Poly Dr Schmidt - Otites moyennes aiguës - polys-ENC

1
Pascal SCHMIDT
Praticien Hospitalier
Service d'ORL et de chirurgie de la face et du cou
CHU Robert Debré REIMS
Octobre 2002
pschmidt@chu-reims.fr
O
OT
TI
IT
TE
ES
S
M
MO
OY
YE
EN
NN
NE
ES
S
A
AI
IG
GU
UE
ES
S
GENERALITES
Les otites moyennes aiguës sont très fréquentes, particulièrement chez l'enfant jeune. Il faut
cependant avoir une certaine rigueur diagnostique pour ne pas "mélanger les genres".
En effet, on a tendance à parler en raccourci: beaucoup de médecins disent "otite" sans plus
de précision, quelle que soit la situation pathologique: une otalgie isolée ou fébrile, un tympan rouge
avec ou sans otalgie, ou une otorrhée purulente isolée.
C'est très ennuyeux, car le mot "otite" ne veut de cette façon plus rien dire du tout, puisqu'il
regroupe alors des situations pathologiques allant de la rhinopharyngite aiguë avec une banale
poussée inflammatoire de l'oreille moyenne sans infection bactérienne, jusqu'à l'épisode de
surinfection d'une otite chronique dangereuse qui peut engager le pronostic vital...sans parler des
otites externes, qui concernent la peau du CAE et non la muqueuse de l’oreille moyenne!
DEFINITION
On appelle otite moyenne aiguë (OMA) l'inflammation aiguë de la muqueuse de l'oreille moyenne.
Notez qu’inflammation n’est pas synonyme d’infection, pas plus qu’infection n’est synonyme d’infection
bactérienne. De même, “aigu” signifie qu’il y a un début et une fin pas très éloignés l’un de l’autre,
sans inflammation avant ni après (autrement, c’est une poussée d’acutisation d’une inflammation
chronique). On y reviendra.
Aux plans anatomique, physiologique et embryologique, l'oreille moyenne est une annexe du
rhinopharynx, dont elle dérive par invagination d'un tube muqueux en doigt de gant qui se dirige vers
l'arrière et latéralement, pour s'insinuer entre, en dedans, l'oreille interne et, en dehors, le fond du
CAE.
La membrane du tympan sépare l’oreille externe (épiderme) de l’oreille moyenne (muqueuse
de type respiratoire) et constitue une véritable “fenêtre” semi-transparente sur la caisse du tympan
(voir schémas).
La muqueuse qui revêt toutes les cavités de l'oreille moyenne est en continuité avec la
muqueuse rhinopharyngée, et leurs pathologies sont intimement liées.
2
Il faut beaucoup insister sur le mot "aigu", qui fait partie de la définition de l’OMA. Il
signifie que le processus inflammatoire de l'oreille moyenne a une durée brève, et qu'il est suivi du
retour à la normale. La disparition des symptômes (douleur, fièvre, surdité, écoulement) ne prouve
nullement que l'oreille est normalisée! Même en cas d’ otite chronique vraie, on n’a en général que des
symptômes transitoires, lors de poussées de "réchauffement" de l’inflammation. La majeure partie
de l'évolution de ces otites chroniques se fait ainsi à bas bruit, avec des anomalies otoscopiques
permanentes, mais des signes fonctionnels intermittents. Se contenter de la seule disparition
desdits signes fonctionnels sans vérification otoscopique pour conclure à la guérison amène en fait à
méconnaître purement et simplement le diagnostic de cette otite chronique, ce qui peut être
extrêmement lourd de conséquences.
Donc: seule la vérification de la guérison à l'otoscopie permet d'avoir (rétrospectivement) la
certitude que "l'otite" qu'on vient de traiter était bien une OMA...
ETIOLOGIE
Le point de départ d'une OMA est très généralement une rhinopharyngite virale.
Celle-ci crée des lésions épithéliales, et des phénomènes inflammatoires (congestion,
oedème, hypersécrétion) qui perturbent le renouvellement de l'air de l'oreille moyenne et y
favorisent le confinement et l'inflammation, et éventuellement la surinfection bactérienne.
Les Germes en cause dans les OMA bactériennes
Toutes les OMA ne sont pas bactériennes, loin s'en faut (+++++).
Bien souvent les OMA sont simplement des otites congestives, avec une inflammation aiguë d'origine
virale. Les virus potentiellement responsables sont très nombreux, puisque ce sont ceux des rhinites,
pharyngites, rhino-bronchites, laryngites, syndromes grippaux...Evidemment l'antibiothérapie est ici
sans peu d’intérêt.
Si l'OMA est bactérienne, la colonisation microbienne de l'oreille moyenne se fait en
général avec quelques espèces bactériennes bien répertoriées, qui sont les hôtes habituels du
rhinopharynx de l'enfant.
Par ordre décroissant de fréquence,quelques germes font la majorité des OMA suppurées:
Deux grands malfaiteurs:
• Haemophilus Influenzae, (un peu plus de 40% des OMA)
• Pneumocoque, (environ 40%) le plus redouté,
et, moins fréquents:
• Staphylocoque aureus (<10%)
• Branhamella (Moraxella) catarrhalis (<10% aussi)
• citons aussi le strepto A ß-hémolytique: Streptococcus pyogenes.
Ces proportions évoluent selon la tranche d'âge et au fil des années: l'écologie des populations
bactériennes n'est pas immuable!
HAEMOPHILUS INFLUENZAE
1
est aujourd'hui souvent sécréteur d'une ß-lactamase, qui
détruit les péni G et A, mais pas les céphalosporines (cf. traitement).
1
Il s'agit d'Haemophilus "de base", et presque jamais des dangereuses souches B, invasives contre lesquelles la
vaccination est maintenant généralisée (les Haemophilus de type B, entraînent des septicémies, méningites, épiglottites, cellulites
faciales du nourrisson)
3
Il est prédominant (>>50%) dans les OMAP du "grand" enfant après 3 ans
Il donne parfois un tableau clinique particulier associant otite + conjonctivite suppurées.
Devant un tel syndrome otite-conjonctivite, on est, à 80%, sûr d'être en présence d'un Haemophilus:
c'est intéressant car on est alors en droit de ne viser que ce germe dans le choix ATB qu'on va
faire, et c'est bien plus simple.
STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE (pneumocoque) est un germe qui a évolué de manière
rapide et préoccupante: on voit de plus en plus souvent des souches peu voire pas sensibles aux
pénicillines, qui représentent aujourd’hui la majorité des OMA à pneumocoque!!!
L'apparition de ces PSAP (pneumocoques de sensibilité anormale à la pénicilline) nous a
obligés à réviser à la hausse les posologies d'amoxicilline , voire à changer de molécules, en fonction
des pneumocoques qu'on rencontre dans sa région.
Cette résistance ne dépend pas d'une enzyme mais d'un changement de perméabilité de la
paroi bactérienne. Autrement dit, l'ajout d'un inhibiteur des bêta-lactamases ne sert à rien contre
ces PSAP...
Le pneumocoque est proportionnellement prédominant (>40%) chez le jeune enfant avant 3
ans.
On a plus de risque d'avoir un PSAP si l'enfant est très jeune (<18 mois),s'il a déjà fait
des OMA récentes, s'il vit en milieu urbain et fréquente une crèche (++++).
Hormis ces facteurs épidémiologiques de risque d'OMA pneumococcique, ce germe peut aussi
être plus particulièrement suspecté si l'OMA est très fébrile et très douloureuse.
STAPHYLOCOCCUS AUREUS se voit plus volontiers dans les OMA qui récidivent et/ou les
formes traînantes, et aussi que chez le très jeune enfant <3 mois. Il est parfois résistant par
production de bêta lactamases.
Attention: si le "staph" est peu présent dans les OMA, il l'est proportionnellement plus dans
les complications, mastoïdites notamment. On ne doit donc pas le négliger.
Dans les mêmes cas particuliers que le staph, on peut rencontrer aussi le "pyo", Pseudomonas
aeruginosa.
2
Les bactéries anaérobies (pour mémoire) ont une part qui n'est pas bien connue, en raison
des difficultés de leur isolement et du fait qu'on les rencontre souvent associées à une autre germe
pathogène, ce qui rend difficile l'appréciation de leur responsabilité. Toutefois, elles sont
quelquefois formellement en cause dans certaines des complications d'OMA, en particulier quelques
mastoïdites, alors souvent plus graves.
BRANHAMELLA CATARRHALIS se voit occasionnellement dans les OMAP, mais reste très
minoritaire en France (<10%) alors qu'il paraît plus fréquent dans d'autres pays, USA notamment.
La quasi totalité des souches produit une bêta lactamase, mais qui n’a guère d’importance car
ce germe ne semble pas très redoutable, donnant uniquement des OMA qui guérissent et quasiment
jamais des complications d'OMA. Sa bêta lactamase a donc peu de portée pratique.
2
Pseudomonas aeruginosa devient carrément le germe le plus courant en cas d'otorrhée purulente prolongée ou
chronique. Mais on n'est plus du tout dans le cadre de l'OMA: il s'agit cette fois d'une otite chronique (cf.cours)!
4
LE TRES JEUNE ENFANT AVANT 3 MOIS est un cas particulier: il peut certes faire des OMA
avec les germes de la flore précitée, mais une fois sur deux l'OMA du tout petit nourrisson est
liée à un autre germe (BG-, entérobactéries...) de sensibilité non prédictible
--> Moralité: le prélèvement bactériologique par paracentèse est ici souvent nécessaire
puisqu'on ne peut plus raisonner de façon probabiliste comme chez l'enfant plus grand.
Ces données d'épidémiologie bactérienne guident le choix thérapeutique (cf. chapitre traitement).
Elles sont susceptibles de varier, d'un lieu à un autre, et surtout au fil des années, ce qui
impose de se tenir informé des études bactériologiques régulièrement renouvelées.
Soulignons à ce propos qu'il est exclu de se reposer uniquement sur les informations des
laboratoires pharmaceutiques pour définir son attitude thérapeutique: leur discours est susceptible
d’être tronqué, laissant à croire que toute otalgie, toute rhinopharyngite à tympan rouge relèvent
d'une antibiothérapie, de préférence de “nième génération”...
EPIDEMIOLOGIE des OMA
Les OMA sont la conséquence d'une infection muqueuse respiratoire: il est donc logique
de constater une recrudescence des OMA en saison froide et humide, qui coïncide avec les
épidémies de coryza.
Les OMA affectent avec prédilection l'enfant entre 6 mois et 6 ans environ, ce qui est la
tranche d'âge où existe physiologiquement une plus grande vulnérabilité aux rhinopharyngites
virales, et aussi à la stase muqueuse et la surinfection de l'oreille moyenne. C'est dû aux
caractéristiques anatomiques et fonctionnelles du rhinopharynx de l’enfant (étroitesse, présence
des végétations... favorisant la stagnation des mucosités) et de la trompe d'Eustache (plus courte ce
qui “isole” mal l’oreille du nez, relative immaturité fonctionnelle la rendant incapable d’assurer une
aération valable de la caisse du tympan), ainsi qu’à une certaine immaturité de l’immunité de surface
(Ig A sécrétoires), au défaut de mouchage, etc...
Deux sous-groupes d’âge=
avant deux ans et demi les OMA sont plus volontiers suppurées, et c'est
l'âge des OMAP avec complications;
• et après trois ans on a davantage d'OMA congestives et de "fausses"
OMAP par poussées de réchauffement d'une otite séro-muqueuse chronique. Alors que le risque de
voir de vraies complications d'OMAP devient très faible, on peut à cet âge commencer à voir des
dégâts tympaniques d’otite chronique voire des évolutions dangereuses (cf. otites chroniques)
Le risque de récurrence des OMA est plus grand si la première OMA est survenue avant
l'âge de 6 mois et si des facteurs favorisant les rhinopharyngites à répétition sont présents: crèche,
tabagisme passif, RGO, carence martiale, ancien prématuré...
Par contre, l'allaitement au sein semble avoir un relatif effet protecteur.
CLINIQUE
5
L'OMA EST UNE OTALGIE FEBRILE A TYMPAN TEMPORAIREMENT ANORMAL
elle associe en effet:
-des signes fonctionnels: otalgie surtout
-des signes généraux: fièvre avant tout
-des signes locaux: modifications du tympan.
dont l'assemblage réalise plusieurs tableaux cliniques: les différents "stades" de l'OMA.
L'OMA est d'autant plus volontiers bilatérale que l'enfant est plus petit.
STADES "EVOLUTIFS" ????
On décrit classiquement plusieurs stades cliniques, supposés successifs, qui sont:
Otite congestive->OMA suppurée->OMA collectée->OMA perforée->guérison
En fait, ces “stades” sont des entités cliniques, et non obligatoirement des étapes chronologiques.
Dans la pratique la majorité des OMA a un déroulement soit avorté, soit télescopé.
Déroulement avorté: les otites congestives (stade dit "de début"), qui sont de loin les plus
courantes, surtout chez le grand enfant, guérissent la plupart du temps sans se surinfecter.
les OMA suppurées guérissent souvent sans se perforer.
Télescopage des stades: si elle survient, la surinfection bactérienne (qui définit le
“stade” d'OMA suppurée, se déclare volontiers rapidement et on n'a alors pas eu le temps de voir le
bref aspect d’OMA congestive qui a pu précéder.
rappel: pour pouvoir dire avec certitude otite "aiguë", il faut vérifier a posteriori la disparition
de tout signe inflammatoire otoscopique.+++++
C'est très important lorsqu'il s'agit d'OMA "à répétition". On le redira encore!.
Souvent, il y a des otalgies à répétition, ou des otorrhées à répétition, ou un tympan rosé constaté à
plusieurs reprises en contexte infectieux rhinopharyngé, mais en réalité l'inflammation est
chronique (otite séro-muqueuse chronique), et l'on n'a vu que la partie émergée de l'iceberg...
L'OTITE AIGUE CONGESTIVE
C'est essentiellement une poussée de congestion inflammatoire aiguë, et il n'y a en principe pas
d'infection bactérienne de l'oreille dans ce cas.
Presqu'en même temps que la rhinopharyngite causale apparaissent:
OTODYNIE (douleur de l'oreille) vive, entraînant des pleurs. Elle se déclare très volontiers
le soir ou durant la nuit. L'enfant s'endort avec un rhume et se réveille en pleurant. Le tout petit ne
sait pas exprimer où il a mal: il pleure et, au plus, se tripote l'oreille.
TYMPAN CONGESTIF constaté à l'otoscopie. La membrane tympanique est rouge,
vasodilatée. Signe capital, le tympan simplement congestif reste fin, donc garde sa demi-
1 / 20 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !