familiarité avec les personnes, les situations et le milieu social. En contrepartie, cette
posture exige du récul critique, traduit par le besoin de controler ce qu’il permet de
comprendre. Il s’agit des référenciaux d’expériences, individuelles ou partagées, construites
par des mouvements antagoniques concernant une implication d’éloignement. Avec le
progrès des sciences, il est presque impossible conférer un caractère absolu à la réalité qui
constitue l’objet de la recherche. Les concepts de connaissances, en leur évolution,
appellent, de plus en plus, à un savoir pluriel, et leur questionnement et analyse invoquent,
avec le besoin d’un surgissement de lectures différentes, une posture multiréférentielle. De
cette façon, d’une posture au départ réaliste, évolutionniste, linéaire, hypothétique-
déductive, la science s’ouvre à d’autres attitudes, interprétatives et idéalistes,
pluridimensionelles et dialectiques, historiques et temporelles, assujeties, comme la vie, aux
instabilités, aux conflits et aux ruptures.
Au nom de l’unité des sciences et d’une méthode qui leur était commune, et qui leur
conférait une légitimité scientifique, les sciences sociales et humaines, pendant longtemps,
ont calqué leur référence épistémologique sur les sciences physiques, exactes et
biologiques, jusqu’au moment où elles ont pris conscience des limites et du caractère
impertinent de ces modèles.
Dans le domaine des sciences sociales et humaines les chocs sont toujours arrivés
d’une manière contradictoire : tandis que Comte centre le positivisme sur la réduction de la
subjectivité, Maine de Biran découvre l’origine de la conscience du monde dans le
sentiment de l’effort ; Weber oppose des significations et des valeurs à la « chosification »
de Durkheim ; en opposition à une perspective de sommation des instants successifs,
présente dans la refléxologie de Pavlov et dans le constructivisme mécanique de Watson,
Bergson développe la théorie de la temporalité et de l’histoire. Ce que Comte et Durkheim
ont fait dans le domaine de la philosophie et de la sociologie, d’atres, comme Hume et Mill
l’ont fait en faveur de la psychologie. Wundt créa le premier Laboratoire de psychologie
expérimentale selon le modèle des sciences expérimentales ; Binet, Hall, Torndike et
Claparède poussent la méthode experimentale en psychologie de l’éducation selon les
canons du positivisme scientifique. La réaction à ce mouvement hégémonique vient de la
part de Piaget, en Suisse, Wygotsky, Luria et Leontiev, en Russie, Rogers, Maslow et
Bruner, aux Etats Unis. À partir des années 70 Cronbach et Campbell, au Congrès de
l’American Psychological Association, réagissent ostensiblement contre le positivisme,
mettant en relief l’importance des méthodes alternatives dans la recherche.
La multidimensionnalité des sciences humaines et sociales avance donc parmis des
discours contradictoires, plonge dans les théories de la compléxité et s’approche, de plus en
plus, de l’analyse des situations et des contextes du vécu des sujets. L’analyse
institutionnelle, l’ethnométhodologie, la microsociologie réhabilitent sans cesse le savoir
profane par rapport aux canons officiels et au savoir sophistiqué de la sociologie
traditionnelle. Avec les pratiques sociales, la connaissance devient reféxive, est enrichie par
de nouvelles postures et de nouveaux regards. Dilthey signale la différence fondamentale
entre l’objet des sciences naturelles et celui des sciences sociales, différence impliquant une
divergence entre ces types de sciences par rapport aux attitudes du chercheur, à la façon de
conduire la recherche et aux objectifs de l’investigation elle même. D’après Dilthey, dans
les sciences sociales on ne s’occupe pas des objets ou des choses inanimées, mais des
produits de l’esprit étroitement liés aux individus dans des contextes spécifiques de leur
époque historique, dont font partie la subjectivité, les émotions, les valeurs et les rapports
culturels. Selon lui, les sciences de l’homme et de la société sont plutôt des sciences de la