L`historique de L`Équipe

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50 ans de Folitude
L’EQUIPE : historique d’une ASBL …, éminemment bruxelloise,
étonnante et audacieuse
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19 avril 2013
Hôtel de Ville de Bruxelles
Allocution de la vice-présidente, Madame Hélène Aronis-Brykman
Le point de départ : Jean Vermeylen crée le premier service de
santé mentale sectorisé
Il y a une vingtaine d’années, parmi mes amis, une femme que j’admirais
énormément m’a proposé de m’intéresser à une association pour laquelle il fallait
avoir à la fois l’esprit social et la compréhension médicale. Cette femme
admirable qui m’a ouvert les portes de l’Equipe, c’était le docteur Lucette
Schouters- Decroly qui malheureusement n’est plus parmi nous aujourd’hui.
Avant de vous raconter l’histoire de cette étonnante ASBL, je voulais rendre un
vibrant hommage à cette militante de la médecine sociale.
Afin de vous faire comprendre l’originalité de cette association dont nous fêtons
cette année le cinquantième anniversaire de la création, permettez-moi de
retracer brièvement le fil des événements constitutifs de son histoire.
A la fin des années 1950, un certain nombre de professionnels font le constat
d’un manque dans la thérapeutique adaptée à la pathologie aigüe et chronique.
Alors que la psychiatrie reste cantonnée aux hôpitaux fermés, héritiers des
asiles du passé, les névrosés nantis s’adressent aux psychanalystes installés en
ville. A la suite des conceptions répandues par le professeur Sivadon et
appuyées par les plus hauts fonctionnaires du Ministère de la Santé publique, il
est déjà question de réformes. On propose, pour répondre aux exigences de la
psychiatrie sociale, la création dans le cadre même de l’hôpital Brugmann,
d’ateliers de réadaptation mais aussi en dehors d’un Centre de Psychiatrie
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universitaire pour l’enseignement de la psychiatrie ainsi que la subdivision de
l’agglomération bruxelloise en secteurs d’assistance médicosociale.
En 1958, à l’initiative de la Fondation Julie Renson, Roger Amiel expose devant un
public averti les principes de la psychiatrie sociale.
Par la suite, une Commission d’Etude aura pour objectif d’établir le bilan de ce
qui existe et de ce qui devrait exister pour la prévention et le traitement des
maladies mentales en Belgique. Cette Commission se divise en 3 groupes de
recherche : « Précure », « Cure » et « Postcure ». Elle remettra son rapport
final intitulé « Projet d’organisation de l’assistance psychiatrique en Belgique » à
la fin de 1959. Ce rapport sera publié et même sélectionné avec une étude
française et une étude américaine par les organisateurs de l’Année Mondiale de
la Santé Mentale pour servir de base de discussion à un de ses symposiums.
Mise sur pied
d’Anderlecht
du
Service
de
Santé
Mentale
sectorisé
La Fondation Julie Renson crée de nouveaux groupes de travail dont celui intitulé
« Commune » dirigé par le docteur Jean Vermeylen qui examine la possibilité
d’amener toutes les institutions publiques et privées d’un secteur géopolitique
déterminé à collaborer étroitement entre elles pour prévenir et guérir les
troubles mentaux de toute nature et toute gravité.
Jean Vermeylen, est fils de psychiatre, il naît à Geel, lieu où son père est
responsable de l’asile de Geel, existant depuis plusieurs siècles, en fait, une
première colonie d’accueil pour malades mentaux dont certains sont hébergés
chez l’habitant. Il devient psychiatre lui-même et crée en 1962, le premier
service de Santé Mentale de Belgique à Anderlecht. Ce service entend combler
la carence de soins en proposant des consultations, des visites à domicile, un
soutien aux familles des patients qui sortent des institutions hospitalières et
nécessitent un suivi médical, psychologique et social.
Anderlecht a été choisi en raison d’un ensemble de facteurs dont l’étendue de la
commune, sa population nombreuse et diversifiée et représentant un échantillon
de différentes classes sociales, ainsi que la politique sociale progressiste de
l’équipe dirigeante de la commune.
Le Centre de Santé Mentale d’Anderlecht fonctionne toujours, pour le bien-être
de sa population. Sur son modèle, tout le pays en est pourvu, et est subsidié par
les fonds publics.
Un autre argument en faveur du choix de cette commune, est l’existence de la
« Clinique scolaire » qui se transforme à cette époque en Centre de santé
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polyvalent dirigé par le Dr Lucette Decroly, qui va jouer un rôle déterminant
pour la suite de cette histoire.
En raison de ses relations à titres divers avec la Fondation Julie Renson et son
amitié avec le Dr Vermeylen, c’est elle qui, en tant que chef de service, va
présenter aux autorités communales le rapport initial sur le secteur.
Des subsides ont été sollicités par cette femme admirable qui a soutenu,
encouragé et administré les initiatives du fondateur ; c’est elle aussi qui fut
pendant de longues années l’infatigable présidente du Conseil d’Administration.
Le bourgmestre d’Anderlecht, Joseph Bracops a mis des locaux et des moyens
au service de cette structure de soins inédite en Belgique, en ce temps.
Pour cette création, les fondateurs avaient trouvé un appui en la Fondation Julie
Renson qui s’était constituée dès 1957 afin de « promouvoir l’étude et les
recherches scientifiques relatives aux maladies mentales ; venir en aide
matériellement et moralement aux malades mentaux dépourvus de
ressources (…) ; d’assurer le reclassement des malades guéris ».
1963, création de l’ASBL L’Equipe
Le Dr. Vermeylen ne s’est pas arrêté à cette réalisation déjà considérable. La
psychiatrie sociale appelle au développement de nouvelles initiatives et sa mise
en pratique nécessite plusieurs types de mesures thérapeutiques en fonction de
son évolution. En février 1963, les Docteurs Jean Vermeylen et Lucette Decroly
constituent l’A.S.B.L. l’Equipe (les statuts seront publiés au Moniteur du 14 mars
1963) afin d’ouvrir un centre de postcure résidentiel dénommé « Le Foyer ».
L’idée est de permettre une étape, pour un patient psychiatrique sortant de
l’hôpital, avant un possible retour dans la famille ou chez soi. Le patient est invité
à s’insérer dans un lieu de vie communautaire, en participant au quotidien, en se
confrontant à une réalité, incarnée par les autres résidents, les soignants et les
tâches pour le bon fonctionnement de l’Institution.
C’est ici la Compagnie d’Assurances « La Prévoyance Sociale », devenue « P&V »,
qu’il faut remercier pour avoir généreusement mis à disposition une maison via un
bail emphytéotique pour démarrer ce projet novateur.
La philosophie de base du Dr Vermeylen reposait sur le modèle de la communauté
thérapeutique formée par une équipe pluridisciplinaire où, disait-il, « les
membres exercent à la fois un rôle spécifique lié à leur formation de base et une
activité socio-thérapeutique multidisciplinaire ».
Ce modèle novateur est
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rapidement et efficacement soutenu par les pouvoirs publics : INAMI, Ministère
de la Santé Publique.
Que ce moment soit l’occasion de dire à leurs représentants ici présents, toute
la gratitude que le Conseil d’Administration leur témoigne pour avoir soutenu la
création, le développement et la survie de tels projets qui pouvaient apparaître
audacieux en leur temps et qui se sont avérés indispensables et adéquats aux
pathologies graves pour lesquelles ils étaient indiqués.
Ces remerciements sont portés au nom des travailleurs de terrain et surtout au
nom des milliers de patients et de leurs familles qui ont pu être soulagés par les
moyens mis à leur disposition.
La Belgique a toujours été un pays ouvert, accueillant et créatif. La médecine, la
science et le bien-être social figurent parmi les fleurons dont nous pouvons être
fiers.
L’Equipe en est un exemple ; elle est et restera exemplaire. Cette volonté
d’exemplarité et d’innovation est un des moteurs du Conseil d’Administration où
les membres sont tous bénévoles.
L’Art comme moyen thérapeutique
A partir du « Foyer de l’Equipe » se sont édifiées d’autres structures
correspondant à différents moments du processus du retour à la vie ordinaire.
Le Dr. Vermeylen s’entoure de personnalités créatives comme le Dr. Michel
Aflalo, trop tôt disparu, qui l’ont aidé à mettre sur pied des institutions
diversement adaptées à l’état des patients, pour leur entrouvrir le chemin de la
société afin qu’ils deviennent le sujet de leur existence jusqu’au possible de
l’autonomie.
Le Dr. Aflalo a été un pionnier de ce qui est bien connu maintenant comme l’Artthérapie. Il a engagé des artistes, peintres, sculpteurs, céramistes, relieurs,
comédiens, vidéastes et autres pour mener des groupes dont l’activité artistique
est le moyen et la fin. L’humain ne s’exprime pas seulement par des mots ; il
s’inscrit aussi par ses gestes, ses actions et ses créations. La folie peut être une
source de création et de réalisation de soi qui peut s’épancher de multiples
manières. Les activités d’Art-thérapie sont un tremplin et un exutoire à ce
besoin d’être et de se montrer à soi et aux autres. Le Centre de Réadaptation
et d’Intégration au Travail, le CRIT, créé en 1972 puis le Centre Original de
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l’Expression, le CODE, depuis 1978, s’appuient sur ces techniques, nouvelles pour
l’époque, celles de la réhabilitation.
Publics et problématiques spécifiques
Un Centre psychothérapique de Jour, nommé le BER, maintenant appelé IMAGO
a été édifié en 1977. Une Communauté thérapeutique pour des patients
psychiatriques et toxicomanes, La PIECE a rempli un besoin criant dès 1997. Un
Centre de consultation spécialisé dans le même domaine s’est établi dans la
maison adjacente, BABEL. Un Hôpital de Jour pour adolescents s’est ouvert en
2001. Une construction d’un immeuble adapté est en cours de réalisation.
Dès 1984, des habitations protégées ont été aménagées dans une maison de
l’Equipe. Là encore, il s’agissait d’une structure pionnière qui, dans un premier
temps n’a pas été subventionnée. Lorsque cette expérience-pilote s’est révélée
efficace et économique, PRELUDE a été officiellement reconnue en 1990, sous
les auspices de l’ASBL JUAN LUIS VIVES où participent, au Conseil
d’Administration, l’Hôpital Erasme et le Service de Santé Mentale de l’ULB.
L’ASBL l’Equipe en gère le fonctionnement quotidien, dans un souci d’économie.
Des « fabriques à événements potentiels »
Sur le modèle de l’ASBL l’Equipe, la Belgique s’est nantie d’un réseau
d’institutions qui ont leur vision thérapeutique propre permettant d’offrir une
vaste palette aux patients. Cette diversité a, en soi, une fonction désaliénante
parce qu’elle permet des approches multiples selon des modèles théoriques variés
où chacun peut trouver ce qui convient à sa personnalité. Elle a aussi une vertu
déstigmatisante de la maladie mentale par l’insertion du patient dans la Cité.
Ce que Jean Vermeylen a conçu et accompli, c’est avant tout de permettre au
sein de ces institutions, de multiples activités en groupe qui viennent se proposer
à ceux dont la vie les a conduits « en psychiatrie », et qui souhaitent ne pas en
rester dépendants. Ces rencontres en deviennent « des fabriques à événements
potentiels » qui vont permettre aux participants, à travers les liens qui se nouent
entre eux, de renouer avec la vie en société, et on commence par les soignés et
soignants, en parfaite égalité et en toute liberté.
L’asbl L’Equipe aujourd’hui, c’est 8 structures qui représentent 120 travailleurs
pour 90 équivalents temps plein. Parmi ces structures il ne faut pas oublier de
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citer le Fil d’Ariane, centre de documentation créé en 1984, spécialisé en Santé
mentale, ouvert à tous et fréquenté par de nombreux Bruxellois.
Il ne faut pas non plus omettre de vous dire que sous la dénomination de JeanLuis Vives c’est aussi 45 places en Habitations Protégées qui depuis 1984 sous
la dénomination Prélude proposent un logement en maison communautaire ou en
appartement individuel à Anderlecht ou à Schaerbeek comme étape pour
passer de la vie collective à une existence individuelle et autonome.
Enfin, depuis peu, c’est le club qui est ouvert quelques heures par semaine pour
les anciens patients afin de leur permettre de garder s’ils le souhaitent un lien
avec un lieu de référence.
Un pas dans la modernité
Si la vision de la société de Jean Vermeylen était idéaliste, elle était aussi
pragmatique. De concert avec la co-fondatrice, il dialoguait avec le monde
politique et social, pour ouvrir de nouvelles structures, pour y engager du
personnel qualifié et leur donner des moyens de travailler.
Homme discret et mesuré, Professeur à la Faculté de Psychologie de l’ULB,
Maître de Stages, formateur de psychiatres à la réadaptation sociale, il a
rayonné par sa pensée innovante, par ses œuvres et par les élèves qu’il a formés.
Par-dessus tout, il a fait entrer la psychiatrie belge dans la modernité, de telle
sorte que des milliers et des milliers de malades lui doivent une meilleure qualité
de vie.
Il est décédé en 2009. Le Dr. Lucette Decroly nous avait déjà quittés en 2004.
Hommage à eux, en ce jour particulier.
Hommage à ceux et celles qui ont osé les soutenir.
Hommage à vous tous, vous qui d’une manière ou d’une autre, vous êtes impliqués
dans ces constructions, vous qui soutenez cette philosophie de travail et vous
engagez auprès des personnes en difficulté mentale.
Si nous avons réalisé au moins en partie le rêve de nos fondateurs, n’oublions pas
non plus de remercier les nombreux travailleurs qui ont cru en notre projet et
nous ont suivi au cours de ces cinquante années de Folitude.
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Mais si nous sommes réunis aujourd’hui c’est aussi pour encourager tous ceux qui
apprécient notre action et nous soutiennent à poursuivre leurs efforts, à nous
accompagner dans les nouveaux projets nécessités par la situation globale en
Santé mentale. Car c’est avec votre soutien que nous pourrons poursuivre l’œuvre
commencée par nos fondateurs et donner un sens au dynamisme latent de notre
association.
Je vous remercie.
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