Iatrogénie médicamenteuse

publicité
Lendemains du dopage
IATROGÉNIE MÉDICAMENTEUSE
un risque majoré chez le sportif de compétition
En raison de l’hyperthermie due à l’effort, les compétiteurs des arènes athlétiques
sont plus exposés aux effets collatéraux des médicaments consommés comme
substances ergogéniques.
Tout médicament est une substance active dont les effets positifs peuvent se doubler d’effets négatifs,
lesquels pousseront l’industrie pharmaceutique à en inventer d’autres qui auront – eux aussi – des
effets secondaires, et ainsi de suite.
Un cercle vicieux à rompre
C’est un cercle vicieux que l’on doit rompre, notamment chez le sportif de compétition, gros
consommateur de cocktails de drogues de la performance.
On qualifie de iatrogéniques les maladies provoquées par les médicaments. Leur taux augmente en
fonction de l’accroissement de la consommation pharmaceutique. Elles représentent un des grands
problèmes médicaux contemporains. Le principe des maladies iatrogéniques (ou de la iatrogénie, pour
employer un néologisme de plus en plus fréquent) est très simple : tout médicament peut, à côté de
l’action souhaitée, exercer des effets parasites qui peuvent être gênants et parfois graves. Il s’agit donc
des effets secondaires indésirables des médicaments. Chaque nouveau produit pharmaceutique mis en
vente ne l’est qu’après une longue série d’études et d’expertises. Néanmoins, des effets secondaires
peuvent très bien n’être découverts qu’après un certain délai d’utilisation.
La preuve en est que l’aspirine, utilisée pendant des dizaines d’années comme analgésique et antiinflammatoire, n’a été que tardivement reconnue comme ayant aussi une action préventive contre les
risques de thrombose.
1
Sans effet sur les virus
Et il a fallu encore bien d’autres observations pour s’apercevoir que ce médicament précieux, souvent
utilisé en cas de grippe ou de rhume, n’a absolument aucun pouvoir contre ces infections virales, si tant
est déjà qu’il ne réduit pas les capacités des défenses naturelles de l’organisme. Mais il est d’autres
médicaments dont les effets secondaires se sont, à la longue, révélés plus néfastes. C’est le cas
notamment d’un antalgique courant, la glaféine, qui, pris quotidiennement à des doses élevées, finit au
bout de quelques années par provoquer une insuffisance rénale. »
Iatrogénie : risque majoré chez le sportif
Le danger des substances médicamenteuses n’est pas le même si on les prend pour passer l’après-midi
dans un hamac ou pour faire 250 km à vélo lors d’une étape du Tour de France. L’écrivain Jean-Paul
Sartre, lorsqu’il travaillait à ses manuscrits, consommait quotidiennement pour se stimuler l’esprit vingt
comprimés de Corydrane® (une amphétamine) avec pour seule épreuve physique : s’asseoir et se lever de
sa chaise pour se préparer un café ou marcher un peu pour aller chez le buraliste du coin s’acheter ses
cigarettes. Dans son cas, le risque était chronique. Il est mort à 75 ans, soit la longévité moyenne des
années 1980. Probablement que sans le Corydrane®, la durée de son parcours aurait bénéficié d’une
prolongation.
Mais si un athlète d’endurance absorbe la même dose pour effectuer une compétition – notamment sous
la chaleur – il est probable sinon certain qu’il se retrouvera au mieux en réanimation et, au pire, à la
morgue !
Afin d’illustrer ce thème hautement préoccupant de la iatrogénie médicamenteuse, nous rappellerons
quelques exemples anciens ayant défrayés la chronique des faits divers et les statistiques depuis une
vingtaine d’années.
Docteur Jean-Pierre de Mondenard
1949 - CONTRÔLE – Comité technique : huit clos sur ses travaux
« Jusqu’au mois d’octobre 1949, le ministère de la Santé Publique faisait paraître, dans le Bulletin
de la Chambre nationale des fabricants de produits pharmaceutiques, le relevé du nombre de
séances tenues par le comité technique, le nombre de dossiers examinés et le nombre de visas
accordés. Un journal maintenant disparu calcul que, d’après ces chiffres, le temps moyen passé
par le comité technique à l’examen d’un dossier variait entre 23 secondes et une minute. (Le
ministère de la Santé Publique a, depuis, cessé toute communication concernant les travaux du
comité technique). »
2
[Tek Cl. .- le procès du « Stalinon® » sera celui des spécialités pharmaceutiques. – Science et Vie, 1956, n° 465, juin, pp 35-41
(p 38)]
1951 - POUDRE BAUMOL® - 82 bébés tués
« En novembre 1951, éclate le drame de la poudre Baumol ®. Cet inoffensif talc a eu le temps de tuer 82
bébés et d’en intoxiquer 500 avant que soit décelée sa malfaçon. Il contenait, au lieu d’oxyde de zinc,
de l’anhydride arsénieux. »
[Science et Vie,1956, n° 465, juin, pp 35-41]
1954 - STANILON® - Mort pour une furonculose bénigne
« Le 28 juin 1954, un homme meurt à l’hôpital de Niort. Il est 10 heures du soir. L’interne de garde est
perplexe ; le malade, traité pour une furonculose, maladie bénigne, est mort inexpliquablement d’un
énorme œdème cérébral. Or, il n’est pas le premier. Depuis plusieurs jours, une épidémie » mystérieuse
a fait une hécatombe. L’œdème cérébral en est toujours l’aboutissement sinistre. L’interne prévient le
médecin-chef. Celui-ci a déjà constaté que les victimes de « l’épidémie » ont toutes été traitées avec un
nouveau produit le Stanilon® à la vitamine F. Si cette spécialité est défectueuse, il faut alerter la France
entière ce soir même. Le préfet des Deux-Sèvres et l’inspecteur régional de la pharmacie sont réveillés.
Dès le lendemain, tous les médecins et pharmaciens sont avertis par circulaires, par télégrammes et,
enfin, trop tard, la presse et la radio. L’enquête prouve que le Stanilon ® à la vitamine F a fait 102 morts
et 150 infirmes. Au total, 250 victimes attendent depuis deux ans qu’on leur rende justice.
Le dossier de cette affaire pèse aujourd’hui 50 kg et le procès a été dernièrement ajourné pour
complément d’enquête. »
[Tek Cl. .- Le procès du « Stalinon® » sera celui des spécialités pharmaceutiques. – Science et Vie, 1956, n° 465, juin, pp 3541 (p 35)]
1962 - THALIDOMIDE® (Allemagne) – Enfants privés de bras et de jambes
« Encore des médicaments – plus ou moins miracles – retirés de la vente, selon notre confrère ParisPresse : le ‘’Triparariol®’’ contre le cholestérol qu’un ½ million d’Américains consommaient
régulièrement et journellement ; il provoquait calvitie, troubles cutanés, voire la cataracte. Un autre,
allemand cette fois, le Thalidomide®, a subi le même sort ; des femmes en ayant absorbé ont mis au
monde des enfants privés de bras et de jambes. »
[Le Cycliste, 1962, n° 724, 9/10, spet.-oct., p 299]
1977 - DISTILBÈNE® - Graves malformations chez les enfants
Des millions de femmes ont utilisés ce médicament, le Distilbène ®, un estrogène de synthèse censé
prévenir des « effets nocifs sur le fœtus ». Selon le Quotidien du Médecin « De 1948 à 1977, deux
fabricants français le commercialisent. Il s’agit sous le nom de ‘’DES’’ (depuis 1948) d’UC Pharma,
aujourd’hui devenu UCB Pharma, et de Borne, rebaptisé Novartis Santé Familiale S.A., avec le
« Stilboestrol-20 ». Dès 1953, il a été établi qu’il était inefficace pour la prévention des avortements
spontanés mais c’est en 1971, année où il est prouvé qu’il provoque de graves malformations chez les
enfants, que les Etats-Unis le retirent du marché. Les Pays-Bas l’interdiront en 1975 et, en France, il
faut attendre 1977 pour que les autorités sanitaires fassent de même.
Des milliers de filles ‘’enfants du Distilbène ®’’, souffrent aujourd’hui encore de lésions, de malformations
génitales et ont des difficultés à mener leur grossesse à terme. »
[source : Le Quotidien du Médecin, 27.03.2002]
1998 - CHIFFRES - 3,19% des hospitalisations
« Selon la nouvelle enquête réalisée en 1998 par le réseau des centres de pharmacovigilance,
auprès de 3 137 malades hospitalisés dans les CHU et les CHG, 3,19% des hospitalisations
seraient dues aux médicaments. Les spécialités cardiovasculaires sont souvent mises en cause.
Les trente et un centres de pharmacovigilance français ont réalisé, du 2 mars au 30 avril 1998, une
étude dans trente-trois établissements hospitaliers publics (11 CHU et 22 CHG), sur le nombre
d’hospitalisations consécutives aux effets indésirables des médicaments. Pendant la durée de
cette enquête, 3 137 malades ont été hospitalisés dans les services étudiés. Cette enquête
coordonnée, comme celle de l’an dernier (sur la prévalence des effets indésirables des
médicaments dans les hôpitaux) par les centres de pharmacovigilance de Bordeaux et de
3
Strasbourg, montre qu’environ cent malades, soit 3,19% de l’échantillon total, ont été conduits au
CHU ou au CHG pour des effets indésirables dus à la prise de médicaments. 57% de ces patients
sont des femmes et l’âge moyen des malades hospitalisés pour cette raison est de 60,5 ans. »
[Degain J. .- 3,19% des hospitalisations seraient dues aux effets iatrogènes. – Le Quotidien du Médecin, 1998, n° 6312, 29
juin, p 4]
2001 - CHIFFRES - 130 000 hospitalisations par an
« Les complications graves liées aux médicaments et correspondants à plus de 130 000 hospitalisations
par an, ont fait l’objet d’une évaluation nationale grâce au soutien de l’Afssap, (Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé). Les résultats des travaux ont été publiés dans le British
Medical Journal . Il en ressort que quelques familles de médicaments sont plus impliquées que d’autres
dans la survenue de tels accidents, en particulier les anticoagulants, les anti-inflammatoires et les antiarythmiques. L’étude s’est déroulée dans plusieurs services d’hôpitaux répartis sur tout le territoire,
pendant un mois. Les patients admis à la suite d’effets secondaires étaient en majorité des femmes.
Selon les estimations, les anti-inflammatoires seraient responsables de plusieurs milliers de cas
d’hémorragie digestive et de 800 décès par an. Mais, ce sont les anticoagulants qui remportent la
première place, à cause de leur mauvaise utilisation. »
[Csanté Presse, 06.09.2001]
2007 - CHIFFRES - 144 000, soit 3,6% de toutes les hospitalisations
« Près de 144 000 hospitalisations par an sont dues à des effets indésirables de médicaments – ce
qu’on appelle la iatrogénie médicamenteuse – soit 3,6% de toutes les hospitalisations. Ces
hospitalisations représentent 1 480 885 journées d’hôpital. Le chiffre ressort de l’étude « Effets
indésirables des médicaments : incidents et risque (Emir) » menée en 2007 par le réseau des centres
régionaux de pharmacovigilance dans 63 services hospitaliers tirés au sort. Dans 70% des cas, il s’agit
d’effets indésirables proprement dits, les 30% restant étant des interactions médicamenteuses. Les
médicaments les plus impliqués sont les anticoagulants (AVK) avec 12,3% des cas d’effets indésirables,
puis les diurétiques et les anticancéreux. C’est l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé (AFSSAPS) qui publie les éléments de l’enquête Emir. »
[Continental News, 28.09.2008]
2009 – CHIFFRES - Les erreurs médicales font 10 000 morts par an
« Les erreurs médicales font 10 000 morts par an dans les hôpitaux français, affirme le Pr Philippe
Juvin, secrétaire national de l’UMP et chef du service des urgences de l’hôpital Beaujon à Paris, au
Journal du Dimanche (JDD).
Et les erreurs graves sont « beaucoup plus nombreuses que les décès » ajoute l’urgentiste, qui parle de
« 300 000 à 500 000 évènements indésirables graves chaque année. » Il réclame qu’une enquête soit
diligentée après chaque décès dans les hôpitaux « y compris dans les cas qui ne semblent pas liés à
l’exercice de la médecine. » L’objectif serait d’arriver à disposer « d’une base de données nationale »
comme cela se fait déjà aux Etats-Unis. Ce qui permettrait la mise en place de mesures correctrices. »
[lesoir.be avec Associated Press, 11.01.2009]
2010 - ENQUÊTE - La faute aux médicaments
« 900 accidents médicaux en moyenne surviennent chaque jour dans les cliniques et hôpitaux français,
selon la deuxième enquête nationale sur les évènements indésirables graves liés aux soins (Eneis), que
vient de publier le ministère du Travail et de la Santé. Sur ce total, 400 accidents seraient « évitables »
estime le rapport. Un constat d’autant plus inquiétant qu’il est proche de celui déjà réalisé en 2004.
Chaque année, ce sont donc entre 275 000 et 395 000 évènement indésirables graves (EIG) qui
surviendraient dans les établissements hospitaliers français, dont 95 000 et 180 000 évitables selon
l’étude.
Les EIG évitables sont ceux qui « n’auraient pas eu lieu si les soins avaient été conformes à la prise en
charge considérée comme satisfaisante au moment de leur survenue. 20% des EIG évitables survenus
à l’hôpital ou en clinique sont associés à des médicaments et les médicaments sont en cause dans
quasiment la moitié des cas d’EIG ayant entraîné une hospitalisation» ajoute Philippe Michel.
[leparisien.fr, 26.11.2010]
4
Téléchargement