De nos jours, beaucoup d' historiens plus matérialistes ont renversé du
tout au tout ce jugement et nombreux sont ceux qui considèrent
Akhenaton comme un tyran, un despote fanatique, voire un malade
mental et un athée !
Alors, nous allons essayer d'y voir un peu plus clair, en nous appuyant
sur les faits avérés dont nous disposons et en proposant des hypothèses
plausibles sinon toujours certaines. Pour cela, il nous faut remonter
loin dans le temps, vers les années 1350 avant notre ère, dans l'Égypte
impériale du Nouvel Empire, au temps du père d'Akhenaton, le pharaon
Aménophis III...
LA SOCIETE EGYPTIENNE A LA FIN DU REGNE
D'AMENOPHIS III
L'Égypte est déjà une très ancienne civilisation, puisque les pyramides
se dressent depuis plus de 1000 ans sur le plateau de Gizeh. Le pays
possède une très vieille tradition, qui a su résister et s'affirmer malgré
les vicissitudes de l'histoire. Ce sont les pharaons de la glorieuse
XVIIIème dynastie qui gouvernent le double pays d'Égypte depuis un
siècle après en avoir chassé les envahisseurs étrangers. Cette occupation
du pays a laissé des marques profondes dans l'imaginaire collectif. Et
c'est pour se garantir de nouvelles invasions, que l'Égypte s'est constitué
un immense empire qui s'étend depuis la 4ème cataracte du Nil, dans
l'actuel Soudan, jusqu'à l'Euphrate et à la limite de l'Anatolie. Et sous le
règne d'Aménophis III, l'empire est à son apogée. Les immenses
richesses que représentent les tributs payés par les nations sous
domination affluent vers la vallée du Nil et contribuent à une prospérité
générale qui se marque notamment par les riches dotations aux temples
traditionnels et par l'abondance d'une production architecturale et
artistique dont le raffinement ne sera jamais dépassé par la suite.
L'enrichissement du pays et les contacts externes ont favorisé la
transformation de la société égyptienne. Désormais, c'est une société
plus ouverte, une société surtout devenue cosmopolite, avec une
présence et une influence de plus en plus importante des étrangers
installés en Égypte. Et ainsi, petit à petit, les mentalités se sont
modifiées… Les conséquences en sont multiples, aussi bien pour ce qui
concerne les conceptions sur la nature de la royauté que sur la
spiritualité, avec un développement de l'idée impériale qui se superpose
au développement du culte solaire. On proclame l'universalisme du
pouvoir royal sur terre comme celui du soleil Ra dans le ciel. Les
épithètes laudatives fleurissent, le roi étant appelé "roi des rois, prince
des princes", et déjà "Aton pour tous les pays". Et les théologiens vont
de plus en plus associer le dieu solaire par excellence, Ra, à tous les
autres dieux du panthéon, à commencer par Amon
AMON
La XVIIIème dynastie s'est placée depuis le début sous la protection -le
patronage- du dieu Amon de Thèbes, promu dieu dynastique, dieu
d'empire "Roi des dieux et dieu des Rois", Amon a vu son rôle de
divinité principale du pays se renforcer petit à petit, et il est maintenant
amalgamé au grand dieu Ra, sous la forme d'Amon-Ra. Cette
solarisation d'Amon fait du soleil la principale forme de la divinité,
tandis que les autres dieux représenteraient des manifestations
particulières à un moment donné et à un endroit précis Amon -dont le
nom veut dire "le caché", celui qui ne s'est pas encore manifesté-
représente maintenant un dieu démiurge par excellence, un dieu qui a
créé et qui recréé chaque jour le monde. De plus en plus on le considère
comme l'un dans lequel le tout est contenu Cette interprétation qui
consiste à faire dériver le multiple de l'un s'impose progressivement
dans les classes dominantes et chez les lettrés -de plus en plus
nombreux-. Elle est typiquement dans la tradition et la mentalité
égyptienne, et il ne viendrait à l'esprit de personne à ce moment de
vouloir effacer, renier d'autres entités divines pour autant ! Amon, c'est
aussi le garant suprême du droit et de la morale, dont la volonté se
manifeste par des oracles, notamment par ceux qu'il rend aux fidèles
qui le consultent lors de ses sorties en procession les jours de grandes
fêtes.