Amore Mercredi 20 Juin 2012 Mathias Mémoire sur le rapport entre l'image et l'objet au sein d'une campagne de communication Problématique : Une campagne de communication, avant de faire passer un message ou une idée, doit être financée. Elle est donc une réponse à un appel dont les motivations peuvent être variables (financières, politiques, humanitaires, militantes, etc). Une agence de communication peut répondre à cet appel de plusieurs manières : Elle peut faire la promotion d'un évènement (concert, nouvelle ligne de tramway, débat public pr une ligne TGV, etc.). Elle peut valoriser un comportement (donner son sang, utiliser les transports en commun, etc.) Elle peut créer des envies voire des besoins (Vente d'un produit, boissons, alarmes, aspirateurs, toits solaires, etc.). Elle peut travailler sur l'image d'une institution ou d'une personne (Un candidat pour une élection, une entreprise comme Apple , etc.). Elle peut légitimer des idées et des comportements (pour justifier l'action d'un client, inciter le public visé à adopter un comportement a priori condamnable, etc.) La problématique est donc de savoir en quoi l'objectif et les contraintes de l'action de communication peuvent impacter le rapport entre l'image donnée par l'action de communication et l'objet représenté. L'importance de cet écart entre l'image et l'objet permettra d'évaluer la légitimité d'une action de communication sur le plan de la transparence (c'est-à-dire si l'action de communication nous informe ou nous trompe). Cette analyse se déroulera en deux temps. Dans une première partie, nous réfléchirons de manière général sur la communication, la légitimité d'un discours et sur les problèmes de manipulation liés à l'univers de la communication. Dans la seconde partie, nous répondrons plus spécifiquement à la problématique en se basant sur les réflexions de la première partie. Nous analyserons en quoi une action de communication est déterminée en fonction de l'identité de son client et de ses aspiration. Nous analyserons ensuite les différentes réponses que peut produire une agence de communication. Ces deux types d'analyse nous permettront enfin de catégoriser les différents cas de figures dans lesquelles une action de communication peut être légitime au travers du prisme du rapport entre l'image produite et l'objet représenté. I. Analyse des notions de communication, de manipulation et de légitimité I.1 La légitimité La légitimité peut être définie de deux manières. Premièrement, est légitime ce qui est acceptable sur le plan morale. Une action sera légitime si elle répond donc à un ensemble de critères moraux. Le terme « légitime » vient du latin « légitimus » Deuxièmement, est traduisible légitime ce qui par « estimé est efficace. être selon Cette la loi ». seconde notion productiviste peut être rattachée à la pensée de Machiavel lorsqu'il affirmait que la fin justifie les moyens. Ces deux définitions invitent à distinguer ce qui est légitime vis-à-vis de la morale de ce qui est justifiable vis-à-vis de l'efficacité. Notre analyse ne portera pas sur cette seconde définition de la légitimité. Notre problématique portant sur le rapport entre l'image et l'objet représenté présuppose que la question qui se pose n'est pas de savoir comment réaliser une action de communication efficace, mais bien de s'interroger sur le caractère acceptable d'une action de communication sur le plan moral. I.2 Les trois dimensions de la légitimité Mais même une fois que nous avons défini ce que nous entendons par légitimité, le mot peut encore être interprété de diverses manières au sein du cadre d'analyse qu'est le notre. En effet, une action de communication peut être jugée légitime par rapport à la cause qui motive son action. Sous cet angle, faire une campagne de communication pour inciter les gens à fumer sera considéré comme illégitime, tandis que réaliser une campagne pour donner son sang sera jugée légitime (du moins dans les pays laïques). Cependant, les modalités de l'action de communication elle-même peuvent être jugées ou non légitime. Inciter les gens à donner leur sang en leur expliquant que s'ils le font, ils ont plus de chance d'aller au paradis ne semble pas acceptable. En contrepartie, réaliser une publicité honnête, c'est-àdire relativement objective sur le tabac en spécifiant quels sont les dangers inhérents à sa consommation peut paraître tout à fait légitime selon ce critère. Admettons qu'une campagne de communication explique aux gens qu'ils sont libres de donner leur sang en leur expliquant tous les tenants et aboutissants de la procédure, et qu'il est ne serait-ce qu'intéressant de se renseigner auprès des points d'accueils de don du sang. Cette action de communication pourra tout de même être considérée comme étant illégitime. La cause défendue est très noble, et l'image donnée des instituts de don du sang correspond vraiment à ce que sont ces instituts. Cependant, cette action de communication a recours à des techniques de manipulation en créant volontairement un contexte de liberté et en amorçant une technique dite du « pied-dans-la-porte » : Cette technique consiste à créer un contexte de liberté (il suffit de donner à la cible le sentiment qu'elle est libre d'agir à sa guise) pour amener la personne visée à réaliser un premier acte peu coûteux (visiter un point d'accueil du don du sang). La technique consiste ensuite à proposer à la cible, toujours dans un contexte de liberté, de donner son sang. Des études de psychologie sociale soulignées par R.V. Joule et J.L Beauvois dans le « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » montrent que l'utilisation de cette technique augmente statistiquement le passage à l'acte du comportement souhaité par le manipulateur. Des personnes qui n'auraient normalement pas donnés leur sang pour ce qu'ils jugent être une bonne cause et ayant été correctement informées, sont donc amenés à le donner, grâce à une technique de manipulation qu'ils ont subis à leur insu bien-sûr. Ainsi même en réalisant une action de communication pour une bonne cause en donnant les bonnes raisons d'agir pour ladite cause, l'action peut ne pas être légitime. Cette analyse nous amène à distinguer trois dimensions de la légitimité. Une action de communication peut être évaluée en fonction de sa légitimité morale (si la cause qu'elle défend est communément jugée positivement). Elle peut également être évaluée au vue de sa légitimité procédurale (c'est-à-dire, si l'image qu'elle donne d'un objet est fidèle à cet objet). Enfin, elle peut être jaugée en fonction de sa légitimité cognitive (c'est-à-dire si elle fait appel à des techniques relevant des théories de psycho-sociologie). I.3 La question linguistique de la manipulation Il est important de noter qu'il existe plusieurs formes de manipulation. Les techniques d'influence sociale de Joule et Beauvois relèvent de la théorie de l'engagement, fondée sur les théories de psychologie sociale. Il existe cependant d'autres formes d'influence qui proviennent de la linguistique. Frank Lepage explique dans « Conférences gesticulée » que les hommes réfléchissent à partir du bagage de mots dont ils disposent. En d'autres termes, les linguistes ont montrés que la pensée n'est pas antérieure au langage. Ainsi, si on supprime les mots « hiérarchie », « lutte des classes » et « exploités » et qu'on les remplace respectivement par des mots comme « management », « égalité des chances » et « salariés », on ne peut plus penser de la même manière. L'absence de vocabulaire se traduit par une absence de possibilités de pensée ! Le choix des mots au sein d'une action de communication relève ainsi d'une manipulation en un sens faible (car le communicant est bien forcé d'avoir tout de même recours à un mot ou à un autre pour exercer sa profession). En revanche, les campagnes de communication à grande échelle qui occultent volontairement certains mots, modifie la signification de certains autres, et introduit encore d'autres mots dans le langage courant relèvent de la manipulation en un sens très violent. I.4 Le sens de la communication Ces questions posent la question du sens de la communication. Qu'est-ce que la communication ? Le terme communication vient du latin « communicatio » qui signifie « mise en commun » et de « communis » qui signifie « commun ». Le terme « communication » est d'ailleurs proche de celui de « publicité », puisque l'acte de publicité, par définition, est un acte qui rend une chose publique. La fonction fondamentale de tout langage est d'échanger des informations. Le langage permet à des tiers de se comprendre. Le sens de tout langage peut être interprété comme étant un acte mettant des informations en commun en les rendant publiques. La communication au sens traditionnel est d'ailleurs jugée fonctionnelle lorsqu'elle est pratiquée sans générer de malentendus entre les personnes qui communiquent. Et pourtant une action de communication peut justement tirer sa force d'un malentendu ou d'un mensonge. En effet, un malentendu peut engranger des bénéfices important lorsqu'il est exploité dans une action de communication. Après la guerre, alors que tous les hommes fumaient, le marché du tabac ne concernait pas les femmes. Fumer pour une femme était considéré comme une vulgaire. Une campagne publicitaire visant à débloquer ce public a alors été réalisée. Sur une des publicité en noir et blanc on pouvait voir une femme épanouie en train de fumer une cigarette avec en fond le slogan « Breath easily ! » (traduisible par « Respirez plus facilement!) ! Monsanto, qui prétendait que son produit Roundup était écologique a réalisé un beau chiffre d'affaire en polluant accessoirement les nappes phréatiques avant d'être saisi en justice pour « publicité mensongère » le mensonge s'est donc avéré légitime au sens machiavélien du terme puisque lucratif. En manipulant les mots, le sens originel de la communication est alors biaisé et permet de manipuler les esprits. Cependant toute action de communication n'est pas nécessairement malintentionnée. II. Classification actions de communication contextualisée des différentes Comme cela a déjà été dit dans la problématique, toute action de communication est une réponse à un appel émis par un client. Cet appel peut être émis par plusieurs types de clients que nous allons analyser. Les différents appels peuvent être de nature politique, militante, commerciale ou encore humaine. Les différents types de production qu'une agence de communication peut réaliser pour répondre à cet appel sont la promotion d'un événement, la valorisation d'un comportement, la création d'envie et de besoins, le travail sur l'image d'une personne ou d'une institution, la légitimation d'idées ou de comportements. II.1 La légitimité de l'appel politique L'appel politique est par nature l'appel qui est susceptible d'avoir recours à toutes les formes de communications. La grande hétérogénéité idéologique des personnes composant le corps politique implique que tout peut être affirmé de cet appel qui est somme toute trop large pour être analysé de façon percutante. Le politique peut en effet avoir besoin d'une campagne de communication pour promouvoir un événement (inauguration d'un bâtiment municipal), valoriser un comportement (ralentir sur la route), créer une envie (élire un candidat), effectuer un travail sur l'image (en valorisant un partit politique) ou encore en légitimant certaines idées (ce qui peut tout aussi bien se traduire par une VI ème République que par l'idée que les « étrangers » doivent retourner dans leur pays...). La légitimité morale de l'appel politique va beaucoup varier en fonction des appréciations de chacun. Cet appel peut être tout à fait légitime autant qu'il peut être totalement inacceptable. Il en va de même pour la légitimité procédurale de cet appel : Tout dépend de la manière dont l'action de communication est menée. En revanche, la légitimité cognitive du politique est extrêmement restreinte dans la mesure où la fonction de politicien présuppose de séduire une majorité d'électeurs. Les politiciens sont des virtuoses de la manipulation de la langue. Le travail qu'ils effectuent sur le langage est en opposition avec la liberté de pensé, et bien qu'ils ne soit pas tous de grands manipulateurs sur le plan psychologique, ils ont tous ceci de commun qu'ils s'appuient fortement sur le langage dans leur manière même d'exister. II.2 La légitimité de l'appel militant L'appel militant, bien que lui aussi politique, doit être distingué de l'appel politique de par sa nature. Bien que le militant défende généralement une cause tout comme le politicien, il n'est pas aussi dépendant de l'assentiment des autres pour exister en tant que militant. Il n'a pas besoin d'être élus, et il peut donc exister sans dépendre des médias, ce qui implique que son rapport au monde de la communication est potentiellement différent de celui du politicien. L'appel militant n'a pas autant besoin de faire appel à des services de travail sur l'image, et les militants sont beaucoup moins susceptibles de créer des envies que les politiciens dans la mesure où il n'ont pas besoin ni d'êtres élus, ni publiquement reconnu auprès d'une majorité pour exister. Les appels militant viseront plus souvent à faire la promotion d'un événement. De plus, les militants accorderont une grande importance aux travaux amenant à la valorisation d'un comportement ainsi qu'aux travaux légitimant des idées et des comportements. La légitimité morale du militant varie énormément en fonction de ce pour quoi il milite. Le militant se battant généralement contre une institution, ou pour une cause, les actions de communications qu'il portera auront souvent une bonne légitimité procédurale (du fait que l'action de communication vise souvent à renseigner sur des éléments importants). En revanche, le militant ne dispose pas d'une très grande légitimité cognitive dans la mesure où il emploi généralement un langage très orienté et donc susceptible de jouer sur les influences potentielles de l'utilisation de ce langage. II.3 La légitimité de l'appel humaniste L'appel humaniste est un appel qui se veut distinct de l'appel militant en ceci qu'il est officiellement déconnecté des enjeux de la sphère politique. Les dons du sang et les associations d'aides diverses pour le sida, le logement ou la faim en Afrique sont de bons exemples d'appels humanistes. L'appel humaniste n'aura pas de recours à la communication pour travailler sa propre image ou pour créer des besoins chez ses cibles. Les humanistes seront plutôt aptes à communiquer pour promouvoir des événements mais surtout pour valoriser des comportements et légitimer leur combat en sensibilisant le public à leur cause. L'appel humaniste est l'appel qui a le plus de légitimité morale, il est aussi le plus susceptible d'avoir une bonne légitimité procédurale avec le militant. L'appel humaniste ne travaillant pas spécifiquement sur le langage, il peut avoir une légitimité cognitive avérée. De toutes les sollicitations auxquelles une agence peu être soumise, les causes humanitaires sont celles qui sont le plus susceptible de rendre possibles des actions de communications légitimes à tous les égards. II.4 La légitimité de l'appel commercial Enfin, l'appel commercial ne va pas souvent avoir recours à la communication pour promouvoir un événement. En revanche, il usera et abusera des actions de communications pour valoriser des comportements et travailler sur son image. Il sera celui qui aura recours plus que quiconque à des travaux générant des besoins et des envies chez le public ciblé. Il pourra également être amené à légitimer des idées ou des comportement selon les produits qu'il vend (le tabac en est un bon exemple). L'appel commercial n'a aucune légitimité morale, son objectif étant soit de vendre son produit au public ciblé avant son propre concurrent, soit de créer des besoins chez les personnes ciblées pour élargir le nombres d'acheteurs de son produit. Il n'a pas du tout voir pas de légitimité procédurale dans la mesure où les actions de communication visant à vendre des produits occultent volontairement les défauts potentiels de ces produits. Enfin il faut souligner le fait que le commercial n'a aucune légitimité cognitive dans la mesure où il effectue un important travail sur les mots en usant et abusant de slogans divers et variés, mais aussi en mettant en application des techniques de marketing afin de manipuler ses clients pour lui vendre des produits.