L`Histoire du Monde en 80 secrets

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Introduction
« Il y a deux histoires : l’histoire officielle, menteuse, puis
l’histoire secrète, où sont les véritables causes des événements. »
Honoré de Balzac
I
l y a les choses que l’on voit et celles que l’on ne perçoit
jamais. Dissimulées ou tout simplement invisibles,
elles existent pourtant et influencent le cours de l’histoire
du monde. Depuis des millénaires, cette histoire secrète joue
un rôle fondamental dans l’évolution des événements. Bien
souvent, la face cachée de l’histoire n’a pas influencé directement son cours, mais elle est intervenue via des sociétés secrètes, des amitiés, des affinités religieuses ou des coups tordus
pour orienter quelque peu l’histoire qui s’écrit dans nos livres
et l’amener sur une route qu’elle n’aurait jamais empruntée
sans ce petit « coup de main » du destin.
Des tyrans sans armée se sont imposés en détournant
secrètement l’histoire. Des empires se sont effondrés non pas
devant la force d’un conquérant invincible, mais plus sous la
poussée de puissances souterraines agissant en amont et qui
amena ces empires vers leur décadence, leur ruine. Des phénomènes demeurés obscurs, qu’il fallait taire pour en préserver la
force, se mettent en marche depuis des siècles telles des vagues
lancinantes, implacables et que rien n’arrête, ni les hommes, ni
les rois, ni même les religions. Car, bien souvent, les hommes,
les rois et les religions sont les principaux commanditaires de
ces manipulations, orchestrations et autres complots.
Élaborée au sein de confréries, de sociétés secrètes, de
réunions occultes ou même dans les centres du pouvoir bien
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L’Histoire du Monde en 80 Secrets
identifiés – de la curie romaine aux palais des rois et autres
assemblées du peuple –, l’histoire secrète demeure floue, car
elle n’est jamais totalement identifiée. Il ne s’agit que très rarement d’une liste, d’un plan ou d’un texte unique ; ce sera plutôt
un conseil, une recommandation non écrite, une attitude ou
un mouvement social non quantifiable.
Cette absence de preuves, de traces formelles a nourri tous
les fantasmes, toutes les spéculations, toutes les rumeurs. Mais
l’existence de la rumeur ne prouve-t-elle pas qu’il demeure une
part de vérité dans ce qui se trame ?
Le problème qui se pose avec l’histoire secrète est véritablement sa part de vérité. Trop souvent exagérés et fantasmés,
ces influences et événements souterrains sont pour certains un
dogme. Ils examinent l’évolution de l’humanité au seul prisme
de ces secrets devenus une véritable histoire permanente du
complot. Pour d’autres, trop rationalistes, l’histoire ne s’explique qu’à travers des faits implacables, chiffrés et datés.
La vérité est bien souvent entre les deux.
Aux grandes évolutions historiques avec ses paramètres
politiques, économiques, sociaux et culturels se sont greffés
des mouvements, des comportements liés à des communions
de pensée, des ambitions démesurées ou des passions sexuelles.
Car l’histoire n’est pas uniquement constituée de données et
du nombre de boulets de canon, mais surtout de femmes et
d’hommes prêts à tout.
Ce sont les hommes qui font l’histoire et non l’inverse. Et
pour arriver à leurs buts, ils ont souvent emprunté un chemin
détourné qui, avant d’atteindre la gloire, doit passer par l’enfer
et ses vices.
Ce livre est là pour le rappeler.
La construction
des pyramides d’Égypte
(2670-2450 av. J.-C.)
L
es trois grandes pyramides de Gizeh en Égypte, édifiées
par les pharaons de la IVe dynastie et que l’on considère
comme l’une des sept merveilles du monde, ne cessent depuis
leur construction de fasciner archéologues, scientifiques, mais
également aventuriers, chercheurs de trésors et passionnés de
sciences occultes.
Car de nombreux secrets restent toujours prisonniers des
murs des pyramides de Khéops, Khephren et Mykérinos.
Personne ne peut dire qu’il n’a jamais entendu parler des
pyramides d’Égypte, en particulier celles de Gizeh. Devenus
des chefs-d’œuvre intemporels célébrés durant l’Antiquité, ces
édifices n’ont cessé d’interpeller, de fasciner. Elles naissent
autour de 2670 av. J.-C. lorsque les pharaons de l’époque, en
particulier Khéops, décident d’en faire leurs tombeaux pour
rejoindre les dieux de l’Égypte ancienne tels qu’Osiris ou Râ.
Dès les premières dynasties, les pharaons s’étaient fait édifier
des tombeaux, mais ces monuments, appelés « mastabas »,
étaient rectangulaires et plats.
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L’Histoire du Monde en 80 Secrets
La forme de la pyramide apparaît à partir de la IIIe dynastie (2700-2600 av. J.-C.), mais elle n’est encore qu’à degrés, un
peu à la manière de ce que firent plus tard les Mayas. L’idée
vient de l’architecte Imhotep, qui construit la pyramide à
degrés du pharaon Djoser à Saqqarah. Il est le premier à généraliser l’usage de la pierre dans la construction des temples et
monuments, et conçoit la pyramide comme un immense escalier menant à Râ, le disque solaire dont la barque conduit le
pharaon au royaume des morts. Également médecin et philosophe, Imhotep a très vite fasciné ses contemporains, si bien
qu’il est associé à Thot, le dieu du savoir, et est même divinisé.
Les égyptologues et autres amoureux de l’Égypte ancienne en
ont également fait un personnage possédant des connaissances qui allaient bien au-delà du simple savoir.
À partir de 2570 av. J.-C. naissent les pyramides à faces
lisses et à pentes droites telles qu’on les trouve aujourd’hui
sur le plateau de Gizeh, près du Caire. Les pharaons de la
IVe dynastie, Khéops (2551-2528 av. J.-C.), Khephren (25202494 av. J.-C.) et Mykérinos (2490-2473 av. J.-C.), se font
édifier ces fameuses pyramides qui atteignent 146 mètres
pour Khéops, 143,5 mètres pour Khephren et 66 mètres
pour Mykérinos. Leur construction dirigée par les princes
Hemiunu et Wepemnofret révèle, dès leur exploration par les
grands savants de l’Antiquité (Hérodote, Pline l’Ancien) et les
Arabes, puis lors de la découverte de leurs trésors intérieurs au
XIXe siècle, une rare perfection qui cache des secrets mathématiques et astronomiques.
Tout d’abord, les techniques de la construction des pyramides de Gizeh n’ont jamais été démontrées avec certitude.
Car comment arriver à un tel degré de perfection avec des
matériaux si imposants, des contraintes physiques considérables et une technologie assez rudimentaire ? Depuis Hérodote
au Ve siècle av. J.-C., de nombreuses théories ont vu le jour, des
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La construction des pyramides d’Égypte
machines en bois du savant grec hissant les pierres qui étaient
assemblées par paliers, jusqu’aux théories contemporaines des
rampes sur lesquelles étaient poussés les blocs, en passant par
les terrasses solubles dans le Nil de Diodore de Sicile.
Une fois construite, la pyramide répondait-elle à une symbolique astronomique ? C’est ce que pensent plusieurs égyptologues qui ont analysé les pyramides de Gizeh à la lumière des
étoiles et ont trouvé d’étranges liens entre le positionnement
de ces monuments extraordinaires et la constellation d’Orion.
Les trois pyramides seraient disposées de manière identique
aux trois étoiles (Mintaka, Alnilam et Alnitak), qui forment
ce que l’on appelle le Baudrier d’Orion. En outre, selon cette
même idée, le Nil tout proche représenterait la Voie lactée dans
une sorte de miroir du ciel. Les pyramides de Gizeh seraient
ainsi l’achèvement terrestre du royaume des dieux.
En plus de l’astronomie, des mathématiciens tentèrent de
décrypter la construction des pyramides. Pour certains, les
dimensions de la Grande Pyramide évoquent le nombre pi,
mais également le nombre d’or de Pythagore. La prouesse
des architectes consiste surtout – d’après les observations de
l’égyptologue britannique William Flinders Petrie – à avoir
réussi à orienter la Grande Pyramide selon les quatre points
cardinaux et à en avoir fait (à 20 centimètres près !) un carré
parfait. D’autres voient dans la pyramide de Khéops un véritable observatoire astronomique.
Ainsi, le conduit nord de la chambre funéraire du roi partait
vers l’étoile Polaire, qui se trouvait alignée au moment de sa
construction sur l’axe de rotation de la Terre ; le conduit sud
de la chambre funéraire de la reine était, quant à lui, tourné
vers Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel. Pour les mathématiciens et autres savants qui ont étudié ces corrélations, il n’y a
là aucun hasard : le pharaon était le souverain le plus puissant
de la terre, et la reine, la plus belle. Mais cette volonté architecturale renvoie surtout à l’utilisation par les anciens Égyptiens
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L’Histoire du Monde en 80 Secrets
de nombreuses connaissances que les hommes mirent ensuite
plusieurs siècles à comprendre et à maîtriser.
Tandis que de nombreux astronomes tentaient de percer les
secrets de la construction extérieure de la Grande Pyramide,
des chercheurs et autres aventuriers, torches à la main, partaient
dans le dédale des couloirs à la recherche des chambres secrètes et du fabuleux trésor du pharaon.
Les plus grands fantasmes ont été relatés, notamment le
trésor monumental et le corps du pharaon dans la chambre
funéraire que les Arabes auraient découverts au IXe siècle sans
pour autant en apporter la preuve. Les récits d’Hérodote affirment quant à eux que la chambre funéraire du roi se trouverait sur une île du Nil, sous la pyramide. Mais, à ce jour, la
véritable chambre funéraire reste introuvable, cachée dans une
pyramide que leurs architectes ont voulue inviolable. Certains
chercheurs de trésors affirment même que le sarcophage du
pharaon contiendrait l’Arche d’Alliance
En effet, les pyramides de Gizeh n’ont cessé d’exciter l’imagination de nombreuses personnes qui virent dans ces édifices le témoignage du Dieu de la Bible et non des Égyptiens.
Avancée par l’astronome de la cour d’Écosse (1819-1900),
Charles Piazzi Smyth, cette théorie se fondait sur la perfection
de la Grande Pyramide, qui ne pouvait être l’œuvre que d’une
race supérieure élue de Dieu. D’autres y virent une véritable
Bible contenant les réponses aux grandes questions universelles ou le témoignage de la présence sur notre planète d’une
race extraterrestre.
En tout cas, de La Momie à Blake et Mortimer, en passant
par la série télévisée et le film Stargate, les pyramides de Gizeh
continuent toujours autant de fasciner.
Les mystères
d’Éleusis
(XVIIIe siècle av. J.-C. – IVe siècle apr. J.-C.)
L
es mystères d’Éleusis sont un culte où l’ésotérisme et
l’initiation jouent des rôles prédominants. Ils sont apparus, selon la légende, avec Orphée, prêtre d’Apollon et connu
dans la mythologie grecque pour être allé dans le royaume des
enfers chercher sa femme Eurydice.
Importés, pour la plupart, des cultes à mystères comme
celui de Mithra ou d’Isis du Proche et Moyen-Orient, ces
cultes se distinguent de leurs homologues traditionnels par
une forte implication dans l’au-delà et par un rituel constitué
d’une succession d’étapes où celui qui est initié se voit progressivement révéler les secrets de la divinité vénérée.
Le culte à mystères de l’Antiquité le plus connu, en tout cas
au temps de la Grèce ancienne, est celui des mystères d’Éleusis, du nom de la cité située à une vingtaine de kilomètres
d’Athènes. Toujours selon la mythologie grecque, Déméter,
déesse de la terre et des récoltes, part à la recherche de sa fille
Perséphone, enlevée par Hadès, le dieu des enfers. Déguisée
en mendiante, la déesse s’arrête à Éleusis et est hébergée par
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L’Histoire du Monde en 80 Secrets
ses habitants. Pour les récompenser, Déméter accepte de leur
dévoiler une partie de ses secrets, de ses mystères, et notamment la maîtrise de l’agriculture.
À partir de ce moment se développe ce que l’on appelle
les « mystères d’Éleusis ». La déesse confie à plusieurs prêtres,
notamment Céléos, roi d’Éleusis, et à son fils, Triptolème,
le soin d’instituer cette initiation durant les Éleusinies, fête
célébrant le culte de la déesse. C’est ce même Triptolème qui
aurait appris l’agriculture à Héraclès et à Castor et Pollux, les
Dioscures, frères d’Hélène de Troie.
À l’intérieur du temple d’Éleusis s’organisent ces mystères,
mais le secret absolu qui ne sera jamais trahi ne nous permet
pas aujourd’hui de connaître l’organisation précise du rite et
les informations divulguées. Tout juste sait-on que le thème de
la vie après la mort, aussi bien pour les cultures que pour les
hommes, est évoqué. Malgré le secret gardé pour l’éternité à
propos de la cérémonie qui se tenait à l’intérieur du temple, il
existe cependant des témoignages sur les étapes se déroulant à
l’extérieur. Ainsi, chaque année se tenaient deux cérémonies :
celles des Grands et des Petits Mystères.
Les Grands Mystères duraient neuf jours, comme les
neuf journées pendant lesquelles Déméter chercha sa fille
Perséphone. Les candidats (uniquement des hommes) appelés « mystes » se purifient en se plongeant dans la mer, puis
jeûnent, imitant ainsi le périple de Déméter.
À la nuit tombée, ils entrent dans le temple, éclairé par des
torches censées réchauffer la terre. Puis, les mystes rompent le
jeûne avec le kykéôn, boisson antique à base d’eau, d’orge et
d’une drogue qui pourrait être l’ergot de seigle. Suit alors la
révélation sacrée effectuée par le hiérophante et qui consiste
probablement en une sorte d’enseignement philosophique et
moral. Il est possible de revenir plusieurs fois dans le temple
pour progresser dans l’initiation aux mystères.
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Les mystères d’Éleusis
Très vite, dès l’époque mycénienne, c’est-à-dire vers 1700
av. J.-C., les mystères d’Éleusis se développent et acquièrent
une grande popularité dans la Grèce antique. Tout individu
parlant le grec et n’ayant pas commis de meurtre peut être
initié aux mystères. Ainsi le seront de grands hommes d’État de
la Grèce antique. D’autres portent atteinte au culte comme le
général athénien Alcibiade, accusé à la fin du Ve siècle av. J.-C.
d’avoir profané les mystères d’Éleusis en détruisant plusieurs
statues. Condamné, il offre ses services à Sparte.
Cette popularité se poursuit malgré le déclin des cités
grecques et l’avènement de l’Empire romain. Les empereurs
Auguste (27 av. J.-C.-14 apr. J.-C.), Hadrien (117-138) ou
Antonin le Pieux (138-161) sont eux aussi initiés aux mystères.
Effrayé par la voix du hiérophante selon l’historien romain
Suétone, Néron n’ose pas assister aux mystères. À l’inverse,
l’empereur Claude (41-54) veut même déplacer le culte des
mystères à Rome.
L’empereur Julien (361-363), qui tentera en vain une
restauration du paganisme dans l’Empire romain, notamment à travers la religion gréco-latine et le culte de Mithra,
est certainement le dernier titulaire de la pourpre impériale
à se faire initier. Selon toute probabilité, c’est l’empereur
chrétien Théodose (379-395) qui, en proclamant son édit de
Thessalonique (380), faisant du christianisme la religion d’État
de l’Empire romain, mettra un terme aux mystères avant que
le sanctuaire ne soit saccagé par les Wisigoths en 395.
Pendant plus de 20 siècles, les mystères d’Éleusis et son
initiation ésotérique jouèrent un rôle non négligeable dans les
rapports qu’entretinrent les hommes avec les dieux sous l’Antiquité.
Akhenaton,
pharaon renégat
(1355-1338 av. J.-C.)
L
e pharaon de la XVIIIe dynastie, Akhenaton (13551338 av. J.-C.) est, avec son fils Toutankhamon et
Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), pharaon de la XIXe dynastie,
l’un des souverains de l’Égypte ancienne les plus connus du
grand public. Mais son nom resta également dans l’histoire
comme étant celui qui voulut imposer un monothéisme dédié
à l’astre solaire et qui le paya probablement de sa vie.
C’est l’écrivain contemporain égyptien Naguib Mafhouz
qui qualifia, dans un roman de 1985, Akhenaton de pharaon
renégat pour avoir renié les dieux de l’Égypte antique tels
qu’Osiris, Horus ou Isis. Akhenaton est le fils d’Aménophis III,
pharaon pacifique qui développe les villes de Thèbes et de
Memphis et fait construire le temple de Louxor à Karnak.
Il se montre très pieux, car, en tant que pharaon, il est le fils
du dieu Râ. Mais il vénère également le dieu solaire ou Aton,
suscitant ainsi la méfiance du clergé d’Amon. Aménophis III
n’en fait cependant pas la seule croyance du royaume. Avisé,
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Akhenaton, pharaon renégat
il associe à la fin de son règne son fils, Aménophis, dans une
sorte de corégence.
Le nouveau pharaon, connu alors sous le nom d’Aménophis IV, est âgé de 16 ans lorsqu’il monte sur le trône. Marié à
la belle Néfertiti, dont l’image immortelle a été figée dans un
buste célèbre, le nouveau pharaon poursuit l’œuvre de son père
en bâtissant des temples ou en agrandissant d’autres comme
ceux à Karnak et développe un nouvel art, appelé « amarnien », où la nature et les oiseaux sont prépondérants.
Aux frontières septentrionales de l’Empire, il se trouve
confronté à de nombreuses incursions des Hittites en Syrie.
Aménophis IV va surtout marquer ses contemporains
et l’histoire de l’humanité avec sa révolution religieuse.
Poursuivant et développant l’initiative de son père de rendre
un culte à Aton, l’astre solaire, Aménophis IV, qui change son
nom et devient Akhenaton (« Celui qui est utile à Aton »),
décide non pas d’imposer le premier culte monothéiste de
l’histoire, mais un hénothéisme, faisant d’Aton le dieu suprême
aux dépens des dieux traditionnels de l’Égypte ancienne. Aton
existait déjà auparavant, mais il n’était qu’un dieu mineur, bien
moins important que Râ, Osiris ou Anubis.
Pourtant, sous l’impulsion d’Akhenaton, il devient le
premier, le plus grand. À Karnak, Akhenaton fait édifier un
temple à la gloire d’Aton, et un culte y est rendu. Amon-Râ,
qui personnifie lui aussi le soleil, ne perd pas pour autant son
temple. Les deux cohabitent.
Or le puissant clergé de Karnak et de Thèbes voit d’un
très mauvais œil cette volonté du pharaon de privilégier le
disque solaire. Mais Akhenaton n’en a cure et bâtit même une
nouvelle ville, Akhetaton (« l’horizon d’Aton »), dédiée à Aton
et située sur l’actuel site de Tell el-Amarna.
Le pharaon en fait sa nouvelle capitale, et l’ensemble de
la cour et du gouvernement s’y installe. Dédiée totalement à
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L’Histoire du Monde en 80 Secrets
Aton, cette cité compte de nombreux temples à ciel ouvert
où les rayons de soleil de la divinité pénètrent et apportent
ses augustes messages. Akhenaton se place sous la protection
du dieu et compose des hymnes à la gloire du soleil. Enfin, le
pharaon célèbre sa fête-sed, le jubilé marquant ses 30 années de
règne, dans le temple d’Aton à Karnak.
Poursuivant dans sa volonté d’honorer le soleil aux dépens
des autres divinités, Akhenaton, qui a déjà irrité le clergé
thébain, décide de franchir une étape supplémentaire en ordonnant, à l’exception de celles de Râ, la destruction des images
des anciens dieux, sauf celles de Râ. Faut-il y voir la volonté
fanatique du pharaon, devenu un intégriste religieux ?
Les spécialistes de l’Égypte ancienne sont toujours partagés sur cette question. En tout cas, de nombreux cultes sont
interdits, des temples sont fermés, des statues sont abattues, et
le clergé se voit privé de certains de ses biens alors même que la
population reste très attachée aux cultes traditionnels.
Cette situation fragile se double d’une instabilité accrue
aux frontières nord de l’Empire. La menace hittite se précise.
Jérusalem tombe même aux mains de hordes de brigands. En
Égypte, on commence à douter du pharaon. Et si les anciens
dieux l’avaient abandonné après sa trahison pour Aton ?
Ces divers événements intérieurs et extérieurs conduisent le
règne d’Akhenaton dans une impasse, et c’est dans ces sombres
conditions que s’éteint le pharaon.
Plusieurs spécialistes estiment qu’il ait pu vivre ses derniers
instants lors de l’éclipse totale du Soleil du 14 mai 1337 av. J.-C.
Mort naturelle ? Il est permis de penser que le clergé thébain,
las de voir ses puissantes prérogatives rognées et soucieux de
préserver son pouvoir à travers le culte des divinités traditionnelles, ait fomenté un complot qui aurait mis fin à la vie du
pharaon hérétique.
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Akhenaton, pharaon renégat
Cette conspiration aurait eu lieu le jour même de l’éclipse
totale du Soleil, un prétexte tout trouvé : Aton avait abandonné le pharaon. Mais rien ne permet de le prouver. Une
chose est certaine cependant : ses successeurs démontrent un
zèle absolu à revenir aux anciens cultes et à effacer toute trace
d’Akhenaton.
À Karnak comme ailleurs, les temples d’Aton sont incendiés et détruits. On réutilise les pierres d’Akhetaton pour de
nouvelles constructions.
Le clergé thébain, qui avait tout fait pour s’opposer à cette
nouvelle croyance, met un point d’honneur à effacer les traces
de l’hérésie propagée par Akhenaton.
Après l’intermède de sa fille Mérytaton, c’est son tout jeune
fils, Toutankhamon, qui monte sur le trône et enterre pour de
bon les rêves solaires d’Akhenaton, pharaon renégat pour qui,
comme le rappelle Victor Hugo, « la vérité est comme le soleil.
Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder. »
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