
L’oeuvre destructrice des guerres actuelles est encore plus terrible dans le domaine de
l’esprit que sur le plan matériel. Dans les pays totalitaires, discours, journaux, cinéma,
radio font sans cesse appel aux forces irrationnelles de l’âme pour créer une folie
collective, afin de fondre tout un peuple dans une seule volonté orientée vers une fin
unique: la victoire à tout prix, moyennant n’importe quel sacrifice. Personne n’a plus
même le droit de demander ce que signifie au juste la victoire. On exige la victoire pour
la victoire. On veut survivre, sauver n’importe comment même ce qui ne mérite
aucunement d’être sauvé. La dissimulation, les mensonges sont systématiquement
utilisés, à l’égal des armes de combat, des bombes ou des torpilles. Raisonner, douter,
c’est être un ennemi de la patrie. Toutes les valeurs morales sont bouleversées. On
récompense la violence, la méconnaissance complète de toute règle de vie civilisée, la
haine sans aucune atténuation, le conformisme et l’obéissance la plus aveugle aux
ordres venus d’en haut. On n’a plus aucun respect pour la vie humaine, pour la loi,
pour l’esprit de tolérance. On perd tout sens de la responsabilité individuelle et aussi
tout sens critique.
Conséquences politiques de la paix armée
La simple menace de guerre corrompt les périodes de paix, leur communique déjà les
caractères essentiels de la guerre.
D’autre part, les passions sociales déchaînées par la guerre ne s’apaisent
généralement pas avec la cessation des hostilités. Les institutions juridiques
traditionnelles, désormais chancelantes ou même effondrées, ne peuvent plus contenir
ces passions; aussi se précipitent-elles de tous côtés en désordre, et la lutte politique
reprend la caractère violent de lutte armée entre factions.
Pour que les libertés existent, il faut que le pouvoir soit décentralisé, il faut que les
citoyens aient la possibilité effective de s’intéresser à la chose publique, il faut que la
vie politique circule dans les nombreux organismes intermédiaires, nécessaires entre
l’individu et l’Etat, et surgis spontanément par l’association de tous ceux qui ont les
même intérêts et le même idéal. Une telle décentralisation s’oppose aux buts que les
gouvernements sont obligés de se proposer dans les périodes de paix armée. Dans le
préparation de la guerre, les résultats les plus effectifs s’obtiennent si l’on fait
converger vers un but unique toutes les forces économiques, démographiques et
spirituelles, conformément à un plan d’ensemble étudié et mis au point par un
gouvernement ayant le maximum de puissance et la plus grande continuité, c’est-à-