sur le developpement durable

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Module 1
M Rizoulières
octobre/décembre 2002
La durabilité
Selon certains auteurs, la notion de développement et celle de durabilité sont antinomiques.
Durabilité : pistes pour réinsérer l’économie dans la société civile, en tenant compte de toutes ses
formes sociales et de la dimension écologique.
Plan du cours :
I – Conditions du décalage entre l’économie et la société : voir comment il s’est opéré.
Les éléments de séparation entre l’économique et le politique sont apparus avec la montée du
libéralisme au XVIIIème siècle.
L’économique va produire tout un ensemble de concepts qui se renforcent les uns les autres et
faussent les rapports de l’homme avec la nature.
Trois concepts de base : besoin, rareté, travail.
Des critiques apparaîtront plus tard sur la base de ces concepts :
Ex : l’anthropologue Pierre Clastres notamment dans son ouvrage « la société contre l’Etat » (étude
du besoin et de la rareté) ; le mouvement anti-utilitariste ; Louis Dumont.
II – Développement durable :
Tentative de réconcilier l’économique, le social et l’environnement.
1-Conditions d’émergence de cette notion.
2-Critique : Serge Latouche.
III – Dimension territoriale de la durabilité :
1-Loi Voynet : a renforcé la prise en compte du développement durable dans l’économie, avec le
concept de Pays, qui s’articule avec d’autres territoires.
2-Politiques urbaines : elles sont le vecteur privilégié de l’expérimentation de nouveaux modèles.
a) Prospective urbaine.
b) Exemple des temps à l’intérieur de la ville (« bureaux des temps » : repositionner la sphère
économique, sociale et culturelle).
Introduction : repères pour comprendre à quel point l’économique s’est séparé du social et de
l’écologie .
Il y a eu remise en cause globale de la toute puissance de l’économique et de l’auto-régulation par le
marché. Cette remise en cause est née de constats forts et violents. Les déséquilibres et inégalités se
creusent. Du point de vue de l’écologie, la représentation à l’échelle humaine de la somme des
modifications par rapport à la nature n’est pas mesurable.
Indicateurs :
1
Croissance économique : ce modèle de développement montre de plus en plus ses limites,
quant à la répartition des richesses. Aujourd’hui, les pays les moins avancés sont passés en 30 ans
de 25 à 49. De plus, les situations sont très disparates entre ces pays (il faudrait même créer des
sous-classes).
Attribution des aides : depuis les années 60, 1000 milliards de dollars ont été dépensés dans
l’aide publique au développement (en tenant compte des remboursements de la dette, cela atteint des
sommes considérables).
 la libéralisation commerciale a contribué à une dégradation des économies de beaucoup de pays
en voie de développement. Elle les a exposés à l’incertitude des marchés internationaux.
Des prix Nobel (ex : Joseph Stiglitz) reconnaissent qu’il est faux de dire que les pays en voie de
développement profitent de l’intégration économique.
Causes : les pays en voie de développement ont développé des activités où la valeur ajoutée est
assez faible. Les fluctuations sur les marchés créent des tensions importantes. De plus, les pays
industrialisés ne jouent pas le jeu au niveau alimentaire.
Ex : certains pays africains ont développé les activités de coton. Les USA ont décidé de subventionner
le coton américain.
Ex : tous les produits de la Politique Agricole Commune vont être libéralisés d’ici 2007 (les
subventions vont s’arrêter) sauf l’huile d’olive, qui ne fait pas partie des accords. Or 70% des recettes
d’exportation de la Tunisie viennent de ce produit.
PNB mondial : il a été multiplié par 16 depuis le début du XXème siècle, mais il n’a pas crû de
manière uniforme.
Au regard de la répartition de la croissance économique, on constate des chocs : en 2000, les
échanges mondiaux de biens et services ont atteint 7,6 milliards de dollars. Ceux du commerce
équitable se sont élevés à 400 millions.
Population : en 1998, 20% de la planète vit avec moins de 1 dollar par jour. Environ 40% de la
population mondiale vit avec moins de 2 dollars. Cela représente 50% de plus qu’il y a 20 ans.
OCDE : ces disparités de revenus sont beaucoup plus prononcées aujourd’hui qu’au début du siècle.
L’écart entre les 5 pays les plus riches et les 5 pays les plus pauvres était de 3 contre 1 en 1820. Il est
de 72 contre 1 en 2001. 20% des habitants consomment 80% des ressources communes. 20 pays
représentent 81% du PIB de la planète.
Même des entreprises, pourtant assez peu centrées jusque là sur l’intérêt général, commencent à
comprendre que ces contrastes ne sont plus acceptables (leurs futurs marchés pourraient être
hypothéqués par la dégradation de l’environnement).
Sommet du « millénium » : 149 pays, le FMI et l’OCDE se sont fixé pour objectif de réduire la pauvreté
de moitié d’ici 2015.
Représentation des pays en voie de développement : ils sont sous-représentés dans les institutions.
Selon les discours convenus, « les pays en voie de développement doivent concevoir leurs propres
programmes et faire leurs choix ». En réalité, ils sont sous-représentés dans les négociations
internationales. L’Europe, qui est la première puissance commerciale mondiale et la première
contributrice à l’aide au développement dispose de voix de votes supérieures aux autres régions du
monde. Le problème de l’Europe, c’est qu’elle ne parvient pas à parler d’une seule voix. Elle a
pourtant un pouvoir beaucoup plus important que les USA, notamment aux Nations-Unies (de plus, les
USA ne payent pas leur participation).
Au sein même des pays industrialisés, les écarts entre les populations s’accroissent. Les inégalités se
sont creusées très profondément entre 1980 et 1990.
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En France, le niveau de vie, l’espérance de vie et la scolarisation avaient véritablement progressé
avant 1980. Aujourd’hui, les disparités ont recommencé à s’accroître entre les revenus les plus forts et
les plus faibles. 1% des français les plus riches possèdent 15 à 20% du patrimoine du pays.
Ces disparités s’accroissent très fortement à l’intérieur même des territoires. Cela met en doute
l’équilibre républicain et l’égalité des chances devant la santé, l’école. La promotion sociale a
tendance à reculer. En 1965, l’accès des classes modestes aux grandes écoles (ENA, Normal Sup)
était de l’ordre de 15,4 %. Il représentait 7,1% en 1993.
Population mondiale : 2,5 milliards il y a 50 ans. On l’évalue entre 8 et 9 milliards en 2050. Le
problème de la surpopulation vient surtout de la mauvaise répartition de la population sur l’ensemble
des territoires.
Forêts : la moitié ont été détruites au cours du siècle dernier. A chaque minute, 26 hectares de
forêts disparaissent. Il semblerait que la déforestation ralentisse mais c’est surtout parce que
beaucoup de pays ont des problèmes économiques et ont donc moins besoin de bois.
La déforestation par an est l’équivalent d’un quart du territoire français.
Pêche : c’est un des secteurs les plus menacés aujourd’hui, à cause de la surexploitation due
aux moyens technologiques avancés.
 Il y a donc une désegmentation très forte entre la sphère de l’économique et du social, et une
distorsion entre la sphère économique et environnementale en raison de la surexploitation.
Il faudra faire une déconstruction des trois concepts de base pour comprendre l’origine du décalage,
et envisager les pistes des nouveaux utopistes du développement durable.
Aujourd’hui, l’objectif est de trouver la voie médiane entre les trois sphères : l’économique, le social et
l’environnement. La durabilité se situe à l’intersection.
Il faut travailler sur ces trois sphères en même temps.
C’est un défi par rapport à la mixité sociale actuelle et intergénérationnelle.
Beaucoup d’analystes pensent qu’il n’est pas trop tard. L’effort commence à payer dans le domaine
de l’environnement. Dans certains territoires, des projets de territoire réussissent (ex : Parcs naturels).
Il existe une forte mobilisation du côté de l’environnement.
I - Conditions du décalage entre l’économique et la société :
La théorie économique s’est affirmée au fur et à mesure de sa construction en tant que discipline
scientifique. Elle a revendiqué son autonomie. Pour cela, elle a essayé d’identifier des caractéristiques
universelles.
Pour les auteurs critiques de l’économie politique, l’économie possède un argument de poids : pour
eux, elle est pensée comme autonome car elle repose sur un réseau fermé et cohérent de
représentations qui se renforcent mutuellement.
Les représentations sont les concepts-clé : besoin, rareté, travail (transformation de la nature pour
satisfaire les besoins naturels), production, revenus, consommation.
Tous ces concepts ont dessiné un système clos de significations sans une véritable ouverture sur
l’extérieur. Ces concepts ont d’autres significations chez les anthropologues, par exemple. Ils n’ont
rien d’évident. Leur mise en place ne relève pas de critères universels. Les historiens du capitalisme
(ex : Karl Polanyi) ont montré que la mise en place et l’inter-relation de ces concepts est le résultat
d’une très longue histoire. On peut les dater historiquement et les insérer dans une culture particulière,
souvent associée à l’Occident.
1
La séparation de l’économique et du politique :
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Premiers auteurs : les mercantilistes au XVIIème siècle (Bodin, Richelieu, Colbert. Le mercantilisme
s’annonce dès le XVème siècle et s’efface au XVIIIème siècle avec la révolution industrielle. Cette
doctrine est liée aux théories monétaires) et les physiocrates (Quesnay : il a mis en place la
comptabilité nationale et a étudié le mécanisme de l’impôt) au XVIIIème siècle : pour eux, l’Etat était
en corrélation avec l’intérêt individuel. Ces auteurs mélangeaient sans problème les phénomènes
économiques et politiques. Les phénomènes économiques étaient perçus par eux du point de vue de
la politique.
Selon ces auteurs, la finalité est davantage la prospérité et le pouvoir de l’Etat que la recherche d’un
bien être individuel.
Ils sont centrés sur l’impôt, conçu comme un impératif de paix sociale. A cette époque, la création de
richesse se fait dans et pour la nation. L’Etat est l’autorité chargée de défendre les intérêts de la
nation et donc, implicitement, d’encourager, de stimuler la production de richesses.
L’économie devient politique au sens libéral : elle est étendue à tout l’horizon des individus. Dans la
deuxième moitié du XVIIIème siècle, les rapports entre l’Etat et l’individu vont devenir progressivement
antagonistes. Le problème sera de réduire les prérogatives de l’Etat pour faire place à l’intérêt
individuel comme étant seul repère.
La réflexion sur l’Etat dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle va évoluer en deux temps :
- Opposition entre l’espace public et l’espace privé (espace politique et économique) : cette
opposition va retracer le renversement des hiérarchies sociales. On passe du triptyque clergénoblesse-travailleurs, à une nouvelle hiérarchie représentant les fonctions économiques
(l’éthique protestante a beaucoup joué dans la transformation des valeurs – cf Marx Weber).
Ce n’est plus la propriété ou le titre qui importe, mais la fonction économique vis à vis de
l’enrichissement de la nation. Ce sont bien des liaisons fonctionnelles entre les individus dans
l’échange et la production de richesse qui deviennent le centre de la vie économique. Le
renversement se fait en faveur des travailleurs.
- L’Etat national, le gouvernement, va être progressivement considéré comme subordonné
dans le mécanisme des échanges. On ne pourra penser cet Etat que comme un défenseur
des valeurs de marché qui lui sont au dessus : l’Etat doit garantir que la concurrence soit
assurée.
Ce mouvement de la pensée ne peut être isolé du reste de la société. On doit le relier à la philosophie
libérale et individualiste. Le libéralisme n’est pas une théorie économique. On ne peut non plus
comprendre son développement sans le relier à la philosophie des Lumières. Cette philosophie
considère la Raison critique comme principe unificateur du savoir. Le libéralisme amènera la pensée
économique à considérer l’individu comme unité de base.
La philosophie des Lumières apportera le principe de rationalité.
Proposition de base du Libéralisme : l’homme existe seul, dans son opposition à la nature, mais aussi
à l'égard du reste de la société. A partir de là, la question qui se pose est de savoir comment il peut
survivre dans un état de guerre permanent.
La réponse se situe à deux niveaux :
- Bien sûr, l’homme existe seul, mais il possède des attributs particuliers, que sont ses
capacités productives, ses besoins, ses goûts. Les individus étant différents les uns des
autres, ils pourront échanger des choses différentes.
- L’opposition au reste de la société va fournir une réponse quant à la survie de l’homme :
pour les auteurs libéraux, c’est la rareté de la nature qui le met en concurrence avec ses
semblables. C’est parce que cet état de guerre permanent existe qu’il y aura une
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neutralisation dans les sociétés « civilisées » par le marché, mécanisme de gouvernement qui
fait que cette opposition fondamentale entraîne le progrès général de tous.
Cette forme de pensée se focalise sur les rapports de l’individu avec le reste de la société, et sur
l’importance de l’Etat, mais uniquement parce qu’il établit des lois, des règles de comportement
destinées à éviter le déchirement du corps social. Cette philosophie libérale reste une vision
désespérée du monde.
Dans ce modèle, l’homme est séparé de ses semblables par ses propres attributs, par ses propres
intérêts, mais surtout, il n’existe que par ses fonctions. L’homme devient un être seulement matériel
qui peut être considéré comme la somme de ses nécessités. Cette philosophie, profondément
matérialiste, réduit l’être humain à tout ce qui est hors de la spiritualité et de la psychologie. C’est une
philosophie qu’on peut qualifier d’atomiste.
A partir du XIXème siècle, on va voir apparaître une segmentation entre l’économie et la sociologie :
l’économie va se centraliser sur l’individualisme et la sociologie sur l’aspect holiste.
Ex : la valeur : pour l’économiste, la valeur d’une chose dépend de sa fonction dans la société. Pour la
sociologie, on ne peut penser un objet seulement en fonction du besoin auquel il répond, et
indépendamment de sa fonction sociale (ex Baudrillard : l’objet est profondément un signe).
Hayek refuse complètement l’interventionnisme de l’Etat qui, selon lui, ne représente que des intérêts
catégoriels qui créent des distorsions par rapport à la vie économique. Hayek rejette le planisme.
 Il n’existe donc pas une seule forme de libéralisme.
La séparation entre l’économique et le politique fait partie du raisonnement des philosophes libéraux
pour concilier la satisfaction de l’intérêt individuel et l’intérêt de tous. Ils vont tenter de montrer
comment l’individu peut cohabiter avec la société sans compromettre ses buts propres.
En fait, le libéralisme est fondé sur l’idée qu’il y a de bonnes et de mauvaises passions. Certaines
peuvent mettre en péril la société civile.
A Smith va avancer que le seul contrepoids naturel pour l’ensemble des passions, c’est toujours
l’avarice. Ce vice, cette soif illimitée de possessions va être la piste pour trouver par quel moyen les
individus vont pouvoir coexister. Si l’Etat intervient, il ne représentera qu’une seule catégorie
d’individus. Il ne pourra donc neutraliser qu’une certaine partie des mauvaises passions.
De manière paradoxale, si la solution ne peut venir de l’Etat, il faut laisser libre-cours à l’avarice, dans
une société ouverte, parce qu’ainsi, l’individu se trouve naturellement limité par les mêmes appétits
que les autres individus.
Finalement, l’individu canalise sa soif illimitée dans l’activité de travail, et dans la pratique de
l’échange monétaire, le marché. Pour comprendre la neutralisation de la soif illimitée, il faut réinsérer
le calcul rationnel. C’est parce que l’individu est rationnel et qu’il cherche à maximiser son intérêt, qui
est pécuniaire, et en participant à l’échange, qu’il s’aperçoit que le gain est supérieur à ce qu’il aurait
pu obtenir si le marché n’existait pas.
La recherche du gain monétaire passe par le fonctionnement des mécanismes de marché. Le marché
devient le mécanisme universel qui fonde le rapport social.
Les libéraux fondent la société sur ce principe universel qu’est l’avarice, et sur le mécanisme universel
de marché. On peut donc trouver un mode de régulation des conflits par le mécanisme des marchés.
Il faut prendre en compte deux éléments pour expliquer comment évacuer ou limiter les conflits :
-
L’avarice est une passion universelle qui agit en tous temps, en tous lieux et sur tout le
monde. De ce point de vue, tous les individus sont égaux et peuvent être comparés.
-
Puisque cette passion est universelle, le gouvernement des hommes peut être prévisible.
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Pour les libéraux, nous pouvons prévoir que le marché résoudra nécessairement tous les conflits.
Dans la société de marché, le rapport économique d’intérêt à intérêt manifeste que tout le monde est
solidaire. Pour Smith, ce thème de la solidarité suffit pour développer un autre mécanisme
fondamental, qui est celui de la division du travail (dans le cadre des relations marchandes).
Dans « la Richesse des nations », le premier mécanisme est la division du travail. S’ajoute l’analyse
de la valeur.
Smith va s’abstraire de la sphère de la production : ce qui l’intéresse, c’est de voir comment les
individus amènent la production au marché, qui va répartir de manière anonyme les gains.
A partir de Smith, l’essentiel de la théorie économique va s’intéresser aux mécanismes de marché, à
l’échange marchand.
Ce ne sont pas les conditions de production mais la façon dont les individus vont générer des gains
sur les marchés qu’on va regarder.
 L’économie va s’intéresser à la valeur et au prix.
On a opéré une réduction considérable : on s’est débarrassé de la psychologie de l’individu pour ne
s’intéresser qu’à la rationalité. La sphère économique a été réduite à la sphère marchande pure.
Milton Friedman (1953 : « Essai d’économie positive ») : la théorie économique ne peut être jugée
avec le critère de réalisme.
 L’économique va être complètement déconnectée de la sphère réelle.
Evolution : on a fait de l’économie une discipline autonome par rapport à la politique : on va dans le
sens d’une discipline scientifique (discours normatif). Cette référence va être la référence majeure.
Léon Walras : va construire l’équilibre général : une théorie pure et abstraite des marchés. Il compare
l’action rééquilibrante du marché à celle d’un commissaire – priseur.
Aujourd’hui, la question qui se pose est la suivante : l’économie n’est-elle pas allée trop loin dans sa
volonté d’autonomie ? (inconsciemment, elle voulait être scientifique et ressembler à l’astronomie, la
gravitation. Cf : les écrits de Smith).
La théorie néo-classique est complètement déconnectée de la réalité.
La séparation entre l’économique et le politique est donc importante.
Aujourd’hui, on assiste à une réintroduction de la sphère politique à l’intérieur de l’économie (même
dans le FMI), avec les modèles de gouvernance mondiale : les valeurs démocratiques représentent
des pratiques de bonne gouvernance. Dans les discours du FMI, ce qui est combattu, c’est la
corruption. Les politiques du FMI et de la Banque mondiale se dédouanent avec cet argument (cf
Stiglitz : « les désillusions économiques »).
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– Le tryptique besoin,-rareté-travail : le rapport faussé entre l’homme et la nature :
Le rapport peut être perçu de multiples manières. Ce tryptique ne peut être interprété comme
universel, quel que soit le lieu, les civilisations.
Les mouvements contestataires sont importants car ils ont été au départ à l’initiation de la critique de
l’économie politique, qui s’est trouvée très profondément ancrée dans le courant de l’écologie
politique, née dans les années 60 (cf Louis Dumont, Bertrand de Jouvenel, Castoriadis) :
dénonciation de l’économie politique telle qu’on la connaissait.
Il existe aussi des courants prospectivistes qui recherchent les voies de transformation de l’action
publique en France.
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Approche de Karl Polanyi : son livre « la grande transformation », écrit en 1944, traduit en français en
1983 est désormais un classique.
La thèse est la suivante : le capitalisme est devenu capitalisme le jour où la terre et la force de travail
sont devenues des marchandises comme les autres, avec un prix susceptible de fluctuer en fonction
de l'offre et de la demande.
Cela s'est fait à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, lorsque la « loi sur les pauvres » s'est
transformée en une sorte de revenu d'existence, ce qui a permis d'exempter les employeurs de toute
responsabilité sociale.
 Rareté et besoin :
Quand on prétend s’intéresser aux politiques de développement, on dit qu’on cherche à tirer les
peuples de leur misère. Mais quand on examine le fonctionnement de ces sociétés à l’appui de
recherches d’ethnologues et d’anthropologues, on voit qu’on a une vision déformée de ces sociétés.
Dans la vision de base (19ème et 20ème siècle), les économistes ont développé l’idée selon laquelle
l’économie des sociétés primitives est une société de subsistance : elles parviendraient tout juste et à
grand peine à assurer la subsistance de la société. Leur système économique leur permettrait de ne
pas mourir de faim et de froid qu’au prix d’un labeur incessant. De plus, les analystes de l’époque
disent que les économies primitives sont dans un sous-développement technique leur interdisant
irrémédiablement la production de surplus et la constitution de stocks qui garantiraient l’avenir
immédiat du groupe.
Ces analyses ont été développées à l’époque victoriennes par Herbert Spencer notamment. Cette
économie primitive est perçue comme une économie de la misère.
Marshall Sahlins (cf : « Age de pierre, age d’abondance » 1976) va opposer une vision totalement
différente à cette analyse. Selon lui, les pères fondateurs de cette pseudo-anthropologie économique
ont inventé de toute pièce le mythe de « l’homme sauvage », condamné à une condition quasi
animale par son incapacité à exploiter le milieu naturel.
Sahlins va réhabiliter ces sociétés primitives en recueillant les faits, au niveau ethnologique. Il
reconnaît leurs forces et faiblesses. Les mouvements périodiques et les limitations de la richesse de la
population sont à la fois des impératifs de la pratique économique et des solutions d’adaptation.
Quand on prend en compte ces contraintes, on se rend compte que l’abondance devient possible. La
mobilité des chasseurs et la modération des cueilleurs correspondent à une nécessité totalement
adaptée à leur possibilité technique. De plus, leur mode de production fondé sur des techniques
rudimentaires peut avoir un haut rendement.
De manière provocatrice, il va requalifier la société primitive de première société d’abondance. Pour
lui, l’économie de production primitive assure la satisfaction des besoins matériels des gens, et même,
fonctionne en deçà de ses possibilités. Selon lui, cette économie pourrait, si elle le voulait, fonctionner
plus longtemps et plus vite, produire des surplus, constituer des stocks. Si cette société, pouvant le
faire, n’en fait rien, c’est qu’elle ne souhaite pas le faire. Dès lors que les individus estiment avoir
recueilli suffisamment de ressources alimentaires, ils cessent de chasser et de collecter. L’idée même
de surplus n’a pas de sens. Dans cette société, l’économique comme secteur se déployant de
manière autonome, est totalement absent. Il s’agit d’une société qui fonctionne comme productrice de
consommation, (dont le but est d’assurer la satisfaction des besoins), et non comme productrice
d’échanges (dont le but est d’acquérir des profits en commercialisant des surplus).
Cette société primitive est un refus de l’économie. Elle assigne à sa production une limite stricte
qu’elle s’interdit de franchir.
"Et l'on s'aperçoit alors que, loin de passer toute leur vie à la quête fébrile d'une nourriture aléatoire,
ces prétendus misérables [les Australiens de Terre d'Arnhem et les Bochimans du Kalahari] ne s'y
emploient au maximum que cinq heures par jour en moyenne, plus souvent entre trois et quatre
heures. (...) Encore faut-il observer que ce travail quotidien n'est que rarement soutenu, coupé qu'il est
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de fréquents arrêts de repos; ensuite qu'il n'implique jamais l'intégralité du groupe (...). Le constat,
ethnographiquement fondé, que d'une part les économies primitives sont sous-productives (...), que
d'autre part elles satisfont toujours les besoins de la société (...), impose donc, en sa paradoxale
vérité, que la société primitive est en effet une société d'abondance puisque tous les besoins y sont
satisfaits."
Pierre Clastres, Préface au livre de Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d'abondance, Gallimard,
1976.
Approche de Baudrillard : nous consommons des objets-signes. Dans « la société de
consommation » (1972), Baudrillard a montré que les marchandises forment un système cohérent de
signes culturels, c’est à dire un langage social structurant la relation de l'individu aux objets mais aussi
la relation de l'individu à la collectivité.
Nous consommons des objets-signes autant dans l’espérance de satisfaire nos besoins que pour
participer à ce qui est appelé la nouvelle mythologie des temps modernes, qui est le rituel collectif de
la consommation.
Cette identification du besoin à la marchandise et de l’ensemble des marchandises à un système de
signes culturels constitue pour Baudrillard la principale explication de l’étonnante vitalité dont fait
preuve la société de consommation (aujourd’hui, des sociologues ont remis en cause la notion de
« classes sociales » et l’approche de Baudrillard).
Pour Baudrillard, à travers la consommation d’objets-signes, la distinction courante entre besoin réel
et besoin factice tend à s’effacer. il est dès lors difficile de placer une frontière entre le besoin
authentique et le besoin artificiellement crée, dés lors que la marchandise est autant un objet dont on
use qu’un signe qu’on arbore.
On s’aperçoit de cette frontière diffuse à l’examen de la notion de minimum vital : il dépend du temps
et du lieu et reçoit des interprétations extrêmement différentes.
Au regard de l’analyse du besoin et de la rareté, on peut conclure ainsi : avec les approches de
Sahlins et Baudrillard, on doit opérer un complet renversement de perspective sur la nature de la
société de consommation. Celle-ci, contrairement à toutes les apparences, n'est pas une société
d'abondance. En abandonnant la règle primitive selon laquelle les besoins se fondent sur la relation
humaine et se manifestent dans le partage des biens, la société industrielle lui a substitué le principe
d’insatiabilité des désirs individuels. Par ce principe, la société industrielle s’est condamnée à une lutte
infinie contre le manque.
Selon Baudrillard, il faut abandonner l’idée reçue que nous avons une société dans laquelle tous les
besoins matériels et culturels sont aisément satisfaits. D’après lui, cette idée reçue fait abstraction de
toute logique sociale. Il faut reprendre l’idée de Sahlins selon laquelle ce sont nos sociétés
industrielles et productivistes qui sont dominées par la rareté ou plutôt, par l’obsession de la rareté.
La rareté provient de la notion de surplus. Notre société est donc le règne organisé de la rareté.
 Notion d’utilitarisme :
Marcel Mauss (« Essai sur le don ») : le don est une réalité très embarrassante pour ceux qui
voudraient faire remonter la monnaie, les échanges monétaires et la recherche du profit à la nuit des
temps.
En fait, le don n’est pas l’intérêt économique, mais ce n’est pas non plus la gratuité. Il crée un lien
social par trois obligations : donner, recevoir, rendre.
En 1980, est né un mouvement, le MAUSS (mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales), à
l’initiative notamment d’Alain Caillé et Serge Latouche.
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En 1993, l’ouvrage collectif « ce que donner veut dire » montre la persistance du don dans nos
économies modernes : les solidarités familiales, la notion de travail domestique…ainsi que toutes les
formes d’activité pratiquées par les retraités dans les associations.
Ce don est basé sur la réciprocité, qui crée un sentiment d’appartenance et réinsère l’individu dans les
communautés sociales.
Alain Caillé : « Il nous semble, au MAUSS, et dans le sillage de l’essai sur le don de Marcel Mauss,
que la grande source de l’agir humain réside dans l’obligation doublement paradoxale de donner et de
rivaliser de générosité…dans l’obligation, en somme, de ne pouvoir satisfaire à son intérêt que par le
détour du désintéressement ».
Le don des sociétés primitives est une des formes que prend la vie sociale. Sans présenter les
différents aspects qu’il peut prendre selon les sociétés, il importe de retenir que le don s’oppose à
l’échange utilitaire. Les hommes des sociétés archaïques n’échangent pas mais donnent.
Le don renvoie, selon Caillé, « à toute prestation de biens ou de services effectués sans garantie de
retour en vue de créer, nourrir, ou recréer le lien social entre les personnes ».
Si jamais il y a retour, ce retour ne s’inscrit pas dans l’échange. cf Sahlins : ce qui est rendu n’est tenu
à aucune condition de temps, de quantité ou de qualité.
Ce don s’oppose à l’utilitarisme, dans la mesure où il introduit l’incertitude du retour. Dans les
démarches utilitaristes, la perte de l’objet demande immédiatement compensation.
Le don diffère le moment du contre-don. A travers lui, il y aura toujours le risque de ne pas obtenir de
retour. Paradoxalement, c’est dans cet espace d’incertitude qu’est mise à l’épreuve la valeur du bien
et les rapports personnels.
Godbout : plus j’ai la conviction que l’autre n’était pas obligé de rendre, plus le fait qu’il rend a de la
valeur parce qu’il signifie qu’il agit pour la relation, c’est à dire, pour nourrir le lien que nous avons.
Des critiques ont été faites à cette approche du don au sein même du mouvement anti-utilitariste :
selon Maurice Godelier, même si les rapports personnels prévalent toujours dans nos sociétés, avec
un fondement lié au don, ces rapports personnels ne jouent pas le rôle dominant.
Godelier s’oppose à la conception de Caillé et de Godbout (« l’esprit du don ») selon laquelle le don
concerne la totalité des sociétés contemporaines. Pour qu’un phénomène social soit total, il aurait fallu
que les rapports personnels y dominent et que le désintéressement soit au fondement des rapports
sociaux.
Dans les sociétés contemporaines, le don existe mais il est libéré de toute la charge d’avoir à produire
et à reproduire des rapports sociaux fondamentaux communs à tous les membres de la société.
Godelier : en idéalisant le don, sans calcul, on développe un imaginaire représentatif du dernier refuge
d’une solidarité dans le partage qui aurait caractérisé d’autres époques de l’évolution humaine.
Pour Godelier, le don répondrait aux limites que rencontrent les sphères marchandes et étatiques.
 On peut se demander si les analyses du MAUSS ne transposent pas trop rapidement aux sociétés
modernes la logique du don qui prévalait dans d’autres sociétés.
 Les relations entre économie et écologie :
Une dernière approche s’intéresse à la façon dont les êtres humains qui vivent en société organisent
la production des moyens d’existence tout en s’insérant dans la biosphère.
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Les écrits de René Passet notamment, s’interrogent sur ces questions : l’économie s’insère dans une
organisation sociale qui, elle-même, doit s’insérer dans l’ensemble des systèmes vivants sous peine
d’en contrarier les conditions de reproduction.
Lorsque l’on regarde la pensée occidentale, on voit qu’elle a longtemps voulu domestiquer la nature.
Devant les dégâts occasionnés et les atteintes aux équilibres de l’éco-système, les économistes
libéraux ont tenté de réintroduire l’environnement au sein du paradigme néo-classique, notamment
par l’analyse des droits à polluer.
a) L’approche traditionnelle de la nature :
Trois étapes :
 Domestication de la nature depuis la philosophie des Lumières :
On pensait que les hommes pouvaient et devaient soumettre la nature.
Francis Bacon : « l’homme ne commande la nature qu’en lui obéissant ».
Descartes : avec la connaissance, nous pouvons nous rendre maîtres et possesseurs de la nature.
(Alfred Marshall : un des piliers de la pensée néo-classique)
Ces idées sont liées à la révolution industrielle. Avec la notion de rationalité, il s’agit de maîtriser la
nature et de maîtriser le futur.
 La division de l’économie politique classique :
Les économistes classiques se sont préoccupés des ressources naturelles. Malthus s’inquiétait des
ressources agricoles qu’il mettait en parallèle avec la croissance démographique qui obéissait à un
schéma géométrique alors que les ressources progressaient de manière arithmétique (dans cette
optique, les famines sont un mode de régulation).
Ricardo fondait la plupart de ses démonstrations sur la fertilité décroissante des terres. Ses
préoccupations ont été négligées au sein de la théorie économique du fait de deux objections :
 Première objection : Infirmation de l’économiste Jean-Baptiste SAY : les ressources naturelles
comme l’eau, l’air, sont inépuisables, puisqu’elles sont gratuites.
Il s’agit d’une erreur logique, car, à supposer que les ressources sont inépuisables, elles seraient alors
gratuites, mais rien ne permet de renverser la proposition pour déduire de la gratuité des ressources à
un moment donné de l’histoire, leur caractère inépuisable.
A partir de J.B Say, l’économie ne s’intéresse qu’aux biens.
J.B Say a une intuition féconde : se demander si la science économique peut s’occuper de la nature.
Cette intuition n’a pas eu de suite à cause de la conception de l’économie politique de Say. Pour lui,
l’apparente inépuisabilité des ressources naturelles l’a conduit à appliquer la notion de gratuité à la
sphère des richesses naturelles comme une simple extension des règles de la sphère des
marchandises.
Les marchandises étant toujours en quantité limitée, elles ont un prix. Par contre, les ressources
naturelles étant gratuites, elles sont déclarées inépuisables par JB Say.
 Deuxième infirmation : les craintes sur l’épuisement des ressources furent balayées au sein de la
théorie économique parce que la rareté des ressources naturelles n’était pas ressentie comme une
rareté physique mais comme le résultat de la rareté éventuelle des facteurs de production nécessaires
à leur mise à disposition de l’industrie, à savoir, le travail et le capital matériel.
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Toute la théorie économique à partir de la fin du XIXème siècle va s’intéresser au problème de
substitution entre travail et capital (et non plus à l’épuisement des ressources).
 Exploitation de la nature avec l’essor du capitalisme :
L’essor du capitalisme ainsi que le progrès technique laissent entrevoir les possibilités de
remplacement de certaines matières premières par des produits synthétiques. Les économistes
classiques imposèrent peu à peu l’idée que les ressources naturelles étaient assimilables à du capital,
et donc, susceptibles d’être produites et reproduites indéfiniment.
Pourquoi alors se préoccuper de la baisse de la fertilité de la terre puisque la fertilité peut être
augmentée par des moyens techniques de plus en plus performants ?
Nicholas Georgescu-Roegen va être le premier, dans les années 60, à associer les lois de la
thermodynamique découvertes au 19ème siècle et l’économie. Il a appliqué à l’économie la notion
d’entropie. Au niveau de la thermodynamique, le principe d’entropie correspond au fait que même si la
quantité de l’énergie dans l’univers est constante, elle se transforme de plus en plus en chaleur
irrécupérable et inutilisable.
Cette conception a ouvert deux voies :
La vision d’un univers perçu comme quelque chose de répétitif, d’immuable, obéissant au
simple déterminisme, a été brisée. Georgescu-Roegen a introduit la notion d’irréversibilité. A cette
notion d’irréversibilité a été associée la notion de seuil que l’on retrouve dans la notion de
développement soutenable : c’est un développement qui fait en sorte de respecter la capacité de la
planète à se renouveler.
Une idée se développe : l’activité économique, qui rejette dans la nature de plus en plus de
déchets, accélère le processus d’entropie.
Dans ces trois étapes, Georgescu-Roegen a été une exception. L’essentiel de l’évolution a été le
concept de la maîtrise de l’homme, le combat de la rareté par l’homme pour s’arracher à la nature.
b) Le théorème de COASE :
Il repose sur une notion antérieure : notion d’externalité négative (idée de pollution). Cette notion
remonte à Alfred Marshall (1871 : « Principes d’économie politique). Pour Marshall, c’est une notion
positive : elle exprime le fait qu’il existe des formes d’organisation externe permettant d’éviter la
division du travail interne (Smith).
Economie externe : la production d’une entreprise dans un lieu géographique localisé entraîne des
effets non attendus sur la production des autres entreprises. Pour Marshall, la proximité de ces
entreprises fait que les secrets de fabrication passent d’une entreprise à l’autre. il y a donc innovation
et partage des connaissances.
La notion d’externalité a été invoquée par Marshall pour atténuer le résultat de Smith. Pour Marshall, il
n’y a pas de tendance irrémédiable à la constitution de monopoles (mais cette conception de
l’externalité va être oubliée par les successeurs de Marshall).
Il faudra attendre la fin des années 70 pour que le concept d’externalité soit remis au goût du jour à
travers l’analyse des districts industriels italiens (cf Becattini : idée d’agglomération d’entreprises).
Notion d’externalité négative : pour analyser tous les phénomènes d’encombrement et de pollution.
C’est une notion centrale pour comprendre tous les phénomènes de droits à polluer.
Problème des droits à polluer : issus du théorème de COASE (prix Nobel) : introduit la notion
d’externalité négative : encombrement et pollution.
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Ronald Coase (dans les années 70) prend l’exemple de l’éleveur de vache et du cultivateur de blé,
dont les champs sont contigus. Les vaches endommagent les cultures, ce qui entraîne une externalité
négative.
Coase décrit plusieurs situations juridiques qui conduisent à des répartitions différentes des droits de
propriété sur les terres, mais qui, en présence de l’externalité négative, conduisent à une situation qui
ne sera pas optimale, au sens de Pareto (situation optimale de Pareto : état de la société dans lequel
aucun agent économique ne peut augmenter sa satisfaction sans qu'au moins un autre agent ne soit
amené à faire décroître la sienne).
Première hypothèse : on suppose que l’éleveur se trouve dans une situation où il a le droit de laisser
ses vaches aller sur la terre du cultivateur. C’est contraire à l’optimum de Pareto, car l’agriculteur va
augmenter son bénéfice en rentrant en négociation avec l’éleveur et en lui proposant le rachat du droit
d’usage partiel que ce dernier a sur sa terre. Les coûts de transaction et d’information doivent être
limités pour que ça marche.
S’ils sont négligeables au regard du bénéfice supplémentaire pour le cultivateur, on va retrouver une
situation qui rétablit l’optimum de Pareto.
Deuxième hypothèse : le système juridique oblige l’éleveur à indemniser le cultivateur pour les dégâts
qu’il cause. A condition que le coût de la clôture soit négligeable par rapport au bénéfice qu’on va
pouvoir tirer de la mise en place de ce principe de taxe, on va retrouver à nouveau une situation
d’optimum de Pareto.
Dans les deux cas, si l’éleveur ne paie pas, il est perdant car le cultivateur va mettre une clôture.
Théorème de COASE : l’optimum social est indépendant des situations juridiques, et en particulier, de
la répartition des droits d’usage ou de propriété, qui se dégagent des situations juridiques.
Ce théorème est important, car il permet de mettre en place un marché, dont l’objet est de diminuer la
nuisance due au pollueur.
Limitations de ce théorème : la construction des résultats du théorème dépend des hypothèses faites
sur le comportement des consommateurs et des producteurs. Quand on change les hypothèses, la
nature du résultat du théorème est altérée.
Le cas idéal d’un émetteur et d’un récepteur deviendrait inopérant dans le cas de très nombreux
récepteurs : le dommage étant individuellement petit, les coûts de transaction et d’information
pourraient être supérieurs au gain retiré de la réduction de l’externalité.
La plupart du temps, l’estimation en unités monétaires de la pollution s’avère très difficile en pratique.
Ce concept, malgré sa fragilité, a été utilisé par les pays de l’OCDE pour mettre en place des
systèmes de taxes, de redevance, des aides financières, ou bien encore, la création de permis
d’émission : ce sont les droits à polluer (USA : 1990 : clean air act).
En 1997, le protocole de Kyoto a mis en place le système des droits à polluer auprès des pays
européens. Le processus de ratification est toujours en cours en Europe (les USA n’ont pas ratifié le
protocole).
Le système du droit à polluer a été mis en place par les anglais. Le deux avril 2002, s’est mise en
place la première bourse d’échange de droits d’émission de gaz carboniques. Seules 34 entreprises
anglaises ont décidé de participer à cette opération. A terme, chaque entreprise anglaise pourra
acheter ou vendre des droits à polluer.
On est obligé de fixer un prix sur la tonne d’oxyde de carbone produite.
 Au regard de la notion de durabilité, l’économie trouve toujours un moyen pour s’insérer dans des
cas de figures où il est possible de chiffrer les nuisances. L’économie s’en est toujours sortie en
inventant des solutions qui permettent de ne pas remettre en cause la notion de développement.
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Dans le passé, des auteurs se sont intéressés à ces problèmes : ex : club de Rome (1970) : mise en
place de tout un ensemble de travaux relativement pessimistes, avec pour la majeure partie d’entre
eux, des universitaires qui ont publié en 1972 « Limits of growth » : halte à la croissance : rapport
Meadows.
Ce rapport pose le problème de l’épuisement des ressources naturelles comme frein à la croissance.
Dans ce rapport, plusieurs scénarios alternatifs avaient été produits. La conclusion est que la
poursuite de la croissance est impossible en raison de l’épuisement des ressources naturelles,
notamment énergétiques.
Le rapport a été surtout un avertissement solennel qui annonçait la fin de la croissance pour cause de
rareté grandissante du facteur de production essentiel : les ressources naturelles inépuisables.
Selon ces auteurs, les ressources naturelles étaient menacées par le caractère exponentiel de la
croissance : trop de croissance tue la croissance.
Le rapport préconisait d’adopter une croissance douce pour préserver les ressources naturelles, et par
là même, s’assurer de la poursuite de la croissance.
Ce rapport a été déconsidéré dans le monde scientifique à cause de projections et tendances naïves
et d ‘un modèle démographique simplifié. Mais il a fait date, car il a été largement médiatisé. Il a
contribué à lancer le débat sur les liens entre développement économique et environnement.
Bilan des travaux dans le cadre de l’environnement :
 Au niveau de l’économie politique, les travaux ont négligé le problème de la rareté des ressources.
 Les travaux de Coase développent le modèle permettant de réguler le droit à polluer.
 A partir des années 70, apparaissent des liens antinomiques entre développement et économie.
 Tout est fait pour que globalement le système des droits à polluer soit mis en place.
 Stiglitz (« Principes d’économie moderne ») : l’Etat a été obligé de mettre en place des
réglementations actives : mesures législatives, pénalités financières, subventions.
 Le marché des droits à polluer est un modèle de fonctionnement utilisable uniquement sur le plan
local.
II – La durabilité comme tentative de réconcilier l’économique, le social et l’environnement :
Les pratiques des acteurs sur le terrain sont plus importantes à analyser que les « grandes messes
internationales » : ex : Kyoto : quand on cherche le consensus des acteurs, l’accord est tellement
minimal que plus grand chose ne fonctionne.
Sur le plan local, c’est souvent plus intéressant. Les processus de coordination mis en place montrent
qu’on n’a pas besoin d’un consensus initial.
Aujourd’hui, on fait souvent appel à la notion de représentation sociale, fondée notamment par Serge
MOSCOVICI et Jean-Claude ABRIC : dans le processus de coordination, l’important c’est d’avoir un
minimum d’éléments partagés, tout en ayant chacun son processus identitaire.
Si de multiples acteurs réfléchissent sur un projet local (ex : développement durable), il suffit qu’ils
aient une représentation imagée de ce qu’est le développement durable.
Il faut définir les éléments communs partagés : notion de noyau central (Abric) : on peut initier un
processus de coordination dans lequel il y a production ensemble d’éléments.
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Malgré l’absence d’un consensus initial, on peut entrer dans un processus pertinent d’action par
projet. Il faut se méfier de la notion de consensus.
Il est intéressant de confronter des acteurs ayant des visions différentes. Il s’agit donc de processus
de coordination et de négociation. Le développement durable, c’est quelque chose qui se construit.
Au niveau local, il y a production d’éléments communs partagés.
C’est la capacité des acteurs à se dépasser qui va être intéressante à analyser.
Logique de gouvernance : on accepte une certaine complexité et on reconnaît le statut fondamental
de l’incertitude. Les solutions ne sont jamais définies a priori. Elles sont toujours renégociables en
cours de route. Les bonnes solutions, ce sont celles qui ont été inventées.
Cf : travaux ayant remis en cause les phénomènes de sélection dans la sphère sociale, en particulier
dans l’univers des techniques.
Paul DAVID : dans l’histoire des techniques, on s’aperçoit que les choix efficaces, le standard, sont
souvent des choix sous-optimaux. Dans les choix de standard, ça devient efficace parce que ça a été
choisi.
Parmi les choix aujourd’hui dans la durabilité, on ne choisit pas a priori. Ce qui est plus important,
c’est de voir la manière dont ces choix peuvent avantager l’ensemble du système dans lequel ils
s’insèrent
Notion d’efficacité sociale : extrêmement relatif. C’est difficile à analyser en termes dynamiques. Le
résultat sera jugé efficace quand le processus de coordination entre les acteurs sera mis en place,
quel que soit le résultat.
Dans une optique de gouvernance sur un projet local, il faut mettre les gens dans une phase de
collaboration.
Ex : secteur associatif, public, privé.
L’efficacité vient de la capacité des acteurs à créer ensemble.
Notion de gouvernance : malgré l’existence de logiques différentes et l’absence de définitions
communes, de solutions, on peut arriver à des réformes importantes (cf : Crozier « Etat moderne, Etat
modeste »).
Il est nécessaire pour l’Etat de mettre en place une démocratie participative et d’avoir une attitude
interactive avec l’ensemble des citoyens.
Crozier a analysé le mouvement de décentralisation de 82-86 : l’Etat a été amené à donner une
certaine décentralisation politique. Dans les années 80-90, il a été obligé de recentraliser une grande
partie de ce qui a été décentralisé : il avait essayé de développer politiquement l’aménagement du
territoire global, qui a été abandonné suite aux crises économiques. Il s’est intéressé aux territoires en
reconversion, qui représentaient une petite partie des besoins.
Dans les années 80-90, les collectivités se sont emparées de tous les domaines d’intervention. Dans
les années 90, l’Etat a été obligé de réagir face aux abus sociaux.
En 1997, ont été critiqués l’immobilisme et l’aspect autoritaire de l’Etat.
1999 : rapport Mauroy. Il a permis notamment l’émergence de la loi Voynet.
Dans la thématique de la gouvernance locale, se sont développés des modèles spécifiques à un lieu
et à un temps.
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Crozier a montré que la connaissance partagée des problèmes est plus importante que d’avoir la
connaissance de la solution. La connaissance des problèmes place au premier plan la phase de
négociation. Il est moins important d’avoir la solution, car dans le processus de négociation, on arrive
à une adhésion.
Aujourd’hui, l’importance des processus visant à entrer dans une négociation active est reconnue. Il
s’agit d’identifier les bonnes pratiques qui pourront ensuite être utilisables ailleurs.
1 – Emergence de la notion de durabilité :
(voir revue territoires 2020 sur le site de la DATAR – n°4, 5, 6)
Elle provient de l’analyse critique de la notion de développement durable.
La notion de développement est trop souvent associée à un principe de croissance, d’un point de vue
quantitatif. Aujourd’hui, la notion de développement durable peut s’étendre à l’ensemble des sphères
d’activité : social, culturel, environnement..
C’est plutôt la notion d’évolution qualitative qu’il faut privilégier.
 Se pose donc le problème du critère.
Aujourd’hui, la notion de durabilité renvoie à la mixité et à l’inter-générationnel.
La notion de développement durable remonte à 1987 : rapport BRUNDTLAND.
Avant qu’apparaisse cette expression, cette notion a été développée à travers la notion de
l’écodéveloppement, mise en place lors de la première conférence mondiale sur l’homme et
l’environnement en 1972, à Stockholm (en Suisse).
Objectifs :
Attirer l’attention des gouvernements et de l’opinion publique sur l’importance et
l’urgence des problèmes environnementaux.
Identifier les problèmes qui nécessitent une coopération internationale et préparer
cette coopération. Identifier les efforts en cours au niveau national, régional et international.
A la veille de la conférence, une équipe de chercheurs s’est réunie et a mis en place le rapport
FOUNEX : il servira de base à la déclaration sur l’environnement adoptée à Stockholm en 72. Ces
documents spécifiaient qu’il était nécessaire mais aussi possible de concevoir et de mettre en œuvre
des stratégies de développement socio-économique équitables, respectueuses de l’environnement :
stratégies d’écodéveloppement.
La notion d’écodéveloppement repose sur trois piliers :
 Autonomie des décisions et recherche de modèles endogènes propres à chaque contexte
historique, culturel et écologique.
 Prise en charge équitable des besoins de tous les hommes et de chaque homme.
 Prudence écologique : recherche d’un développement harmonieux avec la nature.
Cette notion a été récusée par les américains.
Dans la mouvance de cette conférence, les ministères de l’environnement se sont retrouvés. Dans
certains pays, des micro-projets se sont mis en place.
Le rapport MEADOWS sur les limites de la croissance (1972) a constitué la première étape dans la
réflexion sur le développement durable, en avançant l’idée que la croissance de la population et des
niveaux de vie buterait à terme sur la rareté des ressources naturelles de base.
Rapport Brundtland de 1987 (« Notre avenir à tous ») : il définit le développement durable de manière
minimale : « un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les
capacités des générations futures à répondre aux leurs ».
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 A partir de là, le concept de développement durable va s’imposer dans le langage international
(notamment à la Banque Mondiale). Le rapport a atteint l’objectif de provoquer la discussion sur le
développement durable.
Notion de développement durable : elle fait appel à trois types de solidarités :
 Solidarité temporelle : elle fait référence à la notion de génération future.
Elle implique la solidarité inter-générationnelle. Dans cette optique, il s’agit d’une forme de
développement respectant le taux de renouvellement d’une ressource dans le cas où elle est
renouvelable, ou bien une forme de développement prévoyant un échéancier de remplacement d’une
ressource non-renouvelable. Le développement doit assurer la conservation des ressources
énergétiques et le maintien de la diversité biologique (sustainable development). La solidarité envers
nos contemporains consiste à répondre aux besoins du présent.
 Solidarité spatiale :

Internationale ; rapports nord-sud : le développement durable appelle à une modification
profonde des modes de développement du nord. Il désigne aussi la capacité du sud à se
développer. Il établit enfin une relation de l’un à l’autre telle que, pour une large part, l’ampleur
des modifications accomplies dans le nord conditionne à la fois le développement du sud et la
préservation globale de l’environnement.

Entre villes et campagnes : le développement économique aujourd’hui est un développement
métropolitain. Le modèle métropolitain provient du modèle d’aménagement du territoire de de
Gaulle. Dans la plupart des pays industrialisés, le développement se pose en termes
métropolitains.
 Solidarité au regard des inégalités sociales :
Dans les rapports nord/sud et également dans les pays industrialisés : les inégalités se creusent à
l’intérieur des territoires.
La notion de développement durable renvoie à une démarche globale, à une dimension systémique.
Elle s’oriente vers l’analyse des interactions entre les différents éléments qui composent le système
planétaire. Elle repose sur l’intégration des piliers économique, social et environnemental. C’est un
processus qui établit un cercle vertueux entre ces trois pôles : c’est un développement,
économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.
On adopte une démarche transversale et non pas sectorielle. Le développement durable impose
d’ouvrir notre horizon temporel sur le long terme (générations futures) et notre horizon spatial, en
prenant en compte le bien-être de chacun.
Avec la notion de développement durable, on assiste à une transformation complète de la sphère de
l’action publique, à travers des problèmes identifiés depuis longtemps (par Crozier, notamment).
Mais le développement durable est resté un concept connu d’un cercle trop restreint d’initiés, alors
qu’il correspond à une aspiration importante de la société : celle d’une meilleure prise en compte des
préoccupations environnementales dans la vie quotidienne comme dans les politiques publiques.
Le développement durable implique une adhésion sociale qui exige en amont information,
sensibilisation, actions de formation et débats entre tous les acteurs concernés. Le développement
durable doit se traduire par des actions concrètes. Il requiert la mise en place d’institutions
intersectorielles et participatives et de mécanismes permettant d’associer pouvoirs publics, société
civile et secteur privé à l’élaboration et la mise en œuvre de desseins partagés.
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La stratégie de développement durable est une vision traduite en programme d’actions et un
processus de mobilisation dans une démarche cyclique d’amélioration continue.
2
– Passage de grandes organisations internationales à des actions locales :
En juin 1992, les Nations-Unies ont organisé à Rio de Janeiro la première conférence mondiale sur
l’environnement et le développement.
Cela a donné lieu à deux textes principaux : la Déclaration sur l’environnement et le développement ;
l’agenda 21, programme d’action pour le 21ème siècle (plan global d’action à mettre en œuvre dans
tous les domaines où l’activité humaine affecte l’environnement).
Déclaration sur l’environnement et le développement :
Quatre principes :
Principe de solidarité.
Principe de précaution.
Principe de pollueur-payeur.
Principe de participation.
Déclaration : « La meilleure façon de traiter les questions de l’environnement est d’assurer la
participation de tous les citoyens concernés au niveau qui convient. Au niveau national, chaque
individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les
autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses
dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de décision.
Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les
informations à la disposition de celui-ci ».
Cette thématique a été pendant longtemps cachée.
Dans une vision traditionnelle, l’action publique présente plusieurs problèmes :
Elle est gérée sur du court terme.
Le pilotage se fait par le haut et il n’y a pas de participation des citoyens.
La démarche est fonctionnalisée : la notion de projet, qui est beaucoup plus transversale,
n'apparaît pas.
Selon Crozier, ces trois problèmes ont crée une société bloquée. Pour lui, la France était malade
(analyse datant des années 70) de ses hauts fonctionnaires. Dans son livre « Etat moderne, Etat
modeste », il prône un Etat à l’écoute des citoyens.
Si on est dans des logiques interactives, les « réseaux » traditionnels (technocratiques) sont remis en
cause. Il faut donc une forme nouvelle de démocratie participative. La société, dans son
fonctionnement entier, a besoin de cette transformation.
La notion d’environnement n’est qu’un aspect parmi d’autres (sont aussi importants le social et le
culturel). Les transformations de l’action publique répondaient à des logiques connues depuis
longtemps (Crozier : à la fin des années 60 et dans les années 80).
Le principe de participation dans le domaine environnemental, répond à une logique beaucoup plus
importante, dans le cadre du management public : il s’agit d’introduire des acteurs qui ne sont pas
uniquement des acteurs publics.
Agenda 21 : il introduit un programme d’action sous l’angle du développement durable. C’est une
déclaration d’intention qui va être qualifiée de « loi molle » (c’est plus un symbole qu’autre chose). Cet
agenda fait le passage avec l’intervention des collectivités locales. Il est important pour comprendre
qu’à un moment donné, il va y avoir un découplage entre les « grandes messes » internationales et ce
qui est organisé sur le plan local.
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A partir de l’agenda 21, on passe de la sphère de l’international, qui est la sphère du noncontraignant, à la sphère locale. L’agenda 21 articule ces deux sphères : c’est là que réside son
intérêt. Les états signataires se sont engagés à ce que leurs collectivités locales adoptent un agenda
21 local.
La réussite du développement durable à l’échelon mondial passe par des actions concrètes au niveau
des échelons inférieurs, de type collectivité locale, groupements d’intérêt, et même jusqu’à l’individu
lui-même.
En ce qui concerne le fonctionnement des territoires, notamment en France, on a l’émergence du
territoire qui court-circuite un grand nombre d’interventions au niveau national.
A partir des lois de décentralisation de 82 et 85, on passe d’une planification nationale à une
planification régionale (avec les premiers contrats de plan Etat-Région de 1984). Le terme
« contractualisation » laisse entendre qu’il y a d’autres acteurs (ex : le Département).
Petit à petit, se mettent en place de nouveaux territoires : la loi Pasqua de 1995 crée de manière
institutionnelle la notion de Pays. D’autres formes de contrats vont apparaître, comme les contrats
d’agglomération.
Problèmes :
Des enchevêtrements apparaissent.
Il n’y a pas de réforme de la fiscalité.
Des affaires sont mis à jour : abus de biens sociaux.
Le préfet fait preuve d’autoritarisme dans la négociation de la troisième génération
des contrats de plan : le préfet définit lui-même les objectifs.
Au milieu des années 90, l’Etat reprend la main.
En 1997, la gauche revient au pouvoir. Le gouvernement se fait apostropher par le parlement au sujet
de l’autoritarisme.
A partir de 1997, une commission (présidée par Mauroy) se met en place : le rapport Mauroy (fin
1999-2000) inaugure les lois Voynet (LOADDT : loi d’orientation et d’aménagement sur le
développement durable et les territoires – 1999), Chevènement et SRU (Gayssot).
La loi Voynet introduit la notion de développement durable à travers les notions de pays et
d’agglomération. Le pays n’est pas une collectivité territoriale. C’est un territoire, avec une logique
ascendante : le projet émerge du local. A partir du projet de territoire, on définit une charte de
territoire. Dans le fonctionnement concret du Pays, un conseil de développement se met en place. Ce
n’est pas un territoire administratif.
Problème : pas de fiscalité adaptée (la fiscalité est gérée par des EPCI, villes et départements).
La loi Voynet, au sujet de la quatrième génération de plans Etat-régions, introduit un volet territorial et
un volet intra-territorial. Le mode de financement des pays se fait par le contrat de plans Etat-régions.
Importance de la loi Voynet : elle introduit les notions de durabilité et de démocratie participative.
La notion d’agglomération est aussi concernée par la loi Voynet : la notion de développement durable
est importante à ce niveau.
Le durable ne se fait aujourd’hui que dans les politiques de la ville. Le véritable enjeu de la loi Voynet
est la notion d’agglomération.
La loi Chevènement est moins générale : elle met en place des processus de simplification (il n’y a
plus que trois types d’organes : communauté de communes, communauté d’agglomération et
communauté urbaine), d’harmonisation et d’incitation.
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La loi SRU relative à la politique de la ville articule trois domaines : urbain, social et transport. Sa
réflexion se situe d’entrée de jeu au niveau de l’agglomération. Les PLU et les SCOT sont définis dans
le cadre de l’agglomération et pas par rapport à la commune.
 Le fonctionnement des territoires en France répond majoritairement au fonctionnement des
métropoles (La notion de métropoles d’équilibre remonte à de Gaulle).
La notion de développement durable aujourd’hui n’a de sens pratiquement que par rapport à cette
notion de métropole.
L’action publique et sa traduction se fait au niveau des agglomérations.
Cf : François ASHER : logiques de développement des métropoles (ex : axe Paris-Marseille : tout le
reste est négligé).
La décentralisation ne peut se comprendre aujourd’hui sans référence aux métropoles. Les
transformations de l’action publiques se font au regard de tendances lourdes (dont la notion de
métropole fait partie, ainsi que les nouvelles formes d’expression de la société).
Le rapport Mauroy fonde l’acte II de la décentralisation. Il y a convergence par rapport aux trois
problèmes identifiés : on met du long terme à la place du court terme : on n’est plus dans la
planification mais dans la prospective.
La prospective s’oppose à la notion de prévision (dans la prévision, le futur prolonge les tendances du
passé).
Avec la prospective, on relativise sur le long terme : on envisage que le futur peut être différent. Cette
potentialité est importante : il y a une infinité de futurs possibles. On casse l’outil probabiliste.
 On fait des scénarios et on change d’optique : ce n’est plus une optique de contrôle.
L’objectif est d’anticiper ce que pourrait être le futur pour éviter de se trouver contraint par ce futur.
Ex : innovation sociale : les mouvements contestataires comme ATTAC ont des principes de diffusion
de type épidémiologique. Le rôle de l’Etat est de repérer les signaux latents, de comprendre comment
ils fonctionnent, éventuellement, de servir de relais. Dans le cadre d’une expansion, l’Etat doit faire en
sorte de ne pas agir dans le sens où on ne voudrait pas aller.
Objectif : intégrer de nouvelles données.
 Transformer l’action publique pour être à l’écoute de ces tendances. Ne pas se trouver en porte à
faux et éviter la logique de rupture.
 Il faut donc inventer de nouveaux modes de concertation, car il n’existe pas de modes adaptés à la
situation particulière.
 Il faut organiser une démocratie participative pour arriver à faire de la prospective territoriale.
Résolution des trois problèmes :
On a réintroduit le temps long, la prospective.
On a substitué le projet, qui est transversal, au pilotage par le
haut.
La notion de gouvernance a été mise en place, la première fois, au niveau urbain.
Les premières politiques de la ville mises en place ont eu des thématiques sociales (pour répondre à
l’explosion sociale des banlieues).
Au départ, on a sectorisé l’action : phase expérimentale.
Depuis 1990, toutes les politiques de la ville cherchent à remettre
transversales : il s’agit d’harmoniser au niveau des villes.
des logiques beaucoup plus
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Toute la politique de la ville consiste à éviter de continuer à agir dans le sectoriel.
Le volet social, le transport, l’espace naturel : tout est lié.
L’ensemble des politiques de la ville nous ont montré que les politiques sectorielles ne fonctionnent
pas. On a réintroduit la notion de projet.
On essaie d’élaborer des méthodes globales en terme d’aménagement. Systématiquement, ça doit
toucher l’ensemble des thématiques : social, économique, culturel, environnemental : tout est lié.
Trois thèmes essentiels :
Long terme.
Démocratie participative.
Notion de projet.
La notion de projet a été mise en place pour répondre à une démarche globale (à ne pas confondre
avec réponse globale).
III – Durabilité et territoire :
1 – Enjeux des politiques urbaines de durabilité :
Les « Pays » se développent autour des agglomérations. La loi Voynet cherche à organiser un rapport
entre le rural et l’urbain. Les Pays qui se développent sont des Pays où ce rapport est particulier :
grandes métropoles, petites communes autour…et rural. On se situe dans des projets de
désenclavement.
La notion de Pays a introduit des éléments de démocratie de proximité (chartes, conseils de
développement). Mais le citoyen en tant que tel n’est pas représenté. On a plutôt développé des
corporatismes (associations structurées, chambres consulaires…). Les entreprises privées n’ont pas
été associées non plus au processus.
Les seuls territoires où on peut connecter les trois sphères et où on peut introduire la démocratie de
proximité (et donc la notion de durabilité) sont les agglomérations. Les agglomérations (au sens SRU,
et pas au sens de la loi Chevènement qui n’introduit aucune démocratie de proximité. Son objet est de
simplifier les structures) sont le lieu où peuvent être mis en place des projets de durabilité : l’usager
est réintroduit. La loi SRU a mis en place des procédures visant à promouvoir la concertation. A partir
de la loi SRU, la notion d’agglomération prend du sens dans son fonctionnement. La loi SRU fait
systématiquement référence à la notion d’agglomération.
La loi SRU (décembre 2000) articule trois volets :
Renouvellement des documents d’urbanisme.
Volet social, à travers le logement.
Volet transport.
Ces trois thématiques ont été développées en fonction de trois principes :
Exigence de solidarité des territoires urbains, peri-urbains et ruraux d’un même bassin de vie,
d’habitat et d’emploi.
Développement durable respectueux de l’environnement et de la qualité de vie.
Transparence démocratique.
Transversalité : associer économique, social, environnement.
20
Volet urbanisme : réforme des documents d’urbanisme : SCOT (schémas de cohérence territoriale),
PLU (Plan local d’urbanisme) et cartes communales.
Le SCOT remplace le schéma directeur, document de planification qui fixait les grandes lignes
d’aménagement du territoire pour une période assez longue (20 ans). On recherchait les grands
équilibres territoriaux à travers un zonage permettant de placer les activités industrielles,
commerciales, les habitations et les zones rurales. On localisait les grands projets d’infrastructure. On
faisait référence à l’impact des pollutions et des nuisances, et on prenait en compte les risques
naturels et technologiques. Les schémas directeurs étaient établis à l’initiative des communes, sans
démocratie de proximité. Ils étaient uniquement ciblés sur la destination générale des sols. Cela se
traduisait par des incohérences. Cette notion va être abandonnée pour développer un document qui
va exprimer un projet d’aménagement et de développement durable : le SCOT.
Le SCOT fixe des objectifs d’aménagement et d’urbanisme en prenant en compte toutes sortes de
politiques : politiques de l’habitat, infrastructures, déplacements, implantations commerciales,
protection de l’environnement. A travers ce document particulier va être organisée une stratégie, en
connectant ces différents secteurs.
Le SCOT va rendre compatibles les documents correspondant à chacune de ces thématiques :
programmes locaux de l’habitat (PLH), plans de déplacement urbain (PDU), schémas de
développement commercial (SDC) et les plans locaux d’urbanisme (PLU).
 A partir du SCOT, on a des politiques transversales, qui connectent l’ensemble de ces
thématiques.
Le SCOT joue le même rôle que la charte au niveau des pays.
Le SCOT est soumis à enquête publique avant d’être approuvé  des éléments de démocratie
participative.
Le SCOT articule l’économique (avec les SDC), l’environnement (avec les PDU) et le social (avec
l’habitat, et notamment les PLH).
En créant les SCOT, la loi SRU a rendu obligatoire, lors de la phase d’élaboration, un débat sur les
orientations d’aménagement. Ce débat vise à recueillir les avis et réflexions de chacun sur l’avenir du
territoire.
Le PLU, qui succède au POS (qui était un document d’urbanisme élaboré à l’initiative de la
commune et sous sa responsabilité), représente le projet urbain de la commune en matière
d’aménagement, de traitement de l’espace public, de paysage et d’environnement.
Le POS se composait d’un rapport de présentation, de documents graphiques qui localisaient les
zones urbaines, les zones naturelles…et d’un règlement qui fixait le droit applicable à chacune des
zones.
Ce qui est nouveau, c’est que le PLU doit être forcément compatible avec les documents de
planification au niveau intercommunal : SCOT, PLH, PDU. Interconnexion entre des logiques
sectorielles.
Délimitation des zones entre zones urbaines, zones à urbaniser, zones agricoles, zones naturelles et
forestières.
Sur les petites communes, au lieu d’avoir un PLU, on met en place une carte communale qui vise à
délimiter les secteurs d’autorisation ou d’interdiction de construction, ainsi que les secteurs où les
adaptations et extensions de construction existantes peuvent et ne peuvent pas être permises.
Apports de la loi SRU :
La loi SRU n’est pas une politique de la ville classique (les politiques de la ville ont commencé en
1970 et se sont développées en 80 avec des politiques sectorielles dans les quartiers. Dans les
21
années 90, on a continué à sectoriser). Le rapport Sueur de 1998 a donné une nouvelle ambition aux
politiques de la ville (ce qui constitue une ébauche de la loi SRU) : mettre en place la transversalité.
L’ambition va être de l’étendre à l’échelle de l’agglomération dans son entier.
De 1977 à 1998, on va assister au passage de politiques de la ville sectorisées à des politiques qui
connectent l’ensemble des problématiques, plus seulement au niveau des quartiers, mais au niveau
des agglomérations.
La loi SRU est une loi ambitieuse en terme de mixité sociale et de développement durable. Elle
organise la transversalité.
2 – Etude de cas : la prospective territoriale sur la réflexion du temps des villes.
La politique des temps vise à mieux conjuguer les différents rythmes, les temps individuels et les
temps sociaux, à repenser l’articulation entre le social et le spatial, avec les conséquences sur le plan
des transports, d’ouverture des services et d’aménagement urbain (service public, offre culturelle,
ludique).
 Une réflexion globale.
La réflexion sur le temps provient d’une prise de conscience d’une désynchronisation des temps dans
la ville. Le modèle qui avait été mis en place depuis 1936 était centré sur le temps de travail. Les
rythmes étaient synchronisés. Les premiers éléments de désynchronisation des temps sont venus de
la transformation du travail. La durée du travail s’est considérablement réduite. Par ailleurs, nos
sociétés sont devenues des sociétés de service. Le temps du tertiaire est beaucoup plus souple que
le temps industriel.
La désynchronisation du temps aujourd’hui amène à rechercher un positionnement sur un grand
nombre de thématiques.
Phénomènes qui concourent à la désynchronisation du temps :
Dans la désynchronisation des temps, l’emploi féminin a été particulièrement touché par les
temps partiels et par la précarité de l’emploi. Contrairement aux pays du nord, les conséquences sur
la société de l’entrée des femmes sur le marché du travail n’ont été en France ni appréhendées, ni
débattues, ni accompagnées. Les entreprises n’ont pas revu l’organisation du travail. Même si
aujourd’hui les pères s’impliquent plus dans les activités familiales, les hommes n’ont pas pris
beaucoup plus part aux activités domestiques.
Les politiques publiques ne sont pas adaptées, notamment pour les enfants.
NTIC, portables : le partage entre vie privée et vie publique s’estompe.
Amélioration des transports.
Les thématiques essentielles en ce qui concerne la désynchronisation du temps sont ; le travail et
« l’inactivité » ; les NTIC ; les transports ; l’individualisation du temps.
 Politiques publiques : resocialiser les individus.
En 1997, à l’initiative de l’Ecole Française d’Excellence Territoriale (EFET), 5 villes ont fondé un
réseau pour conduire un programme « Temps des villes » dans leur territoire respectif : il s’agit de
Charleville-Mézières, Lilles, Poitiers, Saint-Denis, Strasbourg.
Les problèmes ont été abordés chantier par chantier, de manière à favoriser une prise de conscience
partagée des évolutions des rythmes urbains (dans des forums, notamment).
Jusqu’en 1999, seules Saint-Denis et Poitiers ont continué à travailler sur le « Temps des villes »,
puis, sous l’impulsion de la DATAR, l’influence s’est étendue au territoire de Belfort et au Conseil
22
Général de la Gironde. Ce programme d’expérimentation s’est mis en place à travers la prospective
territoriale initiée en 2000-2002 par la DATAR.
Objectif : réfléchir et mettre en place des actions territoriales.
Cas de Belfort : une « Maison des temps et de la mobilité » a été mise en place. La politique de
mobilité s’est étendue au niveau de la région Nord Franche-Comté.
Un des problèmes posés était le travail de nuit des femmes, notamment à travers le partage des
tâches dans les couples et celui des équipements collectifs.
Deuxième problème : déplacement des salariés aux horaires décalés.
Troisième problème : desserte de l’aéroport et de la gare TGV.
Quatrième problème : inégalité d’accès aux loisirs des enfants.
Cinquième problème : mobilité des étudiants entre les universités situées à Belfort et à l’extérieur de
Belfort.
Sixième problème : organisation des transports scolaires.
Suite cette réflexion et à la concertation de la population, la « Maison des temps » s’est mise en place.
Travail autour de trois axes :
Etape d’observation : des déplacements, des horaires d’ouverture des différents services….et
identification éventuelle de chantiers ou projets.
Mise en place d’une sensibilisation aux enjeux et organisation de la négociation des différents
partenaires sur des projets identifiés (ex : caler les horaires des bus sur la fermeture des université ;
ouverture des commerces entre 12h et 14h).
Mise en place d’expérimentation de solutions innovantes. Ex : développement du transport à
la demande pour favoriser la mobilité des personnes, notamment des personnes âgées en zone rural.
Belfort a également mis en place un système permettant de collecter en direct les informations sur les
déplacements urbains.
Toutes ces démarches ont entraîné des actions grâce auxquelles on a modifié la perspective de
concertation et la participation de la population rurale.
Ce n’est plus de la planification urbaine mais de la prospective appliquée au territoire : mise en œuvre
de projets temporels coproduits par tous les acteurs. Cela modifie la temporalité de l’action publique,
car les procédures de concertation prennent du temps ( politiques publiques axées sur le long
terme).
De plus, au niveau des politiques publiques, la participation de proximité des habitants ne permet plus
de préjuger des résultats et des solutions à mettre en place.
Ces approches ont permis de se familiariser avec une approche différente en matière de démocratie.
Aujourd’hui, la prospective territoriale est un enjeu majeur.
Dans les politiques mises en place au niveau du territoire, les échelles de temps sont allongées.
 Des politiques qui s’insèrent dans la durabilité : temps économiques, sociaux, logiques culturelles
et ludiques (accès aux services publics). A travers ces politiques du temps, on agit donc dansd les
domaines économique, social et culturel : on est au cœur de la durabilité et de la connexion des trois
sphères.
23
Conclusion :
A partir de la désynchronisation de la sphère économique, on a eu une rupture entre ces différentes
sphères, qui ont amené des incohérences. Les grands mouvements internationaux n’ont abouti qu’à
des consensus mous.
 On a réorienté l’action sur les territoires locaux : l’agglomération (dans le sens de la loi SRU) offre
une possibilité d’action sur les trois sphères.
Les expérimentations faites à travers différents territoires n’ont pu réussir que car elles ont su
s’appuyer sur des politiques de la ville transversales.
La transversalité des politiques de la ville a permis d’asseoir des politiques de durabilité.
Notions essentielles concernant les politiques de durabilité au niveau des villes :
Depuis les années 90, les actions politiques se sont transformées à partir de trois axes :
Au niveau politique, le court terme est remplacé par le long terme.
Dans le rapport à l’usager : l’usager revient au centre (démocratie de proximité).
La notion de projet se substitue à la dimension sectorielle de l’action publique. On développe
la transparence.
Cela se passe dans toutes les politiques publiques mises en place.
Notion de durabilité : les trois sphères (économique, social, environnement) se croisent.  les
politiques locales doivent les intégrer.
Les grands mouvements internationaux ont amorcé le mouvement, mais sans action concrète.
La durabilité est donc une action opérationnelle au niveau des villes.
Ce qui ressort de la décentralisation (à travers l’acte II de la Décentralisation), c’est surtout la notion
d’agglomération (telle que mise en place par la loi SRU).
La notion de Pays est aujourd’hui remise en cause car on est dans une situation de concurrence entre
les Départements et les Pays
24
ANNEXE 1
La prospective appliquée aux territoires : enjeux et débats
Refs :
Pouvoirs locaux n°49 11/2001-Futuribles
Observatoire international de prospective régionale
La notion de projet de territoire renvoie à deux idées : celle de la recherche d’une finalité (objectif
partagé), et celle des moyens et des processus (cheminement). La stratégie est à l’articulation de ces
deux éléments : la recherche d’une finalité et des conditions pour parvenir à ses fins.
On considère de plus en plus que la prospective ne s’applique pas uniquement à la question des
finalités, mais aussi à la question des modalités : il y a toujours plusieurs chemins pour parvenir à une
fin donnée, et le choix entre les chemins du possible implique une activité particulière. D’où
l’importance de la prise en considération des modalités opérationnelles dans les projets de territoire,
ce qui pose la question du comment-faire.
Enjeux : la question de la prospective appliquée aux territoires est avivée par le contexte de très
grande ouverture dans lequel les territoires évoluent : le contexte de la mondialisation peut tout à la
fois « porter » un territoire, en valoriser les atouts, mais aussi provoquer des effets de marginalisation
ou d’obsolescence.
Objectifs : l’objectif est de mettre à jour de nouvelles « marges de manœuvre », de rechercher des
idées nouvelles, et surtout, de remobiliser la société civile sur ses attentes et son devenir.
Il s’agit de construire l’avenir, et donc, d’anticiper pour agir.
La démarche prospective implique donc d’essayer de se doter d’une représentation collective de la
réalité, d’identifier quelles sont les tendances plus ou moins lourdes ou émergentes que recèle la
situation présente. Elle explore les futurs possibles à l’aide de scénarios. Il s’agit donc de construire
un cheminement. Essayer de se représenter le spectre des futurs possibles pour un territoire donné.
Problèmes :
 Multiplication d’acteurs plus ou moins identifiés, disposant de pouvoirs inégaux, opérant à des
niveaux géographiques différents et poursuivant leurs propres stratégies.
 Tensions entre les logiques de la réflexion et les logiques de l’action : la prospective, qui vise à
intégrer les temps longs des devenirs en gestation pour penser les temps courts de la prise de
décision, est tiraillée entre deux univers non reliés a priori : celui de la réflexion et celui de l’action.
 Cela pose la question des liens complexes entre le savoir et le pouvoir : le savoir a besoin du
pouvoir pour déboucher sur la transformation du réel, et le pouvoir a besoin du savoir dans un univers
de complexité croissante, pour fonder l’action et se donner une légitimité et une reconnaissance.
 Question de la saisie des phénomènes en émergence, de leur poids relatif et de leur pondération
dans l’alchimie complexe du « cours des choses ».
 Un territoire n’est pas un marché, et un conseil régional n’est pas une entreprise : la situation est
complexe : la légitimité d’une collectivité territoriale est difficile à cerner par rapport aux attentes
multiples et contradictoires des citoyens.
 Temporalité : les territoires, du point de vue de leur structure, sont des objets à temps long : une
armature urbaine, une culture, un parler, un système productif, un cadre institutionnel, l’implantation
de grands équipements… obéissent à des logiques dont les clés de compréhension se lisent en
général dans la longue, voire la très longue durée. Mais simultanément, les territoires s’affrontent à
25
des phénomènes, à des vagues, à des impulsions dont les rythmes sont souvent extrêmement courts,
et la plupart du temps, sans effet d’influence externe.
 L’équilibre dans ce domaine est l’exception. la règle, c’est le déséquilibre, les risques de rupture,
l’absence d’autorégulation.
 Liens entre une prospective normative et une prospective des processus : attention à ne pas
produire, sous couvert de méthodologie, un discours normatif de forme.
Conditions de bonnes études de prospective :
 La prospective doit viser la globalité dans la connaissance de l’objet étudié, la mise en évidence de
toutes ses dimensions, et établir les liens qui permettent d’articuler et de relier les différents champs
les uns avec les autres.
 Elle doit s’appuyer sur un minimum de support méthodologique et accumuler des connaissances
sur la durée, parfois une dizaine d’années, à travers plusieurs études de prospective : elle ne doit pas
se limiter à faire des études au coup par coup.
 Il est nécessaire de mobiliser des moyens humains, financiers, organisationnels relativement
importants. Les moyens doivent être organisés selon une chaîne logique, avec des instances de
pilotage, des instances de réalisation, des instances de diffusion relativement structurées, et
clairement finalisées dans un calendrier précis : ce sont de véritables « chantiers ».
 Pour mobiliser une ressource humaine importante, pluridisciplinaire, l’objectif commun doit être
clairement affiché.
 Les travaux doivent mettre en évidence les facteurs émergents, les jeux d’acteurs, les dynamiques
de l’objet étudié, la complexité de la réalité, les influences extérieures sur l’objet, l’entrecroisement
entre les différentes temporalités qui affectent les territoires.
 Il doit exister des relais entre le domaine des études et le domaine institutionnel. Il doit exister des
forces extérieures comme acteurs de réalisation des études. Il faut diffuser largement la culture de
prospective, bien au delà d’une institution donnée.
 La présence des acteurs concernés est indispensable au processus de passage du champ de
réflexion au champ de l'action.
 Lien entre prospective et évaluation : la prospective s’inscrit en général dans un processus continu
d’élaboration de nouvelles politiques publiques par rapport à des politiques déjà en cours de mise en
œuvre, dont l’analyse permet de guider les décideurs en vue de leur inflexion, amélioration,
transformation.
 C’est un outil de pilotage de l’action collective en milieu incertain, complexe, en permanente
relecture et adaptation.
Trois questions clefs :
 Qui sont les acteurs ? Sont-ils portés à l’alliance autour d’une vision partagée du futur ou
épuisés par des conflits locaux permanents ?
 Quelles sont leurs marges de manœuvre respective ?
 Rôle de la prospective : au travers de l’anticipation : assurer aux acteurs une liberté de manœuvre
qu’ils n’auraient point s’ils attendaient d’être acculés à agir sous l’emprise des événements. Au travers
des scénarios exploratoires, apporter la démonstration que les acteurs disposent effectivement de
26
certains pouvoirs, à commencer par celui d'éviter des déroulements inopportuns, et que ces pouvoirs
seront d'autant plus grands qu'ils sauront construire des coalitions autour de projets.
 Quelle est la stratégie qui peut effectivement être adoptée par ces acteurs pour rendre le
souhaitable possible ?
Plus la démarche prospective est participative, plus les habitants seront prêts à s’approprier un
objectif commun et donc à se mobiliser au profit de sa réalisation.
 la démarche prospective exige un apprentissage des fonctions citoyennes et de la fonction
politique.
27
ANNEXE 2
Intercommunalité et stratégies de pouvoir
Ref :
DATAR-Territoires 2020
Décembre 2001 n°4
Les lois Voynet (aménagement du territoire), Chevènement (coopération intercommunale) et Gayssot
(solidarité et renouvellement urbain) présentent de forts traits communs : primauté du projet de
territoire, périmètres de planification élargie et intercommunalité au service de la cohésion sociale et
de la cohérence territoriale. Mais l’initiative revenant aux collectivités locales dans le contexte de la
décentralisation, se posent inévitablement des questions relatives aux stratégies de pouvoir et au
contenu des projets de développement durable.
Enjeux : penser ensemble la ville et la campagne, l’urbanisme et les déplacements, l’urbanisation et
l’environnement, les transports publics et les routes. L’une des grandes ambitions politiques commune
aux trois lois est constituée par la mixité sociale.
Quatre grands traits des lois :
 Entrée officielle du développement durable en politique dans le verbe et dans les outils
opérationnels de la planification le SCOT "« présente le projet d’aménagement et de développement
durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d’urbanisme. »
 Primauté de la notion de projet, dont la conception et la mise en œuvre reviennent aux
collectivités locales.
 Place centrale et structurante faite aux agglomérations.
 Elargissement des périmètres géographiques de la planification pour les collectivités
locales. Leurs horizons sont élargis et leurs projets sont désectorisés. La notion de « périmètres de
projet » transcende la coupure entre les territoires urbains et les territoires ruraux.
Deux principes directeurs :
 Dans la forme, il s’agit de la consolidation de la décentralisation, car les collectivités locales
sont les initiatrices des projets d’aménagement et de développement, inscrits dans des territoires dont
elles définissent ensemble les contours. Mais il s’agit d’une décentralisation de projet.
 Dans le fond, c’est une grande priorité qui s’exprime : la cohésion sociale et territoriale,
rendue cohérente par des politiques de ville au sens large (les agglomérations et leur aire d’influence
et de solidarité).
Questions posées :
Questions relatives au contenu des projets, à l’articulation entre les outils de planification et
leur périmètre d’application, aux stratégies des collectivités impliquées.
Position de l’Etat lui-même.
La vision de l’Etat dépasse largement les questions de méthode et s’inscrit dans une perspective de
temps long. Les finalités sociales, environnementales et territoriales sont intimement mêlées. Les
enjeux en sont politiquement forts : maintien ou restauration de la cohésion sociale, solidarité
territoriale, préservation et valorisation de l’environnement.
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 Rôle de l’Etat : vérifier, par la négociation lors de l’élaboration des projets et lors de la phase de
contractualisation des projets intercommunaux, que les orientations de contenu, et non seulement de
forme, sont compatibles avec les finalités affichées par les lois : développement durable, cohésion
sociale, solidarité territoriale. L’Etat devra donc se donner les moyens d’évaluer la teneur en
développement durable présentés par les communautés.
Clivage entre l’urbain et le rural : cette coupure demeure encore une véritable ligne de front politique
et culturelle entre logique d’agglomération et logique de campagne, menant la communauté
d’agglomération et le département à jouer plus ou moins explicitement bloc contre bloc. Dans ce
contexte, l’irrésistible montée en puissance de la région donne au clivage urbain-rural un relief
nouveau. Mais les communautés de communes rurales expriment encore souvent la réalité culturelle
de campagnes que fédère non la région, mais bien plutôt le département.
 La tentation du repli sur de petits territoires, tout aussi vécus à leur échelle et à leur rythme que les
grands territoires, n’est donc pas à exclure, conduisant à la fédération des « logiques de proximité »
contre les niveaux porteurs de la métropolisation et de l’Europe. L’un des enjeux pour l’Etat réside
donc dans la cohérence des projets conçus à des échelles différentes et appuyés sur des conceptions
différentes du « vécu » qui justifie la notion de territoire.
Les trois lois de décentralisation pourraient donc aboutir au renforcement du rôle de l’Etat, notamment
au travers de la notion de politique foncière, absente des lois.
29
ANNEXE 3
Le temps des villes
Ref :
DATAR -Territoires 2020.
« Le temps des villes : pour une concordance des temps dans la cité »-CES –Rapport BAILLY mars 2002.
Rapport Hervé sur « les temps de la ville »juin 2001
Actuellement, les rythmes de notre vie quotidienne sont désynchronisés.
Avantage : volonté et possibilité croissantes d’autonomie des personnes.
Risque : dilution du lien social.
Enjeux :
Améliorer la qualité de la vie des citoyens : qualité de la vie pour tous.
Renouveler les formes de la démocratie participative.
 Concilier le développement économique et la cohésion sociale.
« Temps des villes » : faciliter la vie quotidienne des citoyens, concilier « la ville qui travaille, la ville
qui dort et la ville qui s’amuse » (Luc Gwiazdzinski).
 Concilier la vie au travail et la vie hors travail.
Enjeu majeur : les nouveaux modes d’urbanisation  une action publique plus lisible qui privilégie le
long terme.
Attentes des usagers : mobilité, accessibilité, services publics et modes de garde des enfants.
Le « temps des villes » touche tous les secteurs de la société. C’est donc une politique transversale
(emploi, culture, jeunesse et sport, transports, santé, éducation nationale…).
En Italie, ce sont les mouvements féministes qui ont fait bouger les choses.
En France : la RATP s’intéresse depuis longtemps à la question des rythmes urbains et aux
adaptations des systèmes de transport.
Depuis le début de l’année 2000, la DATAR a commencé un travail de prospective sur l’articulation
des temps et des territoires.
DATAR : notion de « territoire de projet » : la question territoriale est un enjeu majeur. Les raisons
sont multiples : nouvelles aspirations des français, nécessaire internationalisation des économies
régionales, rôle de la France dans la construction européenne, impératifs du développement durable.
 De nouvelles orientations pour la politique d’aménagement et de développement du territoire.
Rapport BAILLY (synthèse du plan) :
Chapitre 1 : diagnostic : un mouvement global de la société :
I – Les évolutions des rythmes dans la vie des personnes :
A – La vie personnelle et familiale.
B – La transformation du travail dans les sociétés des services.
C – De nouveaux usages du temps libre.
D – Les NTIC.
E – La désynchronisation des temps de la vie.
F – De nouvelles régulations.
30
II – L’évolution des rythmes des territoires :
A – La recomposition des territoires.
B – De nouveaux rythmes adaptés à la mixité temporelle et urbaine.
III – Les démarches déjà engagées en Europe et en France :
A – Les politiques du temps : un mouvement européen : En Italie : sous l’impulsion des femmes. Aux
Pays-Bas : l’institution au cœur des politiques temporelles. En Allemagne : modernisation des services
publics et aménagement urbain.
B – Une lente maturation intellectuelle et politique en France : le temps est une question de recherche
et de prospective féconde. C’est aussi un thème syndical et politique. Le temps des villes est une
dynamique locale et nationale.
Enseignement des démarches mises en œuvre (ex : Saint-Denis, Poitiers, Belfort, Gironde) : une
conception globale des problématiques, axée sur la démocratie locale participative.
 Un renouvellement méthodologique est nécessaire pour stimuler l’intelligence collective et
développer un exercice actif de la citoyenneté.
IV – Les principaux défis à relever :
A – Un développement économique producteur de cohésion sociale : le temps est un nouveau défi
économique.
B- un développement des services dans une ville accessible.
C – la perspective d’un progrès partagé par tous  Prendre en considération le temps pluriel des
personnes et des familles.
Chapitre 2 : Propositions :
I – Conjuguer dialogue « sociétal » et dialogue social :
A – Construire ensemble l’offre et la demande.
B – Mettre en place un dialogue sociétal : encourager les « bureaux du temps » et élargir les
dispositifs. Partager le diagnostic local et mettre en place un processus continu d’échanges et
d’évaluations.
C – Privilégier un dialogue social local appuyé sur des cadres nationaux conventionnels ou « d’ordre
public ».
II – Articuler développement économique et cohésion sociale :
A – Favoriser des dynamiques d’innovation sociale : établir des bilans sociétaux. Conduire des
réflexions prospectives par grands secteurs d’activité.
B – Articuler les temps des personnes et des familles : concilier les temps au niveau des familles.
Considérer le temps de l’enfance dans sa globalité. Faciliter les activités des jeunes. Renforcer l’accès
des plus démunis aux services publics. Encourager les solidarités intergénérationnelles.
III – Concilier les rythmes de vie des personnes avec les équipements et les services des territoires
urbains :
A – Intégrer les dimensions temporelles dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme.
B – Conduire un effort d’innovation dans les équipements et les services : structurer une gamme
d’équipements complémentaires. Elargir et hiérarchiser les gammes de services.
C- Un processus d’échanges et d’évaluation continu au niveau français, européen et international :
rôle du CES, des conseils de développement, de l’Europe et des réseaux internationaux des villes.
31
Rapport HERVE :
« La ville est une invention en mouvement ».
Constat : les mutations de temps de travail et donc, de l’économie, libèrent un temps hors travail
important, sans pour autant que la vie des personnes en soit facilitée automatiquement. Avec la
flexibilité et l’individualisation du travail, nous sommes en face d’une désynchronisation effective
lourde de conséquences.
Mutation du travail : le travail a tendance à devenir plus dense, exigeant plus de polyvalence  Il est
impossible de s’intéresser au temps de travail sans s’intéresser à ce que contient ce temps.
Le temps des femmes : « Elles sont désormais durablement installées dans le travail et plus
diplômées que les hommes, et pourtant, les inégalités entre hommes et femmes au travail restent
considérables » (Dominique MEDA « le temps des femmes » - Flammarion-2001).
On constate une sur-représentation des femmes dans le chômage, dans les formes particulières
d’emploi (CDD, interim, stages), une moindre réussite hiérarchique, une infériorité salariale.
Mutations des comportements : chacun cherche à être acteur de sa propre vie et vivre à son propre
rythme. Ce mouvement vers la liberté n’est pas contraire au vouloir « vivre ensemble » : la vie
associative, coopérative, demeure active. L’économie sociale, l’économie solidaire, la demande de
services publics conservent leur intensité. Par ailleurs, nos appartenances territoriales ne sont plus
uniques  mobilité.
La multi-appartenance fonde notre identité. Le dualisme centre-périphérie perd son impact.
Enjeux de la maîtrise des temps : Equilibre et concordance des temps.
Une politique des temps vise :
L’équilibre entre temps de travail et temps hors travail : nous ne devons plus être dans une
approche très instrumentaliste du temps de travail (au service de l’emploi, de l’efficacité, de la
richesse économique). Aujourd’hui, nous devons être dans la recherche de l’équilibre avec les autres
temps.
A adapter les services publics, et tout spécialement leurs horaires, aux évolutions de la
société.
A atteindre l’égalité des personnes : les personnes qui peuvent concilier leurs temps et celles
qui ne le peuvent pas et qui y ont droit, au nom de la qualité de la vie.
 L’organisation du temps procède de l’intérêt général. Le thème du temps est inséparable d’un
projet politique, d’un modèle de civilisation urbaine à construire. Transversal, il concerne tous les
domaines, sans omettre l’économique.
 Il est important de bien appréhender la demande en écoutant, observant et en débattant. Il faut
s’assurer de la large participation, de l’assiduité des participants, et veiller à ne pas perdre de vue le
cas concret qui mobilise (on est dans une démarche projet).
Ex de sujets précis : garde de jeunes enfants, mobilité.
Temps et aménagement de la ville :
La ville s’entend ici comme continuité de vie, d’habitat, d’activités marquées par une certaine densité,
par des polarisations, des solidarités.
 Intérêt de la coopération intercommunale, procédure volontaire au service de la cohésion, de la
modernité et de la démocratie.
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La qualité de la ville sera liée à la qualité de la mobilité et du déplacement, de la liaison et de
l’articulation.
La qualité urbaine se gère dans un temps long.
Quelques principes :
 La ville doit être multipolaire, avec des centres différents, complémentaires  des secteurs
incluant la partie urbaine et la partie rurale, dans le schéma de l’agglomération.
 La ville doit être placée sous le signe de la mixité : mixité sociale, culturelle, mixité
d’activités.
 La mobilité conditionne la liberté, l’appartenance à différents territoires.
 Les équipements publics accompagnant les programmes de logement doivent être flexibles
et modulables.
L’équilibre urbain ne peut résulter que d’une construction collective au service d’un projet de
société.  Processus démocratique.
La démarche doit s’inscrire dans la durée. Elle doit être globale et territorialisée.
Il faut apprendre à connaître les besoins de la population afin de construire une demande et ne pas en
rester à une politique de l’offre : l’usager captif n’existe plus.
Un territoire, au sens administratif, n’a d’existence que s’il « rend service ». Il faut donc que l’habitant
s’exprime sur « l’utilité » du territoire, qu’il en soit bénéficiaire.
Appel au dialogue sociétal : constat : notre société fonctionne de manière systémique, solidaire, avec
une très grande dépendance de chacun par rapport à l’autre.
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ANNEXE 4
Le développement durable et les agendas 21
Séminaire gouvernemental
Sur le développement durable
28 novembre 2002
DIX QUESTIONS/REPONSES
SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE *
* Source : « Les nouveaux utopistes du développement durable », par Anne-Marie Ducroux, édition Autrement,
collection Mutations, septembre 2002.
Q : Qu’est-ce que le développement durable ?
R : « Un développement qui s’efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre
la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». Cette définition issue du rapport
Brundtland établi pour l’ONU en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le
développement résume parfaitement ce concept. C’est cette même commission, présidée par
Madame Gro Harlem Brundtland, alors Premier ministre de Norvège, qui a véritablement lancé
l’expression « sustainable development », traduite en France par « développement durable ».
Q : Quels en sont les objectifs ?
R : L’objectif est de promouvoir un autre modèle de développement que celui adopté par les pays
industrialisés durant les cinquante dernières années. Cette nécessité repose sur le constat des
atteintes portées à l’environnement et sur le fait que ce modèle, appliqué au développement auquel
aspirent légitimement les pays du Sud, conduirait à la fois à un épuisement irréversible des
ressources et à des tensions sociales graves.
Actuellement, les besoins fondamentaux de millions d’hommes et de femmes dans le monde ne sont
pas satisfaits : le besoin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, de travailler, de vivre dans un
environnement salubre… Ce nouveau modèle de développement doit permettre de satisfaire ces
besoins essentiels et de tendre vers une amélioration du niveau de vie de tous les hommes,
aujourd’hui et demain.
« L’homme » est au centre de ce nouveau modèle de développement qui repose sur une plus grande
solidarité - entre les générations : notre développement d’aujourd’hui ne doit pas hypothéquer celui
de nos enfants ; - entre les territoires : il ne peut y avoir de développement durable là où
coexisteraient d’un côté l’opulence d’une minorité et de l’autre côté l’exclusion ou la misère pour le
plus grand nombre.
Q : Comment atteindre ces objectifs ?
R : L’adoption d’une démarche de développement durable nécessite que les conséquences
économiques, sociales et environnementales de chaque décision soient prises en compte afin de
trouver un équilibre entre elles. Il faut à la fois :
- Développer la croissance et l’efficacité économique : c’est le pilier économique ;
- Satisfaire les besoins humains et répondre à des objectifs d’équité et de cohésion sociale :
c’est le pilier social ;
- Préserver, valoriser voire améliorer l’environnement et les ressources naturelles
pour l’avenir : c’est le pilier écologique.
L’intégration de ces trois dimensions, associée au respect de la diversité culturelle, est indispensable
à toute politique de développement durable. Elle passe par un souci constant de l’avenir et donc par la
prise en compte des conséquences que pourraient avoir à moyen et long terme les actions
engagées pour un objectif à court terme.
En outre, la participation des citoyens et des différents acteurs de la société civile à la prise de
décision est une condition nécessaire à l’efficacité de la démarche.
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Q : Quels sont les acteurs du développement durable ?
R : Les gouvernements, les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations, les
institutions publiques ou privées…c’est l’ensemble de la société qui est concernée. Tous ont un rôle à
jouer pour progresser vers un développement durable. La recherche du développement durable se
décline aussi bien au niveau local que global, à l’échelle de son village comme à celle de la planète.
Cette démarche ne peut réussir que si le citoyen se sent responsable des progrès à accomplir et y
participe tant dans ses activités professionnelles que privées.
Q : Le développement durable est-il reconnu au plan international ?
R : Les images de la Terre vues de l’espace ont bouleversé la vision qu’en avaient ses habitants.
Nous avons alors pris conscience que nous n’occupions cette planète que depuis trois millions
d’années à peine. A l’échelle de la Terre, c’est peu lorsqu’on sait que le règne des dinosaures a duré
160 millions d’années ! L’idée qu’elle était fragile et que les grands équilibres qui régissent le
fonctionnement des écosystèmes étaient menacés par les activités humaines s’est imposée à l’échelle
mondiale.
L’Organisation des Nations unies a lancé de grandes conférences internationales sur
l’environnement et le développement : la première s’était déroulée à Stockholm en 1972 ; le sommet
de la Terre de Rio, en 1992, a souligné avec force la responsabilité et la nécessaire implication des
Etats ; la dernière en date a eu lieu à Johannesbourg du 26 août au 4 septembre 2002.
A l’OCDE, le développement durable est une priorité stratégique. Les pays membres se sont engagés
à prendre des mesures pour faire face aux problèmes les plus graves, notamment le changement
climatique, et à unir leurs efforts en faveur de la viabilité écologique. L’OCDE préconise expressément
la mise en place de stratégies de développement durable dans tous les pays d’ici à 2005.
Enfin, l’Union européenne joue un rôle très important dans cette évolution. Le développement
durable est inscrit dans le traité de Maastricht. Les fonds structurels attribués par l’Union
européenne sont depuis peu conditionnés au développement durable des territoires. Le Conseil
européen de Göteborg a adopté, en juin 2001, une stratégie européenne du développement durable.
Les stratégies nationales doivent être en cohérence avec cette politique et intégrer la dimension
européenne comme un moyen d’atteindre l’objectif commun.
Q : Qu’est-ce que l’Agenda 21 ?
R : L’Agenda 21, appelé aussi Action 21, constitue un véritable plan d’action mondial de
développement durable pour le XXIème siècle. Ses quarante chapitres présentent un programme
d’actions sous forme de recommandations. Il insiste plus particulièrement sur la réduction du
gaspillage des ressources naturelles, sur la lutte contre la pauvreté, sur la protection de l’atmosphère,
des océans, de la faune et de la flore et sur la mise en place de pratiques durables d’agriculture pour
nourrir la population toujours croissante du monde. C’est l’outil de référence. Il a été adopté par les
171 gouvernements présents à Rio en 1992 lors du premier sommet de la Terre. Il fixe des objectifs,
définit des moyens, propose des politiques volontaires à mettre en place dans tous les domaines de la
société et à différents niveaux.
L’Agenda 21 reste aujourd’hui, dix ans après Rio, plus que jamais d’actualité, les gouvernements
ayant convenu de ne pas le renégocier au sommet de Johannesburg.
Sa traduction pour les collectivités territoriales est l’Agenda 21 local. Principalement basé sur la
participation et le partenariat avec les acteurs privés et publics, ce programme de développement vise
à favoriser les modes de production et de consommation économes en ressources, qu’il s’agisse
d’énergie, d’eau, de sols, d’air ou de biodiversité.
Q : Pourquoi une stratégie nationale du développement durable pour la France ?
R : Le développement durable impose des changements en profondeur dans les comportements et
les modes d’action de toutes les composantes de la société. Compte tenu de l’ampleur de la tâche et
de la globalité des problèmes à traiter, il est important d’organiser la démarche pour donner à chacun
une vision commune des enjeux et des évolutions nécessaires à court et moyen termes, pour
préciser les modalités d’intégration du développement durable aux politiques publiques, enfin pour
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permettre de suivre les progrès réalisés dans ce domaine. C’est l’objectif de l’élaboration d’une
stratégie nationale de développement durable.
Le développement durable visant à concilier développement économique, équité sociale et protection
de l’environnement, c’est l’ensemble des politiques du gouvernement qui sont concernées qu’il
s’agisse de son action internationale ou de ses politiques économique et sociale, de son action dans
le domaine de l’éducation ou de la recherche, ou de ses politiques sectorielles en matière
d’agriculture, de transports, de tourisme…
Tous les ministères sont donc appelés à se mobiliser pour recenser, organiser et hiérarchiser les
actions à mener. Cette démarche globale étant également transversale, ils devront travailler
ensemble dans la plus grande concertation et inciter tous les acteurs de la société civile à travailler
dans le même sens. La stratégie nationale du développement durable doit mettre en perspective
toutes les actions à mener pour travailler avec efficacité à la recherche d’un développement durable.
Q : Que va-t-elle contenir ?
R : Les résultats de ces travaux se traduiront par une stratégie nationale qui ne doit pas se contenter
de faire un état des lieux et de fixer des perspectives d’évolution. Elle doit constituer un véritable «
plan de bataille » du gouvernement pour les années à venir, de façon à ce que chaque ministère
dispose d’une « feuille de route » précise, à la fois réaliste et ambitieuse, qui permettra également
aux autres acteurs de planifier et d’organiser leurs propres évolutions.
Le but du gouvernement étant de passer résolument à l’action sur le terrain, la stratégie nationale de
développement durable arrêtera des axes stratégiques, puis fixera des objectifs communs précis à
partir de priorités clairement définies et s’appuiera sur des plans d’action spécifiques à chaque
domaine accompagnés de calendriers précis de mise en œuvre.
Elle fera l’objet d’un suivi permanent qui donnera lieu régulièrement à des compte-rendus dans un
souci de grande transparence. Des indicateurs de développement durable permettront de mesurer les
progrès obtenus.
Q : Pourquoi un séminaire gouvernemental sur le développement durable ?
R : Ce séminaire est une étape décisive, qui marque le point de départ d’une démarche nouvelle et
volontaire. Il s’agit notamment de :
- lancer les travaux de la stratégie nationale de développement durable en proposant un cadre et
une procédure pour son élaboration et son suivi ;
- montrer la détermination partagée de l’ensemble du gouvernement, l’action dans ce domaine
n’étant efficace que si elle est transversale ;
- participer à l’action essentielle d’information et de sensibilisation des citoyens et des différents
acteurs de la société civile sur l’importance du développement durable.
Q : Quelles conséquences à court terme ?
R : Les travaux de préparation du séminaire ont permis de mettre en évidence que de nombreuses
actions allant dans le sens d’un développement plus durable étaient déjà en préparation ou même en
cours d’application. Le gouvernement ne veut pas attendre pour agir en ce domaine.
Plus de soixante actions, d’application immédiate ou à très court terme, ont été sélectionnées,
illustrant le contenu de cette démarche dans toutes les politiques de l’Etat. Elles sont d’importance
très diverse. Elles ne constituent qu’une partie du travail que font actuellement les ministères dans ce
domaine et ne constituent pas une préfiguration de la stratégie nationale à venir. Celle-ci sera
organisée autour des axes stratégiques que la préparation du séminaire a permis de déterminer et qui
restent à approfondir.
Le chantier ouvert par le gouvernement est une action de longue haleine qui requiert un engagement
fort et constant de tous les acteurs. C’est à ce prix seulement que le développement durable, souvent
considéré comme une utopie, deviendra une réalité.
DEVELOPPEMENT DES AGENDAS 21 LOCAUX
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DIAGNOSTIC
Plus de 6000 collectivités dans 113 pays ont élaboré un Agenda 21 local. En France, cette démarche
peut prendre deux formes différentes :
- Les « chartes pour l’environnement » : fin 2002, 90 collectivités territoriales (principalement des
municipalités) ont contractualisé avec l’Etat sur la base d’un tel document.
- Les agendas 21 locaux : l’Etat a lancé des « appels à projets sur les outils et démarches en vue de
la réalisation d’agendas 21 locaux » ; des démarches d’agendas 21 ont également été entreprises à
l’initiative des collectivités territoriales. La préparation du sommet de Johannesburg a donné lieu à une
déclaration par laquelle les collectivités locales demandaient à l’Etat de créer un contexte favorable à
la relance des agendas 21 locaux.
OBJECTIF
Développer la réalisation des agendas 21 locaux afin de tendre à terme à leur généralisation.
PLAN D’ACTION
Aider à la réalisation de 200 projets d’Agendas 21 locaux sur 3 ans. Un financement de 50 000€
par projet suppose de mobiliser pour 3 ans un budget de 10 M€.
Mettre en place un centre de ressources qui permette la mise en réseau de l’expertise existante sur
les agendas 21 et le développement durable, le rassemblement des informations éparses au sein de
ces réseaux ainsi qu’une évaluation des actions déjà entreprises dans ce domaine.
Lancer un troisième appel à projets destiné à de grandes opérations de réhabilitation, de rénovation
urbaine ou de secteurs ruraux ou touristiques, qui viseront, du niveau global (projet urbain) à celui du
lieu de vie (habitat), un haut niveau de qualité. Les critères d’innovation, d’échanges d’expérience et
les démarches multiacteurs seront privilégiés. L’appel à projets pourrait « labelliser » quarante projets
en 2003 à raison d’une subvention de 20 000€ par projet.
CALENDRIER
Programme de 200 agendas 21 locaux en 3 ans, dont 70 lancés en 2003.
Centre de ressources : un cahier des charges pour la constitution du centre de ressources va être
élaboré de manière à lancer un appel d’offre sur ce sujet au cours du premier semestre 2003, pour
une première maquette opérationnelle à la fin de l’année 2003.
3ème appel à projets : premier semestre 2003.
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