résumé de thèse - Département Sciences économiques et sociales

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Résumé de Thèse
Abel François
RESUME DE THESE
ECONOMIE POLITIQUE DES RESSOURCES AFFECTEES AUX CAMPAGNES
ELECTORALES: ANALYSE THEORIQUE ET EMPIRIQUE
Abel François,
Soutenue le 10 décembre 2003, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le projet scientifique de cette thèse est de procéder à une analyse économique des
campagnes électorales. Ces dernières interrogent l'économiste de deux manières : la première
concerne l'engagement de ressources monétaires durant les périodes électorales, et la seconde
concerne l'allocation de ressources en temps aux activités électorales, et plus généralement
politiques.
En premier lieu, la présence d'argent dans les campagnes soulève les questions de la
détermination de son niveau et de son efficacité. En d'autres termes, l'apport de ce travail et plus
généralement de l'économiste concernant l'argent et les élections repose sur trois éléments :
expliciter la prise de décision des candidats concernant leurs dépenses et les déterminants de ce
calcul ; expliciter et établir le lien entre les dépenses d'un candidat et les suffrages qu'il récolte ; et
enfin, expliciter et établir l'incidence des dépenses électorales sur la participation d'un électorat.
En second lieu, l'engagement des candidats durant les campagnes électorales soulève la
question du coût d'opportunité du temps consacré aux activités électorales. En effet, le fait
d'utiliser ce temps dans des activités politiques prive l'homme politique des rémunérations
associées à un usage alternatif de ce temps. L'apport de l'économiste est alors de mettre en
évidence l'arbitrage entre les activités électorales et les activités économiques, les facteurs
influençant l'allocation du temps et l'évolution de l'arbitrage dans le temps.
Tout l'enjeu et toute l'ambition de ce travail résident dans les réponses apportées à cet
ensemble de questions.
La méthode utilisée pour y parvenir est simple, elle mobilise un corpus scientifique riche
et dense depuis les travaux pionniers d'Anthony Downs. Travaux majoritairement anglo-saxons
qui se situent au croisement de plusieurs disciplines, tout en s'appuyant sur les méthodes, les
outils et les objets de la science économique. La méthode s'inscrit ainsi dans l'analyse économique
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des décisions publiques et politiques, ou économie politique, et de ce fait possède une démarche à
la fois théorique, institutionnelle et empirique. En conséquence de quoi, il s'agit d'un travail
résolument pluridisciplinaire.
La méthode s'articule en trois temps. Dans un premier temps, il s'agit de construire un
modèle théorique explicatif utilisant la microéconomie appliquée, c'est-à-dire reposant sur les
décisions individuelles et sur la rationalité des acteurs. Dans un deuxième temps, il s'agit d'inscrire
ce modèle dans le processus politique français, en prenant en compte théoriquement l'incidence
du cadre réglementaire et institutionnel sur les décisions individuelles. Enfin dans un troisième
temps, il s'agit de tester empiriquement le modèle ainsi amendé par l'utilisation circonstanciée de
l'économétrie.
La thèse comporte trois parties plus ou moins indépendantes, qui chacune traite des
questions économiques soulevées par les campagnes électorales. Ainsi, la première partie s'attache
à déterminer d'une part les facteurs explicatifs de la dépense électorale pour les élections
françaises et d'autre part les effets de cette dépense en termes de suffrages. La seconde partie
s'interroge sur les effets de la dépense à un niveau plus agrégé et en termes de participation des
électeurs aux scrutins. Enfin, la troisième traite de la question du financement personnel des
hommes politiques et de leur engagement dans les activités électorales et politiques.
Partie I : Détermination et efficacité électorale des dépenses de campagne
La première partie de la thèse se compose de deux chapitres distincts : le premier
(chapitre I) soulève la question des déterminants des dépenses électorales aux élections
législatives françaises, le second (chapitre II) celle de l'efficacité de cette dépense.
L'analyse théorique pour la France des déterminants des dépenses de campagne soulève
d'emblée un problème comparativement à la littérature existante, qu'elle soit théorique ou
empirique (chapitre I). Il n'existe pas en France de marché aux contributions électorales, où des
groupes d'intérêt proposent leurs financements en échange de positions qui leur sont favorables
ou en échange d'un accès au processus politique. En effet, le financement par des personnes
morales, publiques ou privées, est interdit. En contrepartie, il existe un mécanisme de
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financement public des campagnes électorales et des partis politiques. Dès lors, le financement de
la vie politique française ainsi que les activités électorales, notamment en termes de propagande,
apparaissent particulièrement réglementés.
Par conséquent, la modélisation des comportements de dépense des candidats aux
élections législatives françaises doit prendre en compte l'incidence de la réglementation et de la
politique publique en matière électorale. Le modèle repose sur un arbitrage simple entre les gains
et les coûts de la dépense électorale. Les gains sont principalement de deux sortes : des gains
personnels pour les candidats et des gains pour le parti politique. Dans les deux cas, le gain pour
un candidat est associé aux suffrages obtenus. Etant donné que les suffrages récoltés dépendent
du niveau de dépense, les hommes politiques déterminent leur dépense en fonction de leur gain
attendu en termes de suffrages.
Les coûts de la dépense semblent, en revanche, plus affectés par la réglementation. Si un
candidat dépasse ou non les 5% des suffrages exprimés, ses dépenses financées personnellement,
dans la limite de la moitié du plafond de dépense, lui seront remboursées. De même, la source du
financement influe sur son coût, puisque seules les apports personnels non remboursés sont
coûteux. Il en résulte que la maximisation du gain net du candidat est profondément influencée
d'une part par la réglementation, notamment et surtout par l'anticipation d'un remboursement
public, et d'autre part par les financements obtenus des partis politiques et des électeurs.
L'étude empirique menée sur les dépenses des 6197 candidats présents aux élections
législatives de 1997 permet de valider ces résultats théoriques. Ainsi, la dépense est simultanément
influencée par les suffrages anticipés par les candidats, les candidats importants étant plus
sensibles à cette influence que les autres, ainsi que par le coût induit par cette dépense, c'est-à-dire
par les apports personnels non remboursés. De plus, l'articulation entre les trois principales
sources de financement (les apports personnels, les apports des électeurs et les apports partisans)
est également influencée par la réglementation. Selon l'anticipation de remboursement et le
niveau des apports personnels, les deux dernières sources sont des substituts ou des compléments
à la première.
Le second chapitre s'attache à fonder théoriquement et empiriquement l'incidence de la
dépense électorale sur les résultats en termes de suffrages des candidats. Ainsi, le dépassement du
modèle déterministe du vote par l'introduction de l'incertitude pour les électeurs concernant le
positionnement des candidats soulève la question de l'information des citoyens. En présence
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d'incertitude, ces derniers appréhendent la position des candidats en termes de probabilité. La
distribution de probabilité est alors profondément influencée par le degrés d'incertitude des
électeurs. De même, la probabilité de voter pour un candidat, étant donné la perception
probabilisée de sa position, s'accroît avec la diminution de l'incertitude et l'augmentation de
l'information. Dès lors, tout candidat a intérêt à produire de l'information sur ces caractéristiques
politiques et personnelles. Ce résultat théorique explique d'une part la production d'information
par les candidats, qui est financée par leur dépense électorale, et d'autre part l'utilité pour les
électeurs de la campagne électorale.
L'information produite et diffusée au cours des campagnes électorales peut être de deux
ordres et avoir deux incidences, elle peut utiliser différents supports de diffusion, et elle peut
avoir des contenus de différentes natures.
En effet, l'information produite par les hommes politiques peut être informative, c'est-àdire porter sur les caractéristiques politiques du candidat, et/ou persuasive, portant sur les
caractéristiques propres du candidat. L'information ainsi produite, peut avoir des effets persuasifs
ou mobilisateurs sur l'électorat, selon que les électeurs évaluent les hommes politiques sur des
critères uniquement politiques, sur des critères uniquement personnels ou sur les deux à la fois.
De plus, l'information produite peut utiliser au moins trois vecteurs de diffusion.
Premièrement, les candidats peuvent prendre en charge eux-mêmes la production et la diffusion
aux travers d'activités de propagandes directes. Deuxièmement, la diffusion peut être assurée par
l'intermédiaire des médias au travers de leur couverture des campagnes électorales. Enfin, les
échanges entre les électeurs peuvent également être des supports de diffusion d'information
concernant les candidats.
Enfin, l'information peut porter sur le programme politique et les enjeux de la campagne
électorale ou sur les caractéristiques du candidat, telles que son origine géographique ou
socioprofessionnelle, ses autres mandats ou son affiliation partisane et idéologique.
Une fonction théorique peut dès lors être proposée, qui relie les suffrages obtenus (ou la
probabilité d'élection) par un candidat avec le montant de ses dépenses électorales, qui quantifie
l'engagement du candidat durant la campagne et sa production d'information. La fonction
microéconomique du vote ainsi définie connaît des rendements de la dépense constants ou
décroissants et qui peuvent éventuellement être négatifs. Par ailleurs, son niveau est affecté par
les autres déterminants des comportements électoraux. Ainsi, les facteurs explicatifs traditionnels,
comme les récurrences géographiques et historiques, les caractéristiques socioéconomiques des
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circonscriptions, et les facteurs institutionnels de mode de scrutin, influent sur le niveau de la
relation reliant les suffrages et les dépenses. De la même manière, les dépenses des autres
candidats en concurrence affectent négativement la relation.
La fonction de vote microéconomique a donné lieu à un nombre très important de tests
économétriques, principalement pour les pays anglo-saxons. La problématique réside dans le
calcul du rendement marginal de la dépense. Les premières études ont ainsi montré que la
dépense des candidats sortants avait un rendement négatif. L'explication apportée repose sur
l'idée que ces derniers dépensant plus et plus tôt, ils se trouvent sur la phase descendante de la
fonction. Ces résultats, de même que l'explication avancée, ont été remis en cause
méthodologiquement par la mise en évidence d'un biais d'endogénéité dans l'estimation de l'effet
de la variable de dépense. Les études utilisant une détermination simultanée des suffrages et du
niveau de dépense concluent alors à l'existence d'un rendement marginal positif.
La suite de l'étude se propose dès lors de tester l'existence de cette relation entre dépenses
et suffrages pour la France, et plus précisément pour les élections législatives de 1997. Trois
études économétriques sont menées. La première cherche à expliquer la probabilité d'élection de
l'ensemble des 6197 candidats présents au premier tour des élections à l'aide d'une estimation
logit. Il apparaît alors que la dépense électorale influe de manière importante sur la probabilité
d'élection. Ensuite, la population est restreinte dans un premier temps aux candidats importants
et dans un second temps aux candidats présents au second tour, dans le but de renforcer le
résultat de l'incidence de la dépense.
La seconde étude explique successivement les suffrages des représentants des cinq
principaux partis politiques français (PC, PS, UDF, RPR, FN). Ceci permet de mettre en évidence
d'une part les différences de rendement de la dépense selon l'affiliation partisane, et d'autre part
les effets croisés négatifs des dépenses des candidats. Des hiérarchies de concurrence entre les
candidats sont alors dégagées.
La dernière étude s'efforce d'estimer l'impact de la dépense des 503 candidats sortants sur
leurs suffrages. La comparaison des estimations par les moindres carrés ordinaires et par les
doubles moindres carrés, du fait de l'endogénéisation de la variable de dépense du sortant, met en
évidence la présence d'un biais d'endogénéité et confirme l'existence de rendement positif et
décroissant.
Ainsi, les deux études menées dans cette premier partie permettent de mettre en évidence
d'une part les déterminants rationnels des comportements de dépense, et notamment des
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modalités du financement public, et d'autre part les effets théoriques et empiriques des dépenses
de campagne.
Partie II : Dépenses de campagne, rationalité et participation électorale
Si la dépense électorale d'un candidat a une incidence sur les suffrages qu'il récolte, il n'est
pour autant pas évident que les dépenses de l'ensemble des candidats en compétition aient un
effet sur la participation des électeurs. La deuxième partie de la thèse s'attache alors à répondre à
cette question. En d'autres termes, après l'utilité individuelle de la dépense électorale, il est
nécessaire d'envisager son utilité collective. Dans un premier temps, il s'agit de mettre en évidence
les déterminants des choix de participation des électeurs à partir de l'analyse économiques de
l'abstention (chapitre III), puis dans un deuxième temps d'envisager les effets des dépenses de
campagne sur les déterminants de la participation ainsi mis en évidence (chapitre IV), et enfin
dans un troisième temps de tester empiriquement pour le processus électoral français l'incidence
la dépense électorale sur la participation (chapitre V).
L'analyse économique de la participation trouve son fondement dans le modèle du choix
rationnel, et par extension dans le paradoxe du vote (chapitre III). Le modèle suppose que les
électeurs effectuent leur choix de participation à un scrutin à partir d'un calcul simple qui
confronte les gains et les coûts attendus de l'action. Ainsi, les déterminants liés au résultat du
scrutin correspondent premièrement au bénéfice attendu par l'électeur de la victoire de son
candidat (ou parti politique) préféré, et deuxièmement à la probabilité pour l'individu d'être
l'électeur décisif de l'élection. Et les déterminants liés à l'action de voter comportent également
deux éléments : le coût de l'action du vote et de préparation du vote, qui est principalement un
coût d'opportunité, et le bénéfice intrinsèque de l'action de vote. Au final, l'électeur participera
lorsque le bénéfice probabilité du résultat du scrutin augmenté du gain de voter est supérieur au
coût du vote. Un paradoxe émerge par comparaison des prédictions du modèle, selon lesquelles
l'abstention doit être la règle et la participation l'exception, avec les niveaux effectifs de la
participation dans les principales démocraties.
Les tentatives de résolution du paradoxe, en dehors de la remise en cause du caractère
rationnel et autocentré du calcul de participation, ont pris deux directions plus ou moins
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distinctes. La première s'appuie sur une vision instrumentale du vote. Il s'agit principalement de
discuter de la valeur de la probabilité pour un individu d'être l'électeur décisif, soit en supposant
que les électeurs sont dans une situation d'incertitude (au sens de Knight), soit en faisant
dépendre cette probabilité des interactions entre les électeurs.
La seconde tentative insiste sur les déterminants intrinsèques de l'action de vote et sur la
dimension expressive du vote. Ainsi, l'utilité de la participation doit prendre en compte le goût
pour le vote ou le sens civique des électeurs, de même que la dimension signalétique de l'action
électorale par l'expression de ses préférences politiques.
Accompagnant les développements théoriques, l'analyse économique de la participation a
alors donné lieu à une littérature empirique volumineuse. Deux grands groupes d'études peuvent
être distingués selon qu'il s'agit d'analyser des données individuelles de sondage ou des données
agrégées. Chaque type d'étude permet de tester l'influence de différents déterminants, et
comportent ses propres limites tant méthodologiques que du point de vue des conclusions à en
tirer concernant la validation des résultats théoriques.
A partir des déterminants de la décision de participation mis en évidence par la théorie
économique de la participation, il est possible d'analyser l'impact des dépenses électorales sur le
choix de participation à un scrutin (chapitre IV). La dépense électorale a principalement un effet
informatif pour les électeurs et peut influer sur le coût du vote, notamment en réduisant le coût
d'opportunité d'obtention de connaissances nécessaires au vote. Elle peut également influencer la
perception du bénéfice associé au vote, ainsi que la probabilité subjective d'être l'électeur décisif.
En outre, elle peut instituer une relation clientèlaire entre les candidats et les électeurs.
Au final, l'incidence de la dépense sur la participation est double. D'une part, la dépense
électorale de chaque candidat peut avoir une influence sur la participation des électeurs,
conséquence directe de ses impacts persuasif et mobilisateur. Et d'autre part, l'ensemble des
dépenses engagées par les candidats en concurrence a un effet sur la participation qui dépasse la
simple agrégation des effets individuels. Ce dernier effet agrégé correspond à l'impact des
campagnes électorales, et de leur intensité, sur les niveaux de participation.
Il résulte des deux effets que l'accroissement de la dépense électorale totale doit induire
un accroissement de la participation, mais une même augmentation de dépense a un effet
participatif de plus en plus faible au fur et à mesure que le niveau de dépense s'élève. Une
fonction théorique peut être construite reliant la participation dans un électorat donné et les
dépenses engagées par l'ensemble des candidats présents.
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La fonction théorique a donné lieu à un certain nombre de tests économétriques,
principalement concernant les élections nord-américaines, et semblent concluantes sur l'existence
du lien entre les dépenses et la participation et sur la forme effective de la relation.
Pour autant, il est nécessaire de distinguer deux types de communication électorale, et par
conséquent les dépenses de campagne qui les financent, qui peuvent avoir des effets ni
bénéfiques ni univoques sur la participation. En effet, l'information produite et diffusée par les
hommes politiques peut être de nature ambiguë ou négative.
L'ambiguïté des positions politiques des candidats accroît la variance de la perception des
positions par les électeurs. Suivant les déterminants de l'évaluation des candidats –évaluation
exclusivement politique, évaluation portant exclusivement sur les caractéristiques du candidat, ou
évaluation mixte- et suivant le fait qu'au moins un des candidats en compétition adopte ou non
une position politique floue, la stratégie d'ambiguïté, et les dépenses qui la financent, peut avoir
un effet négatif sur la participation. De la même manière, il existe une controverse importante
concernant les effets des campagnes négatives sur la participation. Les dépenses électorales
finançant des attaques verbales contre les concurrents peuvent avoir selon diverses études des
effets négatifs sur la participation.
Il en ressort que les dépenses électorales des candidats peuvent avoir une incidence
négative sur la mobilisation des électorats lorsque les campagnes sont caractérisées par des
stratégies communicatives ambiguës ou négatives.
Les développements théoriques permettent dés lors d'envisager une évaluation empirique
de l'incidence des dépenses de campagne sur la participation électorale dans le processus politique
français (chapitre V). Après une mise en perspective temporelle et spatiale de la participation
électorale en France, cette évaluation s'effectue en quatre étapes à partir des élections législatives
de 1997.
Dans un premier temps, il s'agit de tester l'hypothèse de rationalité du vote pour la France
et à un niveau agrégé. Plus particulièrement, deux dimensions du vote sont appréhendées :
l'incidence de la probabilité d'être décisif au travers de la downsian closeness hypothesis et les
opportunités d'expression. La première dimension est prise en compte par la taille de l'électorat et
la marge de victoire attendue du candidat gagnant, la seconde par le nombre de candidature dans
les circonscriptions. Une fois contrôlée les variables structurelles influençant la participation, il
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apparaît que seule une des deux variables de probabilité a un impact sur la participation au
premier tour des élections législatives de 1997.
Dans un second temps, il s'agit de déterminer l'influence de la dépense électorale agrégée
pour chaque circonscription sur la participation aux premiers et seconds tours. Une fois contrôlé
les déterminants socioéconomiques, les effets de taille de la circonscription et la multiplication
des candidatures, et les configurations d'affrontement pour le second tour, il apparaît que les
dépenses agrégées des candidats ont un effet positif sur la participation : plus les candidats en
compétition engagent des ressources dans la campagne électorale, plus la participation s'accroît.
De plus, les rendements de cette dépense sont décroissants avec son augmentation mais restent
positifs, et ce, pour le premier comme pour le second tour.
Les troisième et quatrième étapes de l'analyse permettent d'affiner ce résultat. En
distinguant les dépenses électorales selon leur origine politique (gauche-droite et candidat d'une
coalition électorale – candidat n'appartenant pas à une coalition électorale), il ressort qu'au
premier tour l'effet de la dépense électorale en termes de participation s'explique uniquement par
l'effet de la dépense des candidats de gauche appartenant à la coalition électorale (Gauche
Plurielle). Au second tour, alors que les dépenses des candidats de gauche et de droite ont une
incidence sur la participation quelle que soit la configuration, les dépenses des candidats Fn n'en
ont pas.
En ajoutant une distinction reposant sur les préférences politiques historiques des
circonscriptions, les résultats peuvent être encore affinés pour le premier tour, le second restant
pratiquement inchangés. Ainsi, les dépenses des candidats de la coalition de gauche ont une
influence sur la participation uniquement dans les circonscriptions historiquement de droite. Et
dans ces mêmes circonscriptions, les dépenses des candidats de gauche qui n'appartiennent pas à
cette coalition ont un effet négatif sur la participation.
Les différences de rendement de la dépense, selon son origine politique et selon les
préférences historiques des circonscriptions, peuvent s'expliquer soit par le niveau moyen de
dépense étant entendu que le rendement marginal s'épuise avec l'accroissement de la dépense,
soit par des différences d'effet de cette dépense selon son origine ou les caractéristiques de la
circonscription.
L'ensemble des résultats empiriques semble alors confirmer les résultats théoriques
concernant l'incidence de la dépense électorale sur la participation électorale.
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Partie III : Engagement dans les activités électorales et niveau de professionnalisation
politique
L'engagement financier des candidats doit également se traduire par un engagement en
temps durant la campagne électorale. L'analyse de cet engagement dans le cas du processus
politique français se fait en trois étapes : en premier lieu, un modèle théorique d'engagement en
temps dans l'action politique et la dynamique de cet engagement est proposé (chapitre VI). En
second lieu, ce modèle est appliqué au processus politique français et notamment à sa
réglementation (chapitre VII). Et en troisième lieu, les conclusions du modèle sont testées
empiriquement concernant le personnel politique français (chapitre VIII).
Le premier chapitre de la troisième partie (chapitre VI) s'attache à expliquer les niveaux
d'engagement en temps des hommes politiques durant les campagnes électorales à partir d'un
modèle d'arbitrage temporel entre activité politique et activité économique. Le temps consacré
aux activités électorales induit un coût d'opportunité important puisqu'il prive l'homme politique
des revenus économiques qu'il aurait pu obtenir en utilisant ce temps à d'autres activités. Le gain
net de l'engagement électoral est d'autant plus faible que le gain attendu du résultat de l'élection,
la rémunération associée au mandat, est incertain et décalé dans le temps.
A partir des critères des sources de rémunération (économique et/ou politique) et de
spécialisation de l'usage du temps, il est possible de distinguer trois catégories d'hommes
politiques. La première catégorie est celle des amateurs qui ne sont pas rémunérés pour leur
activité politique, qui est assimilée à un loisir. La deuxième est celle des professionnels qui
utilisent l'intégralité de leur temps à l'action politique, source principale de rémunération. Enfin la
troisième catégorie est celle des dilettantes dont l'activité n'est pas spécialisée et qui perçoivent
une rémunération à la fois économique et politique.
La détermination de l'allocation de son temps par le dilettante entre activités économique
et électorale repose sur un arbitrage inter temporel de l'usage du temps à la période actuelle (la
campagne électorale) pour un résultat à la période suivante (le mandat), et qui repose sur
plusieurs éléments en plus du taux d'actualisation. Le premier déterminant est la probabilité
d'élection, qui dépend elle-même de l'engagement en temps et en argent du candidat durant la
campagne. Plus un candidat s'investit en temps durant la campagne électorale et plus sa
probabilité d'obtenir le mandat s'accroît ceteris paribus. Le deuxième déterminant regroupe les
niveaux de rémunération tant du mandat que des activités économiques. Le troisième facteur
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correspond à la limite physiologique de temps disponible et à la contrainte d'obtention d'un
revenu minimal. L'arbitrage permet de déterminer le niveau optimal de temps que les candidats
allouent aux activités politiques et économiques correspondant à l'égalisation de la probabilité
marginale d'élection avec le salaire relatif sous la condition d'une saturation de la contrainte de
revenu minimal. Dans le cas contraire, l'allocation du temps est directement déterminée par
l'obtention du revenu minimal.
Le niveau optimal, et plus précisément un engagement plus ou moins important dans les
activités politique, est sensible à au moins deux facteurs monétaires. Si l'effet du salaire horaire est
indéterminé étant donné qu'il influe à la fois sur la contrainte de revenu minimal et sur le salaire
relatif, les rémunérations indépendantes de l'allocation du temps influe de manière univoque. En
effet, les hommes politiques percevant des rentes élevées, provenant d'un patrimoine ou de
pension de retraite, ainsi que les hommes politiques sortants, peuvent allouer ceteris paribus plus de
temps aux activités politiques que les autres candidats.
Mais l'affectation d'équilibre des ressources en temps aux activités politiques et
économiques est instable en dynamique. Au fur et à mesure de l'enchaînement des périodes et des
campagnes électorales ou des mandats, les hommes politiques voient leur probabilité marginale
d'élection s'accroître, et ainsi leur gain politique probabilisé augmenter. Cette augmentation
s'explique par l'amélioration des compétences et savoir-faire en matière électorale et de gestion
publique, ainsi que par l'accumulation de notoriété politique.
L'accroissement du gain politique se traduit par une augmentation de la part du temps
alloué aux activités politiques; augmentation qui peut déboucher sur une professionnalisation
politique c'est-à-dire sur une spécialisation complète de l'usage du temps dans l'action politique.
La tendance à la professionnalisation mise en évidence peut être accélérée ou retardée par l'action
des concurrents politiques et plus largement par les caractéristiques de la circonscription
d'élection, par les niveaux de fortune ou la perception de pension de retraite, par le niveau de la
rémunération des mandats politiques, par la profession d'origine, par la catégorie
socioprofessionnelle d'origine, et enfin par la nature du premier mandat obtenu.
Une fois l'homme politique professionnalisé, l'efficacité et le gain politique continuent à
croître, renforçant ainsi le choix initial de la spécialisation dans un processus d'auto-renforcement
de la professionnalisation.
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Avec la professionnalisation de son activité et la spécialisation de ses sources de
rémunération, l'homme politique doit faire face à l'aléa démocratique, c'est-à-dire à la fluctuation
des revenus politiques associée à la remise en cause périodique des mandats (chapitre VII).
Plusieurs stratégies, institutionnelle, personnelle ou collective, sont possibles afin de minimiser la
perte de revenu. De plus, ces stratégies s'inscrivent dans le cadre réglementaire et législatif du
processus politique français, qui structure de manière importante les activités des hommes
politiques. Par ailleurs, les stratégies peuvent être mise en œuvre avant la professionnalisation et
par anticipation de ses fluctuations de revenu, ou une fois la professionnalisation engagée.
En plus de l'épargne de précaution, les hommes politiques professionnels peuvent se
prémunir des fluctuations de rémunération par une stratégie partisane de salariat politique. Les
organisations partisanes peuvent salarier leurs candidats et leurs élus afin de leur octroyer des
revenus constants en cas de perte de mandats. Bien que cette stratégie comporte des désavantages
importants notamment en termes de détournement de ressources de la compétition électorale
vers la compétition interne au parti pour l'accès aux postes rémunérés, elle est pratiquée par
certains partis politiques français.
La seconde stratégie correspond à la perception d'une rente indépendante des résultats
politiques et des décisions concernant l'allocation du temps. La rente peut provenir d'un
patrimoine accumulé ou hérité, dont les revenus octroient une rémunération constante et
politiquement indépendante, ou elle peut aussi être liée à l'accumulation de cotisation retraite. Les
deux cas de figure soulèvent la question de la sélection du personnel politique.
Enfin, la dernière stratégie est celle du cumul spatial des mandats. Les mandats détenus
par les hommes politiques peuvent en effet être assimilés à des actifs composant un portefeuille,
qu'ils gèrent selon leur niveau de rémunération, l'enchevêtrement des périodes et les risques de
perte du mandat.
Au final, le personnel politique français tend à mixer les stratégies de gestion de l'aléa
démocratique. La réglementation du processus politique et électoral français peut alors avoir des
incidences, d'une part, sur les déterminants de la professionnalisation et son rythme, et d'autre
part, sur les stratégies de gestion de l'aléa démocratique.
Quatre ensembles réglementaires semblent jouer un rôle déterminant. Le premier
regroupe les règles d'organisation du processus électoral. Ainsi, la durée particulièrement longue
des mandats français comparativement aux expériences européennes, l'utilisation du mode de
scrutin de liste, et l'élection au suffrage indirect de tous les exécutifs locaux tendent à réduire l'aléa
démocratique.
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De plus, la réglementation française en matière de cumul des mandats et des fonctions
apparaît comme particulièrement souple en termes de cumul et discriminante dans l'accès aux
mandats électifs entre les différentes professions économiques. Il en résulte une pratique
répandue du cumul spatial.
Le troisième ensemble réglementaire concerne le niveau des rémunérations politiques et
l'encadrement juridique et fiscal de la pratique politique. Ainsi, le niveau des indemnités politiques
et les avantages en nature qu'offrent les mandats incitent au cumul et ne permettent pas de
dégager une épargne de précaution. Tendance renforcée par les règles de transparence
patrimoniales. De plus, les prestations sociales, les indemnités transitoires et la gestion des fins de
mandats différencient, d'une part, les actifs des retraités, et d'autre part, les salariés du secteur
privé des salariés du secteur public.
Enfin, le quatrième ensemble concerne les modes de financement des partis politiques et
des campagnes électorales. La politique publique en matière de financement politique
premièrement ne favorise pas le salariat partisan par une faiblesse financière récurrente des partis
politiques français, et deuxièmement ne permet pas aux candidats de dégager une épargne de
précaution grâce aux dons récoltés.
L'analyse empirique menée par la suite afin de tester les résultats du modèle théorique et
son application au processus politique français se déroule en trois étapes (chapitre VIII). Dans un
premier temps, il s'agit d'appréhender trois caractéristiques du personnel politique français. En
premier lieu, la population des hommes politiques française se concentre autour de la classe d'age
des 50 55 ans, tant chez les élus que chez les candidats. L'importance de cette catégorie s'explique
à la fois par l'accumulation d'expérience politique et par la proximité de la retraite qui offre une
source de revenu en cas de perte du mandat lors de son prochain renouvellement.
En second lieu, l'origine socioprofessionnelle des hommes politiques français est
également marquée par la surreprésentation de certaines catégories par rapport à leur proportion
dans la population nationale. Ainsi, les fonctionnaires et les professions libérales sont fortement
présents parmi les élus et les candidats. Les professions se différencient par leur cadre juridique et
légal, leur modalité de rémunération ainsi que par leur proximité différente avec la politique
octroyant des savoir-faire antérieurs à l'entrée en politique.
Enfin en troisième lieu, il apparaît que le cumul des mandats est une stratégie très
répandue parmi les hommes politiques français. Par exemple, en 1998, 82 % des députés et 68%
des sénateurs détenaient simultanément un mandat de conseiller municipal.
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La deuxième analyse empirique s'efforce d'expliquer les différentiels d'efficacité électorale
entre les candidats sortants aux élections législatives de 1997. L'objectif est de tester l'hypothèse
d'accroissement de l'efficacité politique des hommes politiques avec le cumul spatial et temporel
des mandats. L'efficacité, définie comme le rapport entre le niveau de dépense engagée et les
suffrages récoltés, est ainsi positivement influencée par le cumul des mandats dans l'espace et
dans le temps. Cet effet est par ailleurs renforcé lorsque les mandats locaux s'accompagnent d'un
mandat dans un ou plusieurs exécutifs locaux.
Enfin, la dernière étude économétrique cherche à expliquer l'ancienneté politique des
députés élus en 1997. Premièrement, cette ancienneté, approximation de la professionnalisation
politique, est influencée par la nature du premier mandat. Les mandats de conseiller municipal et
de conseiller général étant ceux qui offrent une longévité plus importante. Ensuite, l'accumulation
d'élection au mandat de député accroît également l'ancienneté politique. De même la possession
d'un mandat dans un exécutif local, et plus généralement le cumul des mandats, augmente la
carrière politique. Enfin, la catégorie socioprofessionnelle d'origine a également une incidence sur
la durée de carrière.
En conclusion, il apparaît que l'analyse économique des ressources engagées dans les
campagnes électorales françaises est possible et permet d'apporter des résultats originaux à la
problématique plus ancienne du rôle des campagnes électorales. Elle peut en outre être la
première étape d'une évaluation économique plus générale de la politique publique menée en
matière de financement de la vie politique française et de la réglementation encadrant les
fonctions électives.
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