Véronique Boyer
Invisibilité, assignation, subversion : La circulation des populations entre les catégories
légales
Depuis les années 1990, la mise en place de politiques publiques « ciblées » a favorisé
l’émergence de nouvelles formes de mobilisation politique. De nombreuses populations,
demeurées jusque-là « invisibles », s’organisent en effet à présent en tant que quilombolas ou
indiens pour accéder à des droits, entre autres territoriaux. Dans ce contexte, des groupes de
voisins, voire de parents, s’emparant des instruments légaux à leur disposition, peuvent en
venir à déclarer des identités ethniques différentes. Comme l’indiquent certaines références
bibliographies (Pantoja, Arruti par exemple) et le confirme l’enquête menée en Amazonie
brésilienne, ils peuvent même s’identifier successivement à plusieurs catégories juridiques.
Diverses questions se posent alors : comment des groupes se constituent-ils comme des
« sujets politiques » ethnicisés ? Quel travail symbolique et pratique sur eux-mêmes doivent-
ils alors opérer pour que leur demande soit recevable par l’État ? Comment appréhender enfin
ces changements de catégorie légale ? Répondre à ces questions suppose au préalable établir
ce que « identité » signifie pour eux. Le travail en cours permet d’établir que les choix
identitaires effectués par les populations sont conçus avant toute chose comme l’exercice d’un
droit constitutionnel. Cette conception de l’« identité », décidée, pragmatique et mise en
scène, contraste avec celle des militants, davantage intimiste, ressentie et existentielle. C’est
d’ailleurs peut-être pourquoi ces derniers les accusent parfois d’être trop « mélangés ». Mais
c’est aussi pourquoi l’« identité » est susceptible d’être réorientée si nécessaire.
Odile Hoffmann
Instrumentalisation et « petits arrangements » : à propos des assignations et des catégories
identitaires au Belize
Dans le cas du Belize, l’histoire du peuplement s’écrit sous un vocabulaire ethnique et racial
changeant, ce qui permet d’historiciser la « diversité culturelle » et de relativiser les catégories
identitaires utilisées pour en rendre compte (analyse des recensements, à partir d’un travail
réalisé avec Elisabeth Cunin). L’espace intervient pour occulter, euphémiser ou au contraire
« magnifier » et légitimer les assignations / identifications identitaires. On peut ensuite
analyser la façon dont sont activées –ou pas- ces catégorisations identitaires pour les
principaux « groupes ethniques » du Belize officiellement reconnus, à partir de trois exemples
de « mobilisations ethniques » explicites, et trois exemples de gestion beaucoup plus discrète
et silencieuse de la « différence ». Je m’attache à montrer que l’un n’existe qu’avec son
contraire - assignation ethnique et invention identitaire ; enfermement territorial et
appropriation foncière ; domination et émancipation-, et que la force du politique réside dans
cette dialectique plutôt que dans la défense de l’une ou l’autre des options.
PROCHAINE SESSION en 2013 :
Jean Luc Bonniol et Myriam Cottias
Récits de soumission et résistance féminine