Avoir une attitude bienveillante et exigeante – l’estime de soi La présence en classe d'un élève repéré en difficulté d'apprentissage et qui, en outre, vit dans un milieu " défavorisé" peut conduire certains enseignants à minimiser leurs exigences scolaires, sous prétexte que, "cumulant divers handicaps" : - il est logique que cet élève échoue. - il est humain de le laisser tranquille. Croire en la réussite plutôt qu'à l'échec L'effet Pygmalion Rosenthal a découvert l'effet Pygmalion en réalisant l'expérience suivante : Après avoir constitué deux échantillons de rats totalement au hasard, il informe un groupe de six étudiants que le groupe n° 1 comprend 6 rats sélectionnés d'une manière extrêmement sévère. On doit donc s'attendre à des résultats exceptionnels de la part de ces animaux. Il signale ensuite à six autres étudiants que le groupe des 6 rats n° 2 n'a rien d'exceptionnel et que, pour des causes génétiques, il est fort probable que ces rats auront du mal à trouver leur chemin dans le labyrinthe. Les résultats confirment très largement les prédictions fantaisistes effectuées par Rosenthal : certains rats du groupe n° 2 ne quittent même pas la ligne de départ. Après analyse, il s'avère que les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient particulièrement intelligents, leur ont manifesté de la sympathie, de la chaleur, de l'amitié ; inversement, les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient stupides, ne les ont pas entourés d'autant d'affection. L'expérience est ensuite tentée avec des enfants, à Oak School, aux États-Unis, par Rosenthal et Jacobson, mais en jouant uniquement sur les attentes favorables des maîtres. Dorénavant, Rosenthal sait qu’il peut jouer avec le discours, avec le semblant. Il choisit, pour son expérience, un quartier pauvre, délaissé de la politique et où habitent un nombre important de familles immigrées vivant dans des conditions très difficiles (milieu socio-économique défavorisé). Il se présente dans une école de ce quartier avec une fausse carte de visite et explique qu’il dirige une vaste étude à Harvard financée par la NCF. Cette étude porte sur l’éclosion tardive des élèves (simple test de QI). Par la suite, il pourra recommencer son test sur les mêmes élèves et voir s’ils auront le même résultat ou non. Toute cette expérience se fait dans un contexte dans lequel l’intelligence a un caractère inné. Rosenthal fait passer le test à l’ensemble des élèves et, ensuite, s’arrange pour que les enseignants prennent connaissance des résultats, croyant qu’il s’agit d’une erreur de transmission de courrier. Les résultats ne sont pas les résultats réels du test de QI, mais comportent des notes distribuées aléatoirement. 20% des élèves se sont vus attribuer un résultat sur-élevé. A la fin de l'année, Rosenthal fait repasser le test de QI aux élèves. Résultat : Une année après le premier test, les 20% se sont comportés comme les « supers souris » ; ils ont augmenté de façon significative leurs résultats, non seulement au test d’intelligence, mais, également, leurs résultats scolaires. Les enseignants ont porté un autre regard sur ces élèves. Le hasard a créé un nouveau type d’élèves grâce au regard qu’ont eu les enseignants envers ces élèves, suite aux résultats du test. Les enseignants vont donner une consistance à la catégorie attribuée par le test. Ces résultats sont à nuancer. On voit qu’après la deuxième année, les élèves plus jeunes perdent ce résultat alors que les élèves plus âgés le conservent. Depuis les travaux des psychologues R.Rosenthal et L.Jacobson, nous savons qu'un élève étiqueté "médiocre", est capable d'accomplir des progrès considérables si l'enseignant "croit" en lui et s'investit en conséquence. C'est ce qu'on appelle l'effet Pygmalion. Inversement, on peut supposer qu'une vision et des attentes négatives vont confirmer par l'échec cette médiocrité prétendue. "Si je crois qu'il est logique que l'élève échoue", il a de fortes chances d'échouer. Un "bon" enseignant A la lumière de ce qui précède, postulons qu'un "bon" enseignant, c'est d'abord une personne capable de porter un regard positif sur tous les enfants qui lui sont confiés. Choisir de voir "le verre à moitié plein" plutôt qu'à "moitié vide", constitue la métaphore de base de l'attitude éducative. C'est faire sans cesse le pari de l'éducabilité. Condition nécessaire mais non suffisante, cette attitude doit s'accompagner d'une volonté de faire réussir, d'espérer sans cesse de l'autre le meilleur tout en acceptant le pire. C'est exprimer une double exigence : pour soi et pour l'autre. Dès lors, "laisser l'élève tranquille", c'est participer à son échec. Entre bienveillance envers l'enfant et exigence envers l'élève, un équilibre à rechercher. L'estime de soi et des autres Source Dossier : L'estime de soi et des autres. Animation & éducation, n° 186, mai-juin 2005, p. 13-36. Notes de lecture par Monique Franck, CASNAV-CAREP de Nancy-Metz Des Grecs à Rousseau, en passant par Spinoza, l'estime de soi se conquiert par la connaissance que l'on a de soi et de ses besoins. Développer l'estime de soi, c'est accepter l'idée que l'École doit aider l'élève à se forger une image de lui positive, tant comme « élève » que comme individu, à « s'estimer » pour connaître et estimer les autres. C'est également affirmer que si les élèves sont tous différents, ils sont cependant tous capables et l'école et l'école est un lieu d'identification et de valorisation des intelligences multiples ». Définition - L'estime de soi est l'évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne, c'est-à-dire le degré de satisfaction de soi-même. - Elle est un des fondements de l'image de soi. - L'estime de soi ou l'amour de soi (qualité de connaissance particulière qui consiste à savoir ce qu est « bon » pour soi, indépendamment des exigences de la mode ; d'intérêts hétéronomes) est l'opposé de l'amour propre (qui se compare, n'est jamais content et ne saurait l'être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, exige aussi que les autres nous préfèrent à eux, ce qui est impossible - L'estime de soi ou l'amour de soi est l'autre nom de l'autonomie : ne pas se donner à soi-même ses propres règles contre la règle commune, mais faire sienne une règle qui permette de se maintenir comme sujet agissant, dans la responsabilité, l'initiative et sur tout la joie, l'élément indispensable à l'équilibre individuel, équilibre fait d'un élan vers un mieux être. « Quand l'âme se considère elle-même et considère sa puissance d'agir, elle est joyeuse. »(Spinoza) Comment se développe l'estime de soi ? - Selon William James (1892) : l'estime de soi c'est la conscience de la valeur du moi. Elle se développe donc par une dynamique intra-personnelle et intra-psychique. En ce sens, l'articulation entre le moi actuel et les aspirations d'un sujet, jouent un rôle primordial. - Selon Charles H. Cooley (1902) : le sentiment de valeur de soi est une construction sociale façonnée par les interactions avec l'entourage ; c'est le regard des autres qui renvoie des indications permettant au sujet de connaître l'opinion qu'il ont de lui ! - Actuellement : l'estime de soi se défini comme un processus dynamique et continu qui commence avant la naissance et qui se prolonge tout au long de la vie. Il convient donc d'étudier l'articulation des deux dimensions qui déterminent la construction de l'estime de soi, à savoir le développement d'une personne et de son psychisme en situation et donc en interaction. L'estime de soi pour prévenir la violence Poursuivre l'effort d'être soi rend possible l'accord pacifique avec les autres. En effet, comment aborder sereinement, pacifiquement l'autre quand on doute de soi ? Voici dix points de vue qui soulignent l'influence positive de l'estime de soi sur la prévention de la violence. - L'estime de soi nourrit notre besoin d'être reconnu et notre besoin d'estime et de respect : cultiver une approche positive de chacun ; renvoyer du feedback positif ; reconnaître les efforts ; distinguer la personne de son comportement ; travailler à l'amélioration des apprentissages sans juger la personne de l'enfant. - Si l'enfant se sent important, s'il vaut quelque chose à ses yeux, il aura confiance pour être constructif, il aura davantage d'assurance dans la vie, dans les projets, dans les autres. - La blessure d'amour-propre se soigne par l'estime de soi. - Si l'enfant se vit comme important, s'il vaut la peine, il va parier sur la vie, ne pas se mettre en danger ou se détruire en entrant dans la violence destructrice ou l'exclusion sociale. - Si l'enfant a confiance en soi, il aura davantage confiance dans les autres et prendra le risque de l'ouverture aux autres ; de la coopération. - Quand l'enfant s'estime, il peut estimer les autres et construire des relations égalitaires. - Les vieilles colères ou rancœurs disparaissent proportionnellement à l'estime de soi. - L'estime de soi nous donne la force de sortir des schémas prédéterminés de notre histoire, d'une certaine fatalité qui nourrit la violence. - Une estime de soi suffisamment bâtie permet à l'enfant de développer son esprit critique et une force personnelle pour ne pas suivre l'influence du groupe dominant. - L'estime de soi permet à l'enfant d'être en contact avec toutes ses émotions, de développer l'empathie, de considérer l'autre comme un sujet et non comme un objet. Les conditions favorables au développement d'une estime de soi positive Tout enseignant devrait faire siens trois grands principes : 1er principe : l'école place l'élève au centre de toutes les activités. Se demander, en quoi et comment, chaque décision, chaque apprentissage sert les besoins de l'élève. Associer les élèves aux réflexions les concernant collectivement ou individuellement. Affirmer, en tant qu'adulte d'un établissement, que les besoins des élèves sont primordiaux et que l'empathie, les encouragements, la valorisation sont plus efficaces sur le plan éducatif que l'indifférence, le mépris ou la dévalorisation. 2e principe ; l'école doit favoriser l'autonomie, l'expression, la créativité (plutôt que le conformisme, la passivité) Affirmer « l'égale dignité » des connaissances et des compétences. Utiliser les différentes procédures d'évaluation (évaluation formative, coévaluation, auto évaluation) pour, avant tout, identifier les compétences acquises. 3e principe : l'école est un milieu de vie qui appartient aux élèves et à ceux qui l'entourent. Faire fonctionner les instances de régulation et de débat pour échanger et construire ensemble. Programmer des rencontres régulières enseignants/parents contrés sur les besoins de l'élève. L'enseignant n'a pas le pouvoir de donner de l'estime de soi à ses élèves, mais il peut mettre en place les conditions pour que l'autre puisse travailler son estime. Il peut lui dérouler « le tapis rouge » (Christian Staquet), en éliminant de sa pratique les facteurs qui nuisent à l'estime de soi (le manque de confiance, l'inconstance dans l'application des règles, la surprotection ou le laisser-faire, les mots qui blessent, les critiques constantes, l'accent mis sur les difficultés ou les faiblesses plutôt que sur les forces ou les compétences, les attentes trop ou pas assez grandes). Les bienfaits d'un travail sur l'estime de soi - Il développe l'équilibre psychique de l'enfant : celui-ci a besoin de se sentir apprécié, valorisé, compétent pour connaître le sentiment de sécurité qui lui fera aborder les difficultés avec une certaine confiance (« connais-toi toi-même »). - Il est un moyen pour organiser le monde autour de soi et en soi : il permet à l'enfant de « donner forme » à ses angoisses, de « parler », de « se parler » pour éliminer de son monde intérieur la confusion qui représente un frein. Il apprend ainsi à reconnaître et à nommer ses sentiments, à prendre conscience de la valeur de soi et de celle des autres et à respecter leur identité. Il va reconnaître des qualités et des compétences à lui-même et aux autres. De ce fait, la connaissance des outils de la langue s'avère indispensable : l'enseignant doit veiller à enrichir le vocabulaire des enfants pour leur permettre de reconnaître et verbaliser les émotions afin de pouvoir les contrôler. - Il est un pré-requis à tout apprentissage : pour aborder dans de bonnes conditions une notion nouvelle, il faut s'estimer capable de cet apprentissage, se dire qu'on en a les moyens, avoir gagné une certaine confiance dans ceux qui nous font cette proposition, avoir fait l'expérience que ce qu'ils nous proposent a de fortes chances de réussir. - Il développe l'esprit critique qui rend l'élève progressivement autonome dans son mode de pensée et dans ses décisions : il engendre le pouvoir d'être libre face aux émotions négatives surtout celles obtenues dans la comparaison aux autres. - Il rend possible l'échange pacifié entre soi et soi-même, entre soi et les autres : la valorisation de sa propre image permet à l'enfant de s'intéresser à l'autre, de l'apprécier, de recevoir de lui un retour positif. Cette connaissance mutuelle fait naître une solidarité entre élèves. L'estime de soi va de pair avec l'estime des autres et renforce, à ce titre, la citoyenneté. La prise en compte de la dimension humaine des personnes, la mise en perspective de l'écoute, du respect, de la parole libre, sont attachées à la notion de citoyenneté.