Enfin, pourquoi est-il important d`y faire face aujourd`hui

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TRANSLATION FROM SPANISH INTO FRENCH PROOFREAD BY:
LÉONORE FRITIS
Intervention de Nicole Bidegain, DAWN
Journée de la jeunesse féministe - Session plénière : le pouvoir économique et les
jeunes femmes
18 avril 2012, Istanbul
Bonjour à toutes, je suis ravie d’être parmi vous afin de préparer notre
participation au forum de l’AWID. Je m’appelle Nicole Bidegain, je suis
uruguayenne et j’appartiens au réseau des femmes du sud DAWN (Development
Alternatives with Women for a New Era). Je vous présente à cette occasion les trois
questions que soulève cette discussion.
Tout d’abord, qu’est-ce que le pouvoir économique ?
Le pouvoir économique correspond à la capacité de posséder les ressources
permettant de prendre des décisions économiques, de faire pression sur autrui et
d’établir les règles du jeu économique. L’une des façons de mesurer le pouvoir
économique est d’analyser la totalité des revenus ou les degrés de concentration et
de contrôle du marché des différents acteurs.
Ce qui nous amène à cette question essentielle : quels sont les acteurs détenant le
pouvoir économique et quelles en sont les implications ? D’un côté, nous pouvons
dire que les principaux acteurs sont les entreprises multinationales, qui
concentrent une grande partie des richesses mondiales. De l’autre, nous avons les
acteurs représentés par les États, en particulier ceux du nord, qui à travers leur
pouvoir économique établissent les règles de l’économie mondiale, notamment en
termes de politique commerciale, financière et monétaire.
L’autre question clé est de savoir d’où provient ce pouvoir économique : il découle
d’un modèle d’accumulation qui organise la production, la distribution, la
consommation ainsi que la reproduction sociale de manière inégale entre le nord
et le sud, les hommes et les femmes, les générations, les ethnies et les races. Ce
modèle se nourrit lui-même des institutions financières et commerciales
internationales qui entretiennent ces règles du jeu inégales.
Nous assistons depuis les années 70 à un processus de globalisation néolibérale
qui, dans sa dernière phase, se caractérise par la suprématie de l’économie
financière sur l’économie réelle, et sert à étendre le processus d’accumulation. Les
grands gagnants de ce modèle sont les multinationales qui intègrent de nouveaux
secteurs pour augmenter leurs profits. Dans un premier temps, elles se sont
développées dans le secteur de l’industrie manufacturière, pour ensuite couvrir le
secteur primaire et enfin le secteur tertiaire.
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Les politiques économiques, impulsées par les institutions financières
internationales à travers les programmes d’ajustement structurel mis en œuvre
dans les pays en veloppement au cours des années 90, ont permis la
consolidation du néolibéralisme au niveau mondial. Les multinationales ont ainsi
poursuivi leur croissance, comblant les espaces que l’État ne devait pas occuper
« compte tenu de son inefficacité et de sa corruption ». On distingue parmi les
politiques mises en œuvre la dérèglementation du marché du travail, la
privatisation des industries étatiques, des services publics et des hydrocarbures, la
réduction des dépenses sociales et l’intervention minimale de l’État sur l’économie.
Le néolibéralisme associe la « croissance » au « développement », puisqu’il suffit de
croître et d’observer un instant d’ajustement pour que les bienfaits de la
croissance parviennent à toute la population par effet ricochet. La croissance est
elle-même censée être illimitée.
Plusieurs recherches montrent que la mise en œuvre de politiques économiques
traditionnelles n’a pas déclenché le bien-être escompté, la théorie du ricochet
n’ayant pas ricoché, mais bel et bien centralisé le pouvoir économique. Par
exemple, durant cette période, les inégalités ont augmenté dans et entre les pays,.
Aujourd’hui, tandis que 20% de la population mondiale jouit de plus de 70% de la
totalité des revenus, la population du quintile inférieur ne touche que 2% des
revenus mondiaux
1
. Dans le même temps, les grandes multinationales présentent
un degré de concentration du marché qui en fait des oligopoles par excellence. Le
graphique créé sur TBI nous indique que moins d’1% des banques contrôlent les
actions de 40% des affaires mondiales. Nous remarquons également que 41 des
100 plus grandes économies mondiales ne sont pas des pays mais des
corporations
2
.
Deuxièmement, en quoi est-ce important pour les jeunes
femmes ?
Je pense que c’est un sujet très important, dans la mesure la concentration du
pouvoir économique se répercute sur la capacité des États à garantir nos droits
humains. Ces derniers temps, on discerne une augmentation des privilèges des
corporations à travers par exemple les traités de protection des investissements, la
libre circulation des capitaux, la possibilité pour les entreprises d’intenter des
procès contre les États
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Nous assistons toutefois simultanément à un processus de
restriction de certains droits humains des personnes et à un affaiblissement des
mécanismes censés assurer leur exigibilité.
1
Déclaration du Groupe de réflexion de la société civile sur le développement mondial (Civil Society
Reflection Group on Global Development) Disponible sur http://www.reflectiongroup.org/
2
http://www.tni.org/es/report/estado-del-poder-corporativo-2012
3
CIRDI Banque mondiale
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Ensuite, il est indispensable de garder à l’esprit que les politiques économiques ne
sont pas neutres, et qu’elles tendent même à reproduire les inégalités entre
hommes et femmes de même qu’entre générations. Les politiques fiscales
austères, par exemple, ont un impact considérable sur les femmes. Les
compressions budgétaires publiques dans les secteurs des services, comme la
santé ou l’éducation, entraînent, et cela a été largement documenté par les
économistes féministes, une charge de travail non rémunéré pour les femmes et les
filles, ou engendrent directement un manque d’accès aux services qui ne sont alors
plus fournis ou sont privatisés.
De plus, la mise en œuvre d’impôts régressifs comme l’impôt sur la valeur ajoutée
est profondément injuste, puisque les pauvres subissent une plus forte pression
fiscale que ceux qui sont plus fortunés. Et bien que ces résultats soient connus de
tous, les solutions à la crise de la dette européenne nous proposent le même
remède : plus d’austérité et un secteur privé moins régulé.
Enfin, citons l’exemple du chômage des jeunes. Il s’agit de l’un des grands sujets à
l’échelon mondial, qui est toujours analysé depuis la perspective de l’offre d’emploi.
C’est à dire qu’on analyse le chômage des jeunes femmes à travers des variables
comme le niveau d’éducation ou la discrimination de la part des entreprises
(puisque l’on soupçonne toujours les jeunes femmes de pouvoir tomber enceintes).
Il est pourtant nécessaire d’envisager la question du point de vue de la demande
d’emploi. La mondialisation néolibérale, avec l’impulsion des exportations et
l’attraction dIDE comme stratégie clé du développement dans le sud, a créé des
postes de travail à faible qualification et quelques postes pour les personnes très
diplômées. Ce modèle présente toutefois un problème : il ne crée pas suffisamment
de postes de travail. C’est pour cette raison qu’il convient de mettre l’accent sur les
façons qui existent de diversifier les structures productives afin de générer des
emplois de qualité, et non sur les taux de croissance en soi.
Les pays du cône sud sont un cas très représentatif. En entretenant l’illusion
développementaliste qui préconise le maintien de taux de croissance économique
élevés, les États cherchent à attirer les IDE par le nivellement vers le bas et offrent
ainsi toutes sortes d’incitatifs aux entreprises, comme l’exonération d’impôts et la
dérégulation du travail et de l’environnement. Dans certains cas, ils assument
directement leurs coûts environnementaux et sociaux, et parviennent à peine à
engendrer des mesures spécifiques visant à compenser les impacts négatifs les
plus graves (Gudynas 2009, 8).
Il est frappant de constater qu’aussi bien les gouvernements de gauche que
progressistes, et ce contrairement aux gouvernements néolibéraux précédents,
débattent sur la taille des unités de production, le pourcentage des sommes
retenues par l’État ou encore l’importance de prévenir les conflits belliqueux
engendrés par les puissances qui cherchent à s’emparer des ressources. Les
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questions centrales tournant autour du modèle à proprement parler, tels que la
nulle création d’emploi, le développement des monocultures, la concentration et
l’étrangérisation des terres, l’usage d’agrotoxiques, les méga-exploitations
minières et le déplacement des populations ne sont toutefois pas à l’ordre du jour
du débat (Svampa 2008, 27).
Pour finir, je considère qu’en tant que jeunes femmes féministes, nous sommes en
mesure d’apporter notre contribution, depuis notre expérience et notre
diversité, en proposant de nouvelles positions et actions politiques. Cela
implique de faire systématiquement en sorte que nos luttes pour la justice des
genres recoupent les luttes économique et environnementale qui s’inscrivent dans
le contexte dans lequel il nous est donné de vivre. Nous pouvons à notre tour
apporter notre propre voix et peser de façon différente. Sur ce plan, nous devons
travailler de concert avec les hommes, nous n’avons pas le choix. En tant que
jeunes femmes, je pense que nous pouvons faire preuve de plus de flexibilité en ce
qui concerne la création d’alliances et la définition des espaces globaux d’incidence
à prioriser.
Enfin, pourquoi est-il important d’y faire face aujourd’hui ?
Parce que la mondialisation financière est entrée en crise et a conduit le
monde à l’une de ses plus grandes récessions. Il a été suffisamment
démontré que le paradigme dominant ne mène ni au développement, ni au
bien-être de la population. Nous nous trouvons confrontés à une crise de
légitimité du système, malgré les efforts de ses défenseurs pour tenter de le
développer davantage.
Parce qu’on ne peut plus nier qu’il existe des limites environnementales et
que ces dernières exigent une action urgente et durable qui ne soit fondée
ni sur des mécanismes de marché, ni sur des technologies non prouvées.
Parce qu’en se mobilisant aux quatre coins de la planète, les gens montrent
qu’ils en ont ASSEZ. Certains s’insurgent contre la hausse des prix des
aliments, d’autres contre la concentration de la richesse dans le système
financier, les jeunes parce qu’ils sont les premiers touchés par le chômage
et les réductions budgétaires dans les secteurs de l’éducation et des services
sociaux.
Parce que les rapports de force entre nord et sud sont en pleine
reconfiguration, avec de nouveaux pôles d’accumulation et de nouvelles
perspectives de propositions alternatives en faveur d’un système financier
et économique mondial plus juste et équilibré.
C’est pour toutes ces raisons que je vous invite à vous aussi défier et transformer le
pouvoir économique depuis une éthique féministe. C’est non seulement nécessaire,
c’est aussi urgent.
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Merci beaucoup.
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