La Banque mondial productrice de normes

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Aurélie de Gorostarzu
MRIAE, deuxième année
LA BANQUE MONDIALE : PRODUCTRICE DE NORMES
SUJET no 4:
« LES REGLES DU JEU » ET LES PAYS EN DEVELOPPEMENT
Introduction:
La transnationalisation des normes prend toute son ampleur avec la Banque Mondiale
qui édicte sans cesse de nouvelles mesures. Contrairement à l’Organisation Mondiale
du Commerce, où les accords sont négociés par de nombreux pays, la Banque
Mondiale impose ses conditions aux pays qui souhaitent bénéficier de son aide. Il
s’agit des pays en développement qui présentant des problèmes économiques tenaces
et un endettement souvent endémique n’ont pas d’autre choix que de faire appel à la
Banque Mondiale. Ceci confère donc aux normes décidées par elle, un champ
d’application très important car elles conditionnent les prêts.
Quels sont ces normes et quels sont les réels impacts de ces normes sur les pays en
développement? Comment le rôle de l’Etat, jusqu’ici principal producteur de normes,
est-il redéfini?
Les programmes d’ajustement structurels et de lutte contre la pauvreté font référence
à de nombreuses règles: les « règles du jeu ». Sous couvert d’une prétendue évolution
historique et de dépassement des programmes d’ajustement structurel, la Banque
Mondiale conserve et accroît sa mainmise sur l’économie et la politique des pays en
développement. Dans un premier temps, il convient d’examiner les programmes
d’ajustement et leur mise en œuvre synonyme de désengagement de l’Etat et qui on
engendré des coûts sociaux importants., dans les années 1980. Puis nous verrons
comment la Banque Mondiale tente de faire évoluer ses objectifs et de s’ouvrir à de
nouvelles problématiques tout en élargissant son champ d’action.
Première partie: La mise en œuvre et les conséquences des Programmes
d’ajustements structurels
Le financement du développement forme à lui seul le but même de la Banque
mondiale (BM). Par l’octroi de prêts, elle est devenue la première source de
financement extérieur dans de nombreux domaines tels la santé, l’éducation. Ainsi
25% des dépenses faites par la BM sont destinées à des programmes pour le
développement humain, alors qu’elle ne consacre que 21% au développement des
infrastructures. En 2000, 15.3 milliards de dollars de crédits ont été accordé au total1.
La banque ne sélectionne que des projets économiquement viables, cela va sans dire.
Mais les conditions qu’elle pose suivent une stratégie macro-économique bien précise.
Ainsi, si les pays veulent avoir accès à l’aide de la BM, ils doivent se soumettre à ses
exigences. Dans le cadre des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) mis en
place au début des années 1980,conjointement avec le Fonds Monétaire International
(FMI) sont venus la condition sine qua non à l’obtention des prêts. Perçus par certains
comme une ingérence, les PAS ont remis en cause la place de l’Etat et ont eu des
conséquences désastreuses, concernant notamment le volet social.
A/ Les Programmes d’ajustements structurels
Face la crise de la dette qui touche les pays en développement dans les années 1970,
la BM et le FMI tentent de répondre en octroyant des prêts d’ajustement structurel.
Les normes édictées par la BM dans le cadre de ces programmes sont exigeantes et
correspondent à la philosophie néo-libérale que l’institution a adoptée depuis sa
création.
1. Les fondements conceptuels des programmes d’ajustement
L’importance accordée à la relance de la croissance dans l’élaboration de ces
programmes puise ses sources dans une approche néolibérale de l’économie. Aux
sources de cette pensée, plusieurs principes des doctrines libérale et néoclassique sont
présents. Il est possible de les résumer en trois termes: avantages comparatifs,
monétarisme, et rôle privilégié de l’entreprise privée. De plus, l’arrivée au pouvoir de
Margaret Thatcher au Royaume Uni en 1979 et de Ronald Reagan au Etats-Unis en
1
Rapport annuel 2001
1981 achève le tournant néolibérale des pays développés, ce qui influence fortement
les politiques de la BM.
2. Priorité à la croissance et à l’ouverture des marchés
Pour répondre à la crise de l’endettement, la relance de la croissance économique est
considérée comme le moteur du développement et de la lutte contre la pauvreté. Il est
apparu nécessaire de rétablir les conditions économiques favorables qui étaient
menacées par une crise persistante de la balance des paiements et par un endettement
galopant. Le choix de l’ajustement structurel de l’économie a été fait. « Puisque les
déficits ne sont ni temporaires ni réversibles d’eux mêmes, le financement à long
terme n’est pas une solution. Une politique de financement sans ajustement conduit
plutôt à une dette extérieure imposante avec un service de la dette important et réduira
l’accès au crédit. L’ajustement devient dès lors incontournable »2
La croissance doit se traduire par une augmentation de la production rendue possible
par un accroissement de l’épargne et de l’investissement. Elle passe aussi par un accès
essentiel aux nouvelles technologies d’où l’incontournable ouverture vers l’extérieur.
Ainsi la libéralisation du commerce fait elle partie des composantes de l’ajustement
structurel. L’élimination des quotas, l’abaissement des tarifs s’ajoutent au
développement des avantages comparatifs des pays qui doivent entrer dans le
processus de division international du travail. Les exportations sont considérées
comme le moyen d’enrayer la dette car elle permettent une entrée de devise nécessaire
aux paiements de importations. L’instauration du libre-échangisme et de l’économie
de marché dans les pays en développement conditionnait l’octroi des différents
financements, ce qui transforme fondamentalement ces pays.
3. Les principales mesures d’ajustement préconisées par la BM
. La BM préconise une cure d’amaigrissement de l’Etat: assainissement de l’économie
et réduction des dépenses publics A partir de ces objectifs, des mesures, précises sont
avancées. La BM entend rétablir les déséquilibres financiers en contrôlant le crédit et
la hausse des taux d’intérêts, en limitant les déficits publics. Des dévaluations sont
aussi mises en place afin de rendre les exportations moins chers. La réduction du
déficit budgétaire passe par le blocage des salaires et l’arrêt du recrutement de
2
Killick et Sutton, 1982:49
nouveaux fonctionnaires, par exemple. L’idée est de réduire l’offre afin de faire
baisser la demande. La libéralisation passe aussi par des mesures concrètes et
dérégulations: démentellement des barrières douanières. Les marchés doivent être
fluides.
Un schéma des principales mesures macro-économiques d’ajustement standard est
soumis aux pays, comme nous le montre le schéma ci dessous.
B/ La remise en question de l’Etat: la « désétatisation »
La BM a souhaité réduire le rôle de l’Etat dan l’économie et a imposé ce processus de
désétatisation à tous les pays mettant en œuvre les PAS. Certains ont été à même de
voir le danger d’un désengagement brutal, comme la Corée tandis que d’autres ont
subi de plein fouet ce changement brutal de structure. En position de faiblesse, les
pays en développement ont du s’adapter.
1.L’Etat responsable de tous les maux?
Les institutions de Bretton Woods associant une grande partie des interventions de
l’Etat dans l’économie à un des principaux facteurs de dysfonctionnement du marché,
qui selon sa conception doit être totalement libre et s’autorégule. Pour les
monétaristes de l’Ecole de Chicago, tels Milton Friedman et Friederiche Hayek,
« l’Etat doit se limiter à assurer un encadrement stable aux opérations du marché ». Il
n’a pas vocation à le régir. Le volet économiques est donc exclu du champ
d’intervention de l’Etat. Il est subordonné au marché et ne doit pas intervenir
directement. Selon Bonnie Campbell, « cette vision néolibérale voit les marchés et le
secteur privé d’une part et les Etats d’autre part, comme des entités qui se
concurrencent pour occuper la même sphère d’activité économiques. Ainsi, le retrait
de l’Etat de ses fonctions de propriétaire d’industries permettrait aux forces du marché
d’agir plus librement afin d’égaliser l’offre et la demande, de manière à envoyer des
signaux appropriés au secteur privé, afin qu’il puisse prendre de façon optimale des
décisions de production et d’investissement ». S’en suit dès lors un processus de
désétatisation. Quel impact celte démission forcée de l’Etat a-t-elle eu dans les pays
en développement?
2. Le cas argentin: les dangers d’une vision à court terme
Après avoir pendant longtemps adopté un modèle économique d’industrialisation par
substitution aux importations, l’Argentine voit son tissu industriel complètement
désorganisé suite au coup d’état militaire de 1976. Elle aborde les années 1980 dans
un contexte de marasme économique. Elle s’aligne sur donc sur les directives de la
BM et met en place les programmes d’ajustement structurel. Dès le début des années
1990, elle connaît des taux de croissance exceptionnel, une inflation maîtrisée et une
économie stable en voie d’assainissement. Mais ces bons résultats cachent un
mouvement dérégulation qui n’est qu’un retrait désordonné du secteur public de
domaines dans lesquels son intervention est nécessaire. Le programme de
privatisations rapide entrepris fait courir un risque au pays. Certes à court terme,
l ‘économie est stabilisée, mais quelle répercussion cela aura t-il dans l’avenir? Les
privatisations « ont été davantage un outil macro-économique afin de stabiliser
l’économie qu’un outil de politique de réformes structurelles orientées à augmenter la
productivité de l’économie dans le long terme ».3 De plus le comportement rentier de
l’élite n’a pas été modifié. Pour une croissance à long terme, il est donc impossible de
se baser sur un effacement de l’Etat qui a un rôle majeur à jouer dans le secteur
économique. Par exemple, en ce qui concerne les avancées technologiques et
l’adaptation des industries à ces avancées, ce volet n’est pas pris en compte dans les
PAS. Il revient alors à l’Etat de s’en charger. La crise qu’à connu récemment
l’Argentine montre la précarité de la stabilité issue des PAS. Une réforme durable de
l’économie ne peut se faire sans l’Etat.
3.Le cas coréen: une réussite due à la présence de l’Etat
Certains pays ont servis de vitrine aux PAS, comme c’est le cas de la Corée. Ses
mérites de bons élèves et ses résultats économiques satisfaisants ont été mis en avant
par la BM. Or, le véritable moteur de ce développement est en fait imputable à un
Etat fort et à son intervention efficace. En élaborant des plans et en contrôlant le
système bancaire pour assurer leur application, l’Etat définit les grandes orientations
stratégiques du processus d’industrialisation. A travers la planification, il intervient
dans tous les domaines économiques et met en œuvre des politiques industrielles et
financières afin d’assurer une croissance soutenue. La stratégie d’industrialisation de
la Corée a reposé sur le recours à la protection des industries naissantes et sur la
promotion des industries exportatrices et compétitives. Dans un rapport de 1993, la
3
Pablo Diaz Alvarado « l’adhésion de l’Etat argentin au néolibéralisme » dans L’ajustement
BM reconnaît que cette croissance à ce moment donné était en partie due à
l’intervention systématique et importante de l’Etat.
La Corée a certes évité cet écueil, mais de nombreux autres pays ont été contraint de
jouer le jeu de la désétatisation. Ce processus a non seulement des impacts sur
l’économie, mais aussi dans le domaine social. L’Etat étant devenu totalement absent
certains secteurs prioritaires tels que la santé ou l’éducation ont souffert de cette
situation.
C/ Le coût social des PAS
« The Institutional infrastructure defines the « rules of the game ». The rules of the
game, in turn, have a major impact not only on efficiency, but also on equity. There is
a concern, for instance, that, inappropriately designed contrat and tort laws may work
to the disadvantage of the poor. »4 Depuis la mise en place des PAS, la société civile
et notamment les ONG dénoncent leurs effets négatifs sur le niveau de vie des
populations. La baisse des dépenses publiques concernant les secteurs de la santé, de
l’éducation sont principalement mis en cause. C’est Le Fonds des Nations Unies pour
l’enfance (UNICEF) qui la première va dénoncer cet état des faits.
1. « L’ajustement à visage humain » préconisé par l’UNICEF
Le rapport de l’UNICEF de 1984 intitulé :L’ajustement à visage humain est la
première contestation officielle de la politique menée par la BM dans le cadre de ses
programmes d’ajustement structurels. Il dénonce le coût social de l’ajustement et le
manque de place fait à la lutte contre la pauvreté. Selon, lui le caractère récessif des
de ces mesures aggravent les conditions déjà précaires des plus pauvres. Il identifie
trois effets directs:
- de fortes coupures dans les mesures de santé
- la réduction des subventions alimentaires qui résulte de l’annulation de programmes
fiancés par les fonds publics
- une forte hausse des prix des denrées alimentaires dues à l’augmentation des prix à
la production et à la dévaluation monétaire
L’UNICEF ne fait pas que dénoncer, mais propose aussi des solutions pour réorienter
les PAS. Elle préconise ….Ce discours critique ne s’oppose pas au principe de
structurel et après? sous la direction d’Odile Castel ed Maison Neuve et Larose 1995
l’ajustement ni à l’objectif de la croissance économique. Il demande que la lutte
contre la pauvreté soit intégrée aux programmes d’ajustement. L’UNICEF se base sur
une étude de terrain menée dans 10 pays différents. Ses conclusions sont fondées et ne
laisse pas la communauté internationale indifférente.
2. La remise en cause du modèle
Forte de ces critiques, la BM reconnaît que la lutte contre la pauvreté est un objectif
essentiel qu’elle se doit de poursuivre. Mais elle ne change pas pour autant sa
politique et reste persuadée que l’ajustement économique œuvre en ce sens. Le
rétablissement de la croissance demeure la condition sine qua non à la réduction de la
pauvreté. A a fin des années 1980, les prêts sont toujours déterminés par des facteurs c
macro-économiques et d’équilibre budgétaire, plutôt que par les besoins humains du
pays en question. Le début des années 1990 voit donc émerger une reformulation de la
critique. De la dénonciation des coûts sociaux de l’ajustement, la critique finit par
portée directement sur le modèle lui même. Il ne s’agit plus seulement d’humaniser,
mais de mettre en place de nouvelles actions qui tendraient vers des objectifs
différents.
Seconde partie: Réformes, entre et innovation et continuité
Face à ces critiques, la BM semble prendre un nouveau tournant au début des années
1990. Les normes qu’elle avait jusque là définit n’ont pas faite leur preuve. La crise
asiatique du milieu des années 1990 illustre les faiblesses de ses politiques
d’ajustement. La réforme est longue à se mettre en place, quelques initiatives ont lieu
des les années 1980. Mais il faut attendre le rapport de 1997 pour qu’un véritable
tournant s’engage concernant la lutte contre la pauvreté et la place de l’Etat dans
l’économie. La Banque Mondiale occupe actuellement, parmi les institutions multi et
bilatérales, la place centrale de producteurs de nouveaux cadres normatifs dans le
domaine socio-politique, aujourd’hui encore plus qu’hier. Elle s’est fixée de nouveaux
objectifs et entend bien normaliser le comportement des pays emprunteurs à cet égard.
Elle a ellaboré une nouvelle série de normes à travers ses plans de lutte contre la
4
Siglitz, 1997:80
pauvreté et elle redonne à l’Etat un rôle qu’elle lui a souvent nier afin de permettre
une application contrôlée des normes qu’elle édicte.
A/ La lutte contre la pauvreté: de nouvelles normes
En raison de sa double vocation d’institution financière d’organisme de
développement, la BM se trouve dans la position difficile de devoir concilier la
rentabilité économique de ses prêts et des progrès sociaux qui ne s’inscrivent pas
toujours dans une logique d’équilibre budgétaire. Elle a reconnu la lutte contre la
pauvreté comme un de ses objectifs fondamentaux. Quelques mises en œuvre timides
se font le jour dès à la fin des années 1980. Mais il faut attendre 1997 pour que de
véritables plans soient décider. Mais ce ci représentent plus une justification des
programmes économiques qu’une remise de ces systèmes.
1. Les dimensions sociales de l’ajustement (DSA): une illusion
Les DSA visent l’atteinte d’objectifs sociaux tels l’amélioration de la nutrition, de la
santé et de l’éducation pour les plus pauvres. Ces mesures font partie intégrante d’une
seconde génération de programmes d’ajustement. Le rapport sur le développement du
monde de 1990 précise les objectifs poursuivis. La croissance doit être basée sur une
utilisation efficace de la main d’œuvre et sur un investissement sur le capital humain
des pauvres. Des opportunités d’emploi doivent donc être crées ainsi que la mise en
place de service sociaux. La BM redéfinit la notion de l’équité sociale en tant
qu’égalité des opportunités et plus seulement en tant qu’égalité des conditions de vie.
Mais la mise en place de ces filets sociaux n’apportent pas un réel changement. Mis
en place très tôt au Ghana, les résultats apparaissent insatisfaisant. Le Ghana reste l’un
des pays les plus pauvre au monde malgré l’ajustement. Il s’agit, comme auparavant
d’un programme à court terme qui ne doit pas nuire aux efforts de réformes
économiques engagés par le pays. Il faut donc sortir de la logique d’ajustement une
bonne fois pour toute.
2. L’équité au programme?
Le rapport sur le développement dans le monde. L’Etat dans un monde en mutation de
juin 1997 est avancé par la BM comme une évolution majeure dans sa lutte pour le
développement. La BM s’intéresse tout particulièrement à la notion d’équité sociale.
Mais là encore, les vieux démons sont à l’œuvre. L’équité sociale n’est vue que
comme un moyen permettant l’amélioration des performances et de l’efficacité du
secteur privé ainsi que le maintien de la confiance des investisseurs. Dans la mise en
œuvre de ce concept, là encore la dimension purement sociale arrive au second plan.
Selon Bonni Campbell, il s’agit seulement d’une déclaration de bonne intention. Les
réformes économiques et institutionnelles priment.
3. Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP)
En 1999, la BM semble enfin prendre en considération la lutte contre la pauvreté au
travers des CSLP crées dans le cadre de l’initiative de réduction de la dette des pays
très endettés (PPTE), étendus depuis à d’autres pays. L’objet du programme consiste
en l’analyse des causes de la pauvreté afin de cibler des actions appropriées pour la
réduire efficacement. Les pays très endettés appliquant ces programmes verront en
principe leur dette allégée. La grande nouveauté consiste dans le processus
participatif. « Il faut mettre les pays sur le siège du conducteur ». Cette fois ci, les
normes à proposer et l’initiative sont davantage laissés aux pays concernés. Dans le
but d’une appropriation nationale des politiques de développement, les nouvelles
stratégies de lutte contre la pauvreté impliquent la société civile et le secteur privé
sous la direction du gouvernement du pays qui devient responsable. Mais la critique
est encore ici de mise. En effet, la société civile reste en marge des discussions et
l’approbation des CSLP par la BM réduit inévitablement l’appropriation nationale.
Mais ces initiatives sont récentes et il est encore trop tôt pour ne dresser un réel bilan.
Depuis l’ébruitement des premières critiques, la BM tente de sauver la face en
adaptant de nouvelles normes sociales. Mais elle ne se défait pas pour autant de ses
plans d’ajustement. En effet, le programme CSLP entre dans le cadre global des
initiatives PPTE. Or ces dernières prévoient qu’à côté de la lutte contre la pauvreté,
des ajustements structurels doivent être menés. La BM a du mal à évoluer et qui est
tirailler entre son rôle de banque et de promoteur du développement.
B/ Le retour de l’Etat?
Suite aux échecs des PAS et d’une vision néolibérale nettement affichée, la BM a
souhaité réhabilité l’Etat et redéfinir son rôle économique. D’autre part, elle va plus
loin en s’appropriant ouvertement le volet politique des pays. De nouveaux critères de
bonne gouvernance sont apparus et des réformes institutionnelles sont à l’ordre du
jour. Si la BM lâche du lest concernant l’intervention de l’Etat dans son économie
nationale, elle resserre son étau sur les institutions étatiques elles mêmes. « Le succès
de ces réformes (d’ajustement structurel) suppose une transformation radicale du rôle
de l’Etat, qui n’ira pas sans difficulté dans le contexte africain, caractérisé par la
faiblesse des institutions et, souvent par une très vive résistance politique »5
1. La redéfinition des rapports Etat-marché
Nous avons constaté que le désengagement de l’Etat de l’économie a eu des effets
négatifs pour la relance économique. Le rapport de 1997 précise les relations entre
l’Etat et le marché et affirme le rôle de régulateur des instances étatiques. La mission
première de l’Etat est la création de base institutionnelles nécessaires au marché. Il
doit lui permettre de fonctionner correctement. L’Etat doit mettre en place les bases
d’un régime de droit, et ce afin de protéger la propriété. L’Etat doit aussi protéger le
marché en n’appliquant pas de politique créant des distorsions et oeuvrant pour la
stabilité économique. L’Etat et le secteur privé sont en concurrence, mais le rapport
reconceptualise leur relation: « le marché et l’Etat sont complémentaires, puisqu’il
incombe au second de mettre en place les bases institutionnelles nécessaires au
fonctionnement du premier ». La constatation qui est alors faite est que les bases
institutionnelles tellement nécessaires n’existent pas dans certain pays.
2. Un État à réformer: le concept de bonne gouvernance
Pour s’occuper de questions d’ordre politique, la Banque Mondiale, le Fonds
monétaire international (FMI) ont cependant dû contourner un obstacle de taille, celui
de leur statut qui leur interdit expressément d’intervenir dans le champ politique. Pour
pouvoir agir sur des questions hors de leur compétence, mais ayant des incidences
fortes sur le succès des programmes de prêt, les institutions financières internationales
ont fait appel à la notion de gouvernance. Celle-ci présente l’avantage de libeller en
termes techniques des problèmes éminemment politiques et donc d’éviter de parler de
« réforme de l’Etat » ou de « changement social et politique» . Avec le rapport de
1997, la BM précise que « l’Etat doit, tout d’abord, consacrer les capacités dont il
5
Banque Mondiale 1994
dispose à l’exécution des missions qu’il peut et doit assumer ». Il s’agit alors
d’accroître les capacités de l’Etat en le revivifiant. Il doit favoriser la stabilité
politique et avoir des institutions bien installées. Avec l’imposition de ces nouvelles
normes, la BM entre de plein pied dans le champ politique. Elle outrepasse alors sa
mission purement économique en voulant réformer les systèmes non seulement
économique mais aussi politique des pays en développement . Les organismes de prêt
internationaux ont ainsi trouvé une parade leur permettant d’échapper aux critiques les
accusant d’outrepasser leurs compétences ou condamnant leur ingérence dans la
politique intérieure et l’administration des pays emprunteurs.
La BM définit le concept de bonne gouvernance comme: « la manière par laquelle le
pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays
au service du développement » . Ceci passe par la lutte contre la corruption, le
manque de transparence, l’exclusion sociale et la décentralisation male conçue. C’est
un concept assez vaste et floue qui permet à la BM d’étendre son champ de
compétence
Quatre conditions sont nécessaires à l’établissement de la bonne gouvernance :
-
l’instauration d’un Etat de droit qui garantisse la sécurité des
citoyens et le respect des lois (indépendance des magistrats)
-
la bonne administration qui exige une gestion correcte et équitable
des dépenses publiques
-
la responsabilité et l’imputabilité (accountability) qui imposent que
les dirigeants rendent compte de leurs actions devant la population
-
la transparence qui permet à chaque citoyen de disposer et
d’accéder à la justice.
Le modèle politique dessiné par ces réformes vaut pour l’Etat central mais
s’applique aussi aux niveaux infra-nationaux. Compte tenu des enjeux décisifs
que présentent les villes, métropoles économiques, capitales administratives et
villes portuaires du point de vue de l’économie libérale, tout un discours sur la
gouvernance urbaine est développé parallèlement au thème de la
décentralisation En fait, la BM e eu tendance, dans son discours, à opposer
de façon artificielle l’Etat à la société civile. Ils ont laissé entendre que
l’affaiblissement de l’Etat était nécessaire à l’émergence d’une société civile,
capable de prendre part à la réforme d’institutions politiques figées. La
privatisation et la décentralisation ont été présentées comme permettant de
renforcer l’esprit d’initiative des populations, leur autonomie et leur
participation au développement de leur pays. Les réformes institutionnelles
recommandées au nom de la bonne gouvernance ont donc été associées de
manière quelque peu abusive à la défense de la démocratie. Les quatre
conditions énoncées par la Banque Mondiale sont présentées comme un
moyen de faire progresser davantage la démocratie dans les pays emprunteurs.
CONCLUSION
Désormais la BM est présente dans tous les domaines de la vie des Etats qu’elle
finance. Elle a étendue son champ d’action et introduit de plus en plus nouvelles
normes. Sous couvert d’adapter ses critères, elle a multiplié les normes. La marge de
manœuvre des pays concernés est de plus en plus limité.
Sources:
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Ajustement structurel et lutte contre la pauvreté en Afrique Bruno Sarrasin ed
L’Harmattan 1999
L’ajustement structurel et après? Odile Castel ed Maison Neuve et Larose 1995
« the rules of the game » ou la production de nouveaux cadres normatifs Bonnie
Campbell
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