La diversité linguistique dans les entreprises multinationales

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LA DIVERSITE LINGUISTIQUE DANS LES ENTREPRISES
MULTINATIONALES : QUELS ENJEUX ET QUELLES
REPONSES ?
Jane KASSIS HENDERSON
Résumé
La mondialisation implique que les entreprises internationales mènent leurs activités dans un
environnement multilingue et avec des équipes polyglottes.
Dans cette communication, quelques travaux de chercheurs en management international et en
sciences des organisations seront présentés pour illustrer des approches multilingues et pour
montrer les décalages importants qui existent entre les politiques affichées et les comportements
réels (Fredriksson et al 2006 ; Kassis Henderson 2011).
Les entreprises multinationales sont à la recherche de solutions pour améliorer leur
fonctionnement et cherchent des avantages stratégiques dans un contexte mondialisé. A cet égard,
deux tendances ont été mises en évidence par la recherche: éviter la complexité en imposant des
solutions monolingues ou adopter des approches sophistiquées et multilingues pour résoudre des
problèmes d’ordre linguistique et culturel (Maclean 2006).
Des recherches ont montré certaines conséquences du recours à une langue d’entreprise censée
faciliter la communication. Les résultats d’études de terrain dans des sociétés multinationales
indiquent que les tentatives pour imposer une langue commune d’entreprise, ou lingua franca,
peuvent entraver ou modifier les flux d’information, les transferts de connaissances ainsi que les
communications formelles et informelles (Welch et al. 2001).
Un des objectifs de la recherche menée dans les entreprises est d’identifier les pratiques et
stratégies de communication utilisées par les individus et les organisations dans des contextes
multilingues (Kassis Henderson, 2005, 2007).
Ces travaux montrent que, trop longtemps négligée, (Marschan et al 1997), la diversité
linguistique est en train de devenir une dimension incontournable du management.
Language diversity in multinational companies : what risks and what
opportunities ?
Globalization means that international companies carry out their activities in multilingual
environments with multilingual teams.
In this paper some research from the fields of international management and organisational
science will be presented in order to illustrate multilingual practices and to show the discrepancy
between official company policies and everyday language use and behaviour.
MNCs are looking for solutions and strategic advantages to improve their performance in a
globalized context. Two trends have emerged in the research findings: the avoidance of
complexity by imposing monolingual solutions or the adoption of sophisticated and multilingual
approaches to solve language and cultural problems. (Maclean 2006).
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Research has shown some of the consequences of resorting to a common corporate language in
order to facilitate communication. Findings from MNCs indicate that attempts to impose a
company language, or lingua franca, can impede or modify information flows, knowledge
transfer and formal and informal communication (Welch et al 2001).
One of the objectives of the research conducted in companies is to identify the communication
practices and strategies used by individuals and organisations in multilingual contexts (Kassis
Henderson 2005).
This research shows that language diversity, neglected for too long (Marschan et al 1997), has
become an important dimension of management.
Mehrsprachigkeit in Multinationalen: Chancen und Risiken
Die Globalisierung hat dazu geführt, dass die Multinationalen ihre Tätigkeit in multilingualen
Teams abwickeln sollen.
Dieser Artikel stellt Forschungsergebnisse aus dem Bereich des internationalen Managements
und der internationalen Organisationstheorie vor, die die Praxis der multilingualen
Kommunikation beschreiben und die Diskrepanz zwischen offiziellen Kommunikationsstrategien
und der tagtäglichen Praxis der Sprachverwendung im Unternehmen aufzeigen. réels
(Fredriksson et al 2006 ; Kassis Henderson 2011).
Multinationale suchen nach Lösungen und Wettbewerbsvorteilen, um ihre wirtschaftliche
Leistung in einem globalisierten Geschäftsraum zu erhöhen. Zwei Trends treten dann in den
Vordergrund: der Versuch, Komplexität durch einsprachige Lösungen oder durch die
Überrnahme von raffinierten mehrsprachigen Methoden zur Lösung von sprachlichen bzw.
kulturellen Problemen zu umgehen. (Maclean 2006).
Forschungsarbeiten haben einige Konsequenzen von der Einführung eines gemeinsamen
“’corporate language” zur Erleichterung der Kommunikation analysiert.
Forschungsergebnisse belegen, dass der Versuch einer gemeinsamen Betriebssprache
durchzusetzen, Informationsfluss, Knowledge Transfer und formale sowie nicht formale
Kommunikation hindern oder verändern kann (Welch et al. 2001).
In innerhalb von Unternhemen durchgeführten Untersuchungen haben wir unter anderem
versucht, die Kommunikationsvorgänge und strategien aufzuhellen, die von Individuum und
Organisation in multilingualem Kontext verwendet werden (Kassis Henderson, 2005, 2007).
Diese Studie zeigt, dass zu lange verkannte Mehrsprachigkeit heute zu einem wichtigen Aspekt
des Managements geworden ist (Marschan et al 1997).
Les recherches en gestion : langues, multilinguisme et management
L’objectif de cette communication est de donner un aperçu des recherches menées
dans les entreprises multinationales sur des problématiques concernant les langues.
Depuis une quinzaine d’années des chercheurs en management international et en
sciences des organisations analysent les conséquences de la diversité linguistique sur
le lieu de travail. Un colloque international et interdisciplinaire qui s’est tenu en 2009
sur le thème « les Langues et le Multilinguisme dans le Management : Thèmes,
concepts et méthodologies » en est une bonne illustration (Hanken School of
Economics, Helsinki 2009).
Les recherches présentées à cette occasion identifient les enjeux pour les individus et
les organisations : à titre d’exemple, la communication par réseaux entre membres
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d’équipes transnationales qui pose le défi de la socialisation et de la mise en confiance
entre salariés dans un contexte multilingue. Le transfert de la connaissance dans des
contextes la même langue maternelle n’est pas partagée par tous constitue un autre
enjeu. Les titres des communications suivantes illustrent bien ces thèmes :
The use of linguistic compensatory strategies in cross-language knowledge transfer ;
Is Language only a means of communication?(Schomaker); The strategic role of
language in knowledge transfer to China (Tan and Gartland) ;
Language-switching, communication and knowledge process in MNEs (Chen and
Jackson). Cette dernière étude montre comment le recours à l’anglais, au chinois ou
au Chinglish, est d’une importance stratégique pour créer des avantages spécifiques soit
au niveau de la tâche à accomplir soit concernant les relations interpersonnelles.
Un autre axe de recherche exploré à l’occasion de ce colloque était le rôle de l’anglais
et des autres langues. Même si la ‘standardisation’ linguistique, c'est-à-dire l’anglais
comme langue de communication interne dans l’organisation, est souvent « la solution »
affichée par la Direction, le rôle de l’anglais se limite souvent au ‘reporting language’,
pour les documents officiels et les réunions du Conseil d’Administration. La réalité de
la communication quotidienne au sein de l’organisation est plus complexe et fait l’objet
d’investigations par des chercheurs. Deux communications illustrent ce thème: The Use
of a local language vs BELF (Business English Lingua Franca): Interpersonal and
corporate communication practices in an international context (Louhiala-Salminen). La
deuxième présente une étude conduite au sein d’une université finlandaise où trois
langues, l’anglais, le suédois et le finlandais sont emploes dans les activités
quotidiennes de l’institution: A Bourdieusian perspective on language, identity and
power: an ethnographic study of Language use in a Finnish University (Vaara et al.)
Concernant les entreprises, un article sur Siemens a montré que la politique
linguistique de l’entreprise ne tient pas compte de la complexité de la pratique des
langues au quotidien (Fredriksson et al 2006). Certaines organisations ont des
politiques linguistiques explicites, d’autres ont préféré laisser règner une ambiguité à ce
sujet (Truchot 2009).
L’exemple d’une recherche menée conjointement par des chercheurs en
gestion et en sciences du langage
Dans un article intitulé Language training for enhanced horizontal communication : A
challenge for MNCs. (La formation en langue pour l’amélioration de la communication
horizontale : un défi pour les entreprise multinationales) (Charles and Marschan
Piekkari 2002), la collaboration de ces deux auteurs, dont une est spécialiste de
Communication Internationale ( International Business Communication) et l’autre de
Management International, (International Management), montre l’intérêt de faire des
recherches interdisciplinaires.
L’objectif de cet article est d’analyser les problèmes rencontrés par les salariés d’une
MNC dans la communication horizontale entre les filiales . Les résultats montrent que
la communication pose un problème pour le personnel dans la mesure où les besoins de
communiquer au-delà des frontières se font sentir à tous les niveaux de la hiérarchie
organisationnelle, et de plus en plus aux échelons inférieurs. Même si le choix de
l’anglais comme la langue de travail de l’entreprise est cen faciliter les échanges, le
recours à cette langue n’est pas une réponse suffisante surtout quand beaucoup de
filiales se trouvent dans des pays non-anglophones. Dans une étude de la
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communication au sein d’une entreprise multinationale qui a son siège en Finlande, des
entretiens avec le personnel ont révédes problèmes, pas seulement pour les locuteurs
non anglophones, mais aussi pour les anglophones natifs. Les résultats de ces entretiens
suggèrent que les plans de formation de l’entreprise feraient mieux de se focaliser sur la
communication internationale au sens très large the broad spectrum of international
communication ») plutôt que de viser à augmenter la connaissance systématique d’une
langue en particulier. »
Quelques citations de l’article illustrent leur propos:
« Le choix de l’anglais comme langue de travail n’a pas
résolu les problèmes de communication car la compréhension entre salariés
reste difficile. »
« Dans le cadre de la formation, rendre la compréhension
prioritaire pour le personnel qui n’a pas besoin de parler ou d’écrire la langue,
mais qui a besoin de la comprendre dans son poste de travail. »
« Parce que les anglophones ont des problèmes à comprendre
et sont à l’origine parfois des problèmes des autres dans les interactions, une
recommandation est formulée de les faire assister aux stages de formation
destinés à améliorer la communication horizontale entre les salariés, (pour
apprendre à limiter les expressions idiomatiques et les allusions culturelles par
exemple). »
« Mettre en place un plan de formation pour l’entreprise, et
l’imposer dans les filiales car toute l’organisation est concernée par cet enjeu
qui est d’ordre stratégique et les ressources multiculturelles peuvent être
mobilisées dans la formation. »
« Les changements d’attitude sont essentielles. Tous les
moyens devraient être mobilisés pour que les individus se parlent, en utilisant
le moyen de communication qu’ils partagent. Il faudrait encourager des
réseaux internationaux dans le contexte de la formation pour améliorer la
compréhension. Surtout, il ne faudrait pas limiter l’évaluation de la
compétence de communication d’un salarié à leur capacité d’utiliser une langue
spécifique ; des critères d’évaluation plus larges sont à mettre en place. »
De façon générale, les recherches sur la communication dans les entreprises
multinationales ont montré un manque de prise de conscience ( « a lack of awareness »)
de ce qui est impliqué dans la communication « inter-langues » et «inter-cultures »
(Marschan, Welch and Welch 1997 ).
Un domaine de recherche peu exploré
Les recherches menées sur l’usage des langues dans l’entreprise ont tendance à traiter
surtout les problématiques concernant les cadres supérieurs et les dirigeants dont les
activités ont plus de visibilité car ils sont en première ligne en matière de
communication internationale.
Cependant, la question linguistique touche de plus en plus tous les membres des
organisations internationales et peu de recherches ont été menées sur cette question à
partir de la perspective des salariés moins qualifiés qui ont souvent l’impression de
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subir l’anglais, la langue qui symbolise l’internationalisation et qui est imposée par la
direction.
Une autre raison pour laquelle ce domaine de recherche est peu exploré est le fait
qu’une proportion importante de chercheurs en management a été formée dans la
tradition anglophone et qu’ils ont été peu sensibilisés aux questions liées à la présence
de langues multiples dans les organisations (Tietze 2004).
Selon Tietze (2004 :179), avec l’usage répandu et quasi automatique de l’anglais, les
processus de discrimination et d’exclusion sont devenus ‘invisibles’ et les conséquences
de la langue (en tant que système linguistique et en tant que système de discours)
comme moyen d’exprimer et de créer des relations de pouvoir et d’hégémonie sont
difficiles à identifier et à mesurer, et sont donc difficiles à prendre en compte et à
changer.
Une approche pragmatique pour résoudre les problèmes
D’autres chercheurs ont identifié les conséquences des environnements multilingues et
de l’utilisation généralisée de la langue anglaise dans les entreprises multinationales
(Welch et al 2005; Louhiala-Salminen et al 2005). Il a été constaté que si un nombre
important de salariés ne sont pas compétents dans la langue de travail, une résistance à
cette langue a tendance à émerger (Feely and Harzing 2003:45). Il s’ensuit que la
langue s’avère être une source de pouvoir pour les uns et une cause de discrimination
pour les autres, créant ainsi des gagnants et des perdants.
Une recherche menée par l’auteur (Kassis Henderson 2011) dans une filiale d’un
groupe français multinational, analyse les réactions suscitées par l’imposition de la
langue anglaise et par l’usage abusif de l’anglais, source de dysfonctionnements, de
stress et de discriminations.
Les problèmes rencontrés par les salariés ont provoqué une prise de conscience des
enjeux et enclenché un processus de concertation au sein de l’entreprise qui a mis en
place une Commission de Terminologie et a adopté le Cadre Européen Commun de
Référence pour les Langues pour mieux adapter les compétences aux postes de travail.
Dans cet exemple, c’est à cause de leur souci de professionnalisme et leur attitude
pragmatique que les salariés ont fait avancer le dossier langues dans l’organisation. Ils
étaient moins motivés par la défense de la langue française que par des raisons d’ordre
humain et par solidarité. A plusieurs reprises l’importance d’être confortable dans la
langue, à l’aise dans la langue’ a été soulignée lors des entretiens, en opposition aux
sensations de stress, de souffrance ou de honte vécues par des salariés qui ne maîtrisent
pas la langue de travail. Comme nous le rappelle Truchot : « Les exigences
linguistiques constituent de plus en plus, pour des catégories intermédiaires de
personnels, un obstacle à la promotion interne que leurs compétences techniques avaient
coutume de leur assurer » (Truchot 2010 : 9).
Pour conclure, nous pensons, avec Maclean (2006), que les questions linguistiques
seront résolues par des approches sophistiquées et multilingues, et non pas en évitant la
complexité par l’imposition de solutions monolingues.
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