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L'agriculture en Bolivie
L'agriculture est une activité de première importance pour l'économie
bolivienne. Elle emploie pratiquement la moitié de la population active du
pays et représentait environ 15,7 % du PNB en 2001.
Bien que la Bolivie soit aujourd'hui autosuffisante en ce qui concerne la production de
sucre, de riz et de viande, elle doit encore importer certaines denrées alimentaires. Les
principales cultures boliviennes sont la pommes de terre, la canne à sucre, le café, le
maïs, le riz et le blé, le coton. À côté de ces cultures légales, il existe aussi la culture de
la coca. Une grande partie du revenu agricole provient, en effet, de sa culture et de sa
transformation illégale ; nous en avons déjà beaucoup parlé.
Coup d’œil sur l’histoire
Les Andes constituent un milieu géographique qui a été longtemps le plus peuplé de
l’Amérique du Sud. Une paysannerie très typée, s’y enracine dès le VIème siècle
élaborant des formes d’agriculture d’autant plus originales qu’elles s’inscrivent dans une
diversité de milieux sans équivalent ailleurs.
L’empire inca se surimpose, à partir du XIII è siècle, sur une mosaïque de principautés
aux cultures avancées et unifie l’ensemble andin. Ils mettent néanmoins en avant le
rôle essentiel des communautés rurales ou Ayllus. L’état théocratique inca perçoit un
tribut en nature : une part des récoltes, des corvées pour les grands travaux et des
recrues pour l’armée.
L’irruption des conquérants espagnols détruit l’édifice et impose des
bouleversements qui transforment la majorité des paysans en serfs, elle ne laisse
subsister ensuite que des communautés rurales aux terroirs réduits, une partie des
terres étant attribuée aux colons espagnols et aux capitaines de la conquête sous forme
de grands domaines, les encomiendas.
Lors de l’avènement de la République, en 1825, une politique foncière est instaurée
appliquant les recommandations de Bolivar(1), mais elle dérive et réduit la propriété
indigène légale aux seules parcelles nécessaires à la satisfaction des besoins de
l’autoconsommation. Elle prend une tournure brutale en 1874, avec la confiscation des
terres. Elle permettra, jusqu’en 1920, l’aliénation d’une grande partie des terres des
communautés.
Néanmoins, en 1952, précipitée par la débâcle bolivienne lors de la Guerre du Chaco(2),
une mobilisation pré-insurrectionnelle des ruraux aboutit à la réforme agraire de 1953.
Mais cette réforme, faute de moyens, reste tronquée et dérive une fois de plus vers une
nouvelle appropriation foncière obéissant aux formes d’une agriculture d’exportation
greffée sur le marché international. Cinquante ans après le diagnostic est là : une
nouvelle réforme agraire s’impose en Bolivie pour répondre aux multiples aspirations du
monde rural.
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La crise actuelle s’est développée à partir des années 1990, avec la détérioration
économique du secteur rural andin accompagnée de la montée d’une forte contestation
syndicale.
Economie rurale en ruine
La forme de vie et l'économie rurale sur l'Altiplano bolivien est malmenée. La libre
importation des produits étrangers, le désintérêt total du gouvernement, le phénomène
de minifundio [l'extrême parcellisation des terres] et le manque de terre condamnent à la
ruine l'économie rurale. Dans celle-ci prédomine une productivité extrêmement basse ;
la pauvreté y règne et le mécontentement.augmente. Au cours des quinze dernières
années, le revenu moyen des familles paysannes a baissé de quelque 50%.
Aujourd'hui, elles doivent produire le double pour essayer de «mal vivre».
L’irruption des conquérants espagnols détruit l’édifice
et impose des bouleversements qui transforment la
majorité des paysans en serfs.
Selon des données officielles, aujourd’hui, sur 10 paysans, 5 souffrent de la faim et 4
disposent à peine d'une nourriture suffisante pour s'alimenter de façon très modeste.
Des familles de 6 à 8 personnes vivent dans des maisons d’adobe sur la terre battue,
dans une ou deux pièces, sans eau ni électricité, à des températures d’hiver, sous 0 °C.
Il en découle un abandon de plus en plus rapide des régions d'habitation traditionnelle et
une forte migration vers les villes ainsi que vers l'Est du pays avec un élargissement des
ceintures de pauvreté et de marginalisation sociale et des conflits.
Une politique anti-paysans
Le soulèvement populaire d'octobre 2003 n'a rien apporté aux paysans et aux indigènes
boliviens. Car, le nouveau gouvernement du néolibéral Carlos Mesa Gisbert
poursuit la même politique défavorable aux paysans que l'ex-président Gonzalo
Sanchez de Lozada. Il s'apprête à appliquer la Stratégie Nationale du Développement
Agricole et Paysan (Estrategia Nacional de Desarrollo Agropecuario y Rural - ENDAR),
qui privilégie les grandes entreprises exportatrices de produits agricoles au détriment
des petits producteurs paysans.
Cette politique gouvernementale est centrée sur le soutien apporté à trois segments
d'exportation de produits agricoles (soya, produits agro-forestiers, quinoa). Ces
segments, situés à l'Est de la Bolivie, sont contrôlés par les grandes entreprises. Celles-
ci possèdent 87% des terres. En plus, elles laissent non cultivée une part importante de
leur propriété ; enfin, la participation paysanne y est très limitée.
On dit que ce développement peut se révéler être un mirage, car il est orienté vers
l'exportation et dépend de marchés ouverts par des accords commerciaux pas toujours
avantageux.
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Aucun soutien de quelque nature que ce soit n’est accordé au reste des activités
agricoles, à l'Ouest du pays, (dans l'Altiplano et les vallées). C’est pourtant dans ces
régions - le maillon le plus faible -, vivent 40% de la population que l’on trouve
l’activité paysanne majoritaire et la mobilisation sociale la plus forte. Là, existe une
économie agricole paysanne d'autosubsistance de base ; on y utilise encore des
charrues en bois pour labourer de toutes petites propriétés aux terres érodées, avec une
productivité extrêmement basse, règne la pauvreté. Or, ce sont toujours ces
populations qui subviennent à la demande du marché intérieur et leurs produits ne sont
pas nécessairement industrialisables C’est face à une injustice aussi criante que les
paysans aymara et quechua de l'Altiplano, mais aussi les « sin-tierra » du Chaco, se
révoltent.
le nouveau gouvernement du néolibéral Carlos Mesa
Gisbert poursuit la même politique défavorable aux
paysans que l'ex-président Gonzalo Sanchez de Lozada
Lors de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancun
[septembre 2003], les gouvernants boliviens ont même proposé de supprimer toutes les
taxes douanières et demandé d'interdire les subsides aux producteurs agricoles
boliviens. Cela déboucherait sur un accroissement de l'importation de produits agricoles
étrangers subventionnés dans leur pays d'origine et sur une aide réduite à zéro pour les
paysans boliviens. Cela revient à un «suicide» collectif, disent les experts de la CIPCA
[Centro de investigacion y promotion del campesinado] (3)
Les agriculteurs de l'Altiplano bolivien, le maillon le plus faible, sont malmenée par la
politique gouvernementale. Ils ne profitent d’aucun soutien de quelque nature que ce
soit, et face à une injustice aussi criante se révoltent
La résistance
A cette politique gouvernementale antipaysanne fait face une résistance. Elle est menée
par les paysans, qui ne veut pas mourir et, au contraire, déploient ses anciennes
bannières, avec des couleurs nouvelles.
Pour les paysans, c’est sa volonté de libération dans
l’imaginaire, c’est ses retrouvailles avec la mémoire
mythique de ses origines
Aujourd'hui, les dirigeants paysans principalement représentés par le leader du
Mouvement vers le socialisme (MAS), Evo Morales et les indigènes de Bolivie,
envisagent une nouvelle révolution agraire pour liquider définitivement la grande
propriété dans l'est du pays et pour dépasser le minifundio dans l'ouest. Ils espèrent
ainsi ouvrir la route du progrès et du développement pour les zones rurales..
Ce mouvement paysan a également la certitude que récupérer la propriété du gaz
naturel en Bolivie(4), et l'appropriation par les Boliviens des richesses du sol et du sous-
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sol permettront par exemple, de développer l'électrification des zones rurales et ainsi
stimuler l'agriculture.
Perspectives d'avenir
En 1993-94 une politique de décentralisation est mise en place et une nouvelle loi, la loi
INRA (ou de l’Institut National de Réforme Agraire), voit le jour. Cette loi avait pour
objectif central d’assurer la cohérence d’une politique agraire donnant la priorité aux
besoins fonciers des communautés et des petits paysans. Elle veut aussi assurer la
sécurité juridique de leurs titres et celle des détenteurs d’exploitations privées soumis
aux pressions et revendications foncières. Pour mesurer l’ampleur de la tâche, il suffit
de savoir que ces opérations concernent une superficie comprise entre 10 et 20 millions
d’hectares(5).
Cette réforme dans le secteur agricole et rural, n’a, en raison de sa complexité, et par
manque de volonté politique, pas respecté le calendrier d'application prévu.
Dans cette configuration les ONG jouent un rôle
important
De plus elle cristallise deux conceptions diamétralement opposées.
L’une, au nom du réalisme économique, recommande des mesures assurant
l’intégration des minifundio, jugées économiquement obsolètes, au marché des terres
agricoles.
L’autre, a l’inverse, prône le passage à une agriculture à fondement « ethnique » qui
s’inspire d’un modèle devenu mythique, l’ayllu(6).
Le retour à l’ ayllu est donc d’abord une rupture avec le capitalisme représenté par les
processus de la mondialisation qui uniformise la planète.
Mais comment passer de l’agriculture de marché, à un nouveau système
communautaire autre que l’ayllu reconnu comme obsolète?
Malgré les retards de calendrier, Un élément positif du processus de décentralisation
mérite d'être souligné. Il consiste en l'institutionnalisation des formes d'organisation
locales et leur reconnaissance juridique. La loi de participation populaire a reconnu en
effet les diverses organisations -y compris celles ayant une base ethnique- comme les
interlocuteurs privilégiés des gouvernements locaux.
Ils sont charger des principaux services d'appui à l'agriculture, la définition des politiques
en matière de vulgarisation et irrigation, alors que le niveau national reste le principal
responsable de la définition des politiques en matière de formation, de recherche, et de
crédit.
Cependant la contrainte principale du processus de décentralisation est d'une part,
l'absence de coordination entre les différents niveaux et, d'autre part, la faiblesse du
niveau intermédiaire.
Dans cette configuration les ONG jouent un rôle important dans l'offre des différents
services, dans les tâches de formation, dans l’aide à l’organisations des producteurs,
l’irrigation.
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Les résultats
Globalement, la décentralisation paraît avoir eu des impacts positifs sur les
infrastructures sociales (santé, logement, éducation) et productives (chemins, irrigation,
entrepôts) ainsi que sur la participation de la population. Mais le bilan est moins
favorable en matière de services d'appui à l'agriculture, de protection de l'environnement
et de lutte contre la pauvreté.
Dans l’Altiplano, c’est grâce à la culture en serre, que les femmes ont quadruplé la
production légumière. En raison des conditions climatiques, celle-ci n'est possible sur
les hauts plateaux que durant l'été. Laitues, épinards, courgettes, tomates, concombres
et céleris viennent aujourd'hui enrichir le régime familial. De plus, en arrosant leurs
plants avec de l'eau potable provenant d'une irrigation communautaire plutôt que de
ruisseaux ou cours d'eau pollués, les familles réduisent ainsi les risques de maladie.
Conclusion : l’utopie de la mémoire historique contre l’économie mondiale
Que représente finalement la mondialisation pour le bon sens du paysan andin vivant en
exclu de l’Etat-Nation?
Pour les paysans, c’est sa volonté de libération dans l’imaginaire, c’est ses retrouvailles
avec la mémoire mythique de ses origines, et finalement c’est une libération
psychologique contre l’oppression d’un monde extérieur qui lui est et reste étranger. En
un mot, c’est l’utopie salvatrice.
Mais c’est finalement le pouvoir financier et économique international, vital néanmoins
pour la Bolivie placé sous perfusion économique depuis des décennies, qui dictent leur
loi. Des institutions aux sigles barbares : FMI, Banque Mondiale, BIRD imposent leur
cortège de recommandations obligatoires, sous la de menaces de sanctions.
(1)Bolivar 1783-1830, général libérateur des Andes et fondateur de la Bolivie.
(2)Guerre du Chaco (1932-1935) : conflit avec le Paraguay pour la possession du Chaco. Le
Paraguay sortit vainqueur.
(3)Centre de recherche et de promotion du monde rural
(4) voir articles dans les numéro 85 de mars 2004
(5) 10 à 20 millions d’hectares, soit 2,5 à 5x la surface de la Belgique, qui est 36x plus
petite que la surface de la Bolivie
(6) Ayllu : en quechua, signifie communauté. L'Ayllu était la structure de base de l'empire
INCA. Basée sur la propriété collective des terres, sur un lien familial fort, et sur le travail
en commun, chacun recevait des autorités locales selon les besoins de sa cellule
familiale
Source Internet :
Bolivie" Encyclopédie Microsoft® Encarta® en ligne 2004
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
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