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& théologie
Le Courrier théologique
des professeurs de la faculté de théologie catholique
(Université de Strasbourg)
N° 1, novembre 2014
Billet
Le pari de la rencontre
La lettre des professeurs de la faculté de théologie catholique, dont voici le 1er numéro, fait
le pari de la rencontre. Rencontre mensuelle avec les étudiants, d’abord, sur un mode plus
convivial que le mode académique qu’il s’agisse d’étudiants proches ou éloignés, nouveaux
ou anciens ; mais aussi rencontre avec les confrères, avec les amis qui ont fait un bout de
route avec nous à l’occasion d’un colloque pluridisciplinaire, d’une conférence en paroisse ;
rencontre enfin avec toute personne qui serait désireuse d’être informée de notre travail au
quotidien.
Mais la rencontre avec les uns et les autres n’a chance de se produire en aval que parce que
ses conditions sont préparées s l’amont, dès ce carrefour de disciplines qu’est la théologie
universitaire. J’ai plaisir à énumérer celles-ci, dans la savante architecture qui étonne si
souvent les nouveaux entrants à la faculté : sciences bibliques de l’Ancien et du Nouveau
Testament, patristique, histoire et théologie médiévales, histoire de l’Église contemporaine,
philosophie, théologie fondamentale et systématique, éthique et théologie morale, étude de la
liturgie, pédagogie religieuse, droit canoniqueChaque mois, les collègues d’une discipline
prendront la rédaction de la Lettre en charge, de manière à insister sur ce qui fait l’actualité de
leur point de vue, en résonance avec leurs intérêts et à l’aide de leurs outils propres. Car c’est
bien à travers ce double mouvement de réception et d’engagement que s’assure la pertinence
du travail théologique. L’ellipse qui figure dans le titre de la lettre : & théologie, veut indiquer
que la théologie ne naît pas ex abrupto, mais qu’elle s’insère dans des langages, des traditions,
des savoirs divers, en même temps qu’elle revendique d’être prise en compte au terme : &,
après tout, la théologie ?
Le pari de la rencontre nous amène à nous interroger aussi sur ce qu’est un pari. Avec
l’ébouriffante démonstration que fait Blaise Pascal dans le fragment « Infini-Rien », la vertu
d’espérance apparaît sous la forme inusitée du produit du gain par la probabilité. Était-il
question pour le mathématicien philosophe de donner un motif comptable au saut de la foi ?
En réalité, le projet apologétique est postérieur au texte du pari. Il s’agissait plutôt de parler
aux gens du métier leur langage, de faire entrevoir que les savoirs spécialisés sont eux-mêmes
porteurs de métaphores. L’exception d’une rencontre suppose certes d’avoir quitté les sentiers
battus. En même temps, le pari s’appuie sur la familiarité de chemins connus, mais
redécouverts, et donc reconnus comme chemins. Ainsi du travail théologique : il se fait par
collage, emprunt, recherche de palimpseste et annonce d’annonce… L’originalité unique du
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message chrétien est d’être déjà une rencontre et de se faire reconnaître à travers, chaque fois,
des rencontres.
L’étude et la recherche intellectuelle retardent-elles la rencontre vivante ? Au premier
abord oui, et il y a de quoi rendre infiniment modestes théologiens et théologiennes. D’une
autre façon non, car le pari lancé à la fois suppose la rencontre et l’appelle, au travers de la
diversité des cultures, des religions, des engagements.
René Heyer
Doyen
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La pensée du mois
« Il me semble qu’il importe de se rappeler que l’université a eu traditionnellement une
fonction de “pont” entre cultures et entre savoirs. Aujourd’hui, la requête de
l’interdisciplinarité exprime clairement cette exigence de “liens” à tisser entre disciplines et
savoirs particuliers au-delà des perspectives propres à un champ épistémologique. Le désir de
“croiser” les regards et les perspectives donne de retrouver l’université comme lieu de débat
structuré dans des sociétés où existent peu de possibilités de véritable confrontation des
idées
La fonction propre de l’université est, selon l’expression de Newman, de “cultiver
l’intelligence”. C’est une responsabilité à laquelle une institution universitaire ne peut se
dérober… À mes yeux, il s’agit d’abord de permettre à l’étudiant de vivre une véritable
expérience intellectuelle, c’est-à-dire un cheminement lent qui aille de l’avant sans toujours
connaître le terme de l’itinéraire…
Dans une époque nous risquons toujours de passer du rationalisme le plus étriqué au
fondamentalisme le plus naïf, nous comprenons l’importance du lien entre foi et raison. Ne
faut-il pas dire que la rationalité la plus culière a besoin de ce que l’expérience humaine la
plus radicale l’expérience de Dieu cherché et aimé fait regarder de manière autre et
nouvelle ? »
Extraits de « L’université à la croisée des chemins » par F.-X. Dumortier, sj, dans Quod
iustum est et aequum, Scritti in onore del Cardinale Zenone Grocholewski per il
cinquantesimo di sacerdozio, a cura di Mons. Marek Jedraszewski e don Jan Slowinski,
Poznan, 2013, pp. 58, 59 et 61.
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Lectures autour du thème de « l’homme augmenté »
Du 27 au 29 août s’est tenu à Strasbourg le congrès de l’association de théologiens pour
l’étude de la morale (ATEM) sur le thème « Homme perfectible, homme augmenté ? ».
L’« augmentation » en question traduit l’anglais enhancement et recouvre un ensemble de
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techniques visant l’« amélioration » (autre traduction possible) de l’humain. Si le débat sur
ces questions est très fort aux États-Unis, il ne fait que commencer en Europe. À titre
d’exemple, le Comité consultatif national d’éthique français a rendu en février de cette année
pour la première fois un avis sur des questions proches (l’usage de techniques permettant une
« neuro-amélioration » chez les personnes non malades). Le développement considérable des
NBIC (nanotechnologies, biologie, informatique et sciences cognitives) a aussi donné lieu
depuis les années 1990 à un courant de pensée organisé : le transhumanisme ou Humanism +.
Les recherches et réalisations technoscientifiques médicales ou militaires ne peuvent sans
doute pas être ramenées à une visée « transhumaine » ou « post-humaine », mais la
philosophie de ce courant conduit à interroger la manière dont nous pensons et vivons
certaines évolutions de notre époque.
C’est particulièrement vrai de la flexion théologique, qui commence à s’emparer de ces
sujets (2) et ce fut l’un des premiers buts du congrès de l’ATEM que de prendre en vue ce
chantier. Les travaux en seront publiés prochainement dans un numéro de la Revue d’éthique
et de théologie morale, il n’est donc pas nécessaire d’en donner ici un compte rendu en bonne
et due forme. En revanche, il peut être utile de sérier un certain nombre des questions
suscitées et d’indiquer quelques orientations bibliographiques.
Que la machine réponde au corps et qu’elle s’allie à lui, nous en avons plus que des
exemples : c’est notre environnement entier qui en est modifié. D’où le vertige devant
l’accélération des innovations technologiques, leur « progrès continu », et une sorte d’arrêt de
la pensée, fascinée qu’elle semble être par l’ombilic des perspectives ouvertes. Or on se
souvient que le fascinosum est selon Rudolf Otto l’une des composantes du numineux avec
leffroi du tremendum. Mais le numineux d’aujourd’hui n’est plus dans l’approche du sacré
délimité : les humains auraient rompu son enclos et se dirigeraient maintenant au-delà des
limites qui étaient celles de la finitude. Il n’est pas sans intérêt d’insister sur l’atmosphère
initiatique qui entoure ce qui ne serait plus seulement un changement de monde, mais une
étape de l’humain se dépassant lui-même. H+ : comme si, par le tour d’une magie
intransitive, l’homme s’incorporait les objets machiniques de son propre culte.
Ces phénomènes parareligieux, la théologie a à en connaître. Elle ne cesse en effet de
scruter la croyance, si mobile dans ses buts et dans ses formes. Car les croyances peuvent
aussi bien être vecteurs de la foi vivante que bouchons qui l’étouffent. Mais le travail
théologique ne se fait pas non plus à distance, en sorte que des confusions sur la doctrine
promue demandent à être dissipées. Si l’on condamne l’espèce d’immortalité que visent
certains parmi les transhumanistes (7), va-t-on simplement lui opposer l’immortalité de l’âme
et comment accordera-t-on celle-ci à la résurrection de la chair proclamée dans le Credo ? Il y
aurait à redresser la croyance, mais à partir de quoi ? Que l’homme s’entête à prolonger
l’homme n’a rien d’une erreur, sauf si cela revient à écarter toute altérité (3).
Les croyances orientent les pratiques. Ce que rendent possible les NBIC, est-ce
souhaitable ? Contrôler le corps et vivre plus vieux, voilà qui intéresse mais à quel prix ?
Devenir plus intelligent et plus heureux est un programme complémentaire plus douteux (4,
p. 137). C’est ce que nous signifie, dans une ambiguïté choquante et au titre prétendu de l’art
du bioart , un lapin dont l’ADN a été mêlé à celui d’une méduse et qui diffuse dans le noir
une lumière fluorescente verte (5, p. 84). Comment s’y retrouver parmi les appareillages
proposés, connexions, greffes, prothèses, implants internes ou externes (exosquelettes) ? À
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vrai dire, nous avions jusqu’ici des repères, qu’à tort sans doute nous avions identifiés avec
des codes moraux. Le plus massif de ces repères tournait autour de la santé : ce qui la favorise
était bon et permis, le reste était indifférent ou suspect (on disait par exemple : médecine de
confort, pour s’en débarrasser) (8). Ce partage, n’en doutons pas, continue de fonctionner, au
moins pour la curité sociale ; mais il ne cesse de bouger sous la pression de nouveaux
critères que le monde social travaille à faire reconnaître.
En ce sens, nous sommes moins démunis que nous pourrions le croire en matière
d’appréciation morale. Il est vrai cependant que nous ne pouvons pas nous reposer sur le
consensus de cadres de pensée appris : leur validité n’est plus acceptée en bloc, mais éprouvée
dans le détail des situations. La tâche du moraliste n’en est pas simplifiée. Il y trouve
néanmoins un élément vivifiant : le dialogue argumenté. Qui ne va pas sans convictions.
Site : www.transhumanistes.com
1) Jean-Michel BESNIER, Demain les post-humains, Paris, Hachette, 2009.
2) Theo BOER and Richard FISCHER (ed.), Human Enhancement. Scientific, Ethical and
Theological Aspects from a European Perspective, published by the Church and
Society Commission of the Conference of European Churches, Strasbourg, 2013,
298 p.
3) Rémi BRAGUE, Le Propre de l’homme. Sur une légitimité menacée, Paris, Flammarion,
2013, 260 p.
4) Yves CASEAU, « L’étrange humanité du transhumanisme », Conférence 37, automne
2013, p. 133-160.
5) Christian GODIN (dossier coordonné par), « Aujourd’hui, le post-humain ? », Cités 55,
2013, p. 11-106.
6) Édouard KLEINPETER (dir.), L’Humain augmenté, Paris, CNRS Éditions, « Les
Essentiels d’Hermès », 2013, 224 p.
7) Ray KURZWEIL et Terry GROSSMAN, Serons-nous immortels ? Oméga 3,
nanotechnologies, clonage… (2004), trad. fr., Paris, Dunod, coll. « Quai des sciences »,
2006, 525 p.
8) Marie-Jo THIEL, La Santé augmentée : réaliste ou totalitaire ?, Paris, Bayard, 2014,
250 p.
9) « Trouble dans la définition de l’humain », Transversalités, Supplément 1, revue de
l’ICP, Paris, Desclée de Brouwer, 2014.
10) Denis VIENNET, « Toutes les frontières sont des conventions qui attendent d’être
transcendées. Le cinéma Wachowski, le trans-humanisme et la rencontre », Le Portique
32, 2e semestre 2013, p. 153-179.
RH
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Informations diverses
(à retrouver sur le site de la faculté de théologie catholique : theocatho.unistra.fr)
Nous avons la grande tristesse d’annoncer le décès cet été de Philippe Geneste,
victime d’un accident de la route. Il était chargé de cours en théologie à la faculté et
venait de soutenir en février sa thèse sur « Humanisme et christologie chez Henri
de Lubac ». Nous exprimons nos condoléances à sa famille. Souhaitons qu’un
éditeur prenne prochainement en charge la publication de la thèse. Nous apprenons,
avec émotion, que l’Académie des Sciences Morales et Politiques vient d’attribuer -
- pour 2014 - le prix et la bourse de la Fondation Araxie Torossian à Philippe
Geneste. Cette distinction aidera à l’édition de sa thèse et constitue un bel
hommage à sa mémoire.
Prix de thèse 2014 M. Bessert Vetea «La tradition juridique de l’Eglise catholique
occidentale du dit à l’écrit : implications historiques, théoriques et pratiques »,
thèse de doctorat en droit canonique sous la direction de Jean-Luc Hiebel, soutenue
le 15-7-2013.
Soutenances de thèse en théologie catholique :
- Damien Mekpo : « Agriculture écospirituelle. Pour un développement durable
en Afrique à l’ère de la crise écologique », sous la direction de René Heyer,
7 novembre 2014, 14 h, salle Mauve (RCH) faculté de chimie ;
- Henri Fidèle Moto : « L’accès à l’eau potable en milieu rural au Cameroun. A
la recherche d’une approche éthique et théologique du développement », sous la
direction de Marie-Jo Thiel, 16 décembre 2014, Salle Fustel, Palais
Universitaire ;
- Elisabeth Emmanuelle Billoteau : Julian de Norwich, mystique et théologie »,
sous la direction de Simon Knaebel, 19 décembre 2014, Salle Tauler, Palais
Universitaire
« Transmission et réception des Pères grecs dans l’Occident, de l’Antiquité tardive
à la Renaissance : entre philologie, herméneutique et théologie », colloque organisé
par E. Prinzivalli (chaire Gutenberg 2014), M. Cutino et F. Vinel, 26-28 novembre
2014, salle Tauler. 30 € pour l’ensemble du colloque, 10 € par journée. Gratuit pour
les étudiants et les enseignants de l’UdS.
« La ville en littérature et en théologie », journée d’études organisée par R. Heyer
et P. Keith, 11 décembre 2014, salle 47.
Publications : « La Déconstruction du christianisme. Autour d’une œuvre de Jean-
Luc Nancy », Revue des sciences religieuses 88/4, octobre 2014. « Relations de
travail et religions », Revue de droit canonique 63/1-2, paru en 2014.
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