUXIEME CAS : UN RESEAU DE SUPPORT A L’APPRENTISSAGE COLLABORATIF POUR LA FORMATION DES ENSEIGNANTS IV.1. CONTEXTE LEARN-NETT, projet interuniversitaire3 vise à préparer de futurs enseignants à utiliser les services télématiques pour l’éducation et la formation en les impliquant dans une expérience d’apprentissage collaboratif avec ces nouveaux services et en menant avec eux une analyse de cette expérience. Concrètement des groupes d’enseignants composés de participants des institutions partenaires ont accès à distance depuis leur domicile ou, le plus souvent, depuis les centres de ressources des universités aux ressources humaines (chercheurs, professeurs, futurs enseignants et enseignants) et matérielles (ressources bibliographiques, logiciels, forums de discussions,..) partagées par les universités et présentées sur un site WEB commun. La conception du projet est fondée sur une approche de l’apprentissage de l’enseignement et des conditions de formation qui peuvent y contribuer. Ainsi, on considère que l’apprentissage de l’enseignement fait intervenir notamment un processus de construction de connaissances par l’interaction avec des collègues et par un processus de réflexion sur l’action (Charlier 1998). Dès lors, plutôt que de former les enseignants à des usages pédagogiques du cyberespace qui sont encore très souvent à construire, le projet fait vivre aux LEARN-NETT 1997-1998, associe des chercheurs et enseignants de l’ULG, l’UCL, l’ULB, L’UMH, des FUNDP et du SEAD (Balencourt, D., Charlier, B., Cheffert, J-L. , D’hautcourt, F., Docq, F., Donnay, J., Daele, A., Denis, B., Depover, C., Deschryver, N., Lammé, A., Lebrun, M., Leclercq, D., Lobet, V., Peeters, R., Pirlet, M., Reynhout, L., Vasterstavendts, G) Coordonné par le Département Education et Technologie des FUNDP, B. Charlier, ce projet est soutenu par le Service d’Enseignement à Distance de la Communauté Française de Belgique (SEAD) et par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de la Communauté Française de Belgique. 3 S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 13 futurs enseignants une expérience d’apprentissage durant laquelle ils peuvent interagir avec leurs collègues, construire ensemble des pratiques pédagogiques et réfléchir tant sur leurs réalisations que sur les démarches d’apprentissage qu’ils ont eux-mêmes mises en œuvre. Ce faisant, on pose l’hypothèse que les futurs enseignants développeront des compétences de collaboration et d’usages du cyberespace qui contribueront à leur développement professionnel et qui favoriseront, à terme, l’insertion de ces usages dans leurs pratiques pédagogiques. VI.2. LE POINT DE VUE DES ACTEURS4 * Les étudiants Quel sens l’expérience proposée peut-elle avoir ? La conception pédagogique du dispositif prévoyait deux modalités d’expression des intérêts des étudiants pour l’expérience : les échanges dans un forum (nommé comme le veut la tradition : « café ») et l’écriture par chaque étudiant d’une page personnelle. A l’analyse, ce qui frappe d’emblée est la diversité des attentes et leur nature. Certains étudiants trouvent dans LEARN-NETT l’occasion de réaliser des projets personnels très concrets. D’autres, cherchent un contact, une communication. Enfin, certains étudiants trouvent l’occasion de valoriser leurs propres compétences : qu’il s’agisse de la maîtrise d’une discipline ou des technologies. La prise en compte de l’expression de ces intérêts a permis la constitution des groupes. Dans certains cas, diversité des intérêts et des compétences ont pu constituer des facteurs de réussite d’un apprentissage collaboratif et dans d’autres cas, une entrave. Nous y reviendrons. Concernant les attentes des étudiants, deux aspects déjà identifiés dans le cas Les données exploitées dans le cadre cette analyse de cas sont les échanges réalisés au cours de plusieurs forums électroniques, les échanges tuteurs-étudiants, les carnets de bords réalisés par des étudiants et les tuteurs et les réponses à un questionnaire ouvert d’évaluation finale. 4 S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 14 précédent doivent être soulignés. Il s’agit de la nécessité pour les concepteurs du dispositif de se préparer à répondre aux attentes produites et de prendre en compte les différences individuelles (tant en ce qui concerne les attentes que les compétences). Cette notion d’adaptabilité du dispositif aux attentes individuelles tranche nettement avec les curriculums de formation universitaires traditionnels pour lesquels il y a, le plus souvent, définition unilatérale d’objectifs d’apprentissage et évaluation de ceux-ci. * Quelles sont des conditions d’un apprentissage à distance et en particulier d’un apprentissage collaboratif ? 5 - Conditions individuelles Les conditions d’accès aux ordinateurs et de préparation technique et pédagogique déjà soulignées à l’occasion de l’analyse du cas précédent sont évidemment toujours d’application. En ce qui concerne la préparation technique, elle constitue (malgré une phase préparatoire prévue au préalable) l’objet central des préoccupations de la plupart des étudiants et ce tout au long de l’expérience. Ainsi, la conception d’un dispositif de formation à distance doit nécessairement inclure le développement des compétences nécessaires à l’usage des outils mis à la disposition des étudiants. Selon nous, cette formation technologique peut constituer un des objectifs de formation (parmi d’autres) et être reconnu comme tel. En outre, assurer un accompagnement technique des étudiants tout au long de la formation leur permet de réaliser ces apprentissages de manière fonctionnelle (en réponse à une demande spécifique). Enfin, la préparation pédagogique et plus particulièrement le développement des compétences de communication et de collaboration apparaît indispensable. Parmi celles-ci, les étudiants identifient les compétences suivantes : gérer son temps ; exprimer précisément 5 Une analyse détaillée du processus d’apprentissage collaboratif d’un groupe est proposée dans (Charlier 1998) S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 15 ses intérêts ; comprendre le point de vue des autres ; s’exprimer par écrit dans le forum ou par e-mail ; chercher par soi même une information, une référence ; adapter son mode d’expression au média utilisé (forum, chat, e-mail..) ; se situer par rapport aux autres (reconnaître ses propres compétences, celles des autres) ; tenir ses engagements. A nouveau, il nous semble que le développement de ces compétences doit être considéré comme un objectif et non un prérequis. Les usages du cyberespace peuvent modifier les objectifs poursuivis. Cette adaptation inclut notamment la reconnaissance et la valorisation des compétences nécessaires à l’usage des technologies elles-mêmes pour apprendre. Cette reconnaissance passe par l’investissement temporel nécessaire et peut-être dans un contexte universitaire, par une certification. - Conditions collectives Des référentiels théoriques proposés par (Koschmann 1996) et par (Lewis 1996) et de notre propre expérience dans LEARN-NETT, nous retenons quelques conditions favorables à un apprentissage collaboratif à distance 6 : la composition des groupes, la reconnaissance d’une communauté de pratiques, la définition de la tâche et l’usage des technologies comme support à l’apprentissage collaboratif. Ces quatre conditions sont interprétées en référence aux travaux s’inscrivant dans la tradition des théories de l’activité qui intègrent l’intention d’apprendre (et donc le (les) sujet(s) et son (leurs) projets) et l’expérience liée à l’action. Comment l’expérience d’un projet mené en groupe qui peut susciter des apprentissages non délibérés (par l’expression de représentations, le conflit sociocognitif, l’assimilation de connaissances nouvelles partagées par des pairs ou trouvées dans la littérature) peut-elle mener à un apprentissage intentionnel (reconnu comme tel) ? Avec R. Lewis (1996) nous différencions collaboration et coopération. La coopération est réalisée par un groupe d’acteurs qui acceptent de se supporter mutuellement dans la poursuite de leurs buts personnels. La collaboration suppose la poursuite par un groupe d’acteurs d’un but commun (ce qui n’empêche nullement, à certains moments, le partage de tâches). 6 S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 16 - La composition des groupes le concept de « zone proximale de développement » développé par Vygotsky permet de mieux comprendre le rôle de la composition du groupe dans l’apprentissage collaboratif. Il attire, en particulier, l’attention sur la distance optimale devant exister entre le niveau de compétence d’un participant et celui des ses pairs. Concrètement, un groupe devrait dès lors être constitué de personnes partageant un ensemble de compétences communes (« une communauté de pratiques ») mais pouvant par leurs différences s’apporter mutuellement un appui dans la réalisation de tâches nouvelles. Ainsi, les étudiants de LEARN-NETT participent chacun dans leur université à une formation initiale les préparant à l’enseignement. Cependant, leurs disciplines d’origine divergeaient (certains sont spécialistes en biologie, d’autres en droit et d’autres encore en sciences de l’éducation ou en communication sociale). Enfin, certains sont informaticiens et d’autres ont peu ou pas du tout d’expérience dans l’usage d’un ordinateur. Cette diversité peut constituer une source d’apprentissage pour autant que les différences entre les étudiants d’un même groupe ne soient pas trop grandes. - La reconnaissance d’une communauté de pratique Le terme communauté va au delà de l’existence de points communs. Il suppose, d’une part, qu’il existe un sentiment partagé d’appartenir à un groupe et d’autre part, que les compétences des uns et des autres soient valorisées. - La définition de la tâche Le modèle hiérarchique de l’activité humaine proposé par Léontiev et repris par (Linard 1995) permet de préciser trois niveaux de définition de la tâche commune au groupe. Le premier niveau est celui de l’intention, de la projection individuelle et collective dans le futur. A ce niveau, c’est l’articulation entre les projets individuels et collectifs qui doit être examinée avec soin. Le deuxième niveau est celui de l’organisation, de S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 17 la planification du travail en un ensemble de sous-buts. A ce niveau, il peut y avoir répartition du travail entre membres du groupe et décision de procédures. Le troisième niveau est celui de l’action concrète. La première étape est souvent vécue comme trop longue pour la plupart des participants. A ce stade, le choix d’un moyen de communication synchrone peut faciliter le travail. La seconde étape, l’organisation a souvent été prise en charge par le tuteur ou par un des leaders du groupe. A ce niveau et selon les étudiants les groupes les plus performants sont ceux pour lesquels le tuteur est intervenu systématiquement au niveau de l’organisation. La troisième étape (la mise en œuvre de la tâche) pose moins de problème pour autant que chacun respecte les engagements pris. A ce niveau, la persistance dans la réalisation des tâches peut parfois être mise en péril par le degré de priorité accordée par l’étudiant (cf. premier niveau : intention) à la tâche collective. Cette valeur accordée à la tâche est, ellemême, associée, dans un contexte académique, à sa prise en compte dans l’évaluation. - Les usages des technologies Les technologies peuvent favoriser la mise en œuvre d’un apprentissage collaboratif à distance, pour autant que les outils adéquats soient utilisés au bon moment. En effet, en faisant référence aux niveaux d’une tâche tels que décrits précédemment, il est possible avec (Lewis 1996) de rechercher les technologies qui seraient les plus adéquates. Pour le premier niveau, celui de la définition d’un projet commun, le choix doit se porter sur le média le plus riche possible, c’est-à-dire un média assurant un feedback immédiat, permettant différentes formes d’expression (verbale et non verbale), différents types de langages (textes, graphiques, images) ainsi que l’expression d’émotions et de sentiments. Les réunions en présentiel lorsqu’elles sont possibles sont évidemment les plus adéquates. Lorsqu’elles ne sont pas possibles on choisira une vidéo-conférence ou un logiciel de communication synchrone. Ainsi, plusieurs étudiants de LEARN-NETT ont pu expérimenter un logiciel de conversation synchrone ou se rencontrer en face à face et ont S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 18 souligné tout le bénéfice qu’ils ont tiré de ces rencontres pour la définition de leur projet commun. * Les formateurs Quel sens l’expérience proposée peut-elle avoir ? - Analyse des nouveaux rôles La conception du dispositif de formation prévoyait le mise en œuvre de nouveaux rôles par les formateurs. Il s’agissait des rôles d’animateur, de tuteur et de modérateur. Ces rôles étaient définis comme suit : les animateurs accompagnent les étudiants de leur université. Ils interagissent avec ceux-ci en « face-à-face ». Les tuteurs accompagnent les groupes de travail composés d’étudiants d’universités différentes. Ils interagissent avec ceux-ci principalement à distance. Les modérateurs animent les forums de discussion. Les analyses menées par les animateurs eux-mêmes soulignent la diversité des tâches mises en œuvre par ceux-ci et leur importance. Elles couvrent tout à la fois le suivi technique des étudiants (évaluer les compétences techniques de chacun, évaluer les possibilités d’accès de chacun aux machines, aider les étudiants à activer leur adresse électronique, à réaliser leurs pages WEB, répondre aux questions d’ordre technique tout au long de l’expérience,...) et l’accompagnement pédagogique (en collaboration avec les professeurs, informer les étudiants de l’expérience, dégager les attentes et motivations des étudiants, prévoir des moments de réflexion sur l’expérience, repérer des difficultés de collaboration et de communication,...). La mise en œuvre de toutes ces tâches nécessite un investissement temporel important qui n’est pas toujours reconnu dans le contexte universitaire. Il s’agit de tâches discrètes, variées, peu valorisées. Enfin, même si l’expérience a été vécue de manière très positive par tous les animateurs, une difficulté S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 19 unanimement soulignée est la coordination. Coordination dans chaque université avec les responsables académiques et coordination entre universités avec les tuteurs. Les tuteurs ont analysé eux-mêmes leurs interactions en utilisant une grille d’analyse mise au point par l’équipe de chercheurs (LEARN-NETT, 1998). Ces analyses font apparaître que la majorité des interventions du tuteur concerne l’organisation du travail. Le tuteur intervient aussi pour maintenir la participation (relations socio-affectives, encouragements). En détaillant les modes d’intervention, on observe des différences entre tuteurs : - certains, sont plus réactifs, veillent à répondre à toutes les questions et à maintenir une bonne communication dans le groupe ; - d’autres, plus proactifs interviennent sur la stratégie du travail du groupe. Dans ce cas, ils proposent des synthèses ou des reformulations des propositions des étudiants ou interviennent davantage sur la structuration du travail du groupe (propositions d’activités, de modalités de communication). S’il est exclu de proposer un mode d’intervention idéal (puisque celui-ci est toujours fonction du groupe, de la tâche, des contraintes), les tuteurs ont exprimé le besoin d’une grille d’analyse des étapes d’un travail collaboratif et des modes d’intervention possibles du tuteur. Cette grille exploitable par les membres du groupe comme par le tuteur pour situer leur activité et adapter leurs modalités de communication et de collaboration est actuellement développée dans le cadre de la seconde année d’expérimentation du projet. Quant au modérateur, ses interventions ont été analysées en utilisant la grille d’analyse des messages LEARN-NETT ainsi que la grille proposée par Loiselle (1997). Selon l’objet du forum, les modes d’interventions sont différenciés : dans le café, le modérateur a essentiellement veillé à apporter des réponses aux questions ou suggestions des étudiants. Ce faisant, il participe au maintien de l’activité du café (interactivité et motivation) ; dans le forum de réflexion, les S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 20 initiatives sont proportionnellement plus nombreuses de même que les questions. Le modérateur lance ou relance la discussion, propose des synthèses et questionne les étudiants. Dans la partie réservée aux thèmes de travail, le modérateur répond aux questions des étudiants tout en veillant à terminer les messages par au moins une question qui relance le travail. Tout comme pour les rôles d’animateur et de tuteur, le rôle de modérateur demande un investissement temporel important. C’est particulièrement vrai, si l’on veut au-delà de l’animation d’un espace de communication de la communauté virtuelle, mener une analyse des échanges de manière à en tenir compte pour la régulation du dispositif (expression des intérêts des étudiants, premières difficultés des groupes, demande d’ajustement du calendrier de travail). Quelles sont les conditions d’intégration des TIC dans la formation ? - l’affirmation de nouveaux rôles et la recherche de leurs complémentarité Si les nouveaux rôles des formateurs décrits et analysés dans le paragraphe précédent ont souvent été vécus avec enthousiasme et satisfaction, ils ont pris sens dans le cadre du projet pilote sans pour autant s’intégrer au cadre traditionnel des universités. Si cet enjeu est sans doute, pour notre contexte, prématuré, il fait apparaître deux effets qui selon nous sont liés aux usages du cyberespace : le premier est l’explicitation ou encore le visibilité du travail des formateurs et le second est la nécessaire collaboration entre des formateurs aux rôles complémentaires. Ces deux effets apportent un changement important dans le contexte universitaire. Peut-être peut on y voir une des sources de résistances à l’intégration des TIC dans les pratiques d’enseignement. - l’association de la recherche et de la formation Pour faire face à la gestion d’un dispositif de formation complexe, apprendre à mettre en œuvre de nouveaux rôles, prendre des décisions S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 21 de régulation adéquates, l’association d’une démarche de recherche à la formation apparaît indispensable (Charlier 1998). C’est en se réunissant régulièrement, en décrivant leurs actions, en menant collectivement une analyse de leurs démarches que les chercheurs de l’équipe du projet LEARN-NETT ont pu identifier tout à la fois des pistes d’amélioration de leurs actions et de nouvelles questions de recherche. V. EN CONCLUSION : VERS UNE GRILLE D’ANALYSE Les questions apparues à chaque étape de la mise en place des deux dispositifs analysés constituent les éléments d’une grille d’analyse supportant une meilleure compréhension des nouveaux dispositifs de formation du cyberespace (cf. annexe). Selon nous, elle constitue un point de départ et non un point d’arrivée. Elle souligne le défi sans cesse posé aux acteurs du cyberespace pour la formation d’associer à leurs activités de construction de dispositifs de formation, une activité de recherche sur leurs pratiques. Cette activité suppose, tout à la fois, une démarche de définition des concepts et de cadrage d’un champ d’étude dynamique ainsi que la prise en compte et l’analyse des expériences d’apprentissage vécues par les apprenants, les formateurs et les gestionnaires institutionnels. Une telle approche suppose une collaboration inter-disciplinaire que préfigure bien les échanges vécus par les auteurs de cet ouvrage collectif. V. REFERENCES Bonamy, J., Hauglustaine-Charlier, B. (1995). “Supporting professional learning ; beyond technological support,.” Journal of Computer Assisted Learning 11: 196-202. Carré, P. (1997). Trois approches de l'autoformation. L'autoformation : Psychopédagogie, Ingénierie, Sociologie. P. Carré, Moissan, A., Poisson, D. Paris, PUF: 1-40. Charlier, B. (1998). Apprendre et changer sa pratique d'enseignement : expériences d'enseignants. Bruxelles, De Boeck. S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 22 Charlier, B., Houart, M., Ponsard, L. (1998). 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Comment envisage-t-on de mettre en œuvre une régulation du dispositif ? Comment envisage-t-on de tenir compte des différences individuelles, en termes de : projet d’apprentissage alphabétisation informatique compétences métacognitives conceptions de l’apprentissage Comment les médias seront-ils utilisés ? S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 24 Comment ce choix est-il justifié ? (par rapport aux compétences des apprenants, aux processus d’apprentissage suscités...) ? Comment les apprenants seront-ils préparés à l’usage du dispositif (tant au plan technologique que pédagogique) ? Mise en œuvre du dispositif Quelles sont les attentes des apprenants ? Quelles sont leurs compétences spécifiques ? Quels liens font-ils entre ces attentes et l’offre de formation ? Quelles ressources humaines ou techniques sont-elles offertes aux apprenants pour exprimer ces attentes et éventuellement les ajuster en fonction de l’offre ? Quelles sont les conditions d’accès des apprenants aux ordinateurs ? Comment les difficultés éventuelles exprimées par les apprenants sont-elles prises en compte pour adapter le dispositif ? Quels sont les rôles des formateurs ? Ces rôles sont-ils adaptés en fonction des processus d’apprentissage suscités et en fonction des médias utilisés ? - Dans le cas d’un apprentissage collaboratif Quelles sont les compétences des membres du groupe ? Comment ces compétences sont-elles partagées et distribuées ? Les étudiants reconnaissent-ils les compétences de leurs pairs ? S YMPOSIUM REF : CYBERSPACE ET AUTOFO RMATION 25