Transcription Frédéric CHARILLON - séquence a
La puissance est un concept qui est au cœur des relations internationales,
qui a toujours été central dans les relations internationales, et il y a
peu de concept qui ont fait couler autant d’encre d’ailleurs et qui ont
suscité autant de manuels, d’essais ou de polémiques que le concept de
puissance.
La puissance, on a été habitué à la concevoir d’abord en termes mesurables,
en termes matériels et souvent, principalement pendant la Guerre Froide. On
a pratiquement 50 ans, presque 50 ans, d’habitude de mesure de la puissance
en termes d’effectifs militaires, en termes de budgets militaires, en
termes de matériels militaires.
Pourtant on nous avait prévenus, Raymond Aron fait partie de ceux qui nous
avait alertés sur ce point, la puissance ce n’était pas forcément un
concept absolu. La puissance c’est d’abord relatif. Un acteur puissant,
c’est un acteur qui est reconnu comme puissant, qui est craint, parce que
reconnu, ou considéré comme puissant. Et là, on redécouvre quelque chose
qui nous explose à la figure en quelque sorte aujourd’hui, dans la mesure
où la puissance on ne peut pas la mesurer. Si on fait une liste de budgets,
si on fait une liste de matériels, si on fait une liste de chars, d’avions,
de tanks, on a des capacités. Ce n’est pas tout à fait la même chose que la
puissance. Ces capacités, contre qui vont-elles être déployées ? A quels
types de missions vont-elles être employées ? Face à quels types de forces,
d’acteurs, dans quel contexte va-t-on en avoir besoin ? Et c’est là qu’on
redécouvre que la puissance en soi, sur un papier, ça ne veut rien dire.
Lorsqu’on décline ou décrit des capacités, on a une liste d’outils ou
d’instruments dont rien ne nous dit a priori qu’ils seront efficaces. Si,
on dit par exemple « les États-Unis sont la première armée du monde », ce
qui, sur le plan technologique et sur beaucoup d’autres plans est exact, si
on ajoute que les États-Unis sont de loin le premier budget militaire du
monde, on peut, en termes de capacité très clairement dire, les États-Unis
sont la première capacité militaire du monde.
Est-ce que pour autant, les États-Unis seraient la première puissance du
monde ? C’est là qu’on découvre toute la complexité de ce concept. Si nous
disons puissance = capacité de mettre en œuvre un certain nombre de moyens,
alors oui les États-Unis sont la première puissance du monde. Si nous
disons puissance = capacité pour un acteur d’obtenir des résultats ou bien
de satisfaire ses objectifs, de parvenir à ses fins, alors on le voit,
gardons ce même exemple des États-Unis, l’histoire est tout à fait
différente. Au Moyen-Orient dans la décennie 2000, les États-Unis ont
entamé deux guerres, ils sont de très très loin la première capacité
militaire parmi les acteurs à être présents dans la région, pour autant
dire qu’ils ont obtenu leurs objectifs, l’actualité nous le rappelle sans
cesse, ce serait très nettement exagéré.
Et on le voit à travers cet exemple, les États-Unis le montrent très bien,
la puissance ce n’est pas seulement avoir des capacités, c’est être capable
de transformer ses capacités en obtention du résultat souhaité et c’est là
qu’on se penche depuis plusieurs années sur les modalités de la puissance.
La puissance, elle est militaire, on l’a appris pendant la Guerre Froide
mais pas seulement, elle peut être économique, elle peut être culturelle,
elle peut être religieuse, elle peut être sur des gammes, des types et des
modalités d’actions extrêmement variés.
La grande question qui se pose, c’est quels sont les domaines les plus
utiles à la réalisation des objectifs ? Et c’est là que réside la
puissance.
Dans les années 1980, à la fin des années 1980, il y a un auteur américain,
qui s’appelait Susan Strange, dans un ouvrage qui s’appelait State and
Markets, qui nous avait parfaitement et très clairement et brièvement