UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL PÉDAGOGIE DE LA DÉCOUVERTE PAR L’IMAGE PHOTOGRAPHIQUE D’IDENTITÉ : UNE APPROCHE D’INTERVENTION MÉDIATISÉE SUR MESURE RAPPORT D’ACTIVITÉS PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION PAR LIVIA AVRAM AOÛT 2004 ii REMERCIEMENTS TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE I 2 PROBLÈMATIQUE ................................................................................................... 2 1.1 Description du contexte ............................................................................. 2 1.2 Définition et énoncé du problème .............................................................. 3 1.2.1 Définition du problème ....................................................................... 3 1.2.2 Énoncé du problème.......................................................................... 4 CHAPITRE II OBJECTIFS DU PROJET ET REPÈRES THÉORIQUES ................... 5 1.3 Objectif général ......................................................................................... 5 1.4 Objectifs spécifiques ................................................................................. 5 1.5 Cadre de référence ................................................................................... 6 1.5.1 La pédagogie de la découverte et la résolution de problème ............. 6 1.5.2 La communication médiatisée ......................................................... 10 L’utilité de comprendre la situation de communication ........................... 11 La communication par l’image ............................................................... 14 Les codes de l’image fixe isolée ............................................................................. 16 2.3.3. La lecture de l’image ..................................................................................... 18 Les composants dans l’image ................................................................................. 18 Les trois étapes de lecture ...................................................................................... 18 L’identité et l’image photographique ....................................................................... 19 Une image particulière, le portrait ........................................................................... 20 Le visage , réservoir de signes codés ..................................................................... 21 1.5.3 Articulation des codes de l’image et du texte ................................... 24 1.5.4 Le Multimédia ..................................... Error! Bookmark not defined. 1.5.4.1 Les supports et les canaux de diffusion ... Error! Bookmark not defined. 1.5.4.2 Une qualité particulière de multimédia : la convivialité ...... Error! Bookmark not defined. INTRODUCTION 2 CHAPITRE I PROBLÈMATIQUE « La réflexion dans l’action est une sorte de dialogue continuel entre le praticien et les événements de sa pratique professionnelle. En apprenant à utiliser systématiquement la réflexion dans l’action, le praticien peut augmenter de façon significative l’efficacité de ses interventions. Il peut aussi développer progressivement une sorte de modèle d’intervention sur mesure. » ( St-.Arnaud.p.51) 1.1 Description du contexte Le projet d’intervention, qui fait l’objet de ce rapport, fut développé au Collège Ste-Marcelline, un établissement privé, situé dans un cadre enchanteur au bord de la Rivière - des - Prairies, dans l’ouest de Montréal. Le Collège accueille près de mille élèves de toute origine, à partir du préscolaire jusqu’au secondaire. Et c’est le secondaire qui a servi de contexte d’intervention. Depuis l’année 2000, nous travaillons au collège, au secondaire (accueillant uniquement des filles), à titre de coordonnatrice des activités et nous dirigeons le Conseil Étudiant du Collège (CONSEM). Nous assurons la réalisation des activités en nous appuyant sur ses membres et nous organisons les réunions du CONSEM. Chaque année, nous essayons de nouvelles stratégies d’animation auprès des jeunes élèves afin de mieux ancrer le CONSEM dans la vie de l’école. 3 Le CONSEM est une équipe de 11 élèves, partageant des goûts, intérêts ainsi que des valeurs communes et qui se définit par des projets d’activités échelonnés tout au long de l’année scolaire. L’ensemble des élèves du Collège ainsi que les professeurs élisent annuellement (au mois de juin) deux représentantes par niveau, de secondaire II à V, une vice-présidente de secondaire IV et deux présidentes de secondaire V qui feront partie du CONSEM au cours de l’année scolaire qui suivra. Le CONSEM se réunit toutes les semaines pendant 30 minutes et son rôle est de représenter officiellement l'ensemble des élèves de l'école, de promouvoir et d’établir des activités ayant pour but de développer un esprit dynamique au sein de l'école, d’aider, de façon systématique, à l'intégration des nouveaux élèves, de diffuser les informations au moyen d'un journal, de proposer et de mettre sur pied des activités pour l'ensemble des élèves de l'école, telles les fêtes de l’Halloween, de Noël et de la St-Valentin, la soirée des talents, la semaine des enseignants, le dîner - poésie, etc. Les jeunes sont appelés à se prononcer sur différents sujets, à donner leur avis, à négocier, à s’organiser. Ceci donne naissance à des situations de communication intéressantes qui sont ancrées dans la réalité sociale de l’école. 1.2 Définition et énoncé du problème 1.2.1 Définition du problème Le CONSEM prépare les activités deux semaines avant la rentrée scolaire et, chaque année, nous rencontrons le même problème: les élèves ne se connaissent pas assez et cela les rend moins efficaces dans leur travail en début d’année. Pour l’intégration rapide des nouveaux membres au CONSEM, 4 les premières rencontres sont cruciales, donnant la chance aux élèves, surtout les nouvelles, de pouvoir construire ensemble une relation respectueuse, vivante et où la reconnaissance des forces de chacune sera un atout important pour la suite. De plus, ces jeunes filles ont une maturité qui varie selon leur âge et cette variable doit être pris en considération. Même si les premières rencontres ne représentent qu’un tout petit moment dans l’année scolaire, c’est un instant privilégié pendant lequel peut s’instaurer un esprit d’équipe et d’entraide (sentiment d’appartenance). Pour cette raison, nous avons décidé de vivre notre projet d’intervention dès le début de l’année scolaire avec les élèves élues au CONSEM au mois de juin qui précède l’année scolaire, en leur proposant une activité s’inspirant d’une approche dite Pédagogie de la découverte. 1.2.2 Énoncé du problème Prenant en considération les variables proximales (âges variant de 13 à 18 ans et sexe) ainsi que les variables distales (environnement physique et ressources disponibles), nous avons choisi de développer une approche originale sur mesure pour le groupe cible, tenant compte de ces variables, de certaines conditions pour favoriser le travail coopératif ainsi que des ressources disponibles dans le milieu d’intervention. Le problème peut donc s’énoncer ainsi : comment mettre en place une approche d’intervention médiatisée qui tienne compte à la fois des variables distales, proximales, de certains facteurs influençant le travail en équipe, tout en assurant une participation égalitaire, quel que soit le degré de maturité des élèves impliquées? 5 CHAPITRE II OBJECTIFS DU PROJET ET REPÈRES THÉORIQUES 1.3 Objectif général Développer et valider une approche d’intervention médiatisée sur un CD-Rom, favorisant la découverte de l’identité par l’image photographique. . 1.4 Objectifs spécifiques Dès le début de l’année scolaire : Du côté des élèves : assurer aux membres du CONSEM1 un contexte général favorable à la reconnaissance de chacune d’entre elles et favoriser un sentiment d’appartenance au groupe; Du côté du support : vérifier la convivialité2 du CD-Rom, c’est-à-dire la facilité d’y naviguer et de comprendre l’organisation ou la structuration des contenus proposés. 1 Conseil Étudiant du Collège. Convivialité (usability) : qualité d'un programme (logiciel) offrant 1) un parcours aisé, une navigation agréable (facile d’utilisation) et 2) un contenu accessible (facile à comprendre). Source: Le grand dictionnaire terminologique, http://www.granddictionnaire.ca/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp 2 6 1.5 Cadre de référence 1.5.1 La pédagogie de la découverte et la résolution de problème Pour notre recherche-développement, nous nous sommes appuyée sur la vision constructiviste de la réforme de l’école québécoise qui valorise une pédagogie où l'apprenant est au cœur de ses apprentissages, cognitivement et affectivement. Nous nous sommes inspirée d’une approche appelée pédagogie de la découverte, par Michel Martin dans son ouvrage phare des années 1980 : Sémiologie de l'image et pédagogie. Suite à nos lectures sur les différentes approches d’enseignement/apprentissage (béhavioristes, cognitives, stratégiques et interactionnistes), les fondements de la pédagogie de la découverte nous sont apparus, par certains aspects, voisins du modèle constructiviste cognitif.1 Ce type de modèle valorise entre autres une approche de résolution de problèmes où l’élève vise un but et où des ressources lui sont accessibles afin qu’il comprenne ce qu’il a à faire. Ce dernier est au cœur de ses apprentissages qui reposent en partie sur l’utilisation de stratégies cognitives et métacognitives (l’apprentissage n’est plus linéaire mais hiérarchisé). Dans un tel contexte, l’enseignant organise les connaissances et les relie entre elles afin d’aider l’élève à structurer les informations (Goupil et Lusignan 1993)2. Pour ce qui est du concept de découverte, Shulman et Keislar (1973) disent que la découverte comme stratégie est un moyen d’enseigner la résolution de problème. C’est donc à partir de ce choix stratégique de pédagogie de la découverte ou de résolution de problèmes que nous avons poursuivi notre recherche des fondements théoriques. 1 Tels que les modèles de Piaget, de Bruner et de Tardif G. Goupil et G. Lusignan, 1993. Apprentissage et enseignement en milieu scolaire, Ed Gaëtan Morin, Qué Canada, p.72 2 7 Dans cette foulée, il fallait très tôt, en début d’année, que nous stimulions, chez chaque membre du CONSEM, ses forces collaboratives et son engagement, puisque chacune serait appelée à assumer différents rôles et responsabilités tout au long de l'année, tout en étant accompagnée par une responsable adulte (moi-même) et confortée par les autres membres du groupe. Travail coopératif « (…) une organisation de l’enseignement qui met à contribution le soutien et l’entraide des élèves, grâce à la création de petits groupes hétérogènes réunis autour d’un objectif commun et travaillant selon des procédures établies, assurant la participation de tous et de toutes à la réalisation d’une tâche. » (Doyon, 1991, p. 126) Les chercheurs Dishon et Wilson O’Leary (1984, p.3) définissent l’apprentissage coopératif comme un modèle d’enseignement systématique visant à aider les enseignants à mettre des groupes en place et à travailler avec eux afin que les élèves : exécutent des tâches, participent tous à la tâche du groupe, trouvent des solutions à leurs différends, prennent plaisir à travailler ensemble. D’après Jonson et al (1984, p. 8) quatre conditions sont fondamentales à la réussite du travail coopératif: l’interdépendance positive, l’interaction verbale entre les élèves, la responsabilité individuelle envers le groupe et l’utilisation d’habiletés à établir des relations interpersonnelles et à travailler en sousgroupe. Par interdépendance positive on entend la conscience qu’ont les élèves de leur dépendance les uns envers les autres dans la tâche à accomplir. Pour Johnson et al. (1984, p.8), il y a différents types d’interdépendance : par rapport aux buts, à la tâche, aux ressources, aux rôles. L’interaction verbale entre les élèves, surtout la qualité des interactions verbales entre les membres, est une 8 autre condition de la réussite de travail coopératif. Pour accomplir une tâche, les élèves doivent présenter leurs idées, émettre des hypothèses, discuter de leurs solutions, etc. Selon Adams et Hamm (1990, p.41), une interaction verbale est valable lorsque la discussion de groupe favorise le développement des habiletés à sélectionner, à organiser, à analyser, à intégrer et à évaluer l’information. La responsabilité individuelle est un autre facteur lorsqu’on parle de travail coopératif, elle se développe d’autant plus que chaque membre du groupe se sent responsable du succès de l’équipe et du succès de l’autre. D’autres éléments de nature à accroître la responsabilité individuelle sont le sentiment d’appartenance au groupe, la motivation à réaliser la tâche, l’attitude positive envers le groupe3. Les habiletés à établir des relations interpersonnelles et à travailler en sousgroupe représentent une autre condition essentielle pour la réussite du travail coopératif. Lorsqu’ils travaillent en groupe, les élèves doivent faire preuve de comportements tels que le respect des idées des autres, la valorisation des diverses contributions, etc. Les habiletés sociales nécessaires à la réalisation du travail coopératif ne sont pas toujours acquises par tous les participants et c’est à l’enseignant d’amener ses élèves à acquérir ces habilités de coopération. La découverte comme approche « La découverte requiert de l’enfant plus de participation et, partant, plus d’attention aux éléments qui lui sont présentés. » (Shulman et Keislar, 1973, p. 49) Ce sentiment d’appartenance est au cœur de notre problématique de départ et est considéré comme un préalable pour assurer la suite du travail au CONSEM. 3 9 Chercher, tâtonner, progresser, découvrir sont sources de bonheur pour l’élève car ce sont des actions stimulantes intellectuellement : il découvre par luimême des règles, des solutions, des méthodes de travail. Selon Giordan (1995), la pédagogie de la découverte valorise la découverte autonome et l'importance des tâtonnements dans un processus de construction initié par l'élève; ainsi la construction du savoir fait une grande place à l'action des élèves. L’élève a donc une responsabilité dans ses démarches et dans son organisation, il s’implique dans la réalisation d’un certain nombre de tâches, il mobilise ses savoirs, met en oeuvre des savoir-faire et développe des comportements adaptés d’une manière autonome. Selon Alsène et Cazabon (1987), «[…] la pédagogie de la découverte est inductive : partir des connaissances immédiates des étudiantes et des étudiants pour distinguer peu à peu les caractéristiques des modes essentiels d’intervention. » (p.131) À partir de connaissances de base, la pédagogie de la découverte, tout comme celle de la résolution de problèmes, vise à aider l’élève à bâtir un raisonnement, à développer des savoirs et savoir-faire qu’il pourra transférer dans des situations équivalentes, à s’adapter à un environnement dynamique, évolutif. Selon Shulman et Keislar (1973), « Toutes les expériences de découverte supposent que l’élève possède déjà d’importantes connaissances. » (p.49). Tardif (1992) est du même avis : « Les élèves doivent pouvoir utiliser fonctionnellement les connaissances acquises et avoir développé des stratégies qui leur permettront de poser les actions appropriées dans diverses tâches qu’ils sont appelés à réaliser. » Nous remarquons que dans ces deux approches- pédagogie de la découverte et résolution de problèmes - l’élève doit pouvoir s’appuyer sur des connaissances acquises antérieurement et sur sa capacité de prendre des 10 initiatives. Les apprentissages ainsi réalisés doivent être transférables dans d’autres situations et c’est là leur force, car l’élève pourra développer ou consolider plus sûrement ses habiletés. À l’école, les apprentissages devraient permettre aux élèves non seulement de se développer cognitivement, mais aussi de prendre conscience du pouvoir, dans divers contextes, de ces nouveaux outils cognitifs développés. Notre approche d’intervention, qui s’appuie sur la découverte et sur la résolution de problèmes, est personnalisée, puisque l'élève va pouvoir petit à petit construire ses propres repères et stratégies de lecture de l’image, tout en s’appuyant sur ses connaissances des autres élèves. 1.5.2 La communication médiatisée Depuis le milieu du XXe siècle, nous sommes entrés dans la civilisation de la communication. Un des besoins primaires de l’homme est de communiquer, l’homme disposant de cinq moyens de communications : les gestes, les sons (vocaux et instrumentaux), le regard, l’écrit et l’image. Les trois premiers sont propres aussi aux monde animal. Le jour où l’homme de la préhistoire a gravé une première image sur un rocher peut être considéré comme date de naissance de la civilisation humaine. Selon Almasy (1990) « La création de l’image fut la première action dictée par l’intellect et non pas par l’instinct. » (p. 27) La communication est un acte intentionnel où un émetteur (locuteur) cherche à rejoindre, à échanger avec un récepteur (interlocuteur) qui, éventuellement, lui répondra et deviendra donc émetteur à son tour. Trois éléments de base caractérisent la chaîne de communication : l’émetteur (E), le récepteur (R) et le message (M); ce dernier voyage entre les deux pôles. L’intention de 11 l’émetteur peut varier et affecter le type de discours dans la communication, marquant ainsi le message véhiculé. Voici la chaîne minima de communication : E ------------- M ----------- R L’utilité de comprendre la situation de communication Les questions de Lasswell Bien des modèles existent pour représenter schématiquement le processus de communication (Jakobson, 1963; Moles, 1972; Shannon et Weaver, 1975; Valiquette, 1981). Cependant, ce sont les fameuses questions de Lasswell4 qui nous ont tout d’abord aidée à cerner l’objet de cette recherche-développement. Cette dernière porte principalement sur le COMMENT, c’est-à-dire sur la manière de traiter le contenu d’un message, en termes de codage, de stratégies de communication, de support et de canal de diffusion. Mais l’INTENTION de l’auteur du projet ici doit également être pris en considération, étant donné le contexte de la recherche et le perfectionnement professionnel recherché par la chercheuse. Lasswell fut un des premiers à s’intéresser à la communication de masse. Selon lui, on peut décrire convenablement une action de communication en répondant aux questions suivantes : QUI?, DIT QUOI ? À QUI? COMMENT? AVEC QUEL EFFET? L'intérêt essentiel de ce modèle est de dépasser la simple problématique de la transmission d'un message et d'envisager la communication comme un 4CCMS: Communication, Cultural and Media Studies http://www.cultsock.ndirect.co.uk/MUHome/cshtml/index.html. 12 processus dynamique avec une suite d'étapes ayant chacune leur importance, leur spécificité et leur problématique. Il met aussi l'accent sur la finalité et les effets de la communication. Voici les questions de Lasswell : QUI est l’auteur de la communication ? l’intervenante et POURQUOI (intention); DIT QUOI ? Le contenu à communiquer : rôle identitaire des images photos et jeu de la découverte; À QUI? Les récepteurs visés : les jeunes filles de secondaire II à V; COMMENT (PAR QUEL CANAL) ? Le codage ou la mise en forme du contenu : images, textes et interactivité ainsi que le choix de stratégies pour les communiquer1 sur un support (CD-Rom) et le diffuser par un canal (ordinateur); AVEC QUEL EFFET? Les résultats attendus : communication et complicité entre les membres du CONSEM. Les fonctions de la communication Le schéma de la communication linguistique de Jakobson est largement répandu aujourd’hui. Ce modèle «[…] prévue pour l’étude de la langue, peut être utile pour analyser la communication par l’image» (Fozza et al, p. 108). Six facteurs illustrent ce modèle de communication. Ces facteurs ne s'excluent pas les uns les autres, mais se superposent très souvent. Il s’agit des facteurs suivants: le destinateur (émetteur), le message, le destinataire (récepteur), le contexte, le code et le contact. 1 Contenu: expression générique désignant les différents types d'informations et de services (écrits, sons, images, données multimédias) circulant sur les réseaux de distribution numérique (Dictionnaire du Web, p.55). 13 Schéma de la communication de Jakobson La principale originalité de ce modèle, c'est qu'à ces six facteurs correspondent six fonctions qui peuvent être appliquées à des messages linguistiques tout autant qu’iconiques5: La fonction expressive/esthétique traduit les idées, les sentiments du destinateur et dans certains cas, sa personnalité: les œuvres de créateurs en peinture, en photo, en littérature, etc. La fonction conative/argumentative: met en valeur l’action du destinateur sur le destinataire (inciter à agir, à séduire, etc.). Cette fonction apparaît clairement dans une situation où la finalité de la communication est de faire agir le destinataire, dans le sens souhaité par le destinateur : consignes données pour réaliser une tâche. La fonction phatique est relative au contact immédiat ou différé. Elle permet de provoquer ou de maintenir le contact avec le destinataire : l’accusé de réception, le renforcement positif. La fonction métalinguistique/explicative s'exerce lorsque l'échange porte sur le code lui-même et que les partenaires vérifient qu'ils utilisent bien le même Les fonctions de l’image apparentées à celles de Jakobson sont décrites dans l’ouvrage de M. MorizeNicolas et coll. 1998. Français 4e Parcours méthodiques: lecture des textes et de l'image; Expression écrite et orale. Paris, Hachette éducation, p. 51 5 14 code. Cette fonction consiste donc à utiliser un langage pour expliquer un autre langage. Le glossaire joue ce rôle et dans notre approche, la partie théorique sur l’image joue aussi ce rôle. La fonction référentielle/informative renseigne sur un objet, une réalité ou un événement et s’inscrit généralement dans un contexte qui va affecter directement le message : la photo d’identité scolaire veut d’abord identifier l’élève objectivement, sa personnalité pourra certes être suggérée (donc la fonction expressive se superposera à la référentielle) mais le décor ne jouera aucun rôle. La fonction poétique/symbolique se rapporte à la forme du message dans la mesure où elle a une valeur esthétique (très près de la fonction expressive puisqu’elle révèle une part de la personnalité ou du style de l’auteur): poème, slogan, devinette, jeu de la découverte par l’image dans notre projet… La communication par l’image Dessinées sur les parois des grottes ou des tombes, gravées sur les pierres des temples ou sur des matrices de bois et de cuivre, recomposées par l’art de la mosaïque ou du vitrail, peintes sur les fresques ou les toiles, enregistrées sur les plaques photographiques ou sur la pellicule cinématographique, […] diffusées sur l’écran des télévisions, les images ont accompagné toute l’histoire de l’humanité. (Baisnée, 2002, p. 3) L’image est la représentation d'une personne ou d'une chose par un moyen technique tel que: le dessin, la peinture, la sculpture, la photographie ou l'infographie. Elle est le produit d’une activité humaine sur le réel, la synthèse de diverses opérations à la fois perceptuelles et cognitives (fonction symbolique). La fonction symbolique ainsi sollicitée s’appuie sur des codes de reconnaissance, basés sur des connaissances antérieures et sur des images mentales. Ces codes représentent ou du moins cherchent à rendre compte de la réalité perçue. Mais précise Martin (1982.), l’image n’est pas une copie de la réalité, malgré « l’impression de naturalité » qu’elle donne au lecteur. « En outre, l’image supporte facilement diverses connotations qui jouent un rôle essentiel au niveau de la signification. » (p.17) Donc le lecteur investira des 15 sens seconds (connotations) sur des images, surtout celles qui ont un degré d’analogie élevé avec la réalité, c’est le cas de la photographie. Ainsi, toute image matérielle est un signe iconique ayant un degré d’analogie plus ou moins élevé par rapport à l’objet visé dans la réalité (référent) ayant pour fonction de déclencher l’activité perceptuelle de reconnaissance vis-à-vis de l’objet représenté. L’icone est donc une représentation analogique détachée des objets ou phénomènes représentés (Pierce, 1978). « Le codage iconique est un codage technique Il consiste en la transcription du réel en trois dimensions sur une surface plate avec ses caractéristiques propres. Il s’agit là de fait d’une véritable transposition puisque l’image ne porte souvent que quelques uns des caractéristiques du référent. » (Cossette, p.414) Et même, Lebrun et Berthelot (1996) rappellent que « l’image interprète et déforme, dans une certaine mesure, la réalité. » (p.72). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, disent-ils : l’espace tridimensionnel (caractérisé par les trois dimensions : hauteur, largeur et profondeur) est représenté sur une surface plane bidimensionnelle (la profondeur est uniquement simulée pour donner de l’épaisseur aux objets); le cadrage de l’image découpe une partie de la réalité, ce qui empêche toute exploration visuelle hors de ce cadre; les couleurs reproduisent plus ou moins fidèlement la réalité; la texture du support matériel de l’image affecte la perception. Enfin, Martin (1982) aussi confirme que « …l’icone photographique passe par différentes transformations avant que le récepteur reconnaisse l’image du référent. » (p.24) Ces transformations sont dues à la fois aux codes techniques, spécifiques à l’image, et aux codes anthropologiques qui relèvent de la culture du sujet percevant (codes de la narrativité, socio-culturels et 16 rhétoriques). Parmi les codes techniques, nous retenons ceux relatifs aux angles de prises de vue, à la composition, au cadrage (échelle de plans) ainsi qu’aux effets techniques : « Reconnaître les normes codées, […] puis déceler les écarts susceptibles de signification, constitue une démarche essentielle au niveau de la lecture et de la compréhension du message iconique. » (Martin, p.27). Les codes de l’image fixe isolée6 Codes spécifiques ou techniques de l’image 1. Codes de ressemblance : procédés pour faire naître l’objet iconique (procédé graphique, photographique, électronique ou infografique, mixte) 2. Codes morphologiques : composition des éléments dans un espace ou cadrage limité : focalisation (convergence dans le centre), avantplan/arrière-plan pour créer la profondeur, compositions en diagonale, en Z (à l’horizontale) ou à la verticale. 3. Codes chromatiques : codes des couleurs : mono-chrome, bi-chrome, poly-chrome (couleurs primaires, couleurs chaudes ou froides). 4. Codes des procédés spatiaux : l’échelle des plans, les angles (points de vue), l’éclairage, etc. 5. Codes kinésiques : procédés techniques ou optiques pour représenter le mouvement : le flou, les traits, dédoublement. 6. Codes gestuels et d’implication : c’est la façon de se sentir concerné par l’image : le spectateur se sent-il regardé ou impliqué ou au contraire, y-t-il distance. - 6 image en « je » - interpellation du spectateur, l’image cadrée de façon serrée avec un peu de repères contextuels, le sujet nous regarde très souvent Stéphanie Dansereau : http://www.er.uqam.ca/nobel/r33554/accueil/ 17 - image en « il » - distanciation pour le spectateur, l’image devient plus narrative car des indices spatio-temporels sont présents) Codes non-spécifiques ou sémiologiques 7. Codes socio-culturels : tout ce qui est suggéré par un contexte socioculturel (type de vêtement, objet socialement ou temporellement marqués). 8. Codes de la narrativité : il révèle du contenu : ce sont des éléments sémantiques qui viennent « informer » (souvent empruntés à la littérature) 9. Codes rhétoriques : figures de style, codes esthétiques et symboliques, etc. Dans le domaine de l’éducation, l’image constitue un support privilégié pour illustrer certains phénomènes, pour montrer ou référer aux objets de la réalité. L’éducation à l’image et aux médias développe des compétences transférables dans tous les secteurs de la vie de l’élève et aussi dans les disciplines scolaires. Les auteurs du site de l’Académie Creteuil «Image, son, language»7 mentionnent que chez les élèves ayant déjà pu profiter de cette éducation, des transferts d’habiletés cognitives ont pu être observés, s’orientant schématiquement dans deux directions : cognitive et comportementale : dimension cognitive : développement de l’observation, de la compréhension et d’un certain esprit critique, plaisir de verbaliser autour de l’image, appropriation d’une méthode d’analyse de l’image qui favorise l’expression verbale; dimension comportementale : motivation et attention accrues, attitude plus autonome et responsable, mise en valeur de la sociabilité des jeunes. 7 1 http://www.ac-creteil.fr/isl/educimage/welcome.html 18 2.3.3. La lecture de l’image Les composants dans l’image « Le processus qui se déclenche dans l’esprit du lecteur devant les composants d’une photo est le même que celui que produit en lui la lecture de lettres ou de signes écrits. (…) Ce qui dans l’écriture alphabétique constitue un mot est désigné dans l’écriture photographique par le terme composant. » (Almasy, 1990, p.33) Les composants selon Almasy, se répartissent en trois groupes : le vivant : les humains et les animaux constituent des composants vivants, le mouvant (mobile) : certains objets qui peuvent se déplacer ou peuvent être déplacés (en action) ainsi que certains phénomènes et éléments naturels constituent des composants mobiles; le statique (fixe) : le décor immuable dans lequel évoluent les sujets et les objets; La distinction entre les trois composants est fondamentale car il existe entre ces trois catégories une relation hiérarchique : le composant vivant domine toujours les autres composants, quelle que soit sa place dans l’image. Seule l’intensité de sa suprématie émotionnelle peut varier. Les composants mouvants dominent les composants statiques quelle que soit leur taille respective. Pour assurer une lecture facile, rapide et efficace de la photo, son concepteur doit tenir compte de la hiérarchie de ces trois composants. Les trois étapes de lecture Contrairement à l’écriture alphabétique qui est une action linéaire, temporelle et unidimensionnelle, la lecture d’une photographie est bidimensionnelle, spatiale et « prospectrice ». 19 Pour Almasy (1990), la lecture photographique se décompose en trois phases : la perception, l’identification et l’interprétation : la perception est purement optique 8: les yeux perçoivent les formes et les tonalités dominantes, sans toute fois les identifier. Elle est très rapide, elle ne dépasse pas une demi-seconde. l’identification est une action à la fois optique et mentale. Le lecteur identifie les composantes de l’image et enregistre mentalement son contenu, en identifiant le sujet de la photo. l’interprétation du sujet est une action purement mentale et très individuelle. Chaque lecteur interprète la photo en fonction de son âge, de son sexe, de sa profession, de son idéologie. L’identité et l’image photographique «L’image est intrinsèquement identitaire, sa tendance a représenter l’objet la situe du côté de l’identité : id est (c’est), tel est le début de toute réponse à la consigne de s’exprimer sur une image» (La Borderie, p. 95) L’image a été le plus ancien moyen de communication inventé par l’homme, mais elle est devenue à la portée de tous seulement par la mise en pratique du procédé photographique. Le mot ‘photographie’ vient du grec phos / photos (lumière) et graphein (tracer, écrire) qui signifie « écrire avec de la lumière ». « Il s’agit d’un procédé de reproduction sur un support plan de tout ce qui est visuellement perceptible grâce à la transformation chimique de substances sensibles à la lumière que le sujet de l’image reflète. » (Almasy, 1990, p.27) Ce procédé technique qui a été mis en pratique le 19 juillet 1822 dans un petit laboratoire 8 La perception, pour les cognitivistes et spécialistes du développement (Piaget et Inhelder), est une activité mentale assimilée à la fonction d’identification. Lire Geneviève Jacquinot dans Communication Information, Vol VI, Nos 2-3, hiver 1984, Ed. Albert St Martin, Qc. Canada, pp. 232-234 20 en Bourgogne a pris très vite de l’importance. Aujourd’hui l’on peut utiliser dans les buts les plus divers, tels que : œuvres artistiques, documents destinés à la presse, enseignement, sciences, publicité ou simplement pour mémoriser des faits. La photographie s’est développée en deux branches : la photographie picturale (artistique) et la photographie fonctionnelle (presse, publicité, documentation, éducation, science et portrait). Une photographie picturale est l’expression subjective d’une vision d’une pensée, d’une émotion, tandis que la photographie fonctionnelle doit remplir une fonction bien déterminée. Pour le photographe picturaliste l’esthétique est essentielle, étant le but de la création. Pour le photographe publicitaire par exemple, l’esthétique est uniquement un moyen pour capter le regard des lecteurs et les attirer sur l’information cachée derrière l’image. Une image particulière, le portrait Le portrait est «[ …] une représentation réaliste d’un individu en buste ou en pied, immobile ou animé, sur fond neutre, dans un intérieur ou dans un paysage, le portrait peut aussi exposer au grand jour la psychologie du personnage »1 Dans le passé, le portrait était considéré comme moyen d’idéaliser le sujet et l’immortaliser, donc réservé à l’élite. La technique pour réaliser l’image laissait une grande liberté d’exécution au portraitiste. À travers le temps, le portrait a évolué aux niveaux des techniques de représentation des personnages (de plus en plus réalistes), des cadrages qui se sont progressivement élargis, laissant place au décor, à l’atmosphère pour informer 1 http://classes.bnf.fr/portrait 21 et agir sur le comportement des spectateurs (émouvoir, convaincre). Au début du XIXe siècle le portrait devient accessible à la bourgeoisie qui veut afficher sa réussite. Elle « acquiert vite une valeur marchande, devient une profession, un commerce » (Fozza et al., 1990, p.162). Le portrait, même en photographie, ne reproduit pas le réel, il n’en est qu’une imitation codée, c’est une image en ‘je’ qui est éminemment sociale comme signe. Dès les premières décennies de son histoire, la photographie explore déjà pour ainsi dire la totalité des sous-genres du portrait que nous pratiquons encore actuellement : des portraits officiels commandés par les puissants de ce monde au nu – qu’il soit académique, intime, érotique, en passant par les images de célébrités artistiques ou intellectuelles, le portrait social, le portrait documentaire, le portrait « scientifique », le portrait familial – et notamment le portrait de mariage et les portraits d’enfants, l’autoportrait, le portrait de groupe, le portrait historisant, le portrait fictif. L’évolution ultérieure ne fera que reconduire cette place importante du portrait : il sera de tout temps un des usages sociaux majeurs de la photographie.2 Le visage, réservoir de signes codés À partir d’une observation de photos de famille, Martin rapporte une question posée par un enfant : comment se fait-il que l’on reconnaisse aussi vite une personne sur une photo malgré les différences entre cette personne dans la réalité et sur la photo? Il y a des traits dits «pertinents», distinctifs, dit-il, qui permettent de reconnaître, de discriminer quelqu’un, quelques choses parmi d’autres. Et voilà le début d’un questionnement qui a fondé notre projet et alimenté notre démarche. 2 http://classes.bnf.fr/portrait 22 Les traits pertinents sont des traits qui donnent une particularité à l’image. Quand on peut changer un trait par un autre, sans changer le sens, le trait n’est pas pertinent. Le trait pertinent est détecteur du sens. Parmi les traits potentiels pertinents, à partir d’un portrait, d’un autoportrait, d’une caricature, d’un portrait robot d’une personne, nous pouvons distinguer dans un premier temps : - Le visage (la figure): ovale, carré, rond, triangle. - La mine : ridée, fanée, tirée, fripée, fraîche, épanouie, réjouie. - Le teint : mat, cuivré, bronzé, livide, terreux, cireux. - La peau : blanche, noire, jaune, grise, sèche, rugueuse, lisse, satinée, grasse. - Les yeux : bleus, verts, marron, noisette, bridés, globuleux, vitreux, en amandes, enfoncée, saillants. - Les paupières : lourdes, tombantes. - Les sourcils : épais, clairs, forme de l’arc.. - Les cils : longs, fins, rares. - Le regard : vif, pénétrant, profond, fulgurant, éteint, vague, louche, farouche, étonné, endormi. - Les joues : rebondies, roses, pâlottes, creuses, grosses, pommettes saillantes. - Le nez : de profil : grec, droit, busqué, aquilin, tombant, retroussé, crochu, en bec d’aigle. Le nez de face : camus, camard, épaté. - La bouche, les lèvres : fines, minces, bien dessinées, charnues, gourmandes, pendantes, vermeilles. - Les dents : blanches, jaunes, bien rangées, écartées. - Le menton : carré, saillant, en galoche. - Les cheveux : denses, fournis, touffus, rares, clairsemés. 23 - d’aspect : ondulés, frisés, crépus, cotonnés. coiffés : courts, longs, en rouleaux, en tresses, en boucles. couleurs : bruns, blonds, auburns, teints. Les oreilles : petits, ourlées, décollées. - Le front : haut, large, bas, étroit, plat, bombé, ridé, soucieux. - Les détails particuliers: moustaches, barbes, taches de rousseur, fossettes, grains de beauté, verrues, cicatrices, maquillage, lunettes, perruque. Pour retracer les traits considérés comme pertinents, le regardeur devra tenir compte des codes spécifiques de l’image. Le cadrage, l’angle de prise de vue, la couleur, la lumière, sont autant de codes qui participent à créer des effets dans l’image d’identité. Les codes participant à l’image en ’je ‘, c’est-à-dire à l’image identitaire qui se veut objective (photo de passeport, de permis de conduire, photo scolaire) sont : le cadrage de face, le plan épaule ou gros plan et l’angle normal de vision. Le décor ne joue aucun rôle car le cadrage du sujet photographié est serré (plan rapproché). Le monde de la télévision et de la publicité jouent beaucoup avec ce type d’images en ‘je ‘, qui a d’abord un pouvoir d’interpellation. Son contraire, l’image en ‘il ‘ montre le sujet dans un espace présent et dont le regard n’est pas dirigé vers l’objectif de la caméra, le regard est ailleurs (pouvoir davantage narratif). Les photos que nous avons utilisées pour notre projet d’intervention ont été réalisées par un professionnel, qui a su mettre en valeur l’identité des adolescentes. La mimique privilégiée sur ce type de photo fut évidemment le sourire. 24 1.5.3 Articulation des codes de l’image et du texte Le texte entretient avec l’image une relation complexe. Souvent l’image a un statut d’illustration du texte […]. Le document, dessin, photo, donne à voir ce que «dit» le texte. Redondante ou complémentaire, l’image reste seconde au service du texte. (Fozza et coll.p. 118) Cet extrait nous renvoie à deux rôles clés rattachés au rapport texte-image : la complémentarité et la redondance . Parce que l’image est polysémique, elle a besoin d’être ancrée par un texte pour réduire ce foisonnement de sens, cette incertitude face à sa signification. Alors, on parle du rôle du texte –légende, titre ou slogan - qui vient compléter le message livré par l’image. Cependant, on peut vouloir jouer sur une certaine ambiguïté dans l’image ou faire découvrir le message de l’image et alors, cette dernière comme signe dominera et même sera souveraine dans la communication. Explorons davantage ces rapports entre image et texte. Ancrage de l’image par le texte ou du texte par l’image ancrage de l’image par le texte qui vient compléter le sens de l’image; le texte ajoute de l’information telle la légende sous une photo de presse; ancrage du texte par l’image ou redondance entre texte et image : cette fois, l’image dit, à l’aide de codes autres, ce que dit le texte, l’image vient confirmer la lecture : les abécédaires pour enfants présentent des objets associés à leur nom. Cette fonction d’ancrage, par complémentarité ou par redondance, guident le lecteur, empêchent l’interprétation subjective. Donc, son rôle est d’informer, décrire ou former. 25 Lorsque l’image est souveraine L’image peut se retrouver sans ancrage verbal et c’est une intention du côté du destinateur, de l’auteur du message que de maintenir une certaine ambiguïté dans l’image. C’est le cas de notre jeu de la découverte où justement l’image photo est révélée que progressivement, sans ancrage linguistique, pour favoriser le travail de la découverte de l’identité. C’est aussi le cas, dans un contexte non pédagogique, où certains peintres refusent de donner un titre à leur toile afin que le regardeur puisse investir son propre sens dans l’image. 26 2 LE MULTIMÉDIA « Les médias alimentent, animent et influencent sans arrêt la vie intellectuelle, affective et sociale des jeunes. (..) L’expérience quotidienne des jeunes avec les médias implique chez eux une activité intelligente qui les introduit à une diversité d’informations, de connaissances et d’expériences déterminantes; elle les oblige à choisir, à faire des liens, à traiter l’information, à donner du sens.»9 Avant d’aborder les caractéristiques et fonctions du multimédia, il est important de bien définir ce que ce mot veut dire. 2.1 Définitions Dans l’ouvrage de vulgarisation sur le multimédia de Cedro (1995), on nous précise au départ que les médias sont des moyens de communication utilisant un intermédiaire technique pour coder et transmettre un message à un public plus ou moins large. La presse, la radio, la télévision, le panneau publicitaire, l’affiche, le téléphone, l’Internet sont autant de médias utilisant à la fois un support pour matérialiser le message et un canal de diffusion pour rejoindre un public-cible. Cependant, tous ces médias n’établissent pas nécessairement une relation entre le contenu médiatisé et le destinataire ciblé. Francis Balle, auteur bien connu de plusieurs ouvrages spécialisés sur les médias, dégage, dans son Dictionnaire des médias (1998), trois familles de médias, définies en fonction des usages et du public visé. Ce qui se traduit de la façon suivante : Les médias autonomes, impliquant une réception individuelle, à sens unique et sans raccordement ou réseau nécessaire pour la transmission du message : la presse écrite, les disques, les magazines, etc. 91 Extrait du Programme des programmes, Ministère de l’Éducation du Québec, 2003 27 Les médias de diffusion, impliquant une réception collective, à sens unique également et nécessitant un raccordement par ondes ou câbles : la radio et la télévision; Les médias de communication, impliquant une relation à distance, bidirectionnelle entre la machine et l’utilisateur ou entre deux ou plusieurs personnes : les jeux interactifs (CD-Rom), les groupes de discussion, les forums sur Internet, le courriel, le téléphone. L’extension des médias à tous les domaines de l’écrit, du son et de l’image ainsi que le recours au codage numérique des données, a favorisé l’émergence du multimédia comme nouvelle réalité après les années 80. Selon Lebrun et Berthelot (1996), le multimédia suppose la combinaison de différents médias développés et/ou contrôlés par un ordinateur afin d’établir une communication interactive dont le contenu est sous forme de texte, vidéo, son, image, animation. La définition de Balle et Cohen-Tanugi, dans le Dictionnaire du web (2001), distingue le contenu multimédia du secteur d’activité multimédia : « Il désigne aujourd'hui un contenu[…] combinant, grâce au codage numérique, des éléments de nature différente : texte, son, images fixes et animées, etc. On qualifie enfin de multimédia le secteur d'activité tourné vers la production de contenus multimédias et, plus généralement, les entreprises se situant au confluent de l'informatique, de l'audiovisuel et des télécommunications. »1 SCHÉMA, p.169 À venir 1 Dictionnaire du Web, p. 167 (http://www.dicoweb.dalloz.fr/) 28 Deux modes d'accès aux œuvres multimédias sont à considérer nous disent les auteurs du dictionnaire: -le multimédia off line - hors ligne - qui permet la consultation d'informations contenues sur des supports autonomes : disques durs et surtout disques compacts (CD-Rom, DVD) ; -le multimédia on line - en ligne - qui permet la consultation sur un écran, grâce à la connexion à un réseau.2 La frontière entre les deux notions tend cependant à s'estomper, car les terminaux peuvent faire appel automatiquement à des réseaux, et en particulier à Internet, pour rechercher de nouvelles données et les mélanger à des informations off-line : Ainsi, le multimédia est né de la convergence entre trois techniques : les télécommunications, l’audiovisuel et l’informatique. Ce développement spectaculaire est dû à plusieurs phénomènes tels que l’augmentation des capacités techniques des machines à faire communiquer, les processeurs plus puissants et plus rapides pouvant animer des programmes de plus en plus élaborés, l’extension des mémoires de masse susceptibles de stocker des fichiers de tailles plus importantes et enfin, la baisse des prix des matériels et des logiciels. Si «[…] le multimédia fait figure de média universel capable de naviguer d’une forme d’expression à une autre » (Balle et Cohen-Tanugi, p. 168), ce que nous retenons des définitions, ce sont trois caractéristiques marquant le multimédia : intégration de plusieurs formes d’expression et types de message sur un même support (texte, image, film, vidéo …); 2 http://www.dicoweb.dalloz.fr/ 29 numérisation ou codage numérique de l’écrit, du son et de l’image; interactivité entre l'utilisateur et le système, permettant d’agir sur le déroulement du contenu. 2.2 Usages du CD-Rom « Apprendre avec le multimédia est devenu un enjeu non seulement de l’école mais de la société en général. Apprendre avec le multimédia demande cependant de comprendre l’usage des technologies mises en œuvre et, surtout, comment elles peuvent s’inscrire dans l’acte pédagogique et au cœur même de la construction du savoir de chacun. » (Bruno Devauchelle, 1999.p.5) Définition En informatique, les supports sont des dispositifs qui permettent de sauvegarder des données informatiques. Les plus anciens sont les disquettes qui ont une capacité assez réduite. Les disques durs sont incontournables : tous les ordinateurs en disposent. Dans les dernières années de nouveaux supports ont vu le jour, c’est le cas du CD-Rom et du DVD. Selon le Dictionnaire des Médias, le CD-Rom est «un disque compact interactif, qui peut contenir des données de toute nature, conçu pour l’informatique; il est consultable sur un ordinateur équipé d’un lecteur adapté ». Utilisé à l'origine comme mémoire auxiliaire de l'ordinateur, le CDRom est devenu le premier support de l'édition multimédia hors ligne, tant pour les professionnels que pour les particuliers. La capacité de stockage d'un CD-Rom peut correspondre à celle de 400 ou 500 disquettes.1 Le CD-Rom est le premier vrai produit multimédia. Il reste le support privilégié pour de nombreuses applications multimédias. (Cedro, 1995, p.14) Le grand succès du CD-Rom a été d’abord dû aux jeux. L’interactivité du CD1 http://www.dicoweb.dalloz.fr/ 30 Rom est adaptée aussi à l’enseignement : cours de langues, sciences ou autres, agrémenté de musique, encyclopédie, etc. Le DVD est le dernier arrivé sur le marché; sa capacité de stockage en fait le dispositif idéal pour la vidéo. Baron (p. 28) rappelle trois types d’avantages à l’usage pédagogique du multimédia sur CD-Rom ou autrement : il permet de visualiser, d’animer, de simuler et de communiquer des informations d’un domaine par des moyens variés : textuels, imagés (statique et dynamique), sonore; il est conçu pour que l’utilisateur découvre par association d’idées les réponses aux questions posés; il rend disponible, à tout moment, les informations selon le choix et besoin de l’utilisateur. Naviguer facilement et comprendre où se trouve l’information La navigation Naviguer, c’est se déplacer dans un programme grâce aux hyperliens proposés par le texte, l'image ou tout autre signe codé à l'écran. L'utilisateur pourra naviguer à son gré, à son rythme mais dans un programme fermé (didacticielb sur CD-Rom), un certain ordre lui sera proposé et peut-être même imposé selon le type de montage séquentiel choisi. L'ergonomie et l'informatique Au départ, l’ergonomie avait pour objectif le confort des opérateurs en adaptant le matériel à leurs postures. Par la suite, les ergonomes ont étudié les informations présentées à l'écran : couleurs, contrastes, formes des icônes. A partir de 31 ces recherches ils se sont intéressés aux interactions homme machine et ont mis en évidence que : les difficultés rencontrées par les utilisateurs sont plutôt liées à la structure interne du logiciel et non à l'apparence des écrans, les comportements et les habitudes des utilisateurs doivent être pris en compte au début de la conception afin d'optimiser l'utilisation d'un logiciel. C'est la raison pour laquelle une majorité d'ergonomes sont des psychologues en cognition.1 L'ergonomie intégrée dès les premières phases de conception de l'interface assure une communication optimale entre l'utilisateur et le système. Le travail de l'ergonome consiste à prévoir les réactions de l'utilisateur et à concevoir une interface lisible et facilement utilisable. Pour qu'un CD-ROM réponde à des critères ergonomiques, on considère qu'il doit être à la fois utile, c'est-à-dire adapté aux besoins et aux attentes des utilisateurs, et utilisable, c'est-à-dire facile à utiliser. Un environnement ergonomique est celui qui conduit le visiteur le plus rapidement vers l'information recherchée. Donc, l'ergonomie d'une interface se mesure essentiellement à partir de deux critères : le critère d'utilité qui correspond au besoin de l'utilisateur; le critère « d'utilisabilité » d'utilisation. 1 http://www.lergonome.org/pages/accueil.php qui correspond à la facilité 32 Avec l'ergonomie, l’utilisateur trouve l'information désirée et apprécie la disposition des éléments des pages et des menus. Dans l'ergonomie d'une page-écran, la structuration de l'information visuelle demeure un paramètre important. En effet, chaque image, chaque mot, chaque titre, chaque lien est une information visuelle que le visiteur devra percevoir, analyser, trier et garder en mémoire pour naviguer dans le CD-Rom. La page-écran devient littéralement l'interface entre les données du site et l'utilisateur. Elle doit être claire, simple, précise et structurée de manière à reproduire schématiquement la structure du CD-ROM dans son ensemble. Elle doit s'adapter à sa cible première : l'œil humain Selon Caro et Bétrancourt (1998) : Le problème de l’ergonomie du texte sur l’écran est crucial, malgré la tendance actuelle des développeurs à mettre en avant le multimédia sur toutes ses formes. Les textes sur écran sont contraints par leur usage à l’utilisation d’organisateurs para-linguistiques (couleurs, typographie, espace, dispositifs dynamiques) pour faciliter le repérage dans le texte et l’accès à l’information. (p.124). L’organisation des informations Le rôle des organisateurs para-linguistiques est « l’identification et la caractérisation de certains types d’unités textuelles. Ceux-ci révèlent de ce qu’on appelle la mise en forme matérielle. » (Caro et Bétrancourt, 1998, p.124) Selon les mêmes auteurs une unité de texte est « l’étendue de texte de taille variable correspondant à une intention du rédacteur, donner un exemple, une explication. » 33 « Au niveau cognitif, les organisateurs sont des indices qui activent des représentations pertinentes par rapport au contenue des unités de texte. » (Caro et Bétrancourt, 1998, p.124). Pour que les représentations soient activées, les organisateurs doivent être présents dans le texte et identifiables. « Le fonctionnement des organisateurs est double. D’une part, ils permettent de distinguer les informations en fonction de leur importance. D’autre part, ils permettent d’établir une différence entre les informations selon leur nature » (Caro et Bétrancourt, 1998, p.124). Donc, le rédacteur fournit au lecteur une structure d’accès qui lui permet de distinguer quelles sont les informations qui l’intéressent. Une synthèse recherché : la convivialité La convivialité, selon le grand dictionnaire 10 est une qualité d'un matériel ou d'un logiciel qui est facile et agréable à utiliser (navigation) et à comprendre, (structuration/organisation des informations. C'est un terme qui touche aussi à la nature et à l'intuitivité de l'interaction entre la machine et son utilisateur, donc aux principes de la navigation. Tout l’art réside dans la fluidité du raisonnement et du plaisir à parcourir un site sans se demander constamment « et là, je fais quoi? ». Format PDF La compagnie Adobe s'est penchée sur le problème de diffusion des documents et a développé une solution : le Portable Document File, mieux connu sous le sigle PDF. Ce format permet de reproduire à la manière d'une photographie tout document et de le diffuser sous la forme d'un fichier portant 10 http://www.granddictionnaire.ca/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp 34 l'extension pdf. Le destinataire pourra consulter ce fichier grâce à un utilitaire gratuit nommé Adobe Reader. Cet utilitaire est disponible pour plusieurs plateformes notamment Windows, Mac et diverses variantes du système Unix. Ce format de fichier est également consultable sur d'autres appareils comme des organisateurs personnels (PDA). Au fil des ans, le format PDF s'est bonifié de nouvelles fonctionnalités. Il est maintenant possible d'intégrer des sons, des vidéos, des formulaires et même des annotations à un document. Outre la portabilité des fichiers PDF, la gratuité du lecteur (Acrobat Reader) et les facilités d'impression, ajouter du contenu multimédia pour une lecture plus captivante(son, vidéo, animation) est un autre grand avantage des fichiers PDF.