Gerard CLEMENT Page 4 du 1ER AU 7 JUILLET 2015 76978227417/04/2017
issus de la PEEC. Il n'est pas certain que la réforme en cours d'élaboration apporte une réponse probante sur ce point. Elle a en
tout cas indéniablement tendance à créer un facteur d'incertitude quant à la capacité de la future organisation centralisée d'Action
Logement de préserver l'ancrage territorial de l'institution et de cultiver un lien de proximité étroit avec ses partenaires locaux que
sont les entreprises et les collectivités.
Le second enjeu engageant l'avenir d'Action Logement concerne l'emploi des fonds issus de la PEEC. Pour la plupart des
observateurs, la perte de légitimité de l'institution tient largement au fait que les acteurs paritaires se montrent incapables depuis
plusieurs décennies de faire évoluer l'utilisation des fonds en relation avec la transformation des besoins en logement. Tout porte à
croire aujourd'hui que le renforcement de la légitimité d'Action Logement passe par la réactualisation de l'offre de prestations au
regard des risques sociaux qui apparaissent depuis une quinzaine d'années au croisement de l'emploi et du logement. Sur ce point
également, les implications de la réforme amorcée il y a trois mois sont relativement difficiles à apprécier. Les artisans de cette
réforme mettent en avant sa propension présumée à apporter des réponses à quelques-uns des dysfonctionnements majeurs de
l'institution (développement de pratiques concurrentielles autour de la collecte de la PEEC, tendance à engendrer des inégalités
entre les salariés dans l'accès aux aides).
Au-delà des discours de justification, il est cependant malaisé d'identifier une orientation attestant que la réforme est l'expression
d'un projet politique fort émanant des partenaires sociaux. Ainsi, plusieurs dispositions interrogent quant au sens des objectifs
poursuivis. On est par exemple en droit de se demander en quoi la constitution d'un pôle immobilier unique à l'échelle d'Action
Logement est de nature à produire une plus-value en direction du logement des salariés. Or, on peut estimer que la manifestation
d'une capacité des partenaires sociaux à bâtir un projet politique clair autour du lien entre emploi et logement est essentielle à la
légitimation de leur présence à la tête de l'institution. À défaut, la réforme actuelle pourrait se révéler à double tranchant, la
concentration des instruments de pilotage du dispositif à l'échelle nationale étant par essence de nature à favoriser la mise en
œuvre opérationnelle d'un éventuel projet de budgétisation de la ressource financière.
Pourquoi les protestations de rue ne marchent pas
par The Atlantic, Lina Boutaleb - 22 Juin 2015
Les protestations de rue sont au rendez-vous. De Bangkok à Caracas, de Madrid à Moscou, pas une
semaine ne s'achève sans qu'une foule massive prenne le contrôle d'un espace public dans l'une des
plus grandes villes du monde. Les motifs des protestations concernent des causes diverses : transports
publics trop coûteux, mauvaise politique de l'éducation, destruction d'un espace vert, abus policiers...
Les photos aériennes des marches anti-gouvernementales présentent régulièrement une foule
intimidante réclamant le changement avec fureur. Mais, il est surprenant que ces mouvements
n'aboutissent qu'à si peu. La fervente énergie politique mobilisée par les foules est extrêmement
disproportionnée par rapport aux résultats de ces manifestations. Metis reprend, en le traduisant, un
article publié par le site américain The Atlantic.
Certaines exceptions notables sortent du lot : En Egypte, en Tunisie, et en Ukraine, les protestations de rue ont
grandement contribué au renversement du gouvernement. Néanmoins, la majorité de ces mobilisations massives
échoue à créer des changements significatifs en politique ou en politiques publiques. Occupy Wall Street en est un
bon exemple. Né à l'été 2011, pas à Wall Street mais à Kuala Lumpur, le mouvement Occupy a vite pris de
l'ampleur, et était déjà présent dans les places centrales de près de 2600 villes dans le monde. Le problème se
situe à l'après-marche.
Les groupes participants n'avaient ni affiliation formelle l'un avec l'autre, ni hiérarchie claire, ni leader désigné.
Mais les réseaux sociaux ont permis au mouvement de répliquer les méthodes de camping, de protestation, de
levée de fonds, et de communication avec les médias, si bien que l'on retrouvait ces méthodes d'une place à une
autre. On scandait le même message partout : il est inacceptable que la richesse mondiale soit concentrée entre
les mains d'une élite d'un pourcent de la population, tandis que les 99 autres se démènent tant bien que mal.
Un tel mouvement, massif, et d'apparence très organisé, aurait du avoir plus d'impact. Mais non. Dans les faits,
les réponses du gouvernement consistent plus en une rhétorique apaisante qu'en des réformes politiques
majeures. La réaction du Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan aux manifestations en Turquie fut agressive,
puisqu'il accusait l'opposition et les protestataires de comploter une conspiration contre lui. Il a donc essayé de
bloquer Twitter et Youtube. Un mois avant, Erdogan remportait une grande victoire aux élections locales (mais il a
depuis connu des déceptions aux élections nationales, NDLR).
Pourquoi? Comment autant de personnes motivées peuvent-elles réaliser si peu ? Une réponse se trouverait dans
les résultats d'une expérimentation conduite par Anders ColdingJorgensen de l'Université de Copenhague. En
2009, il a crée un groupe Facebook pour protester contre la démolition d'une fontaine historique, StorkFountain.
10 000 personnes ont rejoint le groupe la première semaine ; après deux semaines, le groupe comptait 27 000
membres. En fait, il n'y avait jamais eu de plan de démolition de la fontaine. Jorgensen voulait simplement
montrer à quel point il était facile de constituer un groupe majeur en utilisant un réseau social.
Dans le monde d'aujourd'hui, protester sur Twitter, Facebook, ou autres, attire sans aucun doute une foule
importante, spécialement si c'est pour manifester contre quelque chose qui porte atteinte à des personnes, des
lieux, ou des objets. Le problème se situe à l'après-marche. Il arrive que ces mobilisations aboutissent à des
confrontations violentes avec la police, mais, plus fréquemment, il ne se passe rien. Derrière les massives
protestations de rue, il n'y a que très rarement une organisation permanente capable de pérenniser le mouvement
pour permettre le changement. C'est ce qu'a relevé Zeynep Yufekci, membre du Center for Information
Technology Policy à Princeton University : « Avant Internet, le travail technique d'organisation de ce qui a trait à la
mobilisation aidait à construire une infrastructure pour la prise de décision, et à élaborer des stratégies pour
maintenir le mouvement. Aujourd'hui, les mouvements se constituent de manière autonome, souvent à leur
détriment. »
Il y a une ingénierie politique puissante dans les rues de nombreuses villes mondiales. Cette ingénierie est en
mouvement et produit une énergie politique tout aussi puissante. Mais, elle n'est pas connectée à d'autres engins,
ce qui ne permet pas au mouvement de prendre vie. Le mouvement nécessite une organisation capable de
transformer ces mobilisations en force de changement au niveau politique. Ainsi, il y a un besoin en réformes