Science et technologie : l`Europe face au défi de Lisbonne

SPEECH/03/135
Philippe Busquin
Commissaire européen chargé de la Recherche
Science et technologie : l'Europe face
au défi de Lisbonne
Publication du 3ème Rapport Européen sur les Indicateurs de la
Science et de la Technologie
Bruxelles, le 17 mars 2003
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J’ai le grand plaisir de vous présenter aujourd’hui la troisième édition du ‘Rapport
Européen sur les Indicateurs de la Science et de la Technologie’. Ce rapport
présente, sur base des données les plus récentes et les plus fiables, un aperçu
détaillé - une photographie à haute résolution - des investissements effectués dans
la recherche et des performances scientifiques et technologiques de l’Union
européenne et de ses États Membres. Il a été réalisé par mes services avec le
soutien des meilleurs experts européens en la matière, et représente l’équivalent du
rapport américain de la ‘National Science Foundation’ (‘Science & Engineering
Indicators’). Le rapport offre là où les statistiques le permettent une comparaison
détaillée, d’une part entre les États Membres, d’autre part entre l’Union
européenne, les États-Unis et le Japon.
Ce rapport est non seulement une excellente étude mais également un formidable
outil de travail qui nous permettra de mieux évaluer nos forces et nos faiblesses et
d’adapter en conséquence nos politiques de recherche aux besoins et
caractéristiques de tout un chacun. Il permettra également aux décideurs politiques
d’augmenter la cohérence des initiatives sectorielles, régionales, nationales et
européennes, car il ne peut y avoir de dialogue politique sans base de comparaison
objective et commune.
Ce rapport vient à point nom. Vous savez qu’a lieu dans quelques jours un
sommet des Chefs d’États et de Gouvernements européens à Bruxelles. L’une des
préoccupations majeures de l’Europe à l’heure actuelle est de préciser comment
relancer la croissance économique. Or, les investissements dits immatériels’, c’est-
à-dire les investissements réalisés dans des domaines comme les ressources
humaines, la recherche et l’innovation, représentent un levier indispensable de la
croissance à long terme.
Ce rapport nous délivre beaucoup de nouveaux enseignements. Je ne peux
malheureusement pas m’étendre sur tous les sujets abordés dans ce rapport. Je
me contenterai donc de vous présenter quelques tendances, qui montrent aussi
l’importance de nos initiatives.
Nous disposons tout d’abord en Europe d’un potentiel humain et scientifique
énorme. A cet égard en effet, l’Union européenne possède des atouts indiscutables
face à ses concurrents. Elle produit actuellement plus de diplômés et de docteurs -
et de haute qualité - dans les disciplines scientifiques et techniques que les États-
Unis et le Japon. L’Union européenne est également la première puissance au
monde en matière de nombre de publications scientifiques.
Toutefois, nous employons nettement moins de chercheurs que nos concurrents et
la croissance de ces effectifs au cours des dernières années est également plus
faible en Europe.
En matière de mobilité ensuite, nous attirons les ressources humaines étrangères
principalement d’Europe (c’est-à-dire de l’UE à 15 et du reste de l’Europe) ainsi que
des pays en voie de développement, mais beaucoup moins en provenance des
autres régions industrialisées.
Par ailleurs, il y a toujours un nombre non négligeable de cerveaux qui s’expatrient :
près de 75% des Européens ayant accompli une thèse de doctorat aux États-Unis
préfère rester aux États-Unis après leur thèse plutôt que de revenir travailler en
Europe. Et plus grave encore : cette proportion s’accroît d’année en année,
puisqu’elle n’était encore que de 50% il y a dix ans !
Le 6ème Programme-cadre de l l'Union européenne a mis en œuvre des actions qui
doivent aider à contrer cette tendance, comme l'offre de "bourses de retour" aux
chercheurs qui ont quitté leur pays et le quasi doublement du budget consacré à la
mobilité et à la formation des chercheurs.
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Dans ce contexte, les universités sont bien sûr un élément incontournable de
l’économie de la connaissance. Non seulement elles sont responsables de la
production de ressources humaines hautement qualifiées, mais elles génèrent
également les nouvelles connaissances scientifiques qui seront les innovations de
demain.
On peut s’interroger, toutefois, sur le modèle sur lequel l’université du 21ème siècle
devra fonctionner. Étant donné le rythme élevé du progrès scientifique et technique
et la mobilité accrue des ressources humaines scientifiques, l’université du futur se
devrait peut-être de se spécialiser dans une série limitée de domaines scientifiques,
et de concentrer ainsi ses compétences afin d’avoir davantage d’impact sur le
monde scientifique et la société au sens large.
Une analyse des domaines de publications et de la qualité scientifique semble
indiquer l’émergence de deux types de stratégies parmi les universités
européennes. D’une part, certaines grandes universités cherchent à établir une
solide présence dans la quasi totalité des disciplines scientifiques, avec une
production très importante de publications et de bonnes performances en matière
d’impact. D’autres universités optent par contre pour une stratégie de spécialisation
beaucoup plus poussée et sont très actives dans un nombre limité de domaines.
Elles ont un nombre plus restreint de publications mais ont souvent d’excellents
impacts (nettement supérieurs à la moyenne mondiale).
La connaissance de ces phénomènes de spécialisation est d’une grande
importance pour la gestion de l’’Espace Européen de la Recherche’, car elle
permettra d’y développer des synergies beaucoup plus efficaces entre universités
et pays en matière de recherche scientifique. Les programmes européens de
financement de la recherche sont conçus pour mieux tenir compte des besoins des
meilleures universités et centres de recherche.
En prolongement de l’excellence scientifique, il reste bien sûr crucial que le tissu
industriel exploite au maximum les nouvelles connaissances et les transforme en
innovations susceptibles de générer croissance économique et nouveaux emplois.
Dans ce contexte, il est important de bien se positionner en ce qui concerne
l’exploitation commerciale de nouvelles technologies. L’Europe accuse par exemple
un retard dans les technologies de l’information et la communication (TIC), ce qui
se reflète d’ailleurs très clairement dans la dégradation de notre balance
commerciale en produits à haute technologie. Les investissements dans la
recherche et les nouvelles technologies sont rentables par le biais du solde
commercial. Il ne faut donc pas que nous nous fassions distancier dans d’autres
domaines technologiques clés, tels que les biotechnologies ou les
nanotechnologies. Dans ces deux domaines, l’Union européenne dénote, en
comparaison des concurrents principaux, de bonnes performances scientifiques.
Les pays européens, toutefois, n’ont pas encore réussi à profiter pleinement de ces
performances et à les traduire par une position forte sur les marchés. Ceci est
surtout le cas en ce qui concerne la biotechnologie. Le transparent projeté ici
compare les performances de l’Union européenne avec les États-Unis en matière
de publications scientifiques et de brevets pour les biotechnologies et les
nanotechnologies. Il montre que la situation est relativement que favorable aux
pays européens dans le chef des nanotechnologies qu’en biotechnologie.
L’importance de ces nouvelles technologies va bien sûr bien loin au-delà des
aspects purement scientifiques ou techniques. Ces secteurs représentent un
potentiel économique énorme car ils entraînent dans leur sillage de nombreux
autres pans de l’économie: la biotechnologie crée de nouvelles applications dans
l’agriculture, le secteur pharmaceutique et médical, les nanotechnologies interfèrent
profondément avec l’industrie informatique, … Ces secteurs sont générateurs de
croissance économique et emploi.
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En d’autres termes, si l’Europe veut se placer en bonne position dans l’économie de
la connaissance de demain, il est indispensable de s’assurer dès aujourd’hui une
position concurrentielle dans ces domaines.
Atteindre cet objectif nécessite en principal de stimuler le réinvestissement dans la
recherche. Or, comme vous le savez, l’Union européenne et ses États Membres
investissent nettement moins dans la recherche que leurs principaux concurrents,
les États-Unis et le Japon. En 2000, les États-Unis ont investi 121 milliards d’euros
en plus que les pays de l’UE, et cet écart continue à se creuser de manière
dramatique. Nous savons par ailleurs que l’essentiel de cette différence provient du
faible niveau d’investissements en provenance du secteur privé : ce dernier ne
représente en Europe que la moitié du financement de la recherche, contre plus
des deux tiers aux États-Unis et au Japon.
Maintenant que nous avons le constat, passons à l’action. Le sommet européen de
Barcelone de mars 2002 a décidé d’accroître le niveau d’investissement dans la
recherche pour atteindre 3% du PIB en l’an 2010, tout en augmentant la
contribution du secteur privé. Ceci requiert une action coordonnée aux niveaux
européen, national et régional pour rendre l'Europe plus attrayante pour les
investissements des entreprises dans la recherche. L'accès au financement, une
meilleure réglementation, les ressources humaines, les droits de propriété
intellectuelle, les politiques fiscales et d'autres incitations doivent être
soigneusement adaptés aux besoins de la recherche. La Commission a déjà lancé
une large consultation des parties prenantes afin de déterminer une série d'actions
ciblées. Sur cette base, la Commission présentera très prochainement un plan
d'action ambitieux avec des initiatives européennes et des recommandations aux
Etats membres.
Ce que je viens de vous exposer nous montre à foison que nous avons encore de
nombreux défis en matière de recherche en Europe, et, de manière plus large, afin
d’améliorer la compétitivité de nos économies.
Ce rapport montre où doivent se porter en priorité nos efforts. Il donne des
messages clairs aux décideurs, qui peuvent sur cette base soutenir, renforcer et
réorienter si nécessaire les politiques de la recherche. Le 6ème Programme-Cadre
et nos actions en faveur d'une approche cohérente et coordonnée des politiques de
recherche contribuent à cet exercice collectif et essentiel pour la compétitivité
européenne.
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