Erick Staëlen, Lycée Pierre Corneille, Rouen, GRP 2013.
Première S : Accompagnement personnalisé : Quand la physique
rencontre les mathématiques : exemple d’une interaction réciproque
On considère souvent que la physique trouve, dans les mathématiques, ce dont elle aurait besoin mais
il arrive aussi que l’émergence d’une nouvelle en théorie en physique puisse susciter du côté des
mathématiques l’invention de nouveaux formalismes. Henri Poincaré, parfait exemple de physicien
mathématicien (ou de mathématicien physicien) écrit justement
« La physique ne nous donne pas
seulement l’occasion de résoudre des problèmes ; elle nous aide à en trouver les moyens et cela de deux
manières. Elle nous fait pressentir la solution, elle nous suggère des raisonnements ».
Le concept d’action à distance proposé par Newton ne s’est pas imposé sans mal. Comment en effet
imaginer qu’un corps puisse agir là où il n’est pas ? L’efficacité mathématique des lois qui en étaient
issues (loi de la gravitation et loi de Coulomb) ne suffit pas à convaincre Faraday. S’il est difficile
d’imaginer que deux corps puissent exercer, l’un sur l’autre, des forces à distance, que dire alors de
courants électriques créés à distance ? Pour Faraday, un lien matériel existe nécessairement entre
aimant "inducteur" et courant "induit". Quelque chose agit dans l’espace qui les sépare. Faraday, nous
dit Maxwell, « voyait par les yeux de son esprit, des lignes traversant tout cet espace où les
mathématiciens ne considéraient que des centres de forces agissant à distance; Faraday voyait un
milieu où ils ne voyaient rien que la distance; Faraday cherchait le siège des phénomènes dans des
actions réelles, se produisant dans ce milieu, tandis qu’ils se contentaient de l’avoir trouvé dans une
puissance d’action à distance particulière aux fluides électriques »
.
Entre une formalisation purement mathématique parfois abstraite et une représentation figurative
comme ici l’intuition initiale de Faraday appelant "champ" l’objet théorique qu’il est en train d’inventer -
parce qu’il le matérialise grâce à de petits brins de limaille qui s’orientent collectivement - le physicien
se déplace très souvent à l’intérieur de ces deux extrêmes.
Document 1 : La Lune ou la pomme sont soumis à la gravitation
Au XVIIème siècle, le mot "graviter" signifie peser, "être lourd" ; à cette époque ce sont
donc les pommes, les objets terrestres, les hommes qui, par nature, gravitent. Les
astres, eux, ne "gravitent" pas et nul, jusque-là, n’a jamais soupçonné qu’ils puissent
le faire. […] L’impact de la théorie newtonienne a été tel qu’il a modifié le sens
commun du mot "graviter". Il était attaché aux objets terrestres ; nous l’employons
maintenant pour des objets célestes et contrairement aux contemporains de Newton
qui étaient choqués d’apprendre que la Lune puisse "graviter", c’est d’apprendre
qu’une pomme "gravite" elle aussi qui pourrait aujourd’hui nous surprendre.
Document 2 : La loi de gravitation universelle
Entre deux corps de masses respectives m1 et m2, s’exerce une force d’attraction :
- dirigée suivant la droite qui joint le centre des deux corps,
- proportionnelle au produit de leur masse,
- inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare.
Pour exprimer ces résultats de manière plus concise, on écrit : F = G Error!
Cette expression ne suffit pas pour décrire avec précision l’effet physique de la force de gravitation :
pour définir complètement l’action d’une force, il faut encore préciser la direction et le sens dans lequel
elle agit, c’est pourquoi on utilise un "vecteur".
On écrit finalement :
le vecteur unitaire porté par la droite reliant le centre de l’objet de masse m1 au centre de
l’objet de masse m2
Henri Poincaré, La valeur de la science, 1905, p. 13.
Maxwell, Introduction au traité d’électricité et de magnétisme, 1873.