Croisade écolo à Vélo Drôle de spécimen qu'Hilda, surnommée « Tante Hilda », célibattante enthousiaste qui dévale les pentes à vélo et vit seule avec ses parents dans une serre géante. Amoureuse de la nature et écologiste fervente, elle y conserve une extraordinaire variété de végétaux de toutes sortes. Mais, bien qu'à l'abri dans son luxuriant petit monde, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter à l'apparition d'une nouvelle céréale, Attilem, mise au point par les industries Dolo selon les principes très en vogue de la culture OGM. Peu gourmande en eau, ne nécessitant pas d'engrais, capable de pousser sur tous les sols : rien ne semble pouvoir détruire Attilem. Mais si c'était finalement Attilem qui risquait de tout détruire ? Après Mia et le Migou, qui suivait le parcours d'une petite fille dans la forêt tropicale menacée par la frénésie immobilière, Jacques-Rémy Girerd poursuit avec Tante Hilda ! sa croisade écologique en images. Défenseur d'une animation artisanale, il a trouvé avec ses personnages truculents, la serre géante, le labyrinthe souterrain de la Dolo et les rangées inquiétantes d'Attilem la matière première idéale d'un travail inventif du trait, jouant sur un minimalisme équilibré, et des couleurs, avec des effets d'aquarelle tout à fait surprenants. Le résultat, aussi joli qu'expressif, est des plus séduisants et mérite d'être salué. Une lecture manichéenne Malheureusement, c'est sur l'enjeu pédagogique que la bouillonnante Hilda trébuche. Désireux, sans doute, d'offrir une histoire lisible à tout âge à partir de ces thèmes délicats que sont la culture OGM et l'industrialisation agricole à outrance, Jacques-Rémy Girerd et ses coscénaristes Benoît Chieux et Iouri Tcherenkov ont construit Tante Hilda ! sur l'affrontement tendu entre leurs deux protagonistes : Hilda, l'amie des fleurs, et Dolorès, PDG des industries Dolo et ennemie ultime (car victime de graves allergies) de tous les jolis végétaux des champs. Pris isolément, les deux personnages ne sont pas dépourvus de relief. Mais leurs multiples oppositions (éthiques, comportementales, même physiologiques : Hilda est une liane, Dolorès une sphère) emportent le film vers une lecture manichéenne de sa problématique : la menace OGM ne tient qu'à la rapacité d'une femme puissante et malheureuse. Il suffirait de guérir Dolorès pour guérir la nature. Qu'en est-il de toutes ces forces bien intentionnées qui s'emploient à promouvoir la culture OGM ? Le sujet est proposé, notamment à travers le personnage de Michaël, chercheur pour la Dolo et ami d'Hilda, mais oublié au profit du duel de dames, ôtant au questionnement du film une ambiguïté intéressante et essentielle. Au bout du compte, c'est un drame humain qui se joue : la planète, si bien croquée pourtant, devra encore attendre. Noémie Luciani © Le Monde 11 février 2014