Compte rendu de la réunion du groupe de travail, accès des forces

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Accès des forces de vente aux
magasins
Carrefour fait l’objet en sa qualité de personne morale, d’une poursuite judiciaire pour délit de marchandage, à
la suite du contrôle effectué par l’inspection du travail dans le magasin Carrefour de Perpignan. Du fait de
l’ouverture de cette procédure judiciaire, le distributeur a rédigé deux modèles de contrat, qu’il a adressés à ses
fournisseurs. Ces deux modèles sont quasiment identiques. Il y a identité des points relatifs aux engagements
du fournisseur, à savoir les points 1 (informations des magasins), 2 (personnel du fournisseur), 3
(immatriculation et déclaration du fournisseur). Les seules différences résident dans le préambule et le point 4
(recours à une société d’animation), du fait qu’un des modèles prévoit cette éventualité et l’autre pas.
La presque totalité des entreprises adhérentes ont reçu ou signé le modèle de contrat qui ne prévoit pas le
point 4 (recours à une société d’animation). L’analyse des dispositions contenues dans ce modèle permet de
constater l’important déséquilibre qui existe entre les obligations des parties. En effet, ce modèle de contrat fait
obligation au fournisseur de n’affecter dans les magasins du distributeur que des salariés qui sont directement
employés par lui ce qui, a contrario, interdit en réalité au fournisseur de recourir à des sous traitants spécialisés
dans l’animation. Si la signature de ce modèle de contrat ne pose aucune difficulté chez le fournisseur qui
dispose en interne d’une force de vente capable d’accomplir ou de satisfaire toutes les exigences liées au
remplissage, à l’implantation de linéaire et à l’animation commerciale, activités par nature saisonnières, il n’en
est pas de même, chez le fournisseur qui a l’habitude de recourir à des sociétés de prestations de services. En
réalité la totalité de nos adhérents ont recours, dans un cas ou dans un autre, à ces prestataires soit, pour
assurer le remplissage ou l’implantation des linéaires, soit pour assurer les animations commerciales. Dès lors,
la signature de ce contrat met le fournisseur dans une situation difficile vis-à-vis du distributeur, car il s’engage
juridiquement à ne placer auprès des magasins de l’enseigne que des salariés qui sont directement soumis à
son autorité et à son contrôle, alors que dans les faits, il peut se trouver contraint de recourir à des sociétés de
services. Pour éviter ce risque, il été convenu d’amender le contenu du contrat et de demander à Carrefour
d’intégrer dans les contrats, la faculté pour le fournisseur de recourir à des sociétés de services, pour les
opérations de remplissage, d’implantation et d’animation commerciale.
En sus de ce point, certaines autres dispositions du contrat doivent également être modifiées.
Le point 2 (personnel du fournisseur), les éléments évoqués dans cette partie soulignent l’engagement et
l’obligation que le fournisseur prend lorsqu’il signe ce contrat de n’affecter à l’exécution de ses prestations dans
les magasins que le personnel régulièrement soumis à un lien de subordination. C’est lui qui dans cette
hypothèse, détermine le lieu de travail, les horaires de travail, les traitements et salaires des salariés, ainsi que
les directives qu’ils reçoivent.
Le distributeur cherche par ce moyen à échapper, en cas de contrôle de l’inspection du travail, à la qualification
du délit de marchandage car le juge en cas de poursuite pour marchandage ou pour prêt illicite de maind’œuvre, utilise la méthode dite du faisceau d’indices. Il cherche à savoir si :
-
les tâches accomplies par l’entreprise prêteuse sont spécifiques, c’est-à-dire si elles sont distinctes de
celles accomplies traditionnellement par les employés de l’utilisateur ;
-
l’objet du contrat porte exclusivement sur la mise à disposition de main-d’œuvre ;
-
le pouvoir de direction effective et de contrôle sur les salariés présents dans les magasins sont exercés
par l’entreprise prêteuse, sachant que ce pouvoir ne doit en aucun cas être transmis à l’utilisateur.
Le contrat prévoit également que « la force de vente du fournisseur devra également se conformer au
règlement intérieur du magasin dans lequel elle interviendra ». Cela suppose qu’une copie du règlement a été
remise à la force de vente par le distributeur. Or, aucune mention ne figure au contrat sur la communication de
ce document au personnel du fournisseur. Cette modification doit également être apportée au contrat.
Le problème se pose de l’accident de travail dont pourrait-être victime le personnel du fournisseur dans le
magasin du distributeur ou survenu durant le trajet (aller-retour). Quid de la responsabilité du fournisseur ou
du distributeur ? Aucune disposition du contrat n’envisage cette hypothèse. Il conviendrait de soulever cette
question et d’y apporter une réponse.
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GROUPE DE TRAVAIL RESSOURCES HUMAINES – MARS 2003
Dans la clause relative aux traitements, salaires et émoluments du personnel du fournisseur, Carrefour exige
que celui-ci « le garantisse de tout recours de ce chef au regard des dispositions du code du travail et
notamment des articles L 122.12 (reprise du personnel par le nouvel employeur en cas de modification dans la
situation juridique de l’employeur), L 125-1 (délit de marchandage), L 125-3 (délit de prêt illicite de main
d’œuvre), L 152-3 (sanctions applicables aux délit de marchandage et de prêt illicite de main-d’œuvre), L 143-3
(obligation pour l’employeur de remettre une fiche de paie à ses salariés), L 143-5 (abrogé) L 620-3 (obligation
pour tout employeur de tenir un registre du personnel), ainsi que de « toutes les conséquences financières qui
s’attacheraient à toute condamnation prononcée sur ces différents chefs à l’encontre du distributeur ».
Dans sa rédaction actuelle cette clause porte atteinte au principe d’ordre public selon lequel les condamnations
pénales ne peuvent être transférées.
Cette remarque s’applique également aux dispositions relatives à l’immatriculation du fournisseur, en ce que le
distributeur exige le remboursement par les fournisseurs des amendes qu’il aura payées.
Pour toutes les autres garanties (dommages et intérêts, frais de procédure, de publication et d’avocat), il
convient de négocier pour enlever ces clauses du contrat. A défaut, il faut déterminer précisément les
conditions de mise en œuvre de la garantie. Un plafond pourrait être déterminé, au-delà duquel la garantie ne
joue pas. Une franchise peut également être prévue. Il peut être prévu également de limiter la durée de la
garantie ainsi que son délai de mise en œuvre à défaut de quoi, il y a forclusion.
Par ailleurs, l’exigence mise à la charge du fournisseur dans le contrat de communiquer «une attestation sur
l’honneur certifiant que le travail est réalisé par des salariés régulièrement employés au regard des dispositions
du code du travail » fait double emploi avec le courrier type (lettre adressée par le fournisseur au directeur de
chaque magasin concerné), en ce que ce document atteste que le personnel affecté au magasin est employé
par le fournisseur.
Enfin, le distributeur « s’engage à ne pas intervenir dans l’activité du personnel du fournisseur, et d’une façon
générale d’exercer tout acte d’autorité ou de contrôle sur ledit personnel » . Cet engagement répond à la
volonté de Carrefour d’échapper à une poursuite pour délit de marchandage en cas de contrôle de l’inspection
du travail. Reste à vérifier si, en pratique, le personnel de la force de vente du fournisseur ne reçoit pas dans
son travail au quotidien des directives du chef de rayon du magasin.
Il serait utile de négocier auprès de Carrefour, l’ajout d’un paragraphe supplémentaire qui prévoirait la faculté
pour le fournisseur de recourir à une société de services. Accepter l’exigence de Carrefour que ces entreprises
appartiennent au Sorap (Syndicat national des organisateurs et réalisateurs d’actions promotionnelles et
commerciales) ou au SNPA (Syndicat national des prestataires de services d’accueil, d’animation et de
promotion), pourrait être considéré comme constitutif d’une entente verticale, anticoncurrentielle. Il faut aussi
éviter d’accepter que le fournisseur se porte fort pour le prestataire et garantisse Carrefour contre les actions
de celui-ci. À défaut, il convient de prévoir dans les contrats conclus avec le prestataire certaines dispositions
pour limiter les risques. Ces éléments sont par exemple les suivants :
-
l’obligation pour le prestataire de souscrire une police d’assurance, afin de couvrir l’ensemble des
dommages causés par son intervention au sein des magasins. La copie de ce contrat d’assurance doit
être communiquée au fournisseur avant le début de la prestation ;
-
l’obligation pour le prestataire d’obtenir le règlement intérieur des magasins et de le faire respecter par
ses employés ;
-
l’attestation sur l’honneur produite par le prestataire ou l’obligation, pour lui, de produire les pièces
justificatives (article R 324-4 du Code du travail) lors de la signature du contrat de prestation, puis
annuellement en cas de renouvellement dudit contrat, indiquant que le personnel qu’il affecte à
l’exécution de sa prestation dans les magasins, est régulièrement employé à son effectif, selon les
textes en vigueur notamment les articles L 143-3, L 620-3 du code du travail.
De plus, il faut veiller à ce que le contrat signé avec le prestataire comporte certains éléments pour éviter la
requalification du contrat de prestation de service en contrat de prêt illicite de main d’œuvre par le juge en cas
de contentieux :
-
les taches effectuées par le prestataire doivent être spécifiques. Celui-ci doit apporter un vrai savoir
faire. Les travaux accomplis doivent être distincts de ceux accomplis traditionnellement par la force de
vente du fournisseur ;
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-
l’objet du contrat de prestation de service ne doit pas porter exclusivement sur la mise à disposition de
main-d’œuvre ;
-
le prestataire doit exercer effectivement le pouvoir de direction et de contrôle sur ses salariés. Ce
pouvoir ne doit en aucun cas être transmis à l’encadrement ou aux employés de l’entreprise
utilisatrice ;
-
le prestataire de service doit être rémunéré au forfait, au lieu du nombre d’heure passé.
Si la négociation avec Carrefour échoue sur ce point, c’est-à-dire en cas de refus de l’enseigne d’insérer un
paragraphe complémentaire dans le contrat qui permettrait au fournisseur de recourir à une société de
services, il reste la possibilité pour les adhérents de conclure un contrat de travail intermittent à temps partiel
avec des salariés pour effectuer les travaux qui étaient jusque là confiés à des sociétés de prestations de
services. Toutefois, le fournisseur ne peut signer des contrats de travail intermittent sur le fondement de
l’article L 212-4-13 du code du travail qu’après avoir vérifié que, dans son secteur d’activité, une convention ou
un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement prévoit la possibilité
de recourir au contrat de travail intermittent et que cette convention n’a pas fait l’objet de l’opposition prévue à
l’article 132-26 du code du travail (cf. article L 212-4-12).
Les secteurs d’activités qui ne bénéficient pas d’une telle convention ne peuvent pas recourir au contrat de
travail intermittent.
L’idéal serait cependant d’obtenir de Carrefour, la modification de son contrat d’origine.
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