2
ministre cumule sa retraite de parlementaire (4
000 euros), ses indemnités de conseillère
générale (2 000 euros) et le paiement d’une
mission de 9 500 euros mensuels sur « les
conséquences sociales de la mondialisation ».
Il y a fort à parier qu’être gouverné par une
présidente de la République ou être dirigé par
des pédégères ne bouleversera pas le pouvoir
patriarcal. Aussi la formule féministe des
années 70 reste-t-elle toujours d’actualité : ce
n’est pas une part supplémentaire du gâteau
qu’il faut réclamer, c’est la recette qu’il faut
changer. Les pouvoirs politique et économique
ne sont en réalité que la toute petite partie
émergée de l’iceberg patriarcal. Celle là même
que l’on a mis tant de temps à voir. Reste les
9/10ème de la partie immergée, celle qui
constitue le fondement du pouvoir patriarcal, à
savoir : le travail domestique accompli par les
femmes à titre gratuit pour le plus grand profit
des hommes. A notre sens, c’est l’une des
conquêtes les plus méconnues du mouvement
féministe. La découverte de ce territoire de
l’oppression patriarcale est décisive. Comme
l’existence et la fréquence de la violence
domestique contre les femmes mis en lumière
cette dernière décennie, l’inégalité de la
répartition du travail domestique n’était pas
vue comme un problème. Pour mettre à jour
ces faits, une énergie féministe considérable
dut être déployée. Comme pour les faits de la
violence masculine, il faut des chiffres qui
établissent les inégalités dans le travail
ménager et parental au sein du couple
hétérosexuel. Avec sa coutumière ironie, la
sociologue Christine Delphy rappelle dans
l’introduction de son dernier recueil d’articles
que « pour collecter les chiffres, il faut
d’abord penser, sur la foi d’indices qualitatifs,
que ce phénomène existe : pourquoi
calculerais-je la quantité de neige tombée
dans le Vaucluse si je suis convaincue qu’il
n’y neige jamais, qu’il ne peut pas y
neiger ? »(3). La conquête féministe a été de
rendre visible une inégalité qui s’inscrivait
dans l’ordre naturel des choses. Le texte
majeur en France qui a mis en lumière
l’économie politique du patriarcat est son
article intitulé L’Ennemi principal (4) Son
analyse démontre que le travail domestique et
l’élevage des enfants repose quasi
exclusivement sur les femmes et que ce travail
non rémunéré est effectué gratuitement, contre
rien, au profit des hommes. Le fait que les
femmes françaises soient entrées massivement
dans le salariat ne change strictement rien à
l’affaire. Pour mémoire, rappelons le retard
considérable pris par le législateur français à
libérer les femmes mariées de l’autorisation de
leur époux pour exercer une activité
professionnelle alors qu’elles représentaient,
dès avant l’adoption de la loi de 1965, presque
la moitié de la population active. Si la femme
travaille, écrit Delphy, « non seulement son
emploi ne la dispense pas du travail
domestique mais il ne doit pas nuire à ce
dernier. La femme n’est donc libre que de
fournir un double travail contre une certaine
indépendance économique ». C’était il y a
quarante ans ! Les dernières enquêtes nous
permettent de faire le point sur l’évolution des
comportements et la répartition du travail au
sein des couples. Surprise ? Presque rien n’a
changé. En 1998, une enquête de l’Insee avait
déjà établi que 80% du travail domestique était
encore assuré par les femmes. Deux ans plus
tard, une autre enquête de la Direction des
études du ministère du travail montrait que
trois pères sur quatre n’effectuaient aucune
tâche parentale au quotidien, quel que soit le
nombre de leurs enfants et que le travail
parental – une quarantaine d’heures par
semaine – reposait aux deux tiers sur les mères
(5). La dernière étude du même organisme
datant de 2002 établit que le temps passé par
un enfant seul avec son père est de 4h22 par
semaine, alors qu’il est de 29h25 pour la mère
(6). L’enquête de Danièle Boyer sur les
pratiques des pères bénéficiaires de
l’Allocation parentale d’éducation (1 homme
éligible sur 100 contre 1 femme sur 3 a
recours à ce dispositif) montre que même chez
ces pères au foyer, si l’on assiste à une
meilleure répartition du travail parental, les
rôles ne sont pas pour autant inversés : ils ne
s’investissent pas dans la sphère domestique
au détriment de leurs épouses pourtant
salariées (7). Enfin, en 2005, une étude menée
par l’Ined et l’Insee (8) permet à nouveau
d’évaluer la participation des pères au travail