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manifestation du phénomène concret, qui est toujours très complexe. Le facteur
pathologique caché, se présentera donc non pas dans sa simple désignation,
mais dans son interaction avec de multiples autres facteurs objectifs et
subjectifs. Ce qui nous intéresse n'est donc pas, en effet, le trouble
primaire isolé, linéairement relié à sa cause, mais une relation singulière
entre un organisme total, réalisant une certaine locomotion, et un facteur
pathologique irréductible, dont nous ne pouvons que postuler l'existence, et
non mesurer l'impact avec précision. En toute rigueur, on n'observe donc
jamais un trouble primaire isolé et à l'état pur, mais, dans l'organisme en
action, la "compensation" plus ou moins efficace d'un trouble primaire. Il est
vrai que lorsque le trouble de premier ordre n'est absolument pas compensé par
l'organisme, il se manifeste brutalement, et peut, sans ambigüité, être
considéré comme la "cause" de l'anomalie locomotrice (voir GUERIN: Chez
l'hémiplégique, "Le quadriceps peut être faible au début, et donc la cause
d'un effondrement du genou". Mais les choses ne sont, nous le savons,
généralement pas aussi simples. *b). troubles de second ordre. Nous parlerons
donc de trouble de second ordre, en présence de déviations du comportement
locomoteur standard, qui nous apparaissent comme des solutions, générées par
l'organisme, en réponse au problème qui lui est posé par la présence des
troubles primaires. Il est presque impossible, ici, d'éviter totalement de
psychologiser cette notion de "solution d'un problème", même si, nous devons
nous le rappeler, l'organisme se passe très largement de son exécutif
conscient, pour élaborer ses solutions comportementales. Nous retrouvons ici
les "boiterie" classiques, telles que le steppage caractéristique des lésions
du nerf sciatique poplité externe,(accentuation de la flexion de la hanche),
ou l'esquive dans l'espace et/ou le temps de la phase d'appui avec sur-
utilisation de la canne des hémiplégiques. La différence essentielle entre
trouble primaire et trouble secondaire, se situe dans le contraste entre la
prévisibilité de la manifestation des premiers, et le caractère plus
facultatif des seconds: En présence d'une paralysie des muscles de la loge
antéro-externe de la jambe, par hémiplégie, par exemple, tous nos patients
présentent le même phénomène: Leur pied atteint, soulevé passivement puis
lâché, retombe immanquablement, et le patient ne peut, consciemment ou
inconsciemment, "rien y faire". L'existence du trouble primaire est donc en
principe assez simple à déceler, sinon facile à évaluer. Au cours de la
locomotion, cependant, tous les patients porteurs de ce déficit ne réalisent
pas le classique steppage, certains "préférant" laisser trainer leur pied au
sol durant la phase d'oscillation, tandis que d'autres surélèvent le bassin du
côté atteint, ou même, occasionnellement, élèvent un peu le tronc par une
extension de la cheville opposée, qui est dans sa phase d'appui au sol à cet
instant.: L'autre différence évidente entre troubles primaires et
secondaires, est le caractère stable des premiers, par opposition à la
modifiabilité des seconds. Le comportement de fauchage en phase d'oscillation
(circumduction, autour de la hanche saine, du bassin et du membre inférieur
parétique), , par exemple, peut s'estomper et même disparaitre en quelques
instants de marche, s'il est possible d'aider la flexion du pied et du genou,
grâce à une stimulation électrique du nerf SPE. Ainsi, nous considérons que
les boiteries classiques ne sont pas reliées linéairement à une "cause
lésionnelle", comme le sont, nous l'avons vu, à la limite, les troubles de
premier ordre. Ce sont des actions compensatrices, des solutions facultatives,
des alternatives plus ou moins rentables, en réponse à un problème primaire
qui lui, est permanent, et contraignant. Ces adaptations de l'organisme sont
réalisées principalement (mais non exclusivement) par les zones non lésées du
système nerveux central, et notamment , chez les hémiplégiques, par la
musculature "saine". Ce fait explique d'ailleurs en très grande partie le
paradoxe de la relative précocité de la reprise de la marche chez certains de
ces patients, avant toute récupération neurologique de l'hémicorps
déficitaire. On sait que dans le cas de lésion bilatérale du cerveau, et
notamment dans les traumatismes crâniens graves, la reprise de la marche peut