hétérogénéité : probabilité « initiale » forte pour un individu d ’expérimenter une situation, ce qui fait qu’il la
rencontre de nombreuses fois. Cette explication est liée à une hypothèse fréquemment implicite en analyse
économique, l’idée que les variations entre résultats individuels viennent de « différences individuelles ».
« dépendance de l’état » : chaque fois que l’événement en question se produit, la probabilité pour qu’il ait lieu dans
le futur à nouveau augmente. Cette explication devient plus évidente quand on pense qu’il existe un encastrement des
emplois et carrières dans des structures sociales et bureaucratiques.
Granovetter plaide pour une sociologie économique, et pour cela cherche les manques et défaillances de l’analyse
économique. Ainsi, s’il reconnaît les apports de l’approche en termes de capital humain, il en donne un
« interprétation sociologique » :
Quand un individu occupe différents emplois successifs, il n’acquiert pas que du capital humain, mais également la
connaissance de nombreux collègues, relations qui pourront être très utiles pour trouver un emploi dans le futur (cf. le
1er article sur la force des liens faibles dans la recherche d’emploi). Ainsi la situation d’un individu sur le marché du
travail varie grandement avec le nombre de personnes avec qui il a été amené à travailler et qui donc connaissent ses
caractéristiques, et avec le nombre d’entreprises auxquelles ces personnes appartiennent.
Cette analyse explique pour part la difficulté de ceux qui ont occupé un emploi pendant longtemps dans une
entreprise à retrouver un emploi correspondant à leurs compétences lors de la fermeture de ladite entreprise, car d’une
part ils ne connaissent qu’un nombre d’individus restreint, et d’autre part ces individus appartenaient fréquemment à
la même entreprise (l’ancienneté est ainsi plus souvent d’entreprise que d’individu).
Les théories économiques ont tenté de résoudre le problème de la confiance réciproque au travail en se posant la
question de la « loyauté », qu’ils résolvent de deux manières principales : les contrats implicites ; le salaire
d’efficience
L’erreur de ces approches est cependant, encore une fois, de considérer les acteurs comme atomisés !
En réalité, dans la signature d’un contrat, il est très rare que l’une des parties n’ait pas d’information sur l’autre. C’est
évidemment notamment le cas dans les petites entreprises. Mais dans les grandes, il est également rare qu’un employé
commence un travail sans posséder d’informations sur l’entreprise, l’employeur ou d’autres employés. Cette
connaissance doit diminuer le risque de séparation entre employé et employeur et renforcer le niveau de confiance.
Les liens qu’un employé noue avec les autres ne sont pas non plus étrangers à l’attachement qu’il a à l’entreprise et
aux efforts qu’il est prêt à fournir.
Mais il ne faut pas prendre cette « atmosphère », ces « normes » d’un groupe pour donné ! Au contraire : étudier
comment elles se créent.
Les marchés internes
Comment expliquer les promotions et augmentations dans une entreprise ? Pour les économistes, elles sont liées à la
productivité.
En réalité, il faut prendre en compte « l’ encastrement des évaluations et des actions de promotion dans la structure
sociale » !
Les déterminants de la promotion sont généralement :
l’ancienneté : « lorsqu’ils décident des promotions, les cadres ne récompensent pas uniquement les talents, ils
agissent également de manière politique, afin de placer à des positions stratégiques les individus qui serviront
loyalement leurs intérêts personnels. »
les facteurs ethniques
la démographie : taux de départ en retraite et d’arrivée sur le marché du travail, ainsi que les taux de création et de
destruction de postes (dépendants des cycles économiques) => « vacancy chains » dont la longueur fixe le nombre
d’opportunités de promotion.
La mesure de la productivité n’est pas évidente, notamment parce qu’elle ne dépend pas que de l’individu en question
mais aussi de son réseau : reçoit-il les instructions adéquates ? Possède-t-il des caractéristiques qui font qu’il va créer
des liens amicaux et d’entraide avec ses collègues ou au contraire être amené à se débrouiller seul (cas d’un
travailleur noir promu dans un service de blancs
)
L’encastrement « paraît profondément incompatible avec l’individualisme méthodologique adopté par la plupart des
économistes ».
Plaidoyer pour une nouvelle méthodologie d’étude des marchés du travail, prenant en compte et confrontant les
« analyses sophistiquées du comportement instrumental faites par les économistes » et l’étude sociologique des
« structures et relations sociales et [du] mélange compliqué de motivations qui existent dans toutes les situations
réelles. »
Dalon, Melville, Men who manage, NY Wiley 1959