
culture) « fausser le jeu en leur faveur » (p.61) (par ex les bonnes monnaies (or et argent)
servent pour les grdes transactions et vont donc vers le Capital, les mauvaises monnaies
(cuivre) servent à payer les salaires et vont donc vers le Travail), et ils ont « à leur disposition
des monopoles ou simplement la puissance nécessaire pour effacer neuf fois sur dix la
concurrence » (p.61).
Ainsi le monde de la marchandise et de l’échange se trouve-t-il hiérarchisé, allant des métiers
les plus humbles jusqu’aux négociants capitalistes.
Fait surprenant : la spécialisation, la division du travail, qui ne fait que s’accentuer au fur et à
mesure des progrès de l’économie de marché, affecte toute la société marchande, sauf son
sommet, les négociants n’étant pour ainsi dire jamais limités à une seule activité. À cela,
Braudel trouve que la raison de limitation des risques (« ne pas mettre tous ses œufs dans le
même panier » p.64) n’est pas suffisante. Les véritables raisons semblent être :
- le négociant ne se spécialise pas « parce qu’aucune branche à sa portée n’est suffisamment
nourrie pour absorber toute son activité » (p.64)
- La recherche du profit maximal l’amène à un comportement opportuniste et à changer ainsi
fréquemment de secteur, en effet, « le capitalisme est d’essence conjoncturelle. Aujourd’hui
encore une de ses grdes forces est sa facilité d’adaptation et de reconversion » (p.65)
- la seule spécialisation qui a pu avoir lieu est celle du commerce de l’argent, et son succès
n’a jamais été de longue durée (banque florentine, banquiers génois…).
En résumé, deux types d’échange se distinguent : « l’un terre à terre, concurrentiel
puisque transparent ; l’autre supérieur, sophistiqué, dominant ». C’est dans le second
que ce situe la « sphère du capitalisme ». Bien que le capitalisme puisse se trouver à
tous les niveaux hiérarchiques de l’économie de marché, c’est en haut de la société que le
premier capitalisme se déploie et affirme sa force. Si d’ordinaire, on ne distingue pas
capitalisme et économie de marché, c’est que les deux ont progressé au même pas, du
Moyen Age à nos jours, et que l’on a souvent présenté le capitalisme comme le moteur
du progrès économique. Et c’est effectivement le « mouvement d’ensemble qui est
déterminant ». p.66-67
IV. Le capitalisme ne peut se concevoir sans la complicité active de la société, qui se
décompose en plusieurs ensembles.
L’État, qui peut être y favorable ou hostile. « Le capitalisme ne triomphe que lorsqu’il
s’identifie avec l’État » p.68 (dans la 1ère grde phase du capitalisme, dans les villes italiennes,
c’est l’élite de l’argent qui détient le pouvoir; en Hollande au XVIIème, l’aristocratie des
Régents gouverne dans l’intérêt des négociants; en Angleterre c’est le cas après la rév de
1688; en France c’est après la rév de Juillet, en 1830)
La religion, « force traditionnelle », dit non aux nouveautés du marché; même s’il y
avait des « accommodements », elle a par ex maintenu une forte opposition de principe
au prêt à intérêts (p.69). Selon Max Weber (Braudel ne partage pas son approche), ce serait
même le protestantisme qui, levant ces verrous moraux, serait à l’origine de l’ascension
capitaliste des pays du nord de l’Europe. Selon Braudel ces pays n’ont fait que prendre la
place des vieux centres capitalistes de la Méditerranée, ils n’ont « rien inventé » (p.70).
Régulièrement, en effet, s’opère un déplacement du centre de gravité de l’éco mondiale
(Venise>Amsterdam>Londres>New York). Ainsi, le glissement de la Méd vers les mers du
Nord est dû, plus qu’au protestantisme, à un changement d’échelle (ouverture vers
l’Atlantique).
Mais le problème essentiel est celui des hiérarchies sociales. Les hiérarchies religieuse et
politique son parfois confondues (Rome au XIIIème siècle); à Florence, à la fin du XIVème,
l’élite de l’argent (noblesse féodale et bourgeoisie marchande) détient le pouvoir politique, en
Chine, la hiérarchie politique prédomine (Chine des Ming et des Mandchous) ,comme c’est le
cas, d’une façon moins marquée, dans la France monarchique d’Ancien Régime (rôle sans
prestige des marchands par rapport à la noblesse). Autant de chemins pour l’ambition des