Farge 2010-2011
Damien Mercredi 05 Octobre
LMPHI172, R. Damien Philosophie Moderne
devenir grand, puissant. Il n’y a pas d’être : j’essaye d’être ce que je deviens, ce qui est déjà pas mal. On est
donc dans un univers totalement intranquille, instable, inquiet entre ceux qui veulent dominer et ceux qui ne
veulent pas être dominé. Il y a une conflictualité : c’est la guerre. Pourtant, l’homme a peur de la mort. De ce
fait, dans ce monde instable, où il n’y a plus d’ordre et que l’homme ne sait plus qui il est, là où on est en guerre
perpétuelle comme le dit Hobbes, comment peut-on se conserver en vie ? Il faut faire un état. Mais comment
construire un état qui domine, durablement, qui se maintient, qui se transmet sans être pour autant instable ?
Dilemme tragique.
Machiavel répond à cette dernière question, par l’idée qu’il faut accepter de rentrer en mal. C’est par la cruauté
qu’on génère du bien. C’est parce qu’une société est capable de sacrifier une partie des intérêts particuliers que
peut émerger un état supérieur. Le scandale de Machiavel se résume à ceci : « Injustice particulière pour justice
générale. » Il faut un meurtre originel ; d’ailleurs, aucune société n’y échappe : c’est anthropologique,
invariable. L’état est la fleur du mal : Baudelaire a parfaitement conscience de ce qu’il disait comment
émerge la charogne : un crime d’état qui est à l’origine d’un état. Et c’est ce qui fait un homme d’état.
Naudé, de manière inadmissible, a été un grand défenseur de la St Barthélémy : on aurait du tous les tuer ; on
s’est arrêté en cours de route. Et les catholiques auraient aussi du y passer ! La théologie ne peut être le
fondement de la politique. Naudé est un grand théoricien du coup d’état légitime, d’un coup d’état juste. Un
homme d’état républicain, démocrate, c’est aussi celui qui assume la raison d’état, qui assume le droit exorbitant
d’être inhumain au nom de la liberté. La raison d’état, on peut en rendre raison : seul un homme d’état a le droit
d’envoyer à la mort, en déclarant la guerre. Ce n’est pas l’homme privé. Y a-t-il des raisons qui justifient la
raison d’état ? Certains disent que non. La raison d’état a donné naissance à l’impôt : un sacrifice d’une partie
des revenus que l’on donne à l’état pour qu’il assure certaines fonctions. Cependant, il doit rendre raison de ses
raisons, par exemple dans le cadre d’une entrée en guerre : peut-on parler de guerre juste ? Il faut accepter d’être
tué, certes c’est ici le rôle du citoyen au nom de la raison d’état pour défendre la patrie, mais il faut aussi donner
la mort. Un soldat en uniforme reçoit le droit de donner légitimement la mort. Comment légitimer cette force
exorbitante de donner la mort, de devenir criminel ?
Certains refusent cette raison d’état, qu’on appelle la politique. Ernst Junger appelle ça l’anarch, ou l’an-archie.
On est donc tous, au fond, anarchiste. Le fondement de l’hégémonie américaine : l’anarcho-capitalisme. Il ne
faut surtout pas d’état providence : pas d’intérêt supérieur au marché.
Pour Machiavel, il n’y a pas de libre arbitre : la nécessité fait loi (Spinoza). Pour d’autres, il y a le libre arbitre :
« Je vois le bien, et je fais le pire », Ovide. Qu’est-ce que la raison d’état pour Descartes ?
Pourquoi y a-t-il une pluralité de « nous » ? Y a-t-il un nous supérieur à nos appartenances ? Au nom de quel
droit ? Sur quelle nécessité ?
Biographie bibliographique de Gabriel Naudé.
1. Né le 3 février 1600, mort le 29 juillet 1654. Il était le l’ainée de huit enfants d’un huissier au bureau de
finance, et d’une mère illettrée. Petite bourgeoisie. Il est remarqué par un trésorier de l’épargne (parce que son
père est gardien du bureau des finances) de part son intelligence. Il fait donc des études dans un grand collège de
Navarre, au milieu de la grande noblesse. Il acquiert une formation de médecin, mais de médecin humaniste : la
médecine n’est pas constituée (cf. pièces de Molière). Il a donc une formation empiriste, antirationaliste, anti
miracle.
Il écrit son premier texte en 1623, consacré à l’imposture des Roze-Croix : Instruction à la France sur la Vérité
de l'Histoire des Frères de la Roze-Croix... Paris, Chez François Julliot, 1623. Il démontre donc que c’est une
imposture : il dénonce la peur de la mort comme un instrument de domination du peuple. Plus on fait peur en le
faisant espérer, plus on le domine. La superstition, l’illusion religieuse apparait donc comme un instrument
religieux.
Premier voyage en Italie : il cherche à améliorer sa formation de médecin. Premier contact avec l’aristotélisme
antichrétien, avec Averroès. Comment Aristote a-t-il pénétré l’occident ? Par qui a-t-il été traduit ? L’une des
thèses est qu’il est passé par les mathématiciens et médecins empiristes arabes (si tant est qu’arabe veuille dire
quelque chose), avec comme premier véhicule, Averroès. Traditions hippocratique de l’observation : la vérité
d’un remède s’expérimente. Rationalisme critique vu par les empiriques : ils sont empiristes (on est dedans, un
peu aveuglément dans la succession empirique des phénomènes) et non expérimentaux (point de vue abstrait,
extrait, qui permet de construire un concept). Pour faire une loi, il faut expérimenter : une loi étant un rapport
nécessaire et invariant entre deux points. Naudé est donc en contact avec la médecine empirique.
De retour à Paris, il pénètre un nouveau milieu : le milieu cultivé des érudits. Ils veulent revenir aux sources de
l’antiquité, en pensant à la langue naturelle ; revenir aux textes, se débarrasser de toutes les scories accumulées
par le temps, des copieurs, des répétiteurs. Ils forment donc une académie : un gout positif du collectif être
ensemble permet de mieux découvrir la vérité, en se découvrant réciproquement, en discutant. Ils sont érudit,