Chap. 9 : LA CONSOMMATION, L'EPARGNE ET LES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION Se comporter en cigale ou en fourmi, dépenser utilement ou se laisser guider par ses envies, tout au long de notre vie nous sommes amenés à faire des choix économiques étant donné que nos besoins sont illimités et de toutes façons largement supérieurs à nos ressources qui sont limitées. L'économie est par excellence la science des choix : choix entre épargne et consommation, choix quant aux biens de consommation que nous allons privilégier. Il convient dès lors de se demander quels sont les facteurs qui vont guider les agents économiques dans leurs choix. Le revenu étant en partie consommé et en partie épargné, qu'est-ce qui fera pencher la balance en faveur de l'une ou de l'autre de ces affectations? Sur quels biens de consommation ira la préférence des ménages. Ce sont ces deux catégories de choix qui seront examinés dans ce chapitre. I.- Le choix entre consommation et épargne : Avant d'examiner les déterminants de ces choix, les notions de consommation et d'épargne doivent être définis et examinés. A) Notion de consommation et d'épargne : 1) La consommation : La consommation se définit comme la destruction de biens ou services par l'usage. La destruction peut être immédiate (ex. je vais au cinéma, je mange une pomme) ou progressive (ex. j'achète des vêtements). On parlera de consommation finale lorsqu'un bien permet de satisfaire le consommateur final et de consommation intermédiaire lorsque les biens consommés disparaissent au cours du processus de production. Cette notion concerne essentiellement les entreprises et regroupe leurs achats à l'exception des investissements. On parlera de consommation marchande lorsque les biens et services sont achetés sur un marché et de consommation non marchande lorsqu'il s'agit de biens et services fournis à titre gratuit ou semi-gratuit par les administrations. On parlera de consommation collective lorsqu'il s'agit de consommations par les ménages et les entreprises de services non marchands fournis par l'Etat, les collectivités locales ou la sécurité sociale. Ces biens et services collectifs sont ceux qui peuvent être consommés par plusieurs personnes à la fois (enseignement, santé, justice). L'importance des consommations collectives n'a cessé d'augmenter au cours des trente glorieuses. Elle a contribué à augmenter le niveau de vie (santé, culture, allocations diverses). La part des consommations collectives est un indicateur de l'intervention de l'Etat dans l'Economie. 2) L'épargne : L'épargne est la part du revenu qui n'est pas consommée dans l'objectif de satisfaire un consommation différée, de se protéger contre les risques de l'existence, de se constituer un patrimoine. B) Les déterminants de la consommation: Le niveau des prix et des revenus sont souvent retenus pour expliquer le niveau de la consommation. Il s'agit de déterminants économiques, mais d'autres déterminants existent également. 1) Les déterminants économiques de la consommation : Eco géné consommation 1 Deux analyses existent à ce propos, l'analyse microéconomique développée par l'école néoclassique et l'analyse macroéconomique développée par Keynes. a) l'analyse microéconomique : Pour les néoclassiques, le consommateur est rationnel et va lasser les biens à consommer en fonction de l'utilité qu'il leur attribue. Ils va procéder à ce choix en fonction du prix des biens et de son revenu? Ainsi le consommateur réalisera-t-il une série de choix qui aboutiront à sa satisfaction maximale. Cette analyse va être remaniée par Keynes qui accorde une importance primordiale à la consommation pour la croissance économique. Pour cela l'auteur se place au niveau macroéconomique. b) L'analyse macroéconomique de Keynes : "la loi psychologique fondamentale" : Pour Keynes, il existe une "loi psychologique fondamentale, selon laquelle la consommation des ménages est fonction de leur revenu disponible. Lorsque le revenu augmente le consommation s'élève également, mais moins rapidement. Soit R le revenu, C la consommation et E l'épargne. R = C+R On a : c= propension à consommer =C/R e= propension à épargner =E/R Lorsque R augmente, C augmente également, mais dans un proportion moindre ce qui fait que c va diminuer. Exemple : R=1000 C=900 c=90% R=2000 C=1400 c=70% La consommation a augmenté avec le revenu, mais dans des proportions moindres, ce qui explique que la propension à consommer (c) ait diminué Keynes en conclut que si l'on veut relancer la consommation il faut augmenter les revenus faibles et moyens et non les revenus élevé Cette loi psychologique fondamentale a été infirmée par Kuznets dont les travaux statistiques ont montré que cette loi est vérifiée à court terme. En effet, à un moment donné et dans une société donnée, la propension à consommer des revenus élevés est plus faible que celle des revenus plus faibles. Mais à long terme l'on observe une relation stable entre revenu et consommation, malgré l'augmentation des revenus, en d'autre terme une stabilité de la propension à consommer sur le long terme. Ceci s'expliquerait par l'amélioration des produits existants, l'apparition de nouveaux produits et la généralisation des techniques de marketing (publicité, promotions des ventes) qui incitent le consommateur à consommer de plus en plus. C'est le résultat de la "société de consommation". A ce propos Galbraith parle de "filière inversée". Cet auteur s'oppose à la thèse selon laquelle le consommateur serai roi et que les entreprises se plient au goût des consommateurs. Pour cet auteur ce sont au contraire les entreprises qui définissent les modes et les besoins. C'est l'offre qui dicte la demande et non la demande qui dicte l'offre. D'autres auteurs ont affiné la relation entre consommation et revenu. Ainsi : Eco géné consommation 2 Pour Friedman la consommation ne dépend pas du revenu actuel, mais du revenu permanent, c'est à dire du revenu moyen de longue période anticipé. Ce revenu permanent dépend du patrimoine humain (diplômes, compétences), et matériel (revenus du travail, actifs mobiliers et immobiliers). Pour Modigliani les ménages s'endettent lorsqu'ils sont jeunes, remboursent à l'âge mûr et dépensent leur épargne en période de retraite, lorsque le revenu est plus faible. L'épargne va donc permettre au consommateur de maintenir son niveau de consommation tout au long de sa vie. D'autre part il existe d'autres déterminants, non économiques de la consommation. 2) Les déterminants non économiques de la consommation : La consommation est également recherchée pour ce qu'elle signifie. Des explications psychologiques et sociologiques ont été données à la décision de consommer. Ainsi : Les motivations d'achat peuvent s'expliquer par les besoins que chaque individu ressent et qui peuvent être classés par ordre de priorité. Exemple : la pyramide de Maslow qui classe les besoins en besoins physiologiques, de sécurité, d'appartenance à un groupe, de reconnaissance dans ce groupe, d'accomplissement de soi. Selon le niveau de la pyramide sur lequel se trouve le consommateur, la motivation de l'achat va changer. La classe sociale à la quelle on appartient influence les comportements de consommation. Les classes sociales se distinguent les unes par rapport aux autres par leur mode de consommation, leurs goûts. Il existe un effet d'imitation. Les personnes appartenant à un groupe social cherchent à imiter celles appartenant au groupe social supérieur. Ce dernier va alors chercher des formes nouvelles de consommation. Par exemple la démocratisation de la pratique du tennis a détourné de ce sport les catégories sociales aisées qui se lancent dabs le golf, parce que moins répandu. Les habitudes de consommation s'alignent difficilement vers le bas de sorte que lorsque le revenu baisse le consommateur préfère désépargner plutôt que de diminuer son niveau de consommation. C'est "l'effet de cliquet". Cependant, le choix du consommateur ne se limite pas seulement entre consommation et épargne, mais également entre les différents biens qui lui sont proposés. Les prix des biens et le revenu entraînent un changement dans la structure de la consommation. II.- La structure de la consommation : On appelle coefficient budgétaire, la part de la consommation des différentes catégories de biens, par rapport au total de la consommation. Exemple : Consommation totale=1500 Loyer=500 Coefficient du loyer=500/1500=0.333 L'INSEE classe les dépenses de consommation par postes ou par fonctions (alimentation, logement, mobilier, loisirs etc.). Eco géné consommation 3 On mesure respectivement l'effet des prix et des revenus sur la consommation d'un produit par l'élasticité-prix et l'élasticité-revenu. A) Elasticité-Prix : La relation entre consommation et prix repose essentiellement sur la loi générale de la demande selon laquelle la quantité demandée d'un bien varie en raison inverse de son prix. Mais la variation de la quantité demandée peut être plus ou moins importante pour une même variation du prix. On mesure l'intensité de la variation de la demande d'un bien par rapport à la variation de son prix par l'élasticité-prix. Elasticité prix (ep)= variation de la consommation d'un bien/variation de son prix Normalement ep est de signe négatif, puisque généralement prix et consommation varient en sens inverse (+/- ou-/+ = -). Quelques exceptions cependant, les produits de luxe voient leur demande augmenter lorsque les prix augmentent et vice versa. Leur élasticité est donc négative. Cette élasticité prix peut être plus ou mois grande. En effet : Si ep ( sans le signe) = 1, l'élasticité est moyenne (la consommation varie dans la même proportion que le prix). Si ep ( sans le signe) > 1, l'élasticité est forte (la consommation varie dans des proportions plus grandes que le prix) Si ep ( sans le signe) < 1, l'élasticité est faible (la consommation varie dans des proportions plus faibles que le prix). Exemples : Le sel, l'essence ont une élasticité nulle Les cigarettes ont une élasticité faible La viande, le beurre ont une élasticité élevée. Ainsi si le prix de la viande augmente, il se peut que, la consommation de viande diminuant, celle des pâtes ou des pommes de terre augmente. De même si le prix du beurre augmente, c'est la consommation de margarine qui va augmenter en contrepartie de la consommation de beurre. Dans ce cas on parle "d'élasticité croisée". B) Elasticité-revenu : Il s'agit de voir dans quelles proportion la consommation d'un bien varie lorsque le revenu varie. 1) Calcul de l'élasticité de la demande par rapport au revenu : On mesure cette élasticité par le rapport Variation de la demande/variation des prix L'interprétation de cette élasticité (er) est la même que pour l'élasticité prix. Cette élasticité est généralement positive (lorsque le revenu augmente la consommation augmente) mais peut également être négative (lorsque le revenu augmente, la consommation baisse). Exemple: lorsque le revenu augmente, la consommation de pommes de terre diminue (élasticité négative), alors que celle de fruits et légumes augmente (élasticité positive) Eco géné consommation 4 er (sans le signe)=0 signifie que la consommation reste la même lorsque le revenu varie (élasticité nulle). er (sans le signe)=1 signifie que la consommation varie dans les mêmes proportions que le revenu. er (sans le signe)>1 signifie que la consommation varie dans des proportions plus grandes que le revenu que le revenu (élasticité faible). er (sans le signe)<1 signifie que la consommation varie dans des proportions plus faibles que le revenu que le revenu (élasticité importante). Généralement, lorsque le revenu augmente, les biens inférieurs (margarine, pâtes, vin de table) ont une élasticié-revenu négative ou positive mais faible (<1), alors que les biens supérieurs (viande, loisirs, voyages) ont une élasticité positive importante (>1). C'est le statisticien Allemand Engel qui a formulé des lois mettant en évidence la hiérarchie des besoins à travers des relations entre structure de la consommation et niveau du revenu. 2) Les lois d'Engel : Des observation statistiques menées par Engel, lui ont permis de mettre en évidence trois lois : Loi 1 : La part du revenu consacrée à l'alimentation est d'autant plus grande que le revenu est faible et diminue lorsque le revenu est élevé. Donc les dépenses alimentaires augmentent dans des proportions plus faibles que le revenu (élasticité faible, positive, mais <1). Loi 2 : La part du revenu consacrée à l'habillement et au logement est relativement identique, quelle que soit l'augmentation du revenu (élasticité = 1). Loi 3 : La part du revenu consacrée aux besoins d'éducation, santé, loisirs, augmente plus vite que le revenu (élasticité élevée, positive et >1) Conclusion : La consommation est un indicateur important de l'activité économique. Une faible consommation est généralement un indice de stagnation et de dépression économique, alors qu'une consommation en hausse laisse présumer une amélioration de la situation économique( relance des investissements, hausse des revenus, embauche, selon le schéma keynésien). C'est la raison pour la quelle économistes et politiques ont les yeux rivés sur la consommation et cherchent à comprendre ses déterminants. Une réalité s'impose, le revenu n'en est pas l'unique déterminant et la loi psychologique fondamentale sur laquelle est basée la politique de relance keynésienne n'est pas vérifiée du moins à long terme. Eco géné consommation 5