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Les Acteurs de l’Immobilier
litique comme sa royale mère; mais
avec une sincère ferveur pour un
culte qui lui paraissait plus authen-
tique que celui consacré à Amon,
lequel s’emberlificotait de plus en
plus dans une théologie qui lui pa-
raissait incompréhensible pour le
commun des mortels.
Devenu Pharaon (en 1353 av. JC)
sous le nom d’Aménophis IV, le fu-
tur Akhénaton commence à répan-
dre le culte d’Aton au détriment de
celui d’Amon, au plus grand dam
du clergé qui commençait sérieuse-
ment à craindre pour ses privilèges.
Le Calvin des temps pharaoniques
commence à s’imposer.
Face à un clergé décidément trop
conservateur et peu enclin à chan-
ger ses habitudes religieuses (très
rémunératrices), Aménophis IV finit
par prendre le parti de la rupture.
D’abord il change de nom. Aux
oubliettes, Aménophis IV (en tra-
duction: «celui qui satisfait Amon»);
vive Akhénaton («celui qui plaît à
Aton»). Le ton est donné!
Ensuite, il fait édifier de nombreux
temples dédiés à Aton et fait effacer
des temples déjà existants toutes
références à Amon (ce qui constitue
un sacrilège et lui vaut de passer
pour un hérétique).
Par ailleurs, le pharaon Akhénaton
s’auto-érige en grand prêtre d’Aton
(ce qui lui fait porter une double
couronne, chose somme toute as-
sez commune en Egypte).
De surcroît, Akhénaton prône le
dieu unique et relègue tous les
autres dieux à des rôles, au mieux,
de figurants. D’où, mais c’est peut
être un trop grand raccourci, la pa-
ternité du monothéisme qui lui est
parfois attribuée.
Mais ce n’est pas tout.
Une ville entièrement nouvelle:
Akhétaton
Akhénaton prend son bâton de pèle-
rin, ainsi que sa charmante épouse
Néfertiti toute acquise à sa cause,
et s’en va construire 300 km plus au
nord de Thèbes, au bord du Nil (sur
le site actuel de Tell el-Amarna),
une ville entièrement nouvelle qu’il
baptise Akhétaton, ce qui signifie
«l’horizon du disque solaire» (diffi-
cile d’être plus clair sur ses inten-
tions).
Cette ville, qui a accueilli jusqu’à
20 000 âmes, constituait un vérita-
ble paradis sur terre, entièrement
voué au dieu soleil Aton lequel, en
se levant tous les matins de l’Orient,
le lui rendait bien.
C’est le nom actuel du site, Tell
el-Amarna, qui a donné son nom
(amarnien) à la réforme cultuelle et
artistique inspirée par Akhénaton.
D’Akhénaton à Toutankhamon
Malheureusement, la lune de miel
(ce qui est un comble pour les ado-
rateurs du soleil) du couple royal
allait rapidement se transformer en
enfer terrestre.
On ne connaît pas les dessous de
l’affaire. En revanche, le résultat est
connu.
La ville d’Akhétaton a fini par se vi-
der de tous ses habitants et le pha-
raon Akhénaton a partagé le même
destin que sa ville: la solitude, puis
la mort et enfin l’oubli.
A Thèbes, le clergé avait en effet re-
pris les choses bien en main. L’hé-
ritier du trône, Toutankhaton, est
entouré de toutes les sollicitudes
malveillantes du clergé à l’égard
d’Akhénaton et élevé selon les pré-
ceptes, plus classiques, du culte
d’Amon.
Lorsque l’enfant est purgé de tou-
te influence néfaste d’Aton, il est
couronné pharaon au cours d’une
grandiose cérémonie qui a lieu
à Karnak (1336 av. JC) et à l’occa-
sion de laquelle il prend le nom de
Toutankhamon en lieu et place de
Toutankhaton (la nuance est d’im-
portance!).
Le pharaon Toutankhamon joue
très bien son rôle. Le culte d’Amon
reprend du service. Le clergé peut
enfin respirer.
Les autres dieux relégués par Akhé-
naton refont surface et l’on voit à
nouveau pointer le museau de Seth,
la tête de faucon d’Horus et le bec
d’ibis de Thot.
La parenthèse d’Akhénaton est défi-
nitivement refermée. Elle aura duré
à peine 16 ans.
La ville d’Akhétaton disparaît dans
les sables. Toutes les figures relati-
ves à Aton sont effacées des monu-
ments (enfin presque!). Aujourd’hui,
on ignore même où se trouvent les
sépultures d’Akhénaton et de son
épouse Néfertiti.
L’art amarnien
Le pharaon Akhénaton a marqué
de son sceau non seulement la reli-
gion, mais également l’art. On peut
même parler de révolution, tant l’art
amarnien, dont la paternité lui est
attribuée, rompt avec l’art antique
égyptien traditionnel.
Cela commence par la représenta-
tion du dieu Aton. Rompant avec
la tradition anthropomorphiste
ou zoomorphiste, Aton est repré-
senté par un soleil, avec des rayons
dont l’extrémité se termine par des
mains qui dispensent la lumière et
la vie (ce qui est somme toute assez
réaliste). Cette représentation de la
divinité paraît à Akhénaton beau-
coup plus authentique et parlante
aux hommes que ces dieux appa-
raissant sous forme animale.
Autre rupture. L’art amarnien de-
vient plus intimiste lorsqu’il s’agit
de représenter la famille royale.
Cette dernière y est représentée de
façon très familière et même affec-
tueuse.
Ce qui frappe également c’est le
recours, nouveau mais sans len-
demain, à l’exagération des traits
du visage et du corps. C’est ainsi
Qu’Akhénaton est souvent repré-
senté sous une apparence dont
l’esthétique n’est pas la première
qualité. Il semblerait toutefois que
la copie était conforme à l’original
(entendez: Aton n’était pas un ca-
non de beauté).
De là à dire qu’Akhénaton est aussi
à l’origine de la caricature …. !
En tout état, l’art amarnien se ca-
ractérise par son réalisme, ses for-
mes en mouvement, le recours à la
perspective et à l’asymétrisme.
Néfertiti: de la grâce
à la disgrâce
La royale épouse d’Akhénaton, Né-
fertiti, a été une fervente adepte de
la réforme cultuelle menée à l’insti-
gation de son époux.
Néfertiti est d’ailleurs très souvent
représentée sur les monuments aux
côtés et à l’égal de son mari, ce qui
démontre que son rôle n’était pas
que figuratif.
C’est dans le sable du site de Tell
el-Amarna qu’ont été retrouvés les
plus beaux portraits sculptés de Né-
fertiti.
Apparemment cette princesse por-
tait bien son nom qui signifie «la
belle est venue»! C’est en tout cas
ce que l’on ressent à la vue du buste
polychrome, en calcaire et plâtre
stuqué, jalousement gardé par le
Musée égyptien de Berlin (après
avoir été clandestinement sorti
d’Egypte). Une véritable Joconde
égyptienne! Les traits, les propor-
tions et les couleurs y sont parfaits.
Ce buste est le couronnement de
l’art antique égyptien.
A le voir, on comprend aisément
l’acharnement, au demeurant par-
faitement légitime, manifesté par
l’Egypte pour récupérer ce buste.
Même si aujourd’hui, Néfertiti
rayonne à nouveau, la fin de son rè-
gne a été plutôt sombre.
En effet, le couple semble avoir sé-
rieusement battu de l’aile. Tant et si
mal qu’Akhénaton (l’ingrat) se ma-
ria finalement avec …. deux de ses
filles (ça se faisait). La disgrâce de
Néfertiti fut totale et définitive lors-
que son nom et son visage furent
même effacés des sculptures amar-
niennes.
Heureusement, certaines ont été
épargnées.
Et, de son côté, le Musée d’Art et
d’Histoire de Genève a su rendre
hommage à ce couple royal égyptien
qui, à l’instar de Calvin, a marqué
son temps de son empreinte. n
Patrick Blaser
Néfertiti, «la belle est venue».